Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il existe des distinctions entre ces amendements ; elles sont vénielles, mais il faut les faire. Ainsi, dans son amendement n° 21 rectifié, M. Benarroche demande qu’un garant soit désigné, pour cette consultation, par la Commission nationale du débat public : il me semble que ce serait entrer dans une procédure quelque peu complexe.

M. Leconte souhaite pour sa part, dans l’amendement n° 9, imposer une suite à ces consultations dans les débats parlementaires. Je rappellerai seulement que le Conseil constitutionnel ne semble pas tout à fait approuver la possibilité d’imposer la tenue de débats parlementaires, ce qui ne respecterait pas les modalités de fixation de l’ordre du jour des assemblées ; on peut donc s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition.

Quant à la proposition de M. Benarroche, à l’amendement n° 21 rectifié, que soixante députés ou soixante sénateurs puissent demander l’organisation d’une convention citoyenne, nos débats d’hier ont déjà abordé ce point.

Cependant, sur le fond, tous ces amendements expriment la même volonté : que l’on puisse procéder au tirage au sort d’un certain nombre de citoyens afin de les associer aux travaux du CESE.

J’ai déjà eu l’occasion, dans la discussion générale, d’expliquer pourquoi il me semble que le tirage au sort n’est pas une modalité démocratique. J’entends bien que l’on doit associer les citoyens ; je retiens les propos de M. Mohamed Soilihi sur la Constitution. On doit associer tous les citoyens au processus législatif, mais « tous les citoyens », cela ne signifie pas « quelques citoyens ». Que représenteraient ces quelques citoyens tirés au sort ? En réponse, je reprendrai les propos d’un membre du CESE, représentant syndical, que nous avons auditionné : « Finalement, nous disait-il, ils ne représentent qu’eux-mêmes. » C’est tout à fait la réalité : ils ne représentent qu’eux-mêmes !

La démocratie, en France, s’exprime de manière différente. D’une part, elle permet à tous de s’exprimer dans le cadre d’un référendum. Chacun prend alors la parole à la même hauteur ; ce ne sont pas quelques-uns qui entendent prendre des décisions pour tous. D’autre part, la démocratie représentative permet à des citoyens d’être choisis par d’autres pour prendre des décisions et exercer un pouvoir dont ils doivent répondre. La responsabilité est indissociable du pouvoir ! Or tel n’est pas le cas dans le modèle de la convention citoyenne.

Je veux à ce propos vous citer un article paru hier dans la presse, intitulé : « Climat : cinq minutes pour comprendre la brouille entre Macron et la Convention citoyenne ».

Vous avez déclaré, monsieur le garde des sceaux, que tout s’était parfaitement passé. Je ne tiens pas pour vérité révélée ce qui s’écrit dans la presse, mais cet article explique que certains membres de la Convention citoyenne pour le climat s’émeuvent assez fortement de ce que le Président de la République ne reprenne pas, en fin de compte, les propositions qu’elle avait faites, alors qu’il s’était engagé à les soumettre au Parlement.

M. François Bonhomme. Et voilà ! On y arrive !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le Parlement devait être saisi de ces propositions, à l’exception de trois d’entre elles, qui avaient été exclues d’emblée, mais il semblerait que la liste des exceptions s’allonge toujours plus. Je n’en suis pas tout à fait étonnée. Ces citoyens, qui avaient été faussement tirés au sort – rappelons qu’ils ont notamment été sélectionnés sur la base du volontariat – sont mécontents et demandent des comptes au Président de la République. Nous nous retrouvons donc dans cette situation totalement aberrante en démocratie : ceux qui exercent un pouvoir demandent aux autres de prendre des responsabilités, alors que les deux devraient aller ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est pourquoi, mes chers collègues, je n’imagine pas que le Sénat, l’assemblée que nous formons, inscrive dans un projet de loi organique, dont l’une des caractéristiques est qu’il découle directement de la Constitution, la convention citoyenne et le tirage au sort, qui ne constituent pas une négation de la participation de la population, mais bien, à mes yeux, une négation de la démocratie telle qu’elle existe en France, où les élus sont responsables de ce qu’ils font.

C’est pourquoi, à l’évidence, la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je sais que l’œil ne se regarde pas voir. Pour autant, je pense que l’amendement du Gouvernement doit être retenu et les autres, en conséquence, écartés.

En réalité, les différents amendements ont un objet commun : rétablir la possibilité d’associer les citoyens tirés au sort aux travaux du CESE. Les dispositifs proposés ont des dimensions différentes ; certains imposent des obligations excessives, alors que le CESE doit demeurer une instance consultative.

C’est pourquoi le Gouvernement a déposé l’amendement n° 36, qui lui semble équilibré. Je vous propose donc de l’adopter ; l’avis du Gouvernement sur tous les autres amendements est par conséquent défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je n’ai jamais été membre du RPR, de l’UMP, ou des Républicains, mais je suis membre du parti socialiste et je sais que si, dans une section de ce parti, quelqu’un me demandait quelque chose et que je lui répondais : « Tu ne représentes que toi-même, mais moi, je suis élu », ce serait couper le débat ! Quand même, le débat politique implique d’écouter tout le monde ! On enrichit notre action en écoutant ceux qui veulent participer au débat, en écoutant tous les jours l’ensemble des citoyens. C’est le rôle des partis politiques et des élus que de mener ce combat partout.

Nous voyons les difficultés actuelles. L’objet de ces amendements n’est pas de déléguer la moindre parcelle de pouvoir ou de décision, mais d’organiser des consultations. Ainsi, on permet à ceux qui ont reçu délégation des citoyens par l’élection de prendre de meilleures décisions, le plus adéquatement possible. C’est ni plus ni moins qu’un outil de décision pour nous ! Voulons-nous écarter cet outil, alors que la technologie permet aujourd’hui de l’employer mieux qu’auparavant ?

Je crois aussi qu’il existe un risque : si nous n’organisons pas cette consultation au sein du CESE, chambre où se confrontent les intérêts parfois contradictoires qui existent dans notre pays, alors nous rencontrerons un problème, parce que cette consultation peut être organisée directement par l’exécutif hors de tout contrôle. Intégrer les consultations citoyennes au fonctionnement des institutions par une loi organique est la meilleure garantie qu’elles ne seront pas manipulées. C’est pourquoi nous considérons utile de le faire sous cette forme.

Enfin, madame la rapporteure, pour répondre à votre remarque sur l’ordre du jour des assemblées, il ne vous aura pas échappé que nous proposons seulement d’inscrire ce débat à l’ordre du jour de la chambre qui aura sollicité la consultation citoyenne en question.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. On n’imposerait donc pas grand-chose à l’ordre du jour du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends l’argumentaire de Mme la rapporteure, ou la rapportrice – j’ai bien vérifié, ce mot est tout à fait français, il désigne la personne de sexe féminin qui émet un rapport.

Il n’est pas ici question de décisions politiques : ces amendements ne visent pas à changer le mécanisme décisionnel fondé sur la démocratie représentative. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous trouve parfois bien timides au regard du faible poids de notre Parlement dans les institutions françaises ! Mais c’est un autre sujet.

En quoi la démocratie participative renforce-t-elle la démocratie représentative ? Voilà la question centrale. Quelles formes peut-elle prendre ? Longtemps, j’ai hésité sur le tirage au sort. Héritière de l’élitisme républicain, où le citoyen doit être formé, j’avais tendance à douter de ce mécanisme. Alors, qu’est-ce qui m’a convaincu ?

Je me suis posé la question suivante : en dehors du tirage au sort, qu’est-ce qui légitime qu’on choisisse certains citoyens plutôt que d’autres ? La représentation du peuple et celle des territoires sont déjà assurées par nos deux assemblées. La représentation de la société civile organisée est déjà confiée au CESE. Le tirage au sort serait donc un apport nouveau et complémentaire.

Il est nécessaire, parce que, dans toutes les démocraties développées, on observe une crise entre l’idée que le peuple se fait de sa réalité et les corps intermédiaires qui le représentent. D’ailleurs, je me souviens avoir entendu certains d’entre vous, comme M. Sarkozy et, plus récemment, M. Macron, mettre en doute la représentativité des corps intermédiaires. Nous ne sommes pas de ceux-là ; nous pensons qu’il est nécessaire d’organiser une respiration entre ces structures et d’autres formes d’expression du peuple.

Or une convention citoyenne tirée au sort n’est pas la juxtaposition d’individus isolés, mais la collaboration de ces individus, qui confrontent publiquement leurs points de vue pour mieux expliciter les enjeux ; ils font eux-mêmes, entre eux, des arbitrages qui ne sont en aucun cas des décisions publiques, mais expliquent une étape qui se construit autour de propositions.

Le Président de la République est embarrassé, mais quel besoin avait-il de dire qu’il allait reprendre toutes ces propositions ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) N’importe quel autre président, pour peu qu’il ait un minimum de sagesse, aurait expliqué…

Mme la présidente. Il faudrait conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je préfère la démocratie citoyenne à la tyrannie des sondages, sur lesquels vous avez tous les yeux rivés pour un certain nombre d’arbitrages ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Dans la Grèce antique, c’était très souvent par tirage au sort que l’on gérait les cités. Ensuite, on a franchi une étape démocratique décisive : on a considéré nécessaire de passer au vote et de se doter de représentants élus. J’entends bien les arguments de Mme Lienemann et de M. Leconte et je partage une partie de leur propos : il y a une crise de la démocratie représentative – personne ne le nie – ; à vrai dire, il y a une crise de la démocratie tout court.

Le CESE était jusqu’à présent le représentant des forces vives de la Nation – syndicats, organisations associatives – ; il devait justement constituer, par rapport au Parlement, la respiration évoquée par Mme Lienemann. À présent, il commence à dire – ou plutôt on le dit ici pour lui – que cela ne suffit pas : il faudrait une troisième respiration, après celle des élus et celle des représentants des syndicats et des forces vives ; il faudrait maintenant y ajouter celle des citoyens.

Le vrai souci, dès lors, est le suivant : comment associer les citoyens ? Mme le rapporteur nous explique ce qu’on lit d’ailleurs partout : évidemment, l’assemblée que l’on aura tirée au sort se croira investie d’une légitimité. Voilà le vrai sujet ! Le souci n’est pas la consultation elle-même : dans nos villes, nous avons tous mis en place des conseils économiques, ou encore des comités de quartier ; nous essayons tous de consulter le plus possible, parce qu’on sait bien qu’une élection tous les six ans, dans le cas des communes, ne suffit pas. Il faut trouver le juste milieu, et ce n’est pas forcément de tirer au sort des gens qui, comme l’a très justement dit Mme le rapporteur, ne représentent au fond qu’eux-mêmes, mais se croient investis d’une légitimité qui leur permet ensuite d’interpeller le Président de la République lui-même – peut-être a-t-il eu tort…

Je considère pour ma part que les syndicats et les partis politiques représentés dans le système actuel devraient s’ouvrir et consulter davantage les citoyens. En 2008, lors de la révision constitutionnelle, je me suis opposé au souhait de l’exécutif de réduire les pouvoirs du Conseil économique et social, parce que j’estimais qu’il apportait une respiration nécessaire.

Cela dit, il faut à un moment arrêter de remettre en cause tout ce qui fonctionne : la démocratie représentative, les syndicats, les forces vives… J’estime qu’il faut davantage consulter les citoyens, mais je partage totalement l’avis de Mme le rapporteur : on ne peut pas constamment remettre en cause ce qui fonctionne, mais si cela fonctionne encore trop mal.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. La participation des citoyens aux décisions qui incombent à leurs représentants est une exigence démocratique de notre temps. On n’a d’ailleurs pas attendu le concept du tirage au sort pour y penser, depuis la plus petite commune de France jusqu’au Parlement : je pense notamment au droit de pétition.

Mais cela ne légitime en aucun cas les expérimentations les plus hasardeuses du point de vue de la démocratie. Vous parlez, monsieur le ministre, de succès démocratique ; je parle, quant à moi, d’imposture démocratique, et je pèse mes mots ! Je veux m’en expliquer.

Premièrement, la notion même de « convention citoyenne » renvoie à une logique qui n’a strictement rien de démocratique. Un petit nombre s’arroge le droit de parler au nom du peuple sans la moindre légitimité démocratique, puisque la seule légitimité démocratique vient du suffrage universel. Cette logique a été théorisée par Lénine dans LÉtat et la Révolution.

M. Philippe Bas. Deuxièmement, dans le tirage au sort auquel il a été procédé pour la Convention citoyenne pour le climat, il y a une prétention tout à fait fallacieuse à la représentativité, qu’elle soit géographique, socioprofessionnelle, ou par classe d’âge. Aucun échantillon de cent cinquante personnes ne peut être représentatif de toute une société ! D’ailleurs, si l’on faisait un sondage sur la base d’un tel échantillon, la Commission des sondages le disqualifierait immédiatement et ce serait un scandale public de le publier.

Troisièmement, l’autorécusation de centaines de personnes tirées au sort introduit dans la composition de cette prétendue convention citoyenne des biais considérables, qui empêchent de la considérer comme représentative : c’est une supercherie !

Enfin, le choix des personnes qualifiées censées éclairer ces individus constitue un autre biais tout à fait manipulateur. Pire, les pouvoirs que le Président de la République leur a conférés par ses propos – la parole d’un Président, c’est de l’action ! – sont une négation des responsabilités du Parlement, qui seul a des comptes à rendre, comme nous l’a justement expliqué Mme le rapporteur, en rappelant le principe de responsabilité devant les Français qui caractérise notre relation avec nos concitoyens. Il y a là une absence totale de responsabilité qui achève de rendre caduque l’utopie du tirage au sort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Bien entendu, nous voterons en faveur de tous ces amendements visant à réintroduire le tirage au sort dans ce texte, que ce soit en rétablissant sa rédaction initiale ou suivant certaines variations.

Quant au débat de fond, je rappellerai tout d’abord qu’une utopie est quelque chose qui n’est pas réalisé aujourd’hui, mais qui est réalisable. Nous avons vécu d’utopies et nous en vivons encore. Souvenons-nous du livre de René Dumont, Lutopie ou la mort, dont certaines des prédictions se réalisent petit à petit. Je me permettrai donc d’affirmer que tout ce qui est utopique n’est pas forcément mauvais.

Si les processus mis en place par notre Constitution, qui évoluent avec le temps, nous paraissaient aujourd’hui suffisants et satisfaisants, s’ils nous paraissaient répondre aux attentes citoyennes dans toutes nos communes – dans la mienne, qui n’a que 6 000 habitants, cela fait des années que nous avons mis en place des mécanismes de participation citoyenne –, si les modes de participation créés jusqu’à présent étaient satisfaisants, nous n’aurions pas ce débat aujourd’hui : nous l’avons, parce que nous savons qu’il est nécessaire de redonner à notre démocratie la possibilité de se légitimer par la participation citoyenne, par la mise en œuvre d’outils permettant aux citoyens de s’y reconnaître et de s’y impliquer. Nous savons très bien que la force principale est celle de l’engagement : il nous faut poursuivre l’engagement citoyen comme un objectif nécessaire à la vitalité de notre démocratie. Voilà pourquoi nous défendons ces amendements.

Concernant le recours à la CNDP, il s’agit simplement d’établir un lien entre le CESE et cette commission, qui pourrait constituer, dans le cadre d’un travail commun avec le CESE, un garant de la représentativité de ce panel de personnes tirées au sort. (M. Joël Labbé applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Je voudrais rebondir sur un propos de M. Karoutchi, qui nous demande pourquoi l’on s’en prend toujours à ce qui fonctionne. Trouvez-vous donc que ça fonctionne, mon cher collègue, entre les votes extrêmes, l’abstentionnisme qui croît depuis des décennies, une génération qui, quand on l’interroge sur la démocratie, considère que le vote n’est pas la meilleure modalité de représentation des gens, et des problèmes collectifs qui se règlent non dans les urnes, mais sur les ronds-points ? Ça ne fonctionne pas, ou ça fonctionne mal, ou ça ne fonctionne plus !

Bien au-delà des questions relatives au CESE, nous nous interrogeons ici sur la meilleure façon de faire vivre une société ensemble, de faire vivre la démocratie. Ce n’est ni grotesque ni complètement hasardeux ! Au contraire, on est au cœur de ce que la société attend de nous.

Mme le rapporteur parlait de pouvoir. Mais il ne s’agit pas ici de pouvoir : donner son avis, ce n’est pas décider. Nous proposons de consulter, d’ouvrir des espaces de respiration, de créer des soupapes démocratiques, des espaces nouveaux où l’on pourrait dialoguer les uns avec les autres.

Donner autant de poids au tirage au sort que vous le faites, manifester autant de crispation, c’est donner raison – cela m’ennuie beaucoup – à ceux qui disaient naguère que l’ancien monde allait laisser place au nouveau : en l’occurrence, on est vraiment dans l’ancien monde. On se crispe, on a peur, mais que craint-on ? La mise en œuvre d’un tirage au sort au CESE remettrait-elle en cause la place du Parlement ? Enfin, ce n’est pas sérieux ! C’est à la fois marginal et contrôlé.

Surtout, si ce n’est pas nous qui le mettons en place, dans des conditions d’organisation satisfaisantes, cela continuera de se faire ailleurs, selon des modalités moins satisfaisantes, à la main de l’exécutif, ou par le biais des sondages, comme le dénonçait Marie-Noëlle Lienemann.

L’expression démocratique a le mérite d’être plurielle. Nous proposons simplement de nouvelles modalités. Certes, elles ne sont pas toujours satisfaisantes. Certes, on tâtonne. Certes, le Président de la République s’est montré imprudent sur certains aspects de la Convention citoyenne pour le climat. Pour autant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais laisser exister ces espaces de respiration : la société en a besoin, la démocratie en a besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Nous devons reconnaître avec humilité que notre démocratie représentative est actuellement en crise. Le débat que nous avons est vieux comme la démocratie. Roger Karoutchi citait la Grèce antique, mais on a aussi débattu, lors de la réunion de l’Assemblée constituante de 1789, du choix entre deux voies : l’Assemblée nationale doit-elle être un modèle réduit, une carte miniature, de la communauté nationale, dans la diversité et la richesse de ses territoires, ou bien doit-elle être l’expression d’une démocratie d’opinion, une démocratie élective dans laquelle les élus représentent des idées plutôt qu’eux-mêmes ? Ce débat n’est toujours pas purgé.

À ce titre, je voudrais reprendre l’exemple de la Convention citoyenne pour le climat. Elle a constitué un exemple qui va permettre d’apaiser notre démocratie.

M. François Bonhomme. Ça, c’est sûr ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Michel Houllegatte. Sa réussite repose sur deux éléments.

En premier lieu, il ne s’agissait même plus d’une démocratie représentative, mais d’une démocratie « implicative » : certains des membres de cette convention ont changé d’opinion. En effet, la réussite de la Convention citoyenne avait pour condition l’alimentation du débat par de l’expertise : on arrive avec sa propre opinion, mais on accepte d’en changer, parce qu’on aura été éclairé sur certains points.

En second lieu, point qui me paraît extrêmement intéressant, ce qui primait était la recherche du consensus. Il ne s’agissait pas d’un affrontement idéologique, mais d’une recherche du bien commun. Je crois que cette convention citoyenne a démontré qu’il existait une capacité à faire bouger les lignes et à trouver un consensus.

Alors, comme l’a parfaitement exprimé Marie-Noëlle Lienemann, le Président de la République a commis une erreur : plutôt que de cantonner, pour ainsi dire, la Convention citoyenne dans son rôle consultatif, il lui a quasiment conféré un rôle législatif en affirmant que tout ce qu’elle proposerait serait repris et traduit dans la loi.

Il ne faut pas négliger la crise actuelle de la représentation : nos concitoyens ont besoin d’être consultés, dans la concertation, et d’être impliqués dans la vie démocratique. C’est d’ailleurs ce que nous faisons dans nos conseils de quartier : on consulte aujourd’hui ceux qui sont volontaires – on pourrait peut-être les tirer au sort – pour faire avancer nos collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je voudrais rebondir sur les propos de M. Durain : nous mettrions en cause le tirage au sort comme processus de consultation parce que nous aurions peur ! Il ne s’agit pas de peur, mais simplement de noter que la méprise initiale est très forte : sous couvert de revitaliser – on nous répète ce terme à loisir – et de compléter utilement la démocratie représentative, on délégitime cette dernière, malgré toutes les dénégations !

Le tirage au sort connaît, d’abord, des limites méthodologiques : quand on voit comment a été composée la Convention citoyenne, on peut avoir les plus grandes réserves. Surtout, il y a une méprise initiale sur le sens donné à l’expression « issue de personnes tirées au sort ». Ces personnes n’ont ni plus ni moins de légitimité que les autres. Nous sommes dans une démocratie représentative où la source de la légitimité est dans l’élection : c’est une légitimité fondamentalement différente de celle qui n’est issue que du hasard ! Il est tout de même incroyable que l’on finisse par oublier ce principe de base !

Quant à la notion même de « représentation », j’ai entendu s’exprimer ici, de manière plus ou moins consciente, une conception marxiste de la représentation. Le Parlement n’est pas un lieu où se reflète un rapport de force entre les différents intérêts sociaux : c’est une conception très datée, si je puis dire.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit du CESE !

M. François Bonhomme. Pour ma part, madame Lienemann, j’ai une conception universaliste du Parlement – vous aussi, peut-être – : notre mandat n’est pas impératif et notre assemblée est un lieu de délibération. Comme M. Houllegatte le décrivait au sujet de la Convention citoyenne pour le climat, on peut arriver ici avec certaines opinions, une certaine vision des choses, puis adopter un point de vue différent à la faveur de la délibération. Voilà toute la vertu, toute la plus-value de la délibération ! Or cela n’est pas transposable au tirage au sort.

Je ne nie pas que la démocratie représentative soit malade. D’une certaine façon, elle est malade depuis qu’elle existe. Mais je trouve que de telles consultations par tirage au sort relèvent d’une pure martingale qui, plutôt que de renforcer la démocratie représentative, comme vous l’espérez, va plutôt finir par l’affaiblir et entretient une pure illusion auprès de nos concitoyens. Cette illusion nous mènera à une situation pire encore que celle à laquelle vous voulez aujourd’hui remédier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 et 47 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 demeure supprimé.

Article 4 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental
Article 6 (supprimé)

Article 5

L’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 précitée est ainsi modifiée :

1° (nouveau) À l’avant-dernier alinéa de l’article 2, les mots : « ou d’études » sont supprimés ;

2° L’article 6 est ainsi rédigé :

« Art. 6. – Les avis sont adoptés soit par l’assemblée, soit par les commissions permanentes ou temporaires. Les commissions sont saisies par le bureau du Conseil économique, social et environnemental.

« Le bureau peut, à son initiative ou à la demande du Gouvernement ou de l’assemblée parlementaire à l’origine de la consultation, décider le recours à une procédure simplifiée. Dans un délai de trois semaines, la commission compétente émet un projet d’avis, qui doit être approuvé par le bureau. Ce projet devient l’avis du Conseil économique, social et environnemental au terme d’un délai de trois jours à compter de son approbation par le bureau, sauf si le président ou au moins un tiers des membres du Conseil demandent, dans ce délai, qu’il soit examiné par l’assemblée plénière.

« Les avis sont transmis par le bureau du Conseil au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat. »