compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

Mme Martine Filleul.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

position de la france dans les négociations sur la protection des civils dans les conflits armés

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1271, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, je voulais appeler votre attention sur la protection des civils dans les conflits armés. Aujourd’hui, lorsque des armes explosives sont utilisées lors de conflits dans des zones peuplées, 90 % des victimes sont des civils. Les conséquences sont dramatiques pour les populations habitant dans des zones urbaines et périurbaines : concentration de morts et de blessés, déplacements forcés de populations, contaminations par des explosifs de guerre, destructions massives d’infrastructures vitales.

L’actualité tragique au Haut-Karabakh nous le rappelle de nouveau cruellement : l’usage massif d’armes explosives à large rayon d’impact – bombes aériennes, roquettes, obus, tirs d’artillerie, etc. – dans des zones peuplées tue et blesse actuellement, de manière indiscriminée et disproportionnée, femmes, enfants et civils vulnérables, tout en endommageant des infrastructures civiles pourtant vitales telles que des hôpitaux et des écoles.

C’est pourquoi le secrétaire général de l’ONU et le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont demandé qu’il soit mis fin à l’utilisation de telles armes dans des zones peuplées. À la suite de la conférence de Vienne sur la protection des civils dans la guerre urbaine, qui s’est déroulée en octobre 2019, la majorité des 133 États présents ont annoncé leur volonté de travailler ensemble à l’élaboration d’une déclaration politique visant à mettre fin aux souffrances humaines causées par l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.

Si la France s’est engagée de façon active dans les discussions à Genève, elle n’a cependant toujours pas donné à ce jour son accord pour éviter l’usage des armes explosives les plus destructrices à large rayon d’impact dans les zones peuplées, et ce malgré l’appel solennel du CICR et du secrétaire général de l’ONU.

Je me permets donc de vous demander, monsieur le secrétaire d’État, à quelle date la France donnera cet accord.

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de létranger et de la francophonie. Monsieur le questeur, le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations humanitaires concernant l’usage indiscriminé des armes explosives dans les zones habitées par certaines parties à des conflits armés.

Cet usage indiscriminé méconnaît très clairement les principes du droit international humanitaire, et c’est pourquoi la France s’est engagée activement dans les négociations de cette déclaration politique, qui s’inscrivent dans le cadre d’un processus diplomatique lancé à la fin de 2019 par un groupe d’États mené par l’Autriche et l’Irlande. Il est heureux que la communauté internationale puisse travailler sur un sujet à propos duquel des ONG comme Handicap International attirent l’attention depuis longtemps.

Il est important également d’inclure d’autres questions, comme l’utilisation par les acteurs non étatiques d’engins explosifs improvisés, et de prendre conscience que certains utilisent aussi parfois des tactiques de « boucliers humains » pour, hélas, exposer les civils en première ligne. Nous ne pouvons que condamner ce type de pratiques.

C’est pour répondre à ces préoccupations que la France s’est activement engagée dans ce processus. Nos contributions sont publiques et peuvent être retrouvées sur le site www.dfa.ie. Nous avons ainsi publié un long papier sur les mesures concrètes mises en œuvre par les forces armées pour concourir à un emploi maîtrisé de la force, et nous entendons bien continuer à être très actifs dans ce processus diplomatique.

L’usage des armes explosives en zone habitée est strictement encadré par le droit international humanitaire, qui prohibe les attaques dirigées contre les populations civiles. Il impose également d’opérer une distinction entre civils et combattants, de veiller constamment à épargner les civils et d’observer un principe de proportionnalité dans la conduite des hostilités.

Les travaux vont se poursuivre. La déclaration politique devra selon nous réaffirmer la pertinence de ces principes, qui, s’ils étaient universellement appliqués, permettraient clairement de réduire les souffrances civiles.

Les dates des futures sessions du processus ne sont malheureusement pas connues à ce jour, en raison du contexte sanitaire, mais soyez assuré, monsieur le questeur, que la France n’est pas bloquante. Au contraire, elle est allante et entend contribuer à ce processus diplomatique, dans l’esprit que je viens de décrire.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir rappelé l’engagement ferme de la France. J’espère que nous pourrons parvenir le plus vite possible à la signature d’un texte engageant tous les États qui ont pris cette initiative, et que la France aura à cœur de signer cet engagement, bien entendu.

coût de mise en œuvre du règlement général sur la protection des données pour les collectivités locales

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 729, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, je vous soumets une question qui a été déposée au mois d’avril 2019. J’attirais alors l’attention du Gouvernement sur les conséquences financières pour les collectivités territoriales de la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable depuis le 25 mai 2018.

Des cabinets spécialisés ont fait à l’époque des offres de service pour une mise en conformité et un suivi de la protection des données.

J’ai été saisie par de nombreux maires, très inquiets, notamment celui de la commune de Marzy, dans la Nièvre. Pour les plus petites communes, en particulier les 33 000 d’entre elles qui comptent moins de 3 500 habitants, la question du financement est une réalité très concrète, d’autant que leurs budgets sont déjà à l’étiage.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Madame la sénatrice, la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, qui adapte le règlement européen RGPD au corpus normatif national, est de portée générale, touchant tout à la fois l’ensemble des administrations et des entreprises. Les obligations qui en résultent s’appliquent à l’ensemble des compétences des collectivités territoriales, de sorte que celles-ci doivent garantir la protection et l’encadrement de l’accès aux données individuelles qu’elles traitent – données sociales, de santé, etc.

En ce sens, la loi précitée affecte bel et bien les compétences des collectivités, sans pour autant en modifier le périmètre, et sans en transformer ni la finalité ni la nature.

Dès lors, le législateur n’a pas procédé à l’extension de la compétence de ces collectivités, se contentant d’en aménager les modalités d’exercice. Par voie de conséquence, cette disposition n’ouvre pas droit à une compensation constitutionnellement due.

Pour autant, et comme vous le soulignez, bien que ces obligations n’ouvrent pas droit à compensation, un dispositif d’accompagnement ad hoc a été mis en place via la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Le législateur et le Gouvernement ont également donné aux collectivités les moyens juridiques de mutualiser l’exercice de cette mission.

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

L’accompagnement technique de la CNIL n’est pas une réponse financière et la mutualisation est loin d’être une réponse universelle. En additionnant deux pauvres, on ne fait pas un riche !

Il s’agit certes d’une question ancienne, mais le temps ne change rien à l’affaire. Quelqu’un s’est-il soucié du coût de ce dispositif ? Dans un rapport d’évaluation de juin 2020, la Commission européenne se félicite du principe de ce système vertueux, qui confère au citoyen des droits opposables supplémentaires. C’est tant mieux, en effet, mais elle ne dit pas un mot de son impact financier… D’après la CNIL, en novembre 2019, soit dix-huit mois après la mise en œuvre de cette mesure, 60 % des communes françaises n’avaient pas nommé de délégué à la protection des données. Sachant qu’un audit de trois à dix jours pourrait coûter en moyenne 4 000 euros, on comprend pourquoi !

À l’heure où je reçois des appels au secours de collectivités confrontées aux surcoûts de la crise du covid – je pense par exemple aux restes à charge des matériels de protection ou à l’hygiénisation des boues de stations d’épuration –, qui se soucie de l’addition ? Madame la secrétaire d’État, chaque année, les budgets des communes doivent supporter des dépenses supplémentaires. Le Gouvernement classe, ferme les yeux, et la note s’alourdit. La seule conséquence, c’est que les élus doivent rogner sur leurs indemnités. Le pire, c’est cette façon de ne pas voir, d’ignorer, de considérer que ça va passer… Cela ne passe plus, madame la secrétaire d’État, et je vous demande l’addition !

cristallisation des règles du fonds national de garantie individuelle des ressources

Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1269, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

M. Olivier Paccaud. Madame la secrétaire d’État, ma question est relative au FNGIR, le Fonds national de garantie individuelle des ressources, qui porte bien mal son nom. En effet, il ne garantit aucune ressource, mais pétrifie des injustices particulièrement sidérantes.

Lors de l’examen des projets de loi de finances pour 2019 et 2020, j’avais déposé un amendement visant à en finir avec cette injustice fiscale. Il avait été adopté par le Sénat, mais supprimé par l’Assemblée nationale. Le ministre Olivier Dussopt avait alors déclaré : « Il nous faudra revenir sur les règles du FNGIR pour tenir compte de l’évolution des territoires. » Il ajoutait, le 29 novembre 2018 : « Ce fonds n’est pas efficient et un FNGIR gelé dans le temps n’est pas une bonne méthode. »

Un an plus tard, le 25 novembre 2019, Gérald Darmanin renchérissait, affirmant que « certaines communes donnent, parfois un montant absurde, calculé selon des variables obsolètes ». Or, depuis, les élus locaux continuent de subir.

Outre la forte baisse de leurs dotations de fonctionnement, certaines communes souffrent également du maintien du prélèvement au titre de ce FNGIR, alors qu’elles ont vu fondre leurs recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de cotisation foncière des entreprises (CFE).

Dans l’Oise, c’est notamment le cas d’Éragny-sur-Epte, de Grandvilliers, de Francières et de bien d’autres communes, qui, depuis 2012, ont vu le produit de leur CVAE chuter à la suite de cessations d’activité d’entreprises sur leur territoire.

Laissez-moi simplement vous donner les chiffres d’Éragny-sur-Epte, commune de 610 habitants. En 2011, elle percevait 143 535 euros au titre de la CVAE et reversait 143 535 euros au titre du FNGIR. En 2018, elle ne percevait plus que 4 307 euros de CVAE, mais reversait 143 758 euros au titre du FNGIR, soit un différentiel négatif de 139 451 euros. Certains élus parlent de spoliation ; d’autres, plus sévères, d’escroquerie d’État.

Cette situation est intenable et kafkaïenne. On nous avait promis de réformer le FNGIR. Le Gouvernement va-t-il enfin tenir ses promesses et rectifier cette profonde iniquité fiscale ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur Paccaud.

L’article 78 de la loi de finances pour 2010 a prévu un mécanisme pérenne destiné à assurer la neutralité financière de la réforme de la taxe professionnelle pour chaque collectivité. Il se compose d’une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, financée par l’État, et du Fonds national de garantie individuelle des ressources, pensé originellement pour compenser les conséquences financières de la suppression de la taxe professionnelle en faveur de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

En vertu de l’article 40 de la loi de finances pour 2012, les montants des prélèvements ou des reversements au titre du FNGIR sont désormais figés.

Toutefois, vous l’avez rappelé, le Gouvernement est parfaitement conscient des difficultés liées à la fixité du FNGIR pour certaines communes contributrices, qui sont confrontées au départ d’une ou de plusieurs entreprises de leur territoire.

Le FNGIR a été pensé comme un mécanisme national équilibré dans sa globalité. Sa refonte doit donc être envisagée plus largement pour éviter de déséquilibrer le fonds et de créer des difficultés nouvelles pour des collectivités qui n’en rencontrent pas jusqu’à présent.

C’est pourquoi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement a soutenu une mesure, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoyant que l’État verse annuellement une dotation égale à un tiers de la contribution au FNGIR aux communes et aux EPCI à fiscalité propre qui ont subi depuis 2012 une perte de bases de CFE supérieure à 70 %. Ce dispositif devrait concerner environ 300 communes contributrices au FNGIR. Il s’agit d’un effort substantiel pour soutenir ces collectivités, sans pour autant déséquilibrer l’ensemble du dispositif, qui bénéficie par ailleurs à un nombre important de collectivités.

Au demeurant, je dois rappeler qu’une commune peut s’entendre avec son intercommunalité pour lui transférer son prélèvement au titre du FNGIR.

Je constate enfin que les bases de cotisation foncière des entreprises situées sur le territoire de la commune que vous avez mentionnée ont progressé de près de 25 % entre 2012 et 2018, monsieur le sénateur, ce qui a aussi permis à ladite commune et à son intercommunalité de bénéficier d’une hausse de recettes fiscales, sans pour autant que sa contribution au FNGIR soit augmentée.

critères de répartition du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 1324, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

M. Bernard Bonne. Je vais encore parler de la taxe professionnelle, madame la secrétaire d’État…

Depuis 2017, l’enveloppe consacrée au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle est en baisse régulière. Surtout, les critères de répartition utilisés au niveau national pénalisent fortement les communes rurales. Alors que le fonds était auparavant réparti au prorata de la somme allouée à chaque département l’année précédente, le critère de répartition est désormais fondé sur les recettes réelles de fonctionnement des départements, telles qu’elles sont constatées dans leur compte de gestion de 2017.

Or, cela change tout. Ainsi, pour le département de la Loire, la dotation a été divisée par cinq entre 2017 et 2020. En conséquence, certaines petites communes ont vu leur dotation baisser de 81 % sur les deux derniers exercices.

Il est incompréhensible de vouloir lier le fonds départemental aux recettes du département. Cela remet en cause le principe de solidarité au sein des départements et prive les communes rurales des moyens d’exercer leur mission, notamment les services publics de proximité que réclament leurs administrés.

Ces nouveaux critères ont de surcroît un effet pervers : les communes rurales cherchent à attirer de nouveaux habitants afin de densifier les villages, ce qui ne semble pas forcément en adéquation avec la recherche d’équilibre environnemental et écologique.

Madame la secrétaire d’État, avez-vous mesuré l’impact très négatif de ces nouveaux critères d’attribution sur le budget déjà très fragile des petites communes rurales ? Qu’envisagez-vous pour y remédier ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Bonne, chaque année, l’État verse au bloc communal une dotation, répartie par les départements, au titre du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Cette dotation existe depuis la suppression de la taxe professionnelle en 2010.

En premier lieu, le montant de la dotation au FDPTP est stable depuis 2019 et s’élève à un peu plus de 284 millions d’euros. Le Gouvernement ne propose pas de la baisser dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits devant ainsi rester stables pour la troisième année consécutive.

En deuxième lieu, la dotation au fonds départemental de péréquation a été réduite entre 2017 et 2019, du fait de son inclusion dans les variables d’ajustement. À enveloppe fermée, les autres dotations de l’État aux collectivités locales ont augmenté à due proportion.

Depuis 2017, l’engagement du Gouvernement sur la stabilité globale des dotations est tenu. La minoration des variables d’ajustement a été fortement réduite depuis 2017 et ne s’élève qu’à 50 millions d’euros environ dans le projet de loi de finances pour 2021.

Comme vous l’avez indiqué, la baisse de 15 % du FDPTP en 2019 n’a pas été appliquée de manière uniforme pour tous les départements, mais au prorata de leurs recettes réelles de fonctionnement. Ce critère a conduit le département de la Loire à bénéficier depuis 2019 d’un FDPTP de 214 000 euros, contre 858 000 euros en 2018.

Ce critère de minoration était le plus pertinent, pour deux raisons.

Premièrement, la baisse du FDPTP était d’autant plus aisée à supporter par les départements qu’ils disposaient par ailleurs de recettes de fonctionnement élevées pour soutenir financièrement les communes.

Deuxièmement, le même critère avait été utilisé pour minorer la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

Le cas du département de la Loire confirme cette approche. Ce département a subi une baisse de 644 000 euros de son FDPTP en 2019, alors que ses recettes réelles de fonctionnement atteignent près de 720 millions d’euros. Cette baisse représente donc 0,09 % seulement des recettes de fonctionnement du département.

En dernier lieu, je souhaite rappeler l’effort considérable réalisé depuis plusieurs années par l’État pour soutenir financièrement les collectivités, notamment dans le cadre de la crise sanitaire, mais aussi pour soutenir l’investissement des collectivités locales, notamment en augmentant de 1 milliard d’euros la dotation de soutien à l’investissement local.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.

M. Bernard Bonne. À vous entendre, madame la secrétaire d’État, les dotations n’auraient pas beaucoup diminué.

Mais dans les communes rurales de mon département, surtout les plus petites, on constate bien une baisse, et des difficultés.

Même si les recettes départementales n’ont pas beaucoup bougé et restent relativement importantes, ce n’est pas un département riche et il faut absolument tenir compte des difficultés grandissantes des communes rurales.

Vous dites que les dotations ne baissent pas depuis 2019. Je regrette néanmoins qu’elles aient beaucoup baissé entre 2017 et 2019.

relocalisation de l’industrie textile

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, auteur de la question n° 1266, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.

M. Jean-Claude Tissot. Madame la secrétaire d’État, je remarque tout d’abord que la Loire est bien représentée dans l’hémicycle, et je partage entièrement les propos de Bernard Bonne.

La crise de la covid-19 continue de révéler les conséquences de la trop grande dépendance de notre pays et de notre système économique. La prise de conscience de la nécessité de retrouver notre souveraineté, désormais largement partagée, doit permettre une relocalisation durable des secteurs clés de notre économie.

Les 15 millions de masques en tissu produits par les sept principales entreprises françaises de textile, durant le confinement du printemps dernier, ont démontré que le retour à une certaine souveraineté industrielle n’est pas une utopie. En cette nouvelle période de confinement et de recrudescence dramatique de l’épidémie, nous ne pouvons plus supporter cette situation de dépendance totale vis-à-vis d’acteurs étrangers.

Ma question portera donc sur la relocalisation de l’industrie textile à travers l’exemple d’une entreprise du département de la Loire, les Tissages de Charlieu.

Cette entreprise a pleinement participé à l’effort national durant cette crise sanitaire. Les 70 employés de la société ont prouvé la capacité de production et d’adaptation à la demande de l’industrie textile française.

Malheureusement, quelques semaines après le déconfinement, les grandes administrations publiques ont, de nouveau, effectué des commandes auprès de fournisseurs asiatiques.

Aujourd’hui, les Tissages de Charlieu souhaitent lutter contre cette fatalité en devenant un acteur de la relocalisation de cette filière.

Ainsi, sur l’initiative du directeur de la société, M. Éric Boël, un dossier d’investissements ambitieux a été déposé le 14 octobre dernier sur la plateforme du plan de relance.

Le projet consiste à relocaliser, dans la commune de Charlieu, la fabrication de 12 millions de sacs de caisse, en restant compétitifs par rapport à la production asiatique, en économisant 4 kilogrammes de CO2 par sac et en créant 46 nouveaux emplois. Ce plan d’investissement permettra de doubler la taille de l’entreprise en seulement deux années.

Alors que 95 % de nos produits textiles sont importés et qu’une grande enseigne de la distribution utilise dorénavant des sacs en toile de jute produits en Inde, il convient de rappeler que la première mesure écologique et de bon sens est de produire en France. Sur ce projet, chaque emploi relocalisé permettra d’économiser plus de 1 000 tonnes de CO2.

L’ambitieux programme des Tissages de Charlieu peut prouver que notre pays, si on lui en donne les moyens, est capable de produire des textiles accessibles au plus grand nombre, décarbonés, générateurs d’emplois et de savoir-faire.

Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement sur la relocalisation de l’industrie textile. Quelles consignes ont été passées concrètement aux administrations publiques, notamment à l’éducation nationale, pour les commandes publiques ? Engagerez-vous, sur le long terme, une orientation de la commande publique vers les textiles produits en France ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Tissot, vous m’interrogez sur les actions que le Gouvernement prévoit d’engager pour soutenir cette industrie textile, qui s’est notamment mobilisée durant la crise sanitaire en produisant des masques.

La mobilisation de la filière textile française pour faire face à la crise sanitaire a été exemplaire par sa rapidité, son agilité et son ampleur.

Afin de pallier la tension sur l’approvisionnement en masques FFP2, le Gouvernement s’est efforcé d’encourager le développement d’une production industrielle de masques « grand public » respectant des spécifications définies dans le cadre de la crise du covid-19 par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Votre question concerne plus largement cette filière textile, qui doit aussi contribuer, dans le cadre de la relance, à l’objectif d’indépendance industrielle qui a été fixé par le Gouvernement et le Président de la République.

Le Gouvernement va pérenniser cette filière sur notre territoire, en stabilisant très concrètement les capacités de production de masques textiles à un niveau compatible avec la demande.

En lien avec le comité stratégique de filière (CSF) des industries de la mode et du luxe, différentes actions ont été menées pour promouvoir concrètement la filière : faire connaître aux acheteurs potentiels, notamment les administrations publiques, la production française de masques en tissu « grand public », qui répond à un cahier des charges extrêmement strict ; promouvoir l’achat de ces masques fabriqués en France et réduire la part des importations, en suivant la tendance à l’aide d’indicateurs précis ; favoriser, en lien avec la filière et Business France, la promotion à l’international de l’offre française de masques lavables ; enfin, accompagner la filière dans l’ajustement de ses capacités de production.

Je veux ici saluer la mobilisation des entreprises du secteur textile, mais aussi vous annoncer quelques bonnes nouvelles. La ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher a annoncé le 8 octobre dernier les noms des dix premiers lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt pour la réalisation d’unités de production de matériaux filtrants pour masques sanitaires. L’État soutient très concrètement ces dix premiers projets à hauteur de 20 millions d’euros environ, ce qui va également permettre de créer 250 emplois sur notre territoire.

avenir du site industriel d’hambach

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, auteure de la question n° 1320, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.

Mme Catherine Belrhiti. La citadine Smart est assemblée dans l’usine de Hambach à proximité de Sarreguemines en Moselle depuis 1997. Près de 1 600 personnes travaillent dans ce gigantesque complexe industriel, propriété du groupe Daimler, et 600 millions d’euros, provenant en partie de fonds européens et de l’État, ont été investis dans la construction de cette usine inaugurée par Jacques Chirac et Helmut Kohl. L’action des élus locaux, Gérard Longuet et Philippe Leroy, a été déterminante dans l’installation de la production en Moselle.

Cet été, Daimler a annoncé la cession de l’usine. Les salariés, qui ont accepté de travailler 39 heures payées 37, ne comprennent pas cette décision.

Dans un contexte difficile pour l’industrie automobile, la Smart a subi la concurrence de véhicules électriques plus performants et compétitifs. Selon Daimler, elle continuera d’être produite jusqu’en 2024.

Le groupe Ineos est intéressé par la reprise du site et souhaite produire à Hambach le futur 4x4 thermique Grenadier, un véhicule tout-terrain performant. Le Gouvernement soutient ce repreneur et assure de son caractère sérieux.

Les deux groupes affirment vouloir maintenir l’emploi. La montée en puissance du 4x4 Ineos amènera le site à compter 1 900 employés pendant cette période transitoire. Selon les partenaires, un emploi devrait être trouvé pour la quasi-totalité des salariés actuels. Le groupe Daimler amortirait les sureffectifs de la Smart – 600 sur 1 550 – par des mesures de flexibilité, la fin de l’intérim et des mobilités au sein du groupe, mais il reste la question de 150 à 225 emplois à risque, un chiffre correspondant au nombre de salariés n’ayant pas signé la charte de mobilité.

Même si le site de Hambach est surdimensionné pour la production du 4x4, Ineos étudie d’autres solutions pour garantir l’emploi, comme l’implantation de fournisseurs. La situation pourrait en revanche s’avérer très risquée en cas d’arrêt prématuré de la Smart combiné à une production trop lente du Grenadier.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer comment l’État compte veiller au respect de ces engagements, qui sont essentiels à la survie de ce bassin d’emploi majeur pour la Moselle ? Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il en cas d’échec des discussions entre les deux groupes ou de lenteur dans la production du Grenadier ?