Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.

M. Thomas Dossus. Madame la secrétaire d’État, la sobriété énergétique est un impératif : pourquoi, d’un côté, préconiser de fortes économies d’énergie et, de l’autre, laisser se développer de nouveaux usages entraînant une forte consommation d’électricité ?

La 5G représente une augmentation de 5 % à 13 % de la consommation finale d’électricité du résidentiel et du tertiaire actuels. Si, tout en isolant les bâtiments pour faire des économies, on laisse la consommation énergétique exploser, on n’y gagne rien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Je constate que le groupe Les Républicains a choisi d’utiliser l’anglicisme « blackout » énergétique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Aussi, je rappelle que, en français, il s’agit d’une coupure généralisée de l’approvisionnement en électricité sur tout ou partie d’un territoire. Cette crainte a été largement relayée par les médias en raison des effets de la crise sanitaire et du confinement du printemps dernier, le calendrier de maintenance du parc nucléaire ayant été retardé avec un nombre anormalement haut de réacteurs à l’arrêt.

Le débat de cet après-midi porte donc, d’une part, sur le risque de sous-production par rapport à une demande en forte hausse liée à la chute actuelle des températures et, d’autre part, sur les mesures que prend ou pourrait prendre le Gouvernement pour prévenir un tel phénomène, dans cette période hivernale et de couvre-feu. En France, il est vrai, nous sommes particulièrement consommateurs de chauffage électrique, ce qui peut provoquer une croissance rapide de la demande en énergie au cœur de l’hiver, notamment en début de soirée.

Nos voisins connaissent actuellement des froids glaciaux qui pourraient, selon certains scénarios, atteindre notre pays. En tant que membre du groupe d’amitié France-Espagne, j’ai une pensée particulière pour nos amis espagnols : la tempête Filomena a déjà causé plusieurs décès dans leur pays, où s’abat une vague de froid sans précédent depuis 1956.

Dans ce contexte, pour répondre à une éventuelle surconsommation, des campagnes de sensibilisation sont lancées et des mesures existent en France pour compenser le manque de ressources. La plus connue est l’importation d’électricité auprès des pays frontaliers. Toutefois, la situation risque d’être tendue : l’Allemagne est elle aussi concernée par cette vague de froid et sera également soumise à une forte demande sur son réseau intérieur.

Dans certains cas extrêmes, RTE peut également demander aux différents gestionnaires du réseau de distribution de réaliser des coupures localisées tournantes de deux heures au maximum. La Bretagne et le sud-est de la France seraient particulièrement touchés par le délestage du fait d’un faible niveau de production d’électricité dans ces zones. Cette possibilité est-elle envisageable ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Havet, dans certaines situations exceptionnelles, si la capacité de production est insuffisante au regard de la consommation, des mesures post-marché peuvent en effet être mobilisées afin d’éviter d’avoir recours à des délestages, en particulier l’activation des contrats d’interruptibilité des grands consommateurs industriels, permettant à RTE de couper l’approvisionnement avec un très faible préavis, un service pour lequel ces industriels sont rémunérés.

La baisse de tension sur les réseaux est également possible : une diminution temporaire de 5 % n’emporte que des conséquences quasiment imperceptibles sur la qualité du service.

D’autres réponses existent, comme l’augmentation ponctuelle de nos importations, au-delà du signal donné par le marché, ou l’appel aux gestes citoyens. Ce dernier point fait l’objet du site Ecowatt, développé avec RTE et l’Ademe ; ses alertes permettent une mobilisation dans laquelle tous les Français peuvent trouver du sens afin d’adapter certaines habitudes du quotidien. Le résultat a d’ailleurs été très bénéfique jeudi dernier, et nous pouvons les en remercier.

En dernier recours, et seulement si les leviers que je viens d’évoquer ne sont pas efficaces, RTE prévoit de pouvoir faire appel aux délestages tournants, c’est-à-dire à la coupure temporaire de deux heures de certains clients en variant les zones concernées afin d’anticiper et de maîtriser la situation. Ces coupures épargnent, évidemment, les infrastructures prioritaires, comme les établissements de santé ou les installations indispensables à la sécurité.

Il ne s’agit surtout pas de mettre la France dans le noir, mais bien de maîtriser le délestage ciblé d’une partie des consommateurs afin d’éviter des coupures beaucoup plus importantes. Ces opérations font l’objet d’une annonce la veille du délestage.

C’est donc sur la base de cet effort volontaire de réduction, des éco-gestes et de ces différentes mesures que nous nous garantissons une absence de blackout.

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de parlementaires libyens conduite par M. Aguila Saleh, président de la Chambre des représentants de Libye. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la secrétaire dÉtat se lèvent.)

La délégation effectue une visite au Sénat à l’invitation du président Gérard Larcher ; elle sera reçue en audience par le président du Sénat aujourd’hui. Le président Aguila Saleh s’exprimera également devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

La Libye connaît, depuis 2011, une situation politique, économique et sécuritaire complexe, laquelle affecte au premier chef le peuple libyen, mais aussi l’équilibre de la région et, au-delà, celui du continent européen. Pour y faire face et trouver une issue favorable, la France ne ménage pas ses efforts.

La Libye et les Libyens savent qu’ils peuvent compter sur notre appui pour soutenir les efforts de la médiation menée sous l’égide des Nations unies en vue de l’instauration d’un État réunifié, solide, pleinement souverain et de la tenue des élections le 24 décembre 2021. Nous formons le vœu que cette visite conforte les relations entre nos deux pays et contribue à cette sortie de crise en Libye.

Nous souhaitons au président de la Chambre des représentants, M. Aguila Saleh, aux parlementaires et à la délégation qui l’accompagnent la bienvenue au Sénat de la République française, ainsi qu’une agréable et fructueuse visite. (Applaudissements.)

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Risque de blackout énergétique

Suite d’un débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. Dans la suite du débat interactif, la parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La crise sanitaire a entraîné des retards dans la maintenance des réacteurs nucléaires et donc une moindre disponibilité du parc. Bien que planifiés, la fermeture de Fessenheim en 2020 – qui produisait 1 800 mégawatts – et les arrêts de centrales au fioul et au charbon participeront aux tensions de l’offre. En vérité, la centrale de Fessenheim nous manque !

Si le risque de blackout est maîtrisé cet hiver, il ne peut être écarté à l’avenir, et je remercie les initiateurs de ce débat d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour.

Il est impératif d’anticiper et d’accroître les marges de manœuvre, car il n’est pas acceptable de se satisfaire des capacités d’effacement et de coupures d’électricité, aussi courtes soient-elles, comme cela pourrait être le cas au cours du prochain mois.

Au-delà de la nécessaire maîtrise de la demande par des gains d’efficacité énergétique, il convient de garantir la stabilité du système électrique.

Le développement des capacités de stockage doit s’accélérer, afin d’accompagner les efforts de stabilisation des réseaux. À ce titre, le recours à l’hydrogène constitue un levier de flexibilité pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en énergie, ainsi qu’une meilleure intégration des énergies renouvelables. Pour rappel, ces dernières devraient représenter 40 % du mix électrique français en 2030.

La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène, ambitieuse sur le plan financier, avec les 7 milliards d’euros qui lui seront consacrés, évoque timidement le stockage de l’énergie. Plus que celle de la France, les stratégies américaine et britannique accordent une importance particulière à la résilience des réseaux énergétiques au travers du stockage souterrain de l’hydrogène. Dès lors, comment le Gouvernement entend-il accélérer le développement du stockage massif de l’hydrogène afin d’accompagner la transition énergétique et de préserver la sécurité d’approvisionnement de notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Requier, à court terme, les analyses de RTE n’indiquent pas un besoin de recours à l’hydrogène pour faire face aux pointes de consommation : les sources actuelles de flexibilité sont suffisantes à l’horizon de 2030-2035. Pour autant, l’objectif prioritaire du développement de l’hydrogène est la décarbonation des usages afin de pouvoir l’utiliser directement, notamment dans l’industrie et la mobilité lourde, de manière complémentaire aux solutions entièrement électriques.

À ce titre, la stratégie française pour le développement de l’hydrogène, annoncée en septembre dernier par le Gouvernement, fixe un objectif de 6,5 gigawatts d’électrolyse à l’horizon de 2030. Nous nous donnons ainsi la possibilité de massifier la production et l’utilisation d’hydrogène, avec une enveloppe de 7 milliards d’euros jusqu’à 2030, dont 2 milliards d’euros ont été inscrits dans le plan de relance. Nous consacrons donc des moyens importants au développement de l’hydrogène.

Au-delà de 2035, indépendamment du mix électrique choisi, les études montrent un besoin de stockage accru. L’hydrogène pourra alors offrir une solution des plus intéressantes. Plusieurs études prospectives de long terme sont en cours et permettront de quantifier ce besoin et, plus largement, de documenter les enjeux et les leviers de notre futur système électrique, notamment le bilan prévisionnel 2050 de RTE, lequel doit être publié à la mi-2021.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Depuis deux ans, RTE alerte sur le risque de tension du système électrique durant les hivers à venir et sur les risques de coupure généralisée.

En novembre dernier, Mme la ministre Pompili nous confirmait la possibilité de coupures très courtes en cas de grosses vagues de froid. Pour y remédier, il suffirait, selon elle, d’avoir recours à l’effacement, c’est-à-dire de demander aux industries d’arrêter leur production à certains moments, contre rémunération. Or, demain, ce n’est plus seulement aux entreprises électro-intensives que l’on demandera de s’effacer, mais aussi aux particuliers, grâce aux boîtiers Linky. C’est dans cette logique, semble-t-il, qu’EDF a lancé sa scandaleuse campagne #MetsTonPull, alors que 12 millions de personnes sont déjà en situation de précarité énergétique. Tous ne devront pourtant pas se couvrir et l’hiver ne sera pas rigoureux pour tout le monde, comme pour la famille Mulliez, grâce au développement, via des fonds publics, du boîtier d’effacement Voltalis.

Cette injonction à « mettre son pull », discours paternaliste et infantilisant, présupposant que les Français gaspillent, ne saurait en aucun cas masquer votre inertie à développer une politique industrielle ambitieuse pour répondre aux besoins de la Nation.

Si la crise épidémique a accentué les menaces sur l’approvisionnement, c’est bien la libéralisation du secteur de l’énergie qui en est à l’origine, et cette situation risque fort de devenir structurelle avec le projet Hercule.

Aujourd’hui, des centrales nucléaires et à charbon sont fermées sans que leur apport soit compensé, et les barrages hydroélectriques – les sources d’énergie les plus pilotables et qui permettent d’assurer l’approvisionnement de façon continue, avec le nucléaire – pourraient être confiés, demain, au privé. Nous serions alors pleinement à la merci des actionnaires, qui pourraient bien décider, comme ce fut le cas en Californie dans les années 2000, de couper l’alimentation.

Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quand allez-vous mettre un terme à cette politique mortifère de libéralisation du secteur et enfin créer un véritable service public de l’énergie dont la Nation a besoin ? Et puisque vous avez parlé des salariés : cessez de casser leur statut ! Plus que de longs discours, c’est cela qu’ils attendent de vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Gay, les producteurs d’énergie adaptent leur production en fonction des signaux économiques, c’est indéniable. Dans le cas d’un barrage hydroélectrique à réservoir, ils ont une incitation économique à produire lorsque le prix est plus élevé, c’est-à-dire lorsque s’annoncent des pointes de consommation. Ce système contribue donc à la sécurité d’approvisionnement. Quelle que soit l’option retenue pour le renouvellement des concessions hydroélectriques, ce comportement, dicté par une rationalité économique, ne changera pas.

La Commission de régulation de l’énergie, une autorité administrative indépendante, s’assure, par ailleurs, que les acteurs n’abusent pas de leur éventuel pouvoir de marché, et le gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE, a la responsabilité d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande sur ce réseau et peut faire appel aux moyens de production en cas de risque pour la sécurité d’approvisionnement.

Un scénario à la Enron, dans lequel un acteur avait pu manipuler le système électrique grâce à la possession de lignes à haute tension cruciales pour la Californie et de nombreux moyens de production, n’est donc pas à craindre en France, et nous y veillerons.

M. Fabien Gay. Si on vous laisse faire, c’est ce qui nous arrivera !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Plus largement, ainsi que cela sera évoqué lors du débat dont vous avez demandé l’organisation demain, concernant l’évolution d’EDF, le Gouvernement est très attentif à mettre en place un dispositif dans lequel les concessions hydroélectriques pourront jouer tout leur rôle dans la transition énergétique comme dans la gestion de l’eau – la question des étiages en est un exemple parfait – en développant des approches cohérentes par vallée et en créant des conditions d’investissement nouvelles pour les concessions existantes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Un blackout énergétique traduirait un déséquilibre sur le réseau avec une demande d’électricité supérieure à la capacité de production. À ce jour, un tel déséquilibre ne s’est jamais produit en France. Malheureusement, ce risque ne doit pas être écarté, tant à court terme, avec l’indisponibilité, cet hiver, de centrales nucléaires, qu’à long terme, avec le rééquilibrage progressif du mix énergétique de la France en faveur des énergies renouvelables. Le niveau de ces dernières dans le mix est encore trop faible pour que leur intermittence ait un impact structurel sur le réseau, mais cette problématique devrait se présenter de plus en plus régulièrement à la faveur de leur développement.

Quelles solutions peuvent être alors envisagées ? Deux leviers principaux sont à disposition des pouvoirs publics : le dimensionnement des moyens de production pour faire face à des pics de consommation, d’une part, et la flexibilité du système électrique, d’autre part.

En ce qui concerne ce second point, il nous faudra, bien entendu, améliorer les technologies de stockage de l’électricité renouvelable intermittente. En la matière, madame la secrétaire d’État, quelles solutions vous semblent aujourd’hui les plus avancées ?

Nous considérons que, à long terme, le développement d’une filière d’hydrogène bas-carbone pourrait contribuer à remédier à l’intermittence saisonnière des énergies renouvelables. L’hydrogène produit en période de surplus d’électricité renouvelable, par exemple en été, pourrait être stocké et retransformé en électricité par le biais de piles à combustible ou de turbines à combustion pendant les périodes de faible production éolienne ou solaire.

Le recours au stockage par hydrogène devrait cependant demeurer marginal en France métropolitaine dans les années à venir, en raison du niveau encore modéré des énergies renouvelables dans le mix énergétique. À long terme, quand celles-ci occuperont une part plus ambitieuse de notre mix, ne faudra-t-il pas faire de l’hydrogène un outil de flexibilité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Longeot, à court terme, les analyses de RTE n’indiquent pas de besoin supplémentaire de stockage pour faire face aux pointes de consommation : les sources actuelles de flexibilité sont suffisantes à l’horizon de 2030-2035.

Au-delà de 2035, indépendamment du mix électrique choisi, les études montrent un besoin de flexibilité accru. Plusieurs leviers sont envisageables à cette fin : le développement du stockage, l’amélioration de l’efficacité énergétique ainsi qu’un meilleur pilotage de la demande pour baisser et mieux répartir les pointes de consommation.

En ce qui concerne le stockage, l’hydrogène est une option intéressante. Le Gouvernement a mis en place un plan Hydrogène doté de 7 milliards d’euros à l’horizon de 2030 pour massifier la production et l’utilisation de l’hydrogène.

À court terme, la priorité du développement de l’hydrogène vise à la décarbonation des usages, notamment dans l’industrie et dans la mobilité lourde. D’autres solutions existent pour le stockage, comme le recours aux batteries au sein du système électrique, de plus en plus fréquent et dont les coûts baissent rapidement. À moyen terme, le développement de parcs de batteries pourra donc apporter cette flexibilité.

Le développement des véhicules électriques offre également une opportunité d’améliorer sensiblement la flexibilité du système grâce à des outils de pilotage de recharge. Il est ainsi tout à fait envisageable d’inciter les utilisateurs à charger leur véhicule en milieu de journée, lorsque la production renouvelable est importante, et à restituer en partie cette énergie au réseau le soir, lorsque les besoins sont importants.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. L’évolution de la production d’électricité en France s’inscrit dans le cadre de la PPE révisée et de la stratégie nationale bas-carbone. De 71 % de production d’électricité d’origine nucléaire aujourd’hui, ayant, je le rappelle, un impact minime sur le réchauffement climatique et un coût très compétitif, nous devons passer à 50 % en 2035. La marche est très haute et la faisabilité d’une telle modification pose question.

EDF s’est engagée dans la mise aux normes post-Fukushima et le rallongement de la durée de vie de ses centres de production dans le cadre du grand carénage. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous fournir à la représentation nationale et à la commission des affaires économiques du Sénat la programmation pluriannuelle des investissements et de leur financement traduisant la planification des investissements et des gros entretiens de production, incluant, bien entendu, les énergies renouvelables ?

La situation actuelle du réseau donne à comprendre que le mécanisme de capacité en place ne répond pas à la couverture des risques identifiés ou constatés.

Cette PPI devrait, bien sûr, faire apparaître les investissements planifiés au regard des risques de blackout et des nécessités d’importation en situation de crise de fourniture. Je constate, en outre, que le dernier guide public de RTE relatif à la gestion des blackouts remonte à 2004.

En quoi le projet Hercule du Gouvernement, en démantelant de fait le groupe EDF, second énergéticien au monde et fleuron de notre souveraineté industrielle, va-t-il améliorer la prévention des blackouts ? Comment va-t-il permettre d’améliorer la résilience de la production et des réseaux de transport et de distribution face aux aléas climatiques et technologiques ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Montaugé, nous disposons de ces projections et de ces bilans, qui sont beaucoup plus fréquents que vous ne l’indiquez. Les sénateurs comme les députés, parmi lesquels je siégeais encore il y a quelques mois, ont largement débattu dans le cadre de la loi Énergie-climat comme de la programmation pluriannuelle de l’énergie de ces différents scénarii.

M. Franck Montaugé. Je parle de la PPI !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Les investissements ont évidemment été mis en regard.

Je ne reviens pas sur Hercule, vous en débattrez demain.

Nous avons évoqué les différentes mesures qui permettent d’éviter un blackout, lequel, pour les raisons précédemment avancées, ne constitue ni un risque particulier ni une urgence appelant d’autres mesures.

Enfin, le parc nucléaire a en effet connu une disponibilité historiquement faible durant l’hiver 2020 ; nous en connaissons les raisons. Les fermetures de centrales à charbon envisagées ont pu être préparées et nous avons sécurisé notre approvisionnement par un autre mix énergétique, qui nous permet d’aborder sereinement les prochaines échéances, y compris en cas de pic de consommation.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. S’agissant de l’électricité, il convient de mettre un terme au dogme mortifère, et qui joue contre nos intérêts nationaux, de la libre concurrence non faussée. Seule une organisation adaptée au monopole naturel de ce marché spécifique, à nul autre pareil, permettra la concurrence et l’émergence des énergies renouvelables, c’est-à-dire une entreprise intégrée, de la production à la distribution.

Traiter le projet Hercule par voie d’ordonnance reviendrait à dessaisir les Français du devenir de cette entreprise, laquelle leur appartient pourtant depuis 1946, par décision du Conseil national de la Résistance et de Charles de Gaulle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Madame la secrétaire d’État, je vais vous poser une question simple : pourquoi avez-vous décidé de fermer la seconde tranche de Fessenheim, quoi qu’il en coûte ? Je vous rappelle que, quand la décision initiale de fermeture de Fessenheim a été prise, l’EPR devait être en service.

Mme Christine Lavarde. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation de « quoi qu’il en coûte » sur le plan économique. Depuis le premier rapport de RTE, au mois d’avril, sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité pour l’hiver 2020-2021, nous savons que notre système électrique pourrait être défaillant. Les actualisations de ce rapport font état d’une situation moins alarmante ; pour autant, dans la version du mois de novembre, il est indiqué que la situation fin janvier et durant le mois de février pourrait être difficile si nous subissions une vague de froid. Cela se traduira par le recours à des mécanismes hors marché, qui emportent des conséquences sur l’activité économique.

Il s’agit également d’une décision de type « quoi qu’il en coûte » sur le plan des émissions de CO2, car, contrairement à ce que vous nous avez dit précédemment, on ne peut pas vivre uniquement avec des moyens intermittents alors que l’énergie nucléaire est une énergie pilotable et décarbonée. Je cite un seul exemple : le jeudi 10 novembre, 10 % de l’électricité produite l’a été à partir de centrales à gaz, lesquelles émettent quarante fois plus de CO2 que le nucléaire.

M. François Bonhomme. Ah bah bravo, c’est du joli !

Mme Christine Lavarde. La centrale de Cordemais sera en fonctionnement jusqu’en 2024 ou 2026, contrairement à ce qui a été voté, et nous importons de l’électricité depuis les pays voisins, dont le mix énergétique est beaucoup plus carboné que le nôtre.

Il s’agit, enfin, d’une décision de type « quoi qu’il en coûte » pour les consommateurs, si j’en crois un document de consultation de la Commission de régulation de l’énergie, lequel fait état d’une augmentation des tarifs bleus à compter du 1er février, notamment parce que le coût des matières premières est plus élevé : 12 % pour le charbon, 9 % pour le gaz et 20 % pour les quotas de CO2. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. La question est claire ! Qu’en sera-t-il de la réponse ?…

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Lavarde, Fessenheim n’y changerait rien, ainsi que j’ai pu le dire dans mon propos introductif.

La France s’est engagée dans une transition énergétique qui repose sur la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que sur la diversification des sources de production et d’approvisionnement. Avec la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, nous avions l’ambition, qui se confirme, de réduire la part du nucléaire à hauteur de 50 % à l’horizon de 2035 avec, notamment, la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim en 2020. Le premier a été fermé le 22 février, avant la crise, et le second en juin.

Au début de la crise, le processus de fermeture était, quoi qu’il arrive, déjà engagé de manière irréversible, les travaux nécessaires à la poursuite de l’exploitation n’avaient pas été réalisés et EDF ne disposait pas du combustible nécessaire à l’exploitation de la centrale.

La situation à laquelle nous avons fait face n’est pas la conséquence de la fermeture de ces deux réacteurs, mais de l’arrêt pour maintenance, cet hiver, d’autres réacteurs de centrales en France. Cela confirme les orientations du Gouvernement sur le besoin de diversifier le mix électrique pour en améliorer la résilience, notamment face à des événements extérieurs tels que nous en connaissons actuellement.

Par ailleurs, dois-je vous rappeler le calendrier de l’EPR de Flamanville, dont la mise en service était initialement prévue en 2012 et qui, malheureusement, a pris beaucoup de retard ? Il ne devrait être opérationnel vraisemblablement qu’après la mi-2023.