compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun de vous se montrera attentif au respect du temps de parole et, plus encore, au respect des uns et des autres.

lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, douze jours se sont écoulés depuis l’effroyable attentat terroriste qui a frappé un hussard de la République. Une fois encore, le peuple français a été touché dans sa chair. Nous ne devrons jamais oublier et nous devons réagir. Cette attaque d’une violence inouïe a frappé notre nation en plein cœur, en portant atteinte aux principes d’un universel que beaucoup nous envient, ceux de l’esprit critique et de la liberté d’expression. La laïcité à la française fait partie de ces valeurs républicaines qui ont forgé l’âme de notre nation et l’histoire de notre pays et que, précisément, les ennemis de la liberté veulent abattre.

En tant qu’élus de la République, nous avons partagé, lors de l’hommage rendu à la Sorbonne, un moment d’intense recueillement, comme beaucoup d’autres l’ont fait sur notre territoire. La stupeur et la solidarité ont dépassé les frontières nationales, et nombre de nos partenaires européens et internationaux ont manifesté leur soutien.

Mes chers collègues, la crise terroriste, sanitaire, économique et, plus récemment, diplomatique que nous traversons impose un devoir d’unité. Nous ne pourrons affronter ces quatre périls majeurs si nous continuons d’entretenir des divisions internes, vaines et dérisoires.

Dans ce contexte pesant, le peuple français doit adresser un message clair à ses dirigeants, celui d’une Nation unie, forte et fière de ses valeurs face à l’indescriptible, l’indicible, l’innommable. Nombreux sont ceux qui souhaitent installer le doute et la division dans nos esprits. C’est ensemble que nous ferons face à la menace terroriste. Encore une fois, l’histoire exige de nous que nous soyons à la hauteur de nos responsabilités. Le chef de l’État l’a dit : « Nous ne reculerons pas. »

Monsieur le Premier ministre, la lutte contre le terrorisme doit demeurer une priorité de notre action politique. Pouvez-vous nous préciser comment le Gouvernement entend amplifier son effort pour préserver notre modèle républicain et lutter contre les séparatismes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, vous avez parfaitement raison, cet attentat terroriste ne visait pas seulement une personne admirable, le professeur Paty, qui a été lâchement assassiné ; il visait aussi la République et ses valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. On connaît la main de cet acte odieux : c’est l’islamisme politique, l’islamisme radical, qui n’en est pas à son premier forfait.

Vous avez encore raison quand vous dites que l’unité de la Nation tout entière est la première des réponses à apporter. En effet, les ennemis de la République ont pour principal objectif de nous diviser, de faire prospérer tous les amalgames, de déchaîner la haine pour embrigader, asservir et finalement assassiner.

On connaît leurs méthodes : faire le procès de la France, faire le procès de son histoire, comme si elle avait à en rougir, et de ses principes fondateurs, qui sont à l’opposé des leurs. Voilà pourquoi nous sommes leur cible. Il faut que ce soit dit et répété ici et partout dans le monde : en France, on peut publier des caricatures librement !

On connaît aussi leurs leviers et leur mode opératoire : des lieux de culte détournés, des associations paravents et des réseaux sociaux proactifs. Comme les lâches, ils agissent dans l’ombre. Qu’ils sachent qu’ils trouveront toujours la République en travers de leur chemin !

Le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, et les ministres concernés sont à l’action et à la manœuvre. Ils n’ont jamais cessé de l’être. Ils sont dans l’action quotidienne. Encore ce jour, sur la proposition du ministre de l’intérieur, le conseil des ministres a prononcé la dissolution de l’une de ces associations.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean Castex, Premier ministre. La semaine dernière, une mosquée radicale a été fermée.

M. Christian Cambon. Qu’elle le reste !

M. Jean Castex, Premier ministre. Depuis 2018, 356 lieux de radicalisation ont également été interdits.

J’ai décidé de renforcer les effectifs de renseignement, en créant cent postes dédiés à la surveillance des réseaux sociaux. Depuis le début du quinquennat, 1 250 postes supplémentaires ont été affectés à la DGSI.

Vendredi dernier, je me suis rendu à Bruxelles afin de défendre auprès de la présidente de la Commission européenne et du commissaire Breton l’importance des deux règlements européens visant à lutter contre l’apologie du terrorisme en ligne et à prohiber les réseaux publiant des contenus haineux. Ces textes devraient aboutir très prochainement.

Enfin, vous le savez, nous travaillons d’arrache-pied au projet de loi de lutte contre le séparatisme, que le Président de la République avait annoncé dès avant que l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine soit commis. Je ne doute pas que le Sénat apportera des compléments très utiles à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

gestion de la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Nous faisons face à la seconde vague de l’épidémie, tout comme beaucoup d’autres pays de l’hémisphère nord. Comme au printemps, la qualité de notre réponse déterminera le nombre de vies sauvées et le nombre de vies perdues.

La première vague a révélé les forces et les faiblesses de notre pays. Certains sont allés jusqu’à évoquer une « crise organisationnelle » face aux sérieux problèmes qui ont été mis au jour, et les failles dans les processus de décision ne sont pas moins lourdes. Le constat est partagé même parmi les experts missionnés par le chef de l’État.

Par conséquent, monsieur le ministre, quelles décisions avez-vous prises, quels actes avez-vous posés pour mieux nous préparer à cette seconde vague ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jomier, vous avez raison, la seconde vague frappe l’Europe. Elle frappe indistinctement l’ensemble des pays qui nous entourent, y compris ceux où le redémarrage de l’épidémie a été plus tardif qu’en France. En Italie, le nombre de diagnostics positifs a été multiplié par dix en moins de trois semaines. En Allemagne, la proportion de malades augmente de 100 % chaque semaine. La Suisse, dont on vantait à juste titre les capacités de contact tracing et de tests, est désormais débordée et enregistre des délais analogues à ceux que nous avons pu connaître il y a quelques semaines dans notre pays.

Face à cela, on pourrait être tenté – mais ce n’est pas votre cas, puisque vous êtes aussi médecin – de pointer un dysfonctionnement dans l’appareil d’État. Mieux vaut choisir de réfléchir utilement aux moyens de freiner la diffusion du virus, collectivement, par l’action de tous et en solidarité, avant qu’il ne soit trop tard.

La diffusion du coronavirus se fait selon trois paramètres, dont deux que nous ne maîtrisons pas, à savoir la contagiosité, c’est-à-dire le risque de transmettre le virus, et le nombre de jours pendant lequel on reste contagieux. Le seul critère que nous pouvons maîtriser, vieux comme le monde, c’est le nombre de personnes avec qui l’on est en contact et que l’on pourrait contaminer. Voilà pourquoi nous prônons les gestes barrières, le lavage des mains et la distanciation sociale. C’est aussi pour cela que nous continuerons à prendre des mesures de restriction partout où c’est nécessaire sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est pathétique !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. Monsieur le ministre, je suis tout de même un peu inquiet quand je vous entends dire qu’il n’y a pas de dysfonctionnement de l’État : tous les rapports et tous les travaux menés font apparaître un problème d’organisation et des failles dans les processus de décision. L’existence d’une myriade d’agences sanitaires, qui sont mal coordonnées entre elles, ou la création de nouvelles instances par le chef de l’État, alors même que la crise est en cours, le montre.

Certes, tout le monde est responsable, mais certains le sont plus que d’autres. Il n’est pas digne de renvoyer aux Français la responsabilité de cette seconde vague, car elle relève d’abord de ceux qui n’ont pas su l’analyser et agir à temps. La stratégie « tester, tracer, isoler » est un échec, et les Français n’y sont pour rien.

Nous attendons, ce soir, l’annonce de nouvelles mesures restrictives. Elles seront le marqueur de l’échec de notre politique de santé publique. Ayons le courage de le reconnaître ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

numérique et covid-19

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Yves Roux. Le confinement et la nécessité de respecter les gestes barrières, pour vivre avec le virus, ont accéléré le développement de pratiques dématérialisées, dans tous les aspects essentiels de la vie quotidienne. Le sujet prend d’autant plus d’importance que nous attendons, ce soir, de nouvelles annonces du Président de la République.

Or, dans les faits, les ruraux sont très nombreux, et depuis longtemps, à ne pas avoir accès au plus élémentaire moyen de communication, à savoir le téléphone. Combien de personnes se retrouvent ainsi isolées, hors d’atteinte en cas d’urgence, leur ligne téléphonique définitivement en panne et sans aucun réseau mobile ?

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il n’y a plus de commercialisation de lignes téléphoniques fixes depuis novembre 2019 et que leur entretien minimal, dont le maintien avait pourtant été promis, a également été arrêté. Nos champions technologiques internationaux et leurs sous-traitants ne font plus que rafistoler des poteaux tombés, en les attachant aux arbres avec de la rubalise, quand ils ne débranchent pas le voisin pour raccorder un autre.

Vous allez me répondre, monsieur le secrétaire d’État, que la fibre ou toute autre possibilité de raccordement numérique sont prévues dans nos territoires d’ici à 2025, ce qui devrait tout résoudre. Mes chers collègues, accepteriez-vous de passer cinq ans dans cette situation, sans téléphone fonctionnel et sans débit suffisant, alors même que sévit une pandémie qui dure ?

En cas d’isolement des personnes positives à la covid, voire d’un reconfinement rapide, comment nos jeunes pourront-ils continuer d’étudier et nos concitoyens avoir recours au télétravail ? Ou bien encore, comment pourrons-nous télécharger l’application TousAntiCovid ?

Dans cette crise majeure que nous traversons, où la communication joue un rôle si important, nous voulons tous être des artisans du plan de relance et non plus « les malgré-nous du plan du silence ». Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, comment garantirez-vous aux Français de la ruralité qu’ils disposeront très rapidement d’un droit à la communication la plus élémentaire ? La 4G+ n’est-elle pas la solution technologique la plus adaptée dans la situation actuelle ? Nous ne pouvons plus attendre, et surtout pas attendre cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, votre question est l’occasion de rappeler que, au-delà des débats sur l’actualité des nouvelles technologies, la réduction de la fracture numérique reste la première priorité du Gouvernement. Quelques chiffres suffisent à rappeler l’ampleur de l’effort que nous avons fourni.

En ce qui concerne la téléphonie mobile, le précédent plan pour la réduction des zones blanches a permis d’allumer six cents pylônes dans ces zones, entre 2003 et 2018 ; grâce au New Deal mobile signé par le Gouvernement, l’Arcep et les opérateurs, deux mille pylônes seront allumés dans les deux années à venir, soit dix à douze mille pylônes en huit ans. Des équipes projets sont présentes dans tous les territoires et sont chargées d’un nombre de pylônes assigné chaque mois.

Mesdames, messieurs les sénateurs, laissez-moi vous rappeler que la prochaine « levée des copies » pour l’année 2021 interviendra dans les mois qui viennent. Par conséquent, je vous invite à nous indiquer les endroits où il est nécessaire d’installer des pylônes dans les deux ans à venir.

Le déploiement de la fibre – vous avez raison, monsieur le sénateur – est trop lent. Cependant, grâce à l’action conjointe des collectivités territoriales, de l’État et des opérateurs, la France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de kilomètres de fibre déployée, soit la moitié de la couverture en Europe.

Pour autant, il faut effectivement continuer à entretenir le réseau téléphonique. Nous faisons pression sur les opérateurs pour qu’ils s’y emploient, notamment sur l’opérateur historique, comme on l’a vu récemment dans le Gard.

Nous souhaitons que la fibre se déploie encore plus rapidement, afin que le droit à la connexion devienne un service universel. Le Premier ministre a annoncé que l’objectif était fixé à l’horizon de 2025.

Quant à la 5G, la France est le seul pays à avoir réservé un quart des pylônes destinés à la recevoir pour les zones rurales.

politique du gouvernement en matière de solidarités

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, la crise sanitaire vous occupe, mais c’est au ministre des solidarités que je souhaite m’adresser.

Un million de personnes sont en train de basculer dans la pauvreté. Elles viendront s’ajouter aux plus de neuf millions de Français vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Plus de huit cent mille de nos concitoyens risquent de perdre leur emploi d’ici à la fin de l’année. Les lois anti-travail successives ont flexibilisé et précarisé les emplois, de sorte que les travailleurs les moins qualifiés sont désormais touchés, ceux qui enchaînent les CDD et les postes intérimaires, ou bien encore les jeunes.

La protection sociale joue moins qu’hier son rôle d’amortisseur social contracyclique. Elle a été affaiblie par les réformes qui ont abaissé les droits, notamment celle de l’assurance chômage, dont nous demandons solennellement l’abrogation. Il est en effet encore plus indécent qu’auparavant de prétendre « qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi. »

Des milliards d’euros sont distribués aux entreprises, sans conditionnalité sociale et écologique, mais seulement quelques millions d’euros aux ménages en situation de pauvreté, alors que des mesures fiscales ont enrichi les 0,1 % des ménages les plus riches. La crise doit inciter le Gouvernement à remettre à son agenda la résorption du mal-logement et le plan de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont l’acte II n’est pas satisfaisant.

Pour le groupe écologiste du Sénat, les mesures sanitaires doivent impérativement être accompagnées de mesures sociales à la hauteur de l’urgence de la situation. Quelles mesures sociales d’urgence proposez-vous pour les ménages les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Poncet Monge, la crise a effectivement aggravé les inégalités sociales et elle a aussi alourdi la précarité de beaucoup de nos concitoyens. La situation est la même dans le monde entier. Cependant, je ne partage pas votre constat selon lequel la protection sociale ne jouerait plus son rôle d’amortisseur. En effet, notre pays peut se targuer d’avoir un système de sécurité sociale qui fonctionne de manière efficace. Il n’est qu’à se rappeler la crise bancaire et économique de 2008, qui a causé trois fois moins de nouveaux pauvres en France qu’en Allemagne : la protection sociale a joué son rôle, dans notre pays, même s’il a fallu augmenter les dépenses publiques.

Nous n’hésitons pas à faire de même dans la crise que nous traversons, comme le montrera l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son montant en matière de dépenses publiques est le plus élevé de toute l’histoire, car il va jusqu’à prendre en compte la rehausse des salaires de personnes qui ne gagnent pas très bien leur vie.

Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé non pas quelques millions, mais plus de 3 milliards d’euros en soutien aux plus précaires dans notre pays. Le Premier ministre a annoncé une aide exceptionnelle de solidarité, qui sera versée à plus de quatre millions de foyers en difficulté. Cette mesure s’ajoute à l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, ainsi qu’à une précédente aide exceptionnelle, allant jusqu’à plusieurs centaines d’euros par famille, qui avait été versée au cours des mois de mai et juin derniers pour faire face à la crise.

Le confinement a eu pour effet d’augmenter les dépenses. Il a réduit les sources d’appoint financier qu’étaient, par exemple, les « petits boulots ». La fermeture des cantines a également eu un coût.

Cependant, dans le cadre du plan de relance, que ce soit à l’échelle européenne ou française, nous avons investi massivement, et à des niveaux jamais atteints, pour faciliter l’accès des jeunes à l’emploi et à la formation professionnelle. La France a ainsi fait le choix de lutter contre la première cause de précarité, c’est-à-dire contre le chômage. En effet, comme vous le savez, l’emploi reste la voie essentielle pour sortir de la misère. Par conséquent, bien loin de nous l’idée de donner de l’argent aux entreprises ; quand nous aidons les jeunes à trouver un emploi, nous leur offrons une chance et un espoir d’éviter la pauvreté et la misère. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, je crois que le compte n’y est pas. Permettez-moi de vous faire quelques suggestions au nom du groupe écologiste.

Nous demandons l’augmentation et le versement automatique des minima sociaux pour lutter contre le non-recours ; l’extension du RSA aux jeunes entre 18 et 25 ans, car la paupérisation de la jeunesse oblitère l’avenir ; la réquisition de logements pour les sans-abri ; un appui financier et humain aux associations qui luttent contre la pauvreté. (Marques dimpatience sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous souhaitons aussi le retour des contrats aidés et la mise en place immédiate d’un chèque alimentaire (Nouvelles marques dimpatience sur des travées du groupe Les Républicains.), conformément aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat que vous avez décidé d’appliquer. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

vaccin contre la grippe et vaccin contre la covid-19

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Joël Guerriau. Ma question porte à la fois sur les vaccins antigrippaux que nous avons et sur les vaccins contre la covid que nous espérons.

Chaque année, la grippe saisonnière touche des millions de Français et entraîne des milliers d’admissions aux urgences. Le vaccin contre la grippe sauve des vies et limite les complications. Les mesures appliquées contre la covid-19 devraient ralentir la propagation de l’épidémie grippale. De façon plus certaine, il s’agit de limiter l’engorgement des hôpitaux et les erreurs de diagnostic liées à des symptômes similaires entre les deux virus. De plus, les risques de double infection semblent réels.

Dans ce contexte, les Français sont très largement invités à se vacciner contre la grippe. Il en résulte une demande globale en forte augmentation. Cette année, plus de quinze millions de personnes sont destinataires de prescriptions de vaccin.

Les commandes du ministère auraient été passées, en mars dernier, sur la base des chiffres de l’année précédente, augmentés de 30 %. Malgré cet effort, au-delà de la campagne de vaccination qui cible les personnes les plus vulnérables, allons-nous réellement pouvoir couvrir l’ensemble des demandes cette année ?

Enfin, à la lumière de cette expérience, comment anticiperez-vous le bon approvisionnement en France des vaccins contre la covid-19 lorsqu’ils seront disponibles sur le marché mondial ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Guerriau, le Gouvernement ne passe pas commande de vaccins antigrippaux ; il revient aux pharmacies d’officine de s’équiper.

Cette année, les pharmaciens sont autorisés à vacciner contre la grippe de manière plus importante que les années précédentes. Les commandes n’ont pas été passées en mars, mais au mois de décembre dernier, avant même l’épidémie. Une chance dans notre malheur, si je puis dire : les pharmaciens ont commandé un peu plus de doses que les années précédentes, car ils estimaient avoir à vacciner en plus large proportion qu’auparavant.

Par ailleurs, au printemps dernier, lorsque l’épidémie a commencé, nous avons fait le choix inédit de nous doter d’un stock d’État complémentaire de vaccins, à mettre à la disposition des officines et des hôpitaux, si jamais la situation l’exigeait.

Or, en cinq jours, l’équivalent d’un mois de doses de vaccin antigrippal a déjà été consommé, car il y a eu une véritable ruée sur les pharmacies. Parmi les acheteurs, on compte 82 % de personnes âgées de 65 ans et plus, et donc parfaitement dans la cible. Dans les 18 % qui restent, les soignants et les prestataires d’aide à domicile sont également dans la cible, tout comme les porteurs de comorbidités et de pathologies qui rendent la vaccination antigrippale nécessaire.

Un certain nombre de pharmaciens font face à des ruptures de stock, pour la plupart temporaires. Cette semaine, 1,3 million de doses supplémentaires ont été livrées pour réapprovisionner les pharmacies, qui devraient aussi recevoir bientôt leur commande habituelle, soit 3 millions de doses supplémentaires. Enfin, l’État se pourvoira en vaccins tout au long du mois de novembre et jusqu’au début du mois de décembre prochain pour pallier d’éventuels manques.

Monsieur le sénateur, il n’y a pas d’urgence (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.), puisque la grippe ne démarre pas avant Noël et que son arrivée a même été retardée dans l’hémisphère Sud. En outre, une vaccination doit être faite au bon moment.

Ma crainte n’est pas que nous manquions de vaccins, mais que ceux qui sont vulnérables ne soient pas assez nombreux à aller se faire vacciner. L’année dernière, parmi les personnes du public cible, 48 % se sont fait vacciner. Or l’OMS recommande un taux de 75 %. Je souhaite ardemment que les publics vulnérables, les fragiles, les médecins, les soignants, les acteurs d’aide à domicile se fassent vacciner. Il y va de la protection des Français. Quant à l’accès aux vaccins, vous pouvez compter sur le réseau des pharmaciens pour l’assurer. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. La difficulté reste d’y voir clair dans les chiffres. J’ai cherché longtemps, mais je n’ai trouvé aucun résultat certain. Il semblerait que treize millions de vaccins aient été commandés, ou peut-être tout au plus dix-sept millions, si l’on considère un taux d’augmentation de 30 %. La population française des plus de 65 ans représente treize millions d’individus. Entre 60 et 65 ans, il faut en ajouter quatre millions, soit 17 millions de personnes de plus de 60 ans, ce qui laisse à craindre un manque de vaccins, ou du moins une forte tension, comme celle que connaissent déjà les pharmacies, dans l’incapacité de répondre aux besoins des personnes qui se présentent.

Ma question portait également sur les leçons à tirer de cette expérience pour un vaccin à venir contre la covid-19. Il me paraît important de pouvoir anticiper une situation qui ne manquera pas d’être compliquée.

gestion de la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

La situation épidémique de notre pays est inquiétante. L’augmentation de la circulation du virus est désormais exponentielle. Nous sommes dans la deuxième vague, et nous nous apprêtons à vivre, malheureusement, le remake de la précédente.

La première vague a été celle de l’improvisation : ni masque, ni gel hydroalcoolique, ni blouses ; pénurie de médicaments, injonctions à répétition du Gouvernement, dans un sens puis dans l’autre ; d’inutile, le port du masque est devenu obligatoire sous peine de sanctions ; les faux pas et le pilotage à vue des pouvoirs publics se sont succédé. Aux discours contradictoires de l’exécutif, se sont malheureusement ajoutés ceux, tout aussi contradictoires, des scientifiques, éblouis pour certains par les feux de la rampe.

La seconde vague est celle de l’impréparation. Elle avait pourtant été annoncée, dès le mois de juillet, par le Conseil scientifique. Le professeur Jean-François Delfraissy avait plusieurs fois lancé des mises en garde. Il dit lui-même ne pas avoir été écouté.

Par ailleurs, nous apprenons par la presse que le général Lizurey, missionné par le Premier ministre en avril dernier, a proposé vingt et une solutions pour mieux gérer la crise sanitaire. Le minimum aurait été d’en informer le Parlement ou, au moins, la commission d’enquête, ce qui n’a pas été le cas.

Le répit laissé par le virus, cet été, aurait dû être mis à profit pour mieux nous préparer. Il n’en a rien été. On a laissé les Français se faire tester en masse, pour faire du chiffre, sans stratégie, ce qui a embolisé le système avec des résultats qui mettaient parfois plus d’une semaine à arriver. Si l’on a beaucoup parlé des brigades sanitaires, peu les ont vues.

Pourquoi ne pas avoir mis à profit ce mois d’été pour préparer l’ouverture de lits de réanimation supplémentaires ? Vous en avez annoncé 12 000 le 27 août dernier ; il n’y en a que 5 700, dont 5 000 sont opérationnels.

Pourquoi ne pas avoir, cet été, formé…