Mme Laurence Harribey. Il n’est plus là !

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. … que je défends avec ardeur la solidarité européenne, y compris quand elle est difficile à expliquer. Nous parlons aujourd’hui de budget : dans le budget européen, la France contribue à la solidarité européenne à hauteur de plusieurs milliards d’euros par an – ne le cachons pas – afin d’aider d’autres pays, comme la Pologne, la Hongrie, etc. Il y va in fine de notre bénéfice commun. J’assume cette solidarité européenne, qui bénéficie à nos entreprises dans le cadre d’un marché unique européen : c’est notre force dans la mondialisation.

Je suis étonné que l’on soit prêt, quand on est attaché à la souveraineté, aux intérêts et – je l’espère – aux valeurs de notre pays, à transférer de l’argent sans aucune contrepartie et sans vérifier que des valeurs politiques fondamentales comme l’État de droit – il ne s’agit pas de broutilles ! – ne sont pas bafouées en toute impunité. Je n’ai pas cette conception de la souveraineté nationale et des intérêts de la France. Je regrette donc cette position.

Je crois avoir répondu à un certain nombre des préoccupations que vous avez exprimées, madame Mélot. Vous avez évoqué, comme Claude Kern, avec une pudeur qui vous honore, le maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg. Au-delà du simple chauvinisme, c’est une question importante. Le Gouvernement défend nos intérêts. J’étais hier à Strasbourg où nous avons remporté une première bataille symbolique grâce à la présence du président du Parlement européen dans l’hémicycle, marquant ainsi que le Parlement siégeait bien à Strasbourg.

La France continue avec beaucoup d’élus, dont vous-mêmes, à défendre un retour rapide des sessions et la consolidation du statut de Strasbourg comme capitale européenne. Nous signerons à cet effet, entre l’État et les collectivités concernées, un nouveau contrat triennal dans les toutes premières semaines de l’année 2021.

Monsieur Fernique, j’ai rebondi, il me semble, sur votre remarque concernant l’État de droit. En ce qui concerne les ratifications nationales, je vous remercie de votre aide et je salue la mobilisation de votre famille politique écologiste. Il y aura, je l’ai dit, une ratification française. Elle est nécessaire, comme celle de tous les États membres. Sans donner de date définitive, je pense que nous pourrons acter tout cela au cours du premier trimestre de 2021.

Il est très peu probable que les pays qui exprimaient des réticences sur le plan de relance, y compris les « frugaux » et ceux dont les configurations parlementaires sont compliquées pour soutenir ces avancées européennes, s’opposent à cette ratification maintenant que l’accord est obtenu. Des vérifications ont été faites et parfois des mandats ont été donnés aux gouvernements en vue de la négociation.

Je pense avoir répondu aux aimables remarques formulées par le sénateur Gattolin. J’espère également que nous aurons rapidement un certain nombre de noms pour le Magnitsky Act à l’européenne.

En réponse à Mme Guillotin sur les vaccins, j’indique que l’Agence européenne des médicaments a annoncé aujourd’hui même qu’elle avançait au 21 décembre prochain la date à laquelle elle pourrait donner ses premières autorisations de mise sur le marché pour le vaccin Pfizer-BioNTech. Il s’agit de répondre aux préoccupations légitimes qui se sont exprimées sur les délais européens et d’aller plus vite, sous réserve, bien sûr, que l’Agence valide cette autorisation, car il s’agit d’une autorité indépendante et scientifique.

Les certificats de vaccination sont évoqués dans les conclusions du Conseil européen comme une piste à explorer. Mon avis personnel est qu’il faut faire très attention. Je partage donc votre préoccupation, notamment sur les travailleurs transfrontaliers. Tant qu’une immense partie de la population ne sera pas vaccinée, exiger une forme de passeport de cette nature reviendrait à créer, de fait, des barrières illégitimes, parfois très problématiques pour certaines activités du quotidien. Je rappelle que le travail transfrontalier concerne 350 000 de nos concitoyens en termes d’emplois directs, sans compter les emplois indirects et les familles.

Monsieur Laurent, je ne suis pas chargé du dossier Hercule, mais le temps du débat parlementaire sur ce projet viendra. Les fantasmes de négociations cachées ou en coulisses me paraissent tout à fait infondés.

S’agissant de la question de l’État de droit, je l’ai souligné, nous avons franchi une étape : saluons-la ensemble !

Faut-il continuer le combat sur l’État de droit, élargir les mécanismes à d’autres violations potentielles, renforcer le droit à l’avortement en Europe et les droits LGBT ? La réponse est « oui », comme je l’ai publiquement dit à de nombreuses reprises. Je continuerai ce combat et j’espère à cette occasion vous trouver aux côtés du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, saluons aujourd’hui cette avancée, d’autant que le mécanisme adopté n’est pas bloqué par une exigence d’unanimité.

Faisons de la Conférence sur l’avenir de l’Europe un exercice démocratique ouvert : c’est possible et ça ne dépend que de nous.

Enfin, vous m’avez demandé avec ironie à quoi servait l’argent de la Banque centrale européenne. J’ai le souvenir de débats où votre famille politique, parfois à juste titre, reprochait à la Banque centrale européenne de ne pas soutenir l’emploi et la croissance, et d’être trop allemande ou trop « orthodoxe ». Aujourd’hui, elle investit massivement pour consolider la croissance en période de crise : soutenons cette action, car, sans elle, les taux d’intérêt de nos entreprises et de l’État ne seraient pas aussi faibles. Or c’est la faiblesse des taux qui nous permet de répondre à la crise, dans cette période d’urgence.

Monsieur Kern, j’ai répondu à la question strasbourgeoise. Vous avez aussi évoqué les aspects liés au Brexit. D’un mot, oui nous défendons l’accès de nos pêcheurs à la bande des 6 à 12 milles. Il s’agit évidemment d’un point très important, encore à cette heure, dans les discussions entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Quant à la présence de la Royal Navy dans les eaux de la Manche, c’est une provocation aberrante. Je ne veux pas croire que cela aille au-delà d’une manœuvre tactique, car je n’ose penser que nous soyons dans cette relation avec le Royaume-Uni. Réagissons donc avec calme.

Madame de Cidrac, vous avez abordé la question du calendrier sur les ressources propres. J’y ai répondu. Vous avez également évoqué les moyens mobilisés pour soutenir la transition écologique. Le fonds pour une transition juste est précisément inclus dans le cadre budgétaire pluriannuel. Il existe également d’autres instruments, comme le fonds de modernisation. C’est un des paramètres dont nous discuterons dans la suite des négociations pour la mise en œuvre de l’objectif de moins 55 % agréé au niveau européen.

J’ai répondu, de fait, monsieur Louault, à vos questions sur la Turquie. Je précise néanmoins qu’il existe également une convergence euro-américaine en vue de davantage de fermeté à l’égard de la Turquie, notamment en raison de l’achat de matériels de défense russes. Au moment du Conseil européen, les Américains ont décidé des sanctions pour ce motif.

Monsieur Longuet, vous avez raison en ce qui concerne le marché unique de l’électricité. Nous défendons le choix stratégique de souveraineté que représente le nucléaire pour la France. Il est certes parfois de plus en plus attaqué au niveau européen, mais il s’agit, dans le jargon européen, d’un principe de neutralité énergétique : chaque État membre doit avoir une marge de manœuvre, une fois les objectifs fixés, pour définir son mix énergétique.

Des pays ont renoncé au nucléaire, c’est leur choix et leur droit. Pour autant, ils ne doivent pas nous imposer un choix symétrique alors que nous avons opté avec justesse il y a quarante ans en faveur du nucléaire pour assurer notre souveraineté énergétique en même temps qu’un bouquet énergétique faiblement carboné.

Cet avantage est précieux, nous le défendons, y compris dans les négociations au sujet d’EDF et de nos mécanismes de fixation du prix de l’électricité. L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’Arenh, fait précisément partie de nos discussions avec la Commission européenne. Il importe que les coûts ne soient pas excessifs ni trop strictement définis dans le soutien que nous apportons à nos grands opérateurs énergétiques, comme le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler au cours du Conseil européen et lors de son déplacement au Creusot.

Monsieur Duplomb, un dernier mot sur les questions agricoles, que vous avez soulevées. C’est un vaste débat qui dépasse ma compétence, mais, je vous le confirme, nous avons la préoccupation réelle d’éviter toute forme d’iniquité dans les efforts que nous faisons en Europe pour défendre notre ambition climatique. Les éco-régimes ou les eco-schemes, comme l’on dit parfois, que vous avez évoqués, représentent une avancée importante qu’a négociée Julien Denormandie dans la prochaine politique agricole commune. Ils sont rendus obligatoires, ce qui limitera les distorsions de concurrence.

Vous avez parlé d’un certain nombre de trous dans la raquette ou de possibilités de dérogations. Cela fait l’objet de discussions en ce moment entre le Parlement européen et le Conseil, et nous serons vigilants à la fois pour que le niveau des éco-régimes soit ambitieux et pour que leur caractère véritablement obligatoire ne soit pas remis en cause. J’en ai conscience, cela ne fait pas tout le chemin pour construire cette équité dans les pratiques agricoles et dans les obligations climatiques qui y sont liées, mais c’est aussi important.

De même, les objectifs écologiques fixés dans les plans de relance et les budgets nationaux irriguent la politique agricole de chaque pays, parce que, pour atteindre 30 % de dépenses pro-climat au niveau européen, il faut nécessairement mobiliser la PAC. D’ailleurs, je dois dire que la politique agricole commune est la première politique européenne intégrée, commune, qui contribue à la transition écologique. Il faut simplement qu’on l’organise de manière équitable en matière de concurrence interne.

Vous ne l’avez pas évoqué, mais je crois que c’est un point très important qui nous anime dans notre recherche d’équité : nous devons aussi faire en sorte que les accords commerciaux, qui sont parfois encore négociés ou discutés par l’Union européenne, ne ruinent pas les efforts de nos propres agriculteurs, de nos propres producteurs. C’est la raison pour laquelle nous avons cette position de fermeté, que vous connaissez, sur le rejet, en l’état du texte, du projet d’accord commercial que la Commission européenne avait négocié avec le Mercosur.

Voilà, à défaut d’avoir été synthétique, j’espère au moins avoir été complet dans mes réponses.

Conclusion du débat

Mme le président. Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Je prendrai moins de cinq minutes, après nos deux heures et demie de débat…

Je remercie M. le secrétaire d’État et tous nos collègues qui sont restés pour écouter les éléments de ce débat post Conseil. Je veux conclure sur quelques points.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez remarqué que, dans mon propos liminaire, j’ai été l’un des rares à ne pas parler du Brexit, mais je gardais le meilleur pour la fin !

Je pense pouvoir dire que nous sommes épuisés par ces longs débats, ces longues discussions qui n’aboutissent pas, a fortiori si nous sommes pleinement concernés par le sujet. Dimanche dernier, nous en étions au troisième rendez-vous dominical, qui devait se conclure sur un accord. Or nous sommes repartis dans des discussions qui vont durer encore quelques jours. Ou plutôt, nous ne savons pas bien, mais nous sommes sûrs d’une chose : dans quinze jours, les Britanniques quittent l’Union européenne !

Aujourd’hui, plusieurs questions se posent à nous. Comment allons-nous appréhender non pas ces quinze derniers jours, mais ceux qui vont venir après, qu’il y ait un deal ou pas ? Comment les parlements européens vont-ils se prononcer sur la suite et sur un accord potentiel ou un non-accord entre le Royaume-Uni et l’Europe ? Cette période de transition sera probablement aussi compliquée à aborder au niveau intraeuropéen.

Par ailleurs, nous nous demandons si nous serons prêts. Je suis allé à de nombreuses reprises sur les sites que vous avez évoqués, notamment dans les Hauts-de-France et en Normandie. Au stade de la répétition, on a l’impression que tout va bien, mais il faudra voir dès le 1er janvier. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je vous donne un scoop : je proposerai à mes collègues membres du groupe Brexit une visite sur site, le 4 janvier, pour juger sur pièces et sur place quelle est la situation dans les tout premiers jours après cette première échéance. Cette visite importante nous permettra peut-être d’ajuster certains points pour la suite.

Ma deuxième réflexion porte sur le cadre financier pluriannuel. Je vous félicite d’être arrivé au bout de la négociation, mais la mise en place du CFP nous pose encore certains problèmes. J’entends par là que l’échéance, fixée à début février, pour le passage devant les parlements nous semble non pas irréaliste, mais presque folle, tous les parlements devant ratifier quelque chose qui va nous engager pour des années. Je pense qu’il faut aller plus loin dans le débat, parce que c’est un vrai tournant que prend l’Europe, avec un endettement pour trente ans, mais aussi une vision plus fédéraliste, disons-le, dans la façon de gérer l’Union.

Au-delà de la question des ressources propres, les parlements, et en particulier le parlement français, devront se prononcer sur le chemin que devra prendre la construction européenne. C’est donc aussi un débat sur l’avenir de l’Europe, et je pense qu’un tel débat, qui requiert une réflexion politique, technique, trouverait mieux sa place au Parlement, plutôt que d’être tranché directement par nos concitoyens.

Enfin, le troisième point, monsieur le secrétaire d’État, concerne le prochain Conseil en 2021, avec le report de l’échéance s’agissant des dispositions que nous devrons prendre par rapport à la Turquie. J’insiste auprès de vous pour que la France ait enfin une position ferme, peut-être plus forte que celle qui a transpiré des déclarations entendues. En tout cas, il est nécessaire d’utiliser l’Union européenne comme un outil de négociation et de gestion de nos relations avec les Turcs.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les quelques éléments que souhaitais apporter au débat, en espérant que le fog londonien ne nous aveugle pas plus longtemps. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Nous en avons terminé avec le débat à la suite du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

Mme le président. La séance est reprise.

7

Questions orales

Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

renouvellement des concessions hydroélectriques

Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 1372, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Frédérique Espagnac. La société hydroélectrique du midi (SHEM), troisième opérateur hydroélectrique français, dont la création remonte à 1929, sera soumise au renouvellement de ses concessions hydroélectriques sur les trois vallées pyrénéennes : vallée d’Ossau, vallée du Louron et vallée de la Têt.

Ces concessions sont exploitées dans le cadre de délégations conclues entre la SHEM et l’État. Elles sont arrivées à échéance en 2012 et sont prorogées depuis lors aux conditions antérieures. À elles seules, elles représentent 40 % de la puissance installée de la SHEM.

Aujourd’hui, la mise en concurrence de ces concessions risque de condamner cette société, et, à terme, l’ensemble de ses 320 salariés, qui vivent dans des territoires en revitalisation rurale pour la plupart.

L’atelier de maintenance de toutes les centrales hydroélectriques du groupe est basé à Laruns, dans les Pyrénées-Atlantiques, mon département, et emploie 50 personnes en plus du personnel spécifique opérant à la centrale hydraulique sur place.

Au total, ce sont 100 personnes qui sont employées de la SHEM dans ce village de montagne de 1 000 habitants. Les familles contribuent à faire vivre l’économie de la vallée.

Avec le départ de la société, c’est au minimum une perte de 50 emplois, puisque l’atelier, soit serait délocalisé sur un autre site hors de la commune et du département, soit disparaîtrait tout simplement.

La SHEM est particulièrement impliquée aux cotés des acteurs locaux dans la commune de Laruns : elle gère 67 millions de mètres cubes de lâchers agricoles, ou, pour des activités sportives comme le canyoning ou le kayak, des prélèvements pour l’eau potable, la montaison et la dévalaison des poissons. Cette entreprise s’est engagée dans une démarche de responsabilité sociale type RSE, devenant la première entreprise industrielle labellisée Lucie et ISO 26000.

Auprès des territoires, elle s’est investie dans la promotion d’un tourisme responsable – train d’altitude, information sur les énergies renouvelables via la visite guidée de ses infrastructures –, ainsi que sur les thématiques de l’emploi ou de la précarité des personnes.

Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement, qui explore actuellement le droit des concessions renouvelées sans mise en concurrence à une structure dédiée, le mettra en œuvre pour la concession spécifique de Laruns, afin de pérenniser l’activité de la SHEM et de préserver le tissu socioéconomique existant dans ce territoire de montagne.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, qui, ne pouvant être présente, m’a chargé de vous répondre.

Tout d’abord, il convient de rappeler que la Commission européenne a engagé un contentieux à l’encontre de la France portant notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues.

Cette situation nuit aux investissements dans le secteur et c’est une source d’incertitude pour les entreprises, les salariés et les collectivités.

Le Gouvernement travaille donc activement pour trouver une solution dans les meilleurs délais. Plusieurs scénarios, vous le savez, sont à l’étude, et aucune décision n’a été prise. Les échanges avec la Commission européenne se poursuivent encore et aucun accord n’a été trouvé à ce stade.

Le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que la solution retenue permette la pérennisation et le développement du parc hydraulique français. L’hydroélectricité est en effet cruciale non seulement pour notre transition énergétique, mais également pour la gestion de la ressource en eau. C’est donc une activité essentielle dans le contexte du changement climatique. Comme vous le rappelez, elle contribue également significativement à l’économie locale, au travers des redevances versées aux territoires et des emplois créés. Enfin, le Gouvernement accordera, bien entendu, une attention particulière au personnel des sociétés exploitantes.

Quelle que soit la solution retenue, in fine, pour la gestion des concessions hydroélectriques françaises, le Gouvernement reste très attentif, soyez-en certaine, madame la sénatrice, au potentiel énergétique, technique et humain de la SHEM et des concessions qu’elle exploite. Le ministère de la transition écologique est en contact régulier avec la SHEM et son actionnaire, Engie, sur le sujet.

Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.

Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que j’attendais néanmoins plus précise. Je vous ai parlé de Laruns et de l’atelier de la SHEM, qui représente 50 emplois en plus des 50 emplois de la centrale hydroélectrique que j’ai mentionnée.

Vous l’avez dit, nous sommes dans une situation compliquée au regard des règles européennes. Je l’entends bien, mais je pense qu’il y a aujourd’hui urgence à optimiser l’investissement dans le secteur hydraulique, tout en redistribuant les ressources financières vers les territoires. Des solutions sont en train d’être trouvées pour EDF, et la SHEM serait finalement la seule à être touchée.

extension du bail mobilité aux victimes de catastrophes naturelles

Mme le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 1381, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Patricia Demas. Monsieur le ministre, ma question, qui s’adressait à la ministre de la transition écologique, porte sur une proposition que les professionnels de l’immobilier des Alpes-Maritimes ont bien voulu me soumettre à la suite de la tempête Alex, qui, vous le savez, a dévasté les vallées de ce département.

Cet épisode climatique a, le 2 octobre dernier, conduit à la destruction d’équipements publics essentiels à la vie des vallées, ainsi que de nombreux logements.

L’actuel cadre juridique des locations meublées à usage de résidence principale, qui impose une durée de bail d’un an avec tacite reconduction obligatoire au bénéfice du locataire, n’est pas de nature à inciter les bailleurs à louer à des personnes ayant subi de tels drames, leur solvabilité étant objectivement obérée.

En revanche, le bail mobilité est un bail meublé qui pourrait être adapté à leur situation, dans la mesure où il est suffisamment souple dans sa durée, librement fixée jusqu’à dix mois. Or son champ d’application, défini par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi du 23 décembre 1986, n’est pas, à ce jour, ouvert aux victimes de catastrophes naturelles.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si son extension ne pourrait pas être envisagée pendant un certain délai, lorsque l’état de catastrophe naturelle aurait été reconnu sur le territoire d’une commune. Cela permettrait aux bailleurs et aux locataires de bénéficier du dispositif de garantie des loyers Visale, expression de la solidarité nationale, qui serait opportune dans ces conditions exceptionnelles.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’encourager, je l’espère, des propositions émanant de professionnels de l’immobilier en faveur des vallées sinistrées.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, qui ne pouvait être présente, m’a chargé de vous répondre.

Créé par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN), le bail mobilité est défini à l’article 25-12 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

En effet, il tire sa spécificité du fait qu’il est dérogatoire aux règles de droit commun applicables à la location de logement meublé, ce qui favorise la mobilité et permet de satisfaire aux besoins temporaires de logement. Cela implique que son champ d’application soit encadré : il n’est accessible qu’aux personnes en mobilité professionnelle, en l’occurrence au locataire justifiant d’une formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique, en mutation professionnelle ou en mission temporaire.

En parallèle, le dispositif de garantie des loyers Visale est accessible à tout public éligible au bail mobilité, mais avec un champ plus large. Il s’adresse à l’ensemble des jeunes entre 18 ans et 30 ans ou aux salariés de plus de 30 ans dans une situation de nouvelle embauche ou de mutation. Il bénéficie également aux ménages logés par un organisme d’intermédiation locative.

Il convient de rappeler qu’il s’agit d’un dispositif pensé et mis en œuvre au bénéfice des salariés, financé par Action Logement dans le cadre de la convention quinquennale avec l’État sur l’utilisation de la participation des employeurs à l’effort de construction.

Les victimes de catastrophes naturelles ne sont pas éligibles au bail mobilité pour ce seul motif, et une modification législative serait nécessaire pour aller plus loin. Une adaptation du périmètre du dispositif Visale ne nécessite pas le même formalisme, et pourrait peut-être mieux répondre aux besoins locaux que vous identifiez.

L’État vient de relancer, voilà quelques jours, une négociation globale avec Action Logement, notamment pour adapter les dispositifs d’intervention du groupe afin d’accompagner le plan de relance. Dans ce cadre, la garantie Visale sera abordée. Je vous propose d’étudier si la prise en compte de la situation des victimes de catastrophes naturelles serait envisageable dans ce contexte.

Mme le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.

Mme Patricia Demas. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui est encourageante au regard de la situation que j’évoquais. Effectivement, le bail mobilité permet de bénéficier de cette souplesse pour nous adapter aux urgences que mon département a connues, et que je ne souhaite à aucun autre département. Cela étant, j’ai compris qu’il fallait envisager une modification législative. Nous veillerons attentivement à ce que cette évolution soit possible. Je note en parallèle la touche d’optimisme que vous avez apportée en évoquant la garantie Visale.

remplacement obligatoire des chaudières fioul et charbon

Mme le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 1291, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, ma question concerne la situation des distributeurs de produits énergétiques.

À compter du 1er janvier 2022, l’installation dans les bâtiments neufs ou le remplacement d’un matériel existant par des chaudières au fioul et à charbon seront interdits.

Alors que le Premier ministre a récemment défendu la nécessité « d’une écologie de proximité, de quartier et de terrain », cette décision d’interdiction ne sera pas sans conséquence sur la profession et sur les consommateurs eux-mêmes.

Tout d’abord, elle va fragiliser l’emploi des 15 000 salariés de la distribution des énergies hors réseau dans un contexte économique déjà difficile.

Ensuite, elle va s’attaquer à l’énergie de chauffage principale des territoires ruraux les plus éloignés des grandes métropoles. En effet, le fioul domestique est aujourd’hui la troisième énergie de chauffage en France. Les consommateurs de fioul vivent majoritairement dans les territoires ruraux, en maisons individuelles, qui, le plus souvent, ne sont pas accessibles au gaz de réseau.

En outre, elle ne prend pas en considération l’absence de solutions alternatives aux combustibles liquides. Le fioul est particulièrement utilisé dans des zones ou les températures hivernales sont basses, et le remplacement des chaudières à fioul par des pompes à chaleur géothermiques représente un coût financier élevé, de 18 000 à 20 000 euros.

Par ailleurs, elle ne va pas laisser le temps aux distributeurs de fioul de s’adapter aux changements d’énergie et va fragiliser la sécurité d’approvisionnement des autres énergies distribuées.

Enfin, cette décision semble ignorer le virage écologique que la filière fioul a amorcé depuis deux ans. En effet les distributeurs de fioul ont engagé avec les autres secteurs concernés, c’est-à-dire les chaudiéristes, les chauffagistes et la filière agricole, un processus de transition rapide vers le biofioul, un bioliquide de chauffage qui intègre une part d’ester méthylique d’acide gras de colza cultivé et transformé en France.

Ce biofioul est une énergie renouvelable, locale, qui répond aux enjeux de transition écologique, d’indépendance nationale et de justice sociale. Il est, par conséquent, indispensable de permettre aux consommateurs chauffés au fioul domestique de passer progressivement au biofioul de chauffage.

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser votre position.