M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, l’examen des crédits qui nous réunissent ce matin nous offre l’occasion de débattre des relations financières entre l’État et les collectivités locales, en dépassant très largement le cadre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission, avec 4,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,9 milliards en crédits de paiement, représente seulement 3,6 % du montant des transferts financiers de l’État aux collectivités et 1,6 % du montant global de leurs ressources.

En cette période de crise sanitaire, économique et sociale, chacun en convient, les collectivités ont été le premier rempart face aux conséquences de l’épidémie de la covid-19. Elles ont fait preuve de rapidité, achetant des masques dès le début du mois de mars, et d’adaptabilité, répondant aux injonctions parfois contradictoires de l’État, entre confinement et déconfinement, en particulier en matière scolaire. Elles se sont mobilisées pour soutenir les entreprises locales, les commerces et les associations. Elles ont organisé la solidarité, en venant en soutien des personnes âgées et isolées et en distribuant l’aide alimentaire aux plus fragiles. Tout cela s’est traduit par des dépenses supplémentaires imprévues.

Dans le même temps, leurs recettes fiscales, domaniales et tarifaires se sont écroulées, à hauteur, selon les estimations, de 5 à 8 milliards d’euros, et ce avant le second confinement.

L’effet combiné des dépenses nouvelles et de la chute des recettes a été une dégradation de l’autofinancement, ce qui s’est traduit par un recul de 14 % des dépenses d’investissement.

C’est dire que le présent projet de loi de finances était attendu. Malheureusement, il est source, pour les collectivités, de multiples désillusions.

Désillusion d’abord sur la faiblesse du dispositif des garanties de ressources introduit au PLFR 3. Après les annonces du Gouvernement assurant de son soutien 12 000 à 14 000 communes, ce ne sont finalement que 2 300 d’entre elles qui bénéficieront des 230 millions d’euros. Cela fait suite à un subterfuge : la prise en compte non pas de la situation de la dernière année, mais de la moyenne lissée des ressources de 2017 à 2019.

Désillusion ensuite sur le refus de compenser les pertes de recettes tarifaires sur les droits de place, la taxe de séjour, les locations de salles ou les recettes de casinos, qui représentent plus de 2 milliards d’euros.

Désillusion également sur la prise en compte insuffisante des dépenses spécifiques à la lutte contre la covid-19, que ce soit sur la date et le montant de prise en charge pour l’achat des masques ou sur l’ensemble des investissements et dépenses de fonctionnement supplémentaires pour maintenir l’accès aux services publics locaux.

Désillusion enfin de voir une fois encore la DGF gelée, même si le Gouvernement s’enorgueillit de la maintenir, actant ainsi un nouveau recul – j’y reviendrai.

C’est ce moment particulièrement difficile que l’exécutif a choisi pour accélérer le bouleversement de la fiscalité locale.

D’abord, il poursuit sa réforme de la taxe d’habitation (TH), en engageant pour un tiers la disparition de la contribution des 20 % des ménages les plus aisés. La réforme nécessitera de trouver 10 milliards d’euros sur les trois années à venir et creusera encore les inégalités au détriment des plus modestes, ceux qui ne payaient pas la TH et qui ne gagnent donc rien à sa suppression. Cette réforme aurait pu a minima être reculée d’une année.

Ensuite, il privilégie une politique de l’offre, en diminuant de 20 milliards d’euros sur deux ans les impôts des entreprises, alors qu’une grande partie de nos concitoyens ont vu leur pouvoir d’achat amputé. Dès cette année, les entreprises bénéficient d’une remise de 7 milliards d’euros de CVAE, prélèvement qui, comme son nom l’indique, est une taxe sur la valeur ajoutée, et non un impôt de production, car prélevé en aval du processus de production et adapté à l’activité de l’entreprise. Voilà une offrande à laquelle n’accéderont pas les TPE et PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros. C’est un cadeau qui bénéficiera aux plus grandes entreprises sans aucune contrepartie en termes d’emploi, d’engagement écologique ou d’amélioration des droits sociaux.

De même, la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises baisseront de 50 %, pour 3,4 milliards d’euros. La compensation, elle, sera gelée sur les taux de 2020. Mesquinerie supplémentaire, le Gouvernement a décidé de minorer l’évolution des bases des locaux industriels, privant ainsi les collectivités de leur dynamique.

Ces décisions, qui étaient discutées au sein du Gouvernement depuis le début du quinquennat, n’ont rien à voir avec la relance. Au contraire : elles pénalisent les capacités d’investissement des collectivités. Elles sont la réactivation d’une vieille lune libérale et de la stratégie du ruissellement. On nous justifie cette réforme par un différentiel de compétitivité avec nos voisins. La France serait « moins attractive », alors que nous sommes le pays qui a accueilli le plus d’investissements étrangers en Europe en 2019.

De plus, il faudrait comparer ce qui est comparable et se mettre d’accord sur ce qu’est un impôt de production : ainsi, en Allemagne, le Gewerbesteuer, une variante de la taxe professionnelle, rapporte 50 milliards d’euros aux communes et n’entre pas dans le champ des impôts de production au sens de la comptabilité européenne.

Si l’on ajoute à cela la nationalisation des 2,3 milliards d’euros de la taxe locale sur la consommation finale d’électricité, qui ôte au passage aux collectivités la faculté de mener une politique tarifaire en faveur des plus précaires, on assiste à un remplacement de la fiscalité locale par des dotations et à une substitution du contribuable local par le contribuable national.

La part de la fiscalité ne représente plus qu’un quart des recettes des collectivités, quand les transferts de l’État sont supérieurs à 45 %. C’est une très mauvaise nouvelle pour les collectivités, trop averties des conséquences des compensations annoncées à l’euro près qui se traduisent dans la durée par une perte financière.

J’en viens aux crédits de la mission et aux articles rattachés.

Tout d’abord, si le Gouvernement se déclare satisfait du maintien de la DGF, le gel de celle-ci correspond à une diminution au regard de l’inflation, de l’évolution du « panier du maire » et de la démographie. Depuis le début du quinquennat, c’est près de 10 % de pouvoir d’achat perdu !

Plus contestable est l’habitude qui a été prise de faire financer la péréquation verticale par les collectivités elles-mêmes. On ne peut qu’être d’accord, sur le principe, avec l’augmentation de la DSU et de la DSR de 90 millions d’euros chacune et le rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et des circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom) pour 17 millions d’euros. Mais il s’agit une fois de plus d’un écrêtement de la dotation forfaitaire, et non d’argent frais. Résultat : près de la moitié des communes connaîtra une diminution de DGF, comme en 2020, et les autres autofinanceront une partie – quand ce ne sera pas la totalité ! – de leur propre péréquation.

Madame la ministre, la DGF est devenue illisible, complexe et injuste. Le dispositif a atteint ses limites. Il faut avoir le courage de le réformer. Nous y sommes prêts. L’êtes-vous ?

Pour le reste, la DETR est stable. L’Assemblée nationale a apporté des améliorations bienvenues quant à son éligibilité. Mais nous aimerions connaître le niveau d’exécution des crédits de paiement, un certain nombre de communes se plaignant d’attendre fort longtemps le versement des subventions.

La DPV ne bénéficie toujours pas d’une réévaluation que nous avions déjà réclamée à la suite de l’élargissement du nombre de communes éligibles en 2017.

La DSIL est significativement augmentée en autorisations d’engagement dans la mission « Plan de relance ». Cependant, nous nous étonnons qu’il n’y ait que 100 millions d’euros inscrits en crédits de paiement, alors que de nombreuses opérations pourraient démarrer rapidement.

En outre, nous réitérons notre souhait que cette dotation soit à la main des préfets de département, dans un souci de simplification, de lisibilité et d’efficacité, notamment par la possibilité de la cumuler avec la DETR.

Cela étant, si le bloc communal se satisfait de ces crédits d’investissement, les dotations sont fléchées par l’État sur des priorités définies par lui, alors qu’il serait plus conforme à l’esprit de la décentralisation qu’elles soient libres d’emploi et abondent l’autofinancement.

Les départements ont perdu 3,4 milliards d’euros de recettes en 2020 et voient leurs dépenses sociales flamber. Le PLFR 4 prévoit 200 millions d’euros de soutien, mais rien pour 2021, alors que – nous le savons – le RSA va croître de manière exponentielle. Madame la ministre, nous pensons que la question de la recentralisation du financement du RSA doit maintenant être posée.

La dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) reste au même niveau qu’en 2019. Son architecture en deux fractions n’a pas été modifiée, laissant plus des deux tiers de l’enveloppe à la main des préfets sous forme d’appels à projets, alors que, là aussi, elle pourrait utilement abonder l’autofinancement, mis à mal par la crise.

Je souhaite lancer une alerte sur le programme concernant les aides aux collectivités victimes de catastrophes naturelles, qui nous semble sous-doté, alors que nous connaissons une multiplication des phénomènes climatiques extrêmes.

Autre alerte : si tout le monde se réjouit que soit enfin déclenchée l’automatisation du FCTVA, nous resterons vigilants sur le périmètre de l’assiette, l’État ayant annoncé que la réforme devait être neutre financièrement.

Madame la ministre, si les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » n’évoluent que très peu d’une année sur l’autre, c’est l’architecture générale des relations financières entre l’État et les collectivités que vous chamboulez !

Après la suppression de la taxe professionnelle, dont on mesure aujourd’hui douloureusement la promesse de compensation à l’euro près, vous accélérez le détricotage de la fiscalité locale, en engageant la suppression totale de la TH et celle de la moitié de la fiscalité des entreprises – et ne doutons pas du fait que cette évolution se poursuivra !

Vous coupez le lien entre l’impôt, le citoyen, l’entreprise et le territoire. Pourtant, ce lien et le levier fiscal qui en découle sont un impératif démocratique d’une République décentralisée. Nous assistons dans ce budget à un changement de nature dans les relations entre l’État et les collectivités, à une volonté affirmée de recentralisation, vécue comme une défiance à l’égard des élus locaux. Vous comprendrez que nous nous y opposions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au fond, les missions budgétaires se suivent, les constats également. Ayant eu l’occasion de m’exprimer hier sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », je pourrais dresser à peu près les mêmes constats aujourd’hui.

Le premier d’entre eux concerne évidemment l’ensemble de nos collectivités : communes, intercommunalités et départements sont particulièrement touchés par la crise sanitaire que nous traversons. Il était, me semble-t-il, nécessaire, et vous l’avez fait – c’est donc un satisfecit que je vous adresse sur ce point –, d’augmenter les dotations qui permettent d’engager une véritable relance. Comme nous le savons toutes et tous ici, il n’y aura pas de politique de relance sans les collectivités, sans leur agilité et leur réactivité – ce sont elles qui permettront à l’économie locale de trouver des raisons d’espérer et à la croissance de repartir.

Mais, une fois ce satisfecit exprimé, je rejoins les propos de mes collègues sur l’exécution du budget ; c’est bien là que le bât pourrait blesser.

Si nous déposons chaque année des amendements pour que la gestion de la DSIL soit plus proche de nos territoires, c’est bien que nous constatons, année après année, des dysfonctionnements et que nous estimons qu’une gestion par les préfets de département, comme c’est déjà le cas s’agissant de la DETR, serait plus efficace.

Dans cette période de crise, nous aurons besoin d’une grande réactivité, même si certains projets des communes ne sont pas encore complètement mûrs. N’oublions pas que nous venons de renouveler nos exécutifs municipaux et intercommunaux, qu’il y a eu des alternances et qu’il n’est pas toujours simple de mettre des projets en place, tout en étant au rendez-vous du plan de relance. Il faut donc de l’agilité, de la souplesse et de la réactivité.

Si je ne suis pas un adepte des dotations fléchées sur le fonctionnement, je crois, comme certains l’ont indiqué avant moi, que la période nous invite à considérer la situation de nos territoires, en prenant en compte la problématique du fonctionnement. Ainsi, le centre aquatique de la Perle d’eau, qui couvre une grande partie du territoire du sud de l’Ardèche, cumule aujourd’hui une dette de près de 200 000 euros du fait du manque de recettes. Cela met à mal l’avenir et le fonctionnement de l’établissement, dont les ressources proviennent essentiellement des communes, qui – nous le savons – sont à l’os d’un point de vue budgétaire.

Il eût donc été important à mes yeux de prendre en compte la singularité de l’instant et les difficultés, auxquelles sont confrontées nos communes, et de mettre des dispositifs en place. Les préfets, vers qui nous nous sommes tournés, nous répondent qu’ils n’ont pas les moyens d’intervenir sur des sujets liés au fonctionnement.

Il faudra se saisir de cette question. C’est bien joli d’augmenter la DETR et la DSIL, mais si des équipements ferment ou si leur fonctionnement est mis à mal, nous risquons de nous trouver dans une situation un peu schizophrénique. Ce serait assez peu satisfaisant pour nos territoires. La finalité, c’est bien d’être utile à nos concitoyens. En l’occurrence, on risque de ne pas très bien répondre à leurs attentes.

J’ai une marotte : le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui est un peu l’hydre de Lerne ! Plus personne aujourd’hui ne sait comment il fonctionne. Et quand on ne sait plus comment un dispositif de péréquation fonctionne, alors même que la péréquation est essentielle pour nos territoires, il y a un vrai problème. Comme nous l’avions évoqué lors de la Conférence nationale des territoires, il me semble urgent de remettre le FPIC à plat. Car la philosophie de la péréquation ne devrait pas être de prendre aux pauvres pour donner à d’autres pauvres !

Au final, nous constatons avec satisfaction l’augmentation des dotations, mais nous resterons vigilants quant à l’exécution budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec une attention singulière que nous engageons cette discussion au regard du rôle majeur joué par les collectivités territoriales depuis le début de la crise sanitaire et des besoins immenses qui apparaissent.

Depuis le mois de mars, l’action des élus locaux a été entière, déterminante, pour assurer la continuité de l’action publique et accompagner nos concitoyens au plus près de leurs besoins en ces heures difficiles.

C’est la preuve, s’il en fallait une, du rôle indispensable de l’échelon local, comme le Sénat n’a de cesse de le rappeler. Si le couple maire-préfet, qui a bien fonctionné au cours des derniers mois, est devenu le nouveau mantra du discours gouvernemental, les collectivités territoriales pouvaient espérer un budget pour 2021 tirant les leçons de 2020 et une nouvelle ambition, avec des moyens correspondants.

Or le PLF pour 2021 entérine au contraire le recul de l’autonomie fiscale des collectivités, plus dépendantes que jamais des choix financiers de l’État. Pourtant, les attentes des populations sur nos territoires à l’égard des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des départements et des régions n’ont jamais été, et pour cause, aussi importantes !

Les déconvenues portent moins sur la dynamique elle-même des crédits – ils sont relativement stables – que sur l’altération des équilibres au sein de la mission, conséquence de la réforme de la fiscalité locale. La disparition de la CVAE pour les régions et la compensation de la taxe d’habitation du bloc communal enlèvent toute dynamique fiscale. Comme l’a relevé notre rapporteur spécial Charles Guené, les régions ne disposeront plus que d’un levier fiscal de 10 %, alors qu’on leur confie la compétence économique et la relance, les départements de 33 % et les communes d’à peine plus de 60 %. Il y a là un risque réel et historique de rupture du lien entre le contribuable et les collectivités.

À cet égard, la suppression par le Sénat de l’article 13 du projet de loi de finances, qui prévoit d’unifier au niveau national les tarifs de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité est à saluer. Une telle mesure aurait entraîné une hausse de la taxation d’électricité pour nos concitoyens et une perte de l’autonomie fiscale des communes au profit d’une harmonisation des taux.

Cette orientation de l’État en matière de finances locales, prise depuis quelques années, est d’autant moins compréhensible dans le contexte sanitaire et économique actuel et au vu de l’effort consenti par les collectivités territoriales. Comme cela a été rappelé par nombre de mes collègues, celles-ci n’ont pas attendu après l’État pour agir. Elles ont pris les mesures d’urgence qui s’imposaient en pleine pandémie.

Un tel engagement s’est traduit par un effort financier significatif. Dans le même temps, les collectivités locales subissaient une baisse importante de leurs recettes fiscales, domaniales et tarifaires. La situation devrait malheureusement perdurer en 2021.

L’Association des maires de France évalue le cumul des dépenses nouvelles et des pertes de recettes liées à la crise sanitaire à près de 8 milliards d’euros sur trois ans. Autant de moins pour l’autofinancement, donc l’investissement public local ! Ne l’oublions pas, la commune est souvent le premier investisseur sur nos territoires.

Le soutien de l’État à l’investissement local via la DETR et la DSIL, qui est indispensable à la relance de l’activité économique, n’a de sens que si les collectivités concernées peuvent continuer d’investir et si les conditions de cumul vont au-delà de cas exceptionnels.

Comme l’a rappelé mon collègue Mathieu Darnaud, 2020 est une année particulière. Des équipes municipales ont été renouvelées. Et, contrairement à ce que d’aucuns imaginaient, les nouvelles équipes sont arrivées avec beaucoup d’espoir, beaucoup d’envie de réaliser leurs projets et beaucoup de sens des responsabilités dans leurs nouvelles missions. Le soutien des EPCI, des départements et, sur le volet économique, des régions est particulièrement attendu.

Il faut absolument retrouver une dynamique fiscale et redonner aux collectivités les moyens d’agir, qu’il s’agisse des communes, échelon de proximité, des EPCI, des départements ou des régions qui sont compétentes en matière économique. Il s’agit d’assumer les responsabilités et d’être au rendez-vous de l’histoire !

J’appelle une nouvelle fois de mes vœux une véritable politique de décentralisation. Appliquons le principe prôné par le Sénat : qui décide paie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte sanitaire et économique exceptionnel.

Depuis le mois de mars, les collectivités locales sont en première ligne pour aider l’État dans la gestion de cette crise sanitaire inédite, quand ce n’est pas pour suppléer son incapacité ou son incurie !

La facture finale ne sera pas neutre pour les collectivités : selon les premières estimations, cette crise leur coûtera 8 milliards d’euros entre 2020 et 2021.

Face à cette indéfectible mobilisation des collectivités locales, on aurait pu s’attendre à une forme de reconnaissance budgétaire. Hélas, nos espoirs ont vite été douchés !

Une fois encore, nous nous retrouvons face à un État ingrat qui demande beaucoup, aide un peu et contrôle excessivement nos collectivités, en bridant leur autonomie.

La mise sous tutelle des collectivités se poursuit inexorablement, notamment avec l’étouffement progressif de leur autonomie financière. Après la suppression de la taxe d’habitation, vous revenez encore une fois à la charge cette année.

La facture s’allonge pour promouvoir votre politique fiscale : 10 milliards d’euros par an de recettes économiques locales en moins sont à prévoir avec les dégrèvements sur les impôts de production – CVAE et CFE. Vous faites payer une nouvelle fois aux collectivités locales ces choix unilatéraux qui seront lourds de conséquences. Et permettez-nous de douter de la sincérité d’une compensation « à l’euro près », qui n’a jamais été qu’un supplétif temporaire à la baisse des ressources des collectivités.

Non, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les budgets des communes ne sont pas des budgets annexes de l’État ! Non, les élus ne sont pas les sous-traitants de la politique nationale !

La libre administration et l’autonomie fiscale des collectivités territoriales sont pourtant deux principes constitutionnels. Les collectivités locales ne sont pas de simples échelons administratifs, et les élus locaux sont des majeurs capables. On n’a jamais autant parlé de décentralisation. Pourtant, les coups de canif portés à l’autonomie des collectivités territoriales ne manquent pas. Le malaise des élus locaux vient de cette situation, où ils se sentent dessaisis de leurs prérogatives, tout en devant répondre en première ligne à des citoyens-consommateurs de plus en plus exigeants et empressés.

En outre, comment partager la satisfaction du Gouvernement sur l’état des finances locales et sur l’aide apportée aux collectivités durant la crise ?

Les modalités de calcul retenues par le Gouvernement, l’exclusion des recettes tarifaires et l’impossibilité pour certains acteurs, notamment les établissements exploités en régie, d’y avoir droit rendent le dispositif de compensation bien trop limité. Rien sur les pertes tarifaires, alors que des centaines de communes ont vu leurs casinos, leurs campings municipaux et leurs piscines fermer.

De même, il y aurait à dire sur les concours de l’État : cette année encore, la DGF reste gelée à son niveau de 2013 et n’intègre ni les effets négatifs de l’inflation ni ceux de l’augmentation de la population.

Contrairement à l’État, les communes ne peuvent pas recourir à la dette pour financer leurs dépenses de fonctionnement. Dans ce contexte, leurs capacités d’investissement seront inexorablement écrasées, alors même que les collectivités locales réalisent 70 % de l’investissement public !

Enfin, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez ma détermination à faire évoluer le mode de calcul du FPIC afin de le rendre moins indigeste pour certaines collectivités, telles que les communes frontalières ou les stations de ski. La période exceptionnelle que nous vivons, marquée par un arrêt brutal de l’activité ski en mars dernier et la fermeture des remontées mécaniques jusqu’au mois de janvier 2021, va engendrer des pertes considérables pour les collectivités montagnardes, bien supérieures aux aides qui leur sont promises.

Certaines d’entre elles, confrontées à des charges très lourdes et des enjeux importants, se trouvent aujourd’hui dans une situation très délicate. Au regard de ce contexte, je souhaite que mes amendements et ceux de mes collègues qui visent à mieux prendre en compte la réalité de ces communes dans le mode de calcul du FPIC soient entendus avec plus d’acuité que lors des exercices budgétaires précédents.

En cette période de crise aiguë, il convient plus que jamais de soutenir les locomotives de notre pays et, croyez-moi, la montagne en fait partie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, Joël Giraud et moi-même sommes heureux d’être avec vous aujourd’hui pour examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les amendements qui y sont rattachés.

Comme l’a souligné la présidente de la délégation aux collectivités territoriales, Françoise Gatel, nous étudions dans cette mission une toute petite partie seulement des crédits versés par l’État aux collectivités territoriales, qui s’élèvent au total à 52 milliards d’euros.

Comme vous le savez, l’examen de ce budget s’inscrit dans un contexte exceptionnel, dont la première conséquence est de « casser les barrières » entre les différentes lois de finances et les diverses missions.

Les équilibres de la loi de finances pour 2020 ont déjà été sensiblement modifiés par la crise et par les mesures de soutien adoptées dans les troisième et quatrième lois de finances rectificatives. Vous avez également noté que le débat budgétaire était marqué par la discussion du plan de relance, dans lequel les territoires vont naturellement jouer un rôle majeur.

En ce qui concerne la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les prélèvements sur recettes qui sont soumis à votre examen, je souligne plusieurs tendances.

Ce PLF 2021 confirme d’abord les orientations respectées depuis plus de trois ans, au premier rang desquelles le renforcement des moyens accordés aux collectivités. L’année prochaine, les collectivités recevront même de l’État des moyens plus élevés qu’en 2020, avec une augmentation des concours financiers de 1,2 milliard d’euros, déduction faite des mesures de périmètre.

Cette augmentation est d’abord rendue possible grâce à la stabilité de la DGF. C’est tout de même mieux, monsieur Marie, que les baisses récurrentes du quinquennat précédent, qui avaient fortement entravé l’investissement local ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est sûr !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les dotations d’investissement « classiques », comme la DETR et la DSIL, sont également stables.

Notons qu’il faut ajouter à la DSIL classique le milliard d’euros supplémentaire obtenu cet été avec Sébastien Lecornu et le milliard d’euros du plan de relance dédié à la rénovation thermique. Cette dernière enveloppe sera confiée aux préfets, comme l’ont souhaité plusieurs sénateurs qui se sont exprimés avant moi. Soyons clairs : il s’agit tout de même de subventions assez exceptionnelles.

Par ailleurs, le FCTVA devrait connaître une progression de 546 millions d’euros l’année prochaine du fait de la très bonne tenue des investissements locaux en 2019 et début 2020.

Des crédits sont également disponibles pour alimenter les mesures de soutien aux collectivités adoptées dans la loi de finances rectificative de juillet dernier. Nous y reviendrons.

Je signale aussi l’effet d’une mesure adoptée en première partie de PLF, qui voit l’État soutenir directement le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) entre départements, pour un coût estimé à 60 millions d’euros.

Votre assemblée a aussi adopté un amendement du Gouvernement visant à garantir les fonds communaux de péréquation des DMTO, pour un coût situé entre 15 millions et 50 millions d’euros. Ces fonds passent par les départements, mais sont destinés aux communes.

Monsieur Marie, sans vouloir m’acharner sur vous (Sourires.), je me permets aussi de rectifier une erreur dans vos propos. En PLFR 4, un fonds de soutien de 200 millions a été voté pour 2021. Mais en 2020, 115 millions d’euros ont été versés, comme prévu depuis trois ans.