M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi fait consensus : c’est un sujet technique et pratique, circonscrit à l’assemblée de Guyane, mais permettant d’assurer le bon fonctionnement de cette institution démocratique.

Ce texte relève d’un impératif démocratique urgent, car ses dispositions ont vocation à s’appliquer aux prochaines élections, prévues pour le mois de mars 2021. Si le calendrier des municipales a été particulièrement bousculé en Guyane, ces élections pourraient y être maintenues, et le rapport de Jean-Louis Debré conseille de réaliser une évaluation spécifique pour cette collectivité.

Plus que d’adapter le nombre de conseillers au regard de l’évolution démographique en Guyane, ce texte propose d’inscrire dans la loi les règles de calcul pour définir leur nombre et les répartir, afin de ne pas avoir à passer par une nouvelle loi, alors que le second seuil de 299 999 habitants pourrait être rapidement dépassé, amenant le nombre de conseillers à soixante et un. Le représentant de l’État établira cette répartition avant chaque échéance électorale en suivant les règles fixées dans la loi, pour le nombre de conseillers de chacune des huit sections comme pour la prime majoritaire.

Si la vitalité démographique de la Guyane nous amène à faire évoluer la représentation de cette collectivité, nous regrettons qu’elle ne soit pas également à l’origine de l’augmentation des moyens fléchés vers la Guyane.

En dix ans, la population y a augmenté de 10 %, avec un taux de natalité de 26,4 ‰, soit plus du double des autres départements français. Cela a des conséquences sur le quotidien des Guyanais en termes d’infrastructures, de services publics et plus globalement de qualité de vie. Les défis auxquels la Guyane se trouve confrontée sont considérables ; monsieur le ministre, nous avons regretté l’insuffisance des crédits de la mission « Outre-mer » du budget pour 2021, quand ce n’est pas leur sous-consommation.

La situation sanitaire en Guyane est alarmante. L’épidémie a révélé les défaillances structurelles du système de santé, aggravées par la pauvreté et la précarité de la population. Alors que 45 % de la population guyanaise vit dans un désert médical, le manque d’anticipation a été de mise face à la non-prise en compte de ces réalités, et la population en paye le prix. Pourtant, en 2017, les mouvements de protestation guyanais alertaient sur l’état déplorable des hôpitaux, le manque de personnel ou encore la vétusté des réseaux d’approvisionnement d’eau.

L’étude réalisée cet été par des associations, le centre hospitalier et l’ARS de Guyane chiffre le niveau d’insécurité alimentaire qui existe dans certains quartiers : deux ménages sur cinq ont eu une alimentation insuffisante sur une semaine, plus de 80 % ont souffert de la faim dans le mois et la crise a dégradé le budget des ménages, qui, pour la moitié, disposent de 30 euros ou moins sur une semaine pour nourrir l’ensemble d’un ménage. Pour reprendre les mots de Solène Wiedner-Papin, directrice de la santé publique de l’ARS : « Les données sont effrayantes. »

L’évolution de la population joue également sur la jeunesse guyanaise, puisque les moins de 20 ans représentent 40 % de la population ; c’est le deuxième département le plus jeune de France, après Mayotte. Tout comme pour la santé, la collectivité figure au 123e rang mondial pour l’éducation, accusant un écart inacceptable avec la métropole. Les jeunes sont les premiers touchés par la pauvreté, renforcée par l’actuel ralentissement économique, dans une collectivité où une personne sur cinq est touchée par l’illettrisme et où les écoles sont saturées dès la maternelle. Chez les 25-29 ans, seuls 58 % des Guyanais sont en activité, contre 86 % en métropole. Le manque de diplômés et d’attractivité de la Guyane a aussi des effets sur la pénurie de personnels de santé.

La Guyane n’a pas attendu la crise pour souffrir de tels maux. Des investissements considérables sont attendus, notamment dans le secteur public.

Nous voterons cette proposition de loi, car c’est un texte de bon sens, mais nous souhaitions saisir cette occasion pour rappeler que les institutions démocratiques ont peu de consistance sans une égalité de droits et sans justice sociale pour les citoyennes et les citoyens.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, Mme Assassi vient de nous rappeler des éléments importants à propos de la Guyane. Nous mesurons tous les spécificités et les particularités de ce territoire.

Cela étant, l’exercice qui nous est proposé cet après-midi sur la base des trois enjeux énoncés par M. le ministre est nettement plus modeste. Mme la rapporteure a élargi mes connaissances légistiques en évoquant la notion de « texte d’ajustement ». Nous connaissions les dispositions de coordination et de précision rédactionnelle. Vous y ajoutez le « texte d’ajustement ». La formule est très claire. Elle démontre que la disposition dont nous sommes saisis n’a pas de vocation réformatrice et n’est pas exclusivement rédactionnelle. Comme vous l’avez souligné, il s’agit d’un ajustement relativement marginal permettant de tirer les conséquences électorales de l’accroissement démographique que connaît la Guyane.

Madame la rapporteure, vous nous proposez de suivre le Gouvernement, de sortir du système des seuils et de tirer les conséquences de l’augmentation, actuelle ou à venir, de la population de Guyane, en prévoyant les modalités de répartition de sièges, avec, dans un cas, l’intégration de plusieurs sections. Vous souhaitez que nous ne fixions pas dans la loi un nombre de sièges par section, mais que nous inscrivions de façon pérenne les règles de répartition entre les sections en renvoyant à un arrêté du préfet de Guyane la mise en œuvre de ces règles avant chaque scrutin. Cela nous paraît parfaitement adapté.

Je souhaite formuler deux observations pour terminer.

D’une part, les membres du groupe UC n’auront pas le mauvais goût de formuler une quelconque réserve : la date limite d’adoption au 31 décembre doit nous conduire collectivement à faire preuve de concision et à nous concentrer sur l’objectif à atteindre.

D’autre part, madame la rapporteure, lorsque vous êtes venue présenter le texte devant notre commission des lois, un certain nombre de nos collègues ont nuancé les propos relatifs à l’approbation par les différentes forces politiques du territoire. La prime majoritaire, qui est fixée à 20 %, soulève des interrogations ; d’aucuns la considèrent trop importante. Si je n’ai pas d’avis particulier sur la situation guyanaise et sur cette répartition par section, nous avons quelques points de comparaison. Je le rappelle, le taux de prime majoritaire est nettement plus important lors des élections municipales et, pour les élections régionales – c’est tout de même la référence la plus évidente –, il est de 25 %. Je n’ai donc pas l’impression qu’une prime majoritaire à 20 % – le principe d’une telle prime majoritaire paraît plutôt de bon sens – soit déraisonnable. Les remarques qui vous ont été adressées ne me semblent donc pas dirimantes.

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe UC approuvera la proposition de loi dont nous sommes saisis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chacun le sait, le 24 janvier 2010, à plus de 57 %, les Guyanais ont approuvé par référendum la fusion du département et de la région ainsi que la création d’une collectivité unique régie par l’article 73 de notre Constitution.

L’article L. 558-2 du code électoral fixe un nombre évolutif de conseillers au sein de cette assemblée de Guyane, disposant que ce nombre sera porté à cinquante-cinq si la population de la collectivité territoriale de Guyane dépasse 249 999 habitants. Ainsi, le nombre de conseillers, qui s’élève aujourd’hui à cinquante et un, doit-il passer à cinquante-cinq lors des prochaines élections territoriales.

En dix ans, comme cela a déjà été dit, la population de la Guyane a effectivement augmenté de 10 %. Le taux de natalité s’y élevait à 26,4 ‰ en 2018, contre 11,1 ‰ dans l’ensemble des départements. La Guyane est aussi le territoire français le plus jeune, avec Mayotte, une personne sur deux étant âgée de moins de 25 ans. C’est pourquoi, ma chère collègue et ancienne maire de Cayenne Marie-Laure Phinera-Horth, votre département est plein d’avenir, mais cela implique – on l’a également déjà rappelé – de nombreuses charges, appelant d’importants moyens.

Dans la mesure où le droit en vigueur prévoit une nouvelle répartition des sièges après le franchissement d’un autre seuil et vu le dynamisme démographique de la Guyane, une nouvelle modification législative serait nécessaire dans peu de temps. En instaurant des dispositions pérennes, cette proposition de loi permet donc, et c’est heureux, d’éviter de nouvelles procédures.

Devant ce texte, nous nous sommes posé deux questions.

La première portait sur le renvoi de l’application des règles d’attribution des sièges à un arrêté du préfet de Guyane, et non de M. le ministre de l’intérieur ou de M. le ministre des outre-mer.

Selon notre rapporteure, que je tiens à saluer, le renvoi au pouvoir réglementaire de la répartition effective des sièges ne présente pas de risque constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a effet considéré, comme l’indique le rapport, que « les règles relatives à la délimitation des circonscriptions électorales pour l’élection des assemblées locales constituent des composantes du régime électoral de celles-ci. En l’espèce, dans la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires […], le législateur a fixé le nombre de conseillers départementaux et encadré la compétence du pouvoir réglementaire pour la mise en œuvre de ces règles. »

La rédaction retenue pour la proposition de loi prévoit donc la fixation de règles pérennes en matière de répartition des sièges entre les différentes sections électorales. Ce faisant, elle place le pouvoir réglementaire en situation de compétence liée et, par conséquent, il n’est pas utile de conférer au ministre de l’intérieur la charge d’adopter un tel acte.

Par ailleurs, comme signalé dans le rapport, d’autres dispositions du code électoral concernant la répartition des sièges entre sections électorales attribuent cette charge au représentant de l’État dans le territoire.

Par conséquent, sur cette question précise, les choses sont claires.

Elles le sont aussi – c’est la deuxième question que nous nous sommes posée – sur la prime majoritaire.

Un certain nombre d’acteurs guyanais nous avaient saisis sur ce sujet. On peut remarquer, par exemple, que lors des élections territoriales de 2015, la liste Guyane Rassemblement a obtenu 54,5 % des voix au second tour et trente-cinq sièges, tandis que le MDES, avec 45,5 % des voix, obtenait seize sièges. C’est donc une prime de onze sièges qui a été accordée à la liste arrivant en tête, ce qui suscite des interrogations, d’où l’amendement que nous avions déposé avec mes collègues du groupe socialiste ; amendement que nous avons retiré après avoir entendu les explications de Mme la rapporteure.

Après réflexion, je rejoins tout à fait la position défendue par Philippe Bonnecarrère. Effectivement, la prime majoritaire existe avant tout à l’échelon municipal et personne, à ma connaissance, ne remet en cause cette règle, qui permet de gouverner les communes sans interdire l’expression des minorités ou oppositions.

Par ailleurs, le taux de cette prime est de 25 % pour l’ensemble des élections régionales en métropole, et j’ai pu vérifier qu’il était de 25 % également pour la Guadeloupe et La Réunion et de 20 % en Martinique.

Il existe donc une cohérence d’ensemble, à laquelle il m’apparaît plus sage de ne pas toucher. Peut-être serons-nous appelés un jour à rediscuter de ce point, mais, après vérification et réflexion, il ne nous semble pas opportun d’engager ce débat aujourd’hui.

Les deux questions étant ainsi résolues, notre groupe votera bien évidemment cette proposition de loi. (M. Patrick Kanner applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons se caractérise par son aspect essentiellement technique, sa relative urgence et le consensus dont elle fait l’objet. En effet, il est important de souligner qu’un travail préalable a été effectué en commun avec l’Assemblée nationale sur ce texte.

Depuis le 1er janvier 2016, la Guyane est une collectivité territoriale unique, qui exerce les compétences attribuées à un département et à une région. Elle est dotée d’une assemblée unique chargée de régler, par ses délibérations, les affaires de la collectivité.

Les conseillers à l’assemblée de Guyane sont élus pour six ans, au scrutin proportionnel de liste à deux tours. Pour assurer une stabilité à cette assemblée, la liste ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou arrivée en tête au second tour se voit attribuer une prime majoritaire de onze sièges.

L’assemblée de Guyane est actuellement composée de cinquante et un conseillers, le nombre de sièges étant fixé selon la population de la collectivité territoriale. Le code électoral précise que ce nombre doit être porté à cinquante-cinq si la population dépasse le seuil de 249 999 habitants et à soixante et un au-delà de 299 999 habitants. Or les estimations font état de plus de 290 000 habitants au 1er janvier 2020 : un premier seuil a donc été franchi et le second pourrait l’être prochainement, compte tenu de la vitalité démographique de ce territoire.

Cette augmentation du nombre de conseillers, qui est automatique, n’est pas sans conséquence. En effet, la Guyane forme une circonscription unique, divisée en huit sections électorales. Le code électoral répartit les cinquante et un sièges de conseiller actuels par section. Cette répartition doit désormais être révisée pour tenir compte du passage à cinquante-cinq conseillers.

Plutôt que d’effectuer un tel ajustement technique, il a paru pertinent d’aller plus loin, en inscrivant dans la loi la règle de calcul permettant la répartition des sièges. Un arrêté du représentant de l’État en Guyane en fera l’application.

Cette règle est la suivante : les sièges sont répartis entre sections proportionnellement à leur population, en suivant la règle de la plus forte moyenne. En outre, chaque section dispose d’au moins trois sièges.

Par souci de cohérence, cette évolution a été étendue à la prime majoritaire, car, en l’état du droit, aucune évolution de cette prime majoritaire n’accompagne l’augmentation du nombre de sièges de conseiller.

Le remplacement du nombre onze, inscrit dans le code électoral, par une fraction constante, à savoir 20 % des sièges, apparaît comme une solution satisfaisante. Ainsi, le nombre de sièges octroyés au titre de la prime majoritaire passera automatiquement de onze à treize lorsque le nombre de conseillers atteindra soixante et un, à la suite du prochain franchissement de seuil de population.

La répartition de ces onze, puis treize sièges entre les sections suivra la règle de calcul établie. Chaque section aura au moins un siège.

Cette évolution présente un double intérêt. D’une part, nous n’aurons plus à intervenir à chaque franchissement de seuil démographique – l’adoption de deux lois successives pour un simple ajustement technique ne se justifie guère. D’autre part, le préfet pourra désormais actualiser la répartition par section à chaque renouvellement de l’assemblée, y compris lorsqu’aucun seuil de population n’aura été franchi, afin d’assurer une meilleure représentation de la population.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis du consensus qui s’est fait autour de cette proposition de loi, mais également de la prise en considération des réalités de la Guyane. Le groupe Les Indépendants votera à l’unanimité en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Guyane est un territoire en évolution constante, et pas uniquement sur le plan démographique. Vous savez très bien que les Guyanais font face à un certain nombre d’enjeux écologiques forts, auxquels ils prêtent beaucoup d’attention, et qu’ils attendent avec une certaine anxiété les décisions à venir du Gouvernement, en particulier sur les questions minières.

Il me semblait important de faire cet aparté, d’autant que, pour le reste, les collègues m’ayant précédé ont livré des explications tout à fait claires. Tout le monde a bien compris le fonctionnement de l’assemblée territoriale de Guyane, ses compétences et son organisation en section.

J’avais moi aussi fait part en commission de deux interrogations, que je partage avec certains collectifs ou forces politiques de Guyane, portant sur la prime majoritaire et la répartition des sièges uniquement en fonction de critères démographiques. La Guyane est un territoire remarquable, mais qui fait face à des enjeux économiques et de développement territorial immenses. Certaines parties de ce territoire sont extrêmement vastes et très éloignées des centres économiques ; elles craignent en permanence d’être déclassées, parce que, forcément, les trois sections les plus développées et les plus peuplées de Guyane seront de très loin les mieux représentées au sein de l’assemblée. C’est pourquoi mon groupe, sans remettre en cause fondamentalement la prime majoritaire, avait jugé qu’elle était peut-être excessive. Comme je l’ai dit, par le jeu de cette prime majoritaire et de la répartition démographique, les trois sections guyanaises les plus peuplées ont, à elles seules, plus que la majorité absolue dans la nouvelle assemblée territoriale guyanaise.

L’inquiétude qui s’exprime là pourrait être quelque peu atténuée par le fait que chaque section soit représentée par, au moins, trois conseillers. Cela étant, madame Belrhiti, vous indiquez dans votre rapport avoir auditionné les services du bureau des élections du ministère de l’intérieur, lesquels ont indiqué – et, pour le coup, c’est plutôt inquiétant – qu’« il pourrait être envisageable, dans le cas où les évolutions démographiques en cours se confirmaient – conduisant à un accroissement supplémentaire de l’écart à la moyenne –, d’en prendre acte ultérieurement, en revenant sur le seuil minimal de trois sièges par section ».

Quand on connaît la Guyane, que l’on sait ce que sont les enjeux en matière d’écologie, de biodiversité, les enjeux économiques, sociaux, médicaux, le fait de revenir sur ce seuil minimal a vraiment de quoi inquiéter. Des zones déjà très écartées risquent de se trouver encore plus éloignées des centres de décision et des personnes susceptibles de prendre les décisions. C’est pourquoi nous questionnons aujourd’hui le principe d’une répartition purement démographique, qui, associée à la prime majoritaire, accentuera cette différence entre les territoires.

On le sait, cette proposition de loi doit être promulguée très rapidement, dans un agenda un peu contraint. Mais j’ajouterai un élément à cela, en guise de conclusion : dans le rapport remis par Jean-Louis Debré au Premier ministre – rapport, je le rappelle, qui s’interroge sur l’opportunité de tenir les élections régionales et départementales en mars 2021 –, il est précisé que, s’agissant de l’élection à l’assemblée de Guyane, une différence objective de situation épidémiologique pourrait justifier son maintien au mois de mars. Cela rend l’enjeu temporel encore plus crucial.

C’est pourquoi, en accord avec la commission des lois, qui a déploré le calendrier contraint dans lequel le Gouvernement a inscrit ce travail parlementaire, et en restant particulièrement vigilants sur le fait que ces nouvelles dispositions pourraient permettre le maintien d’un déséquilibre trop important au détriment des zones géographiquement éloignées de la côte, qui sont les moins développées, nous voterons ce texte. (Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi tend à valider l’augmentation du nombre de conseillers de l’assemblée de Guyane et à décider de la répartition des sièges par section. Ce texte, déposé par Lénaïck Adam, député de Guyane, n’entraîne aucune modification du mode de scrutin des élections de la collectivité territoriale de Guyane, mais il permettra une meilleure représentation de la population au sein de cette collectivité. Il répond aux dispositions déjà prévues par le code électoral.

Je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail fourni par les rapporteurs des deux chambres. Je remercie particulièrement notre collègue rapporteure, Catherine Belrhiti, qui a bien voulu nous auditionner. Elle a su saisir deux points qui me semblent essentiels : d’une part, le consensus de toute la classe politique guyanaise sur les objectifs visés par cette proposition de loi ; d’autre part, la nécessité d’une adoption rapide, pour une promulgation de la loi avant le 31 décembre 2020, condition indispensable pour que les élections de la collectivité territoriale de Guyane aient bien lieu au cours de l’année 2021, à l’instar des élections régionales et départementales.

Ainsi, cette proposition de loi prévoit que la répartition du nombre de sièges par section, le nombre de sièges octroyés au titre de la prime majoritaire et la répartition par section de ces derniers devront être déterminés, en application des règles énoncées par la loi, par un arrêté préfectoral pris au plus tard le 15 janvier de l’année du renouvellement de l’assemblée de Guyane.

Mme la rapporteure et mes collègues ont su préciser les dispositions de cette proposition de loi, avec un excellent travail de coordination mené entre les deux assemblées. Je me permettrai donc, monsieur le ministre, de me faire le porte-voix de mes collègues guyanais sur un autre sujet, qui nécessite toute notre attention.

Le texte qui nous réunit ici aujourd’hui trouve sa source dans l’évolution démographique de la population guyanaise. Comme vous le savez, en Guyane, la démographie est galopante. La Guyane est, après Mayotte, le département français dans lequel le taux de natalité est le plus élevé et le taux de mortalité le plus faible. À ces éléments, s’ajoute une pression migratoire constante et de plus en plus prégnante.

La compilation de ces phénomènes nous pousse à interroger les chiffres du recensement effectué par les services de l’État.

Comment expliquer aux Guyanais, qui voient pousser des bidonvilles et des squats sur les terrains vagues et dans les maisons abandonnées, que nous n’avons toujours pas franchi la barre des 300 000 habitants sur ce territoire aussi vaste que le Portugal ?

Comment expliquer à mes compatriotes qu’avec nos 290 000 habitants nous produisons autant de déchets que 300 000 Nantais, alors que notre système de collecte est malheureusement défaillant, voire inexistant sur une large partie du territoire ?

L’ancienne maire de la ville de Cayenne que je suis est plus que convaincue que les chiffres de la population en Guyane sont largement sous-estimés, et j’insiste sur ce terme. Dans leur rapport intitulé Soutenir les communes des départements et régions doutre-mer, pour un accompagnement en responsabilité, mon collègue sénateur Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve ont souligné, au titre de leur recommandation n° 5, la question générale des difficultés de recensement rencontrées dans certains territoires ultramarins, dont la Guyane fait partie.

En Guyane, l’organisation du recensement de la population s’appuie sur les mêmes textes réglementaires que pour le reste de la France. Les collectes sont exhaustives tous les cinq ans pour les communes de moins de 10 000 habitants et annuelles, sur la base de 8 % des logements, pour les communes de plus de 10 000 habitants. Mais l’Insee et les communes doivent s’adapter davantage pour effectuer des collectes plus précises et en cohérence avec les particularités guyanaises. Je pense à la collecte dans l’habitat informel, dans les zones d’habitat où les naissances sont très rapides, comme en bord de fleuve et dans les zones d’orpaillage illégal.

Malgré les efforts des uns et des autres, nous sommes encore loin du compte.

Cette sous-estimation de la population a d’autres conséquences.

Je rappelle ainsi que l’État se fonde sur ces chiffres pour calculer, notamment, la dotation globale de fonctionnement. Certes, la DGF est en progression en Guyane, mais elle demeure l’une des plus faibles de l’ensemble des collectivités ultramarines. Or elle est la première et principale source contributive au budget des communes de Guyane, compte tenu de la faiblesse des ressources fiscales. Les budgets des collectivités de Guyane peuvent donc se voir amputer de dotations, du fait d’une évidente sous-estimation de la population, qui sert de base au calcul de la DGF.

Par ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion de rappeler dans cet hémicycle la situation des écoles de Guyane, qui ne peuvent pas scolariser l’ensemble des enfants se présentant à leurs portes, ce qui pose un véritable problème dans un territoire où nombre de jeunes se trouvent en déshérence. Nous ne pouvons pas non plus offrir suffisamment de logements à nos habitants, notamment aux plus pauvres d’entre eux.

Monsieur le ministre, je profite de ce texte sur la Guyane pour formuler un souhait : que l’État et ses services déconcentrés assurent un recensement plus efficace et précis de la population de Guyane. Nous savons pouvoir compter sur les engagements du Gouvernement.

Le groupe RDPI votera bien évidemment ce texte, essentiel à la vie démocratique en Guyane. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la répartition des sièges de conseiller à l’assemblée de guyane entre les sections électorales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la répartition des sièges de conseiller à l'assemblée de Guyane entre les sections électorales
Article unique (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article unique

(Non modifié)

Le chapitre II du titre Ier du livre VI bis du code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 558-3 est ainsi modifié :

a) La dernière colonne du tableau du deuxième alinéa est supprimée ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés ;

« Le nombre de sièges prévu à l’article L. 558-2 est réparti entre les sections en fonction de leur population respective, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. En cas d’égalité de moyenne, le dernier siège est attribué à la section dont la population est la plus importante ; en cas de nouvelle égalité, il est attribué à la section dont la population a le plus augmenté en valeur absolue depuis le recensement précédent. Chaque section se voit attribuer au moins trois sièges ; si nécessaire, les derniers des sièges répartis selon la méthode décrite aux deux premières phrases du présent alinéa sont réattribués de sorte que chaque section dispose d’au moins trois sièges.

« Au plus tard le 15 janvier de l’année du renouvellement de l’assemblée de Guyane, un arrêté du représentant de l’État en Guyane répartit les sièges entre chaque section en fonction de leur population au 1er janvier de la même année, conformément aux dispositions du présent article. » ;

2° L’article L. 558-4 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa et le tableau du troisième alinéa sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription un nombre de sièges égal à 20 % du nombre total de sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur. Ces sièges sont répartis entre chaque section en fonction de leur population respective, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. En cas d’égalité de moyenne, le dernier siège est attribué à la section dont la population est la plus importante ; en cas de nouvelle égalité, il est attribué à la section dont la population a le plus augmenté depuis le recensement précédent. Chaque section se voit attribuer au moins un siège ; si nécessaire, les derniers des sièges répartis selon la méthode précédemment décrite sont réattribués de sorte qu’au moins un siège soit attribué dans chaque section. » ;

b) Après les mots : « nombre de », la fin de la première phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée : « sièges égal à 20 % du nombre total de sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur. » ;

c) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces sièges sont répartis entre chaque section dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article. » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’arrêté du représentant de l’État en Guyane prévu à l’article L. 558-3 répartit les sièges attribués au titre de la prime majoritaire entre chaque section en fonction de sa population au 1er janvier de l’année du scrutin, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article. »

Vote sur l’ensemble