M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour la réplique.

M. André Guiol. Une fois n’est pas coutume, la réponse me satisfait, monsieur le ministre !

situation des étudiants (i)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Léa, une étudiante de ma circonscription, en Gironde, m’a écrit ceci : « Je suis à un moment clé de ma vie, où je dois faire des choix importants pour mon avenir. Mais, aujourd’hui, il m’est impossible de me projeter, et personne n’est là pour m’aider. Je suis seule, derrière un écran sans vie, depuis des mois. […] Je me sens lâchement abandonnée par mes aînés. »

Madame la ministre, un tiers des étudiants montrent aujourd’hui des signes d’anxiété et de dépression. Leurs conditions de vie et d’études sont fortement dégradées. Leur isolement prolongé – les cours ont uniquement lieu en distanciel – et une vie sociale qui s’est réduite comme peau de chagrin risquent d’avoir des conséquences dramatiques.

La réouverture des universités était envisagée pour la rentrée de janvier, mais elle n’a finalement pas eu lieu.

Les consignes sont données tardivement, avec un manque criant de concertation. Les étudiants et les enseignants se sentent oubliés, déconsidérés, voire, serais-je tentée de dire, sacrifiés.

Ne pouvons-nous pas faire preuve d’imagination, d’intelligence collective ? Ne serait-il pas possible de proposer par exemple une partie des cours en présentiel, avec des jauges adaptées selon la taille des salles, pour rompre l’isolement de nos jeunes et leur redonner espoir en l’avenir ?

Il nous semble urgent de recruter plus de psychologues et de proposer un chèque santé aux étudiants. Il faut également répondre à la précarité, par exemple par un moratoire sur les loyers dans les résidences universitaires, un renforcement des aides, des recrutements d’assistantes sociales. Il est aussi plus que temps d’étendre le bénéficie du revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans, qui en sont injustement exclus, en incluant les étudiants, pour ne pas laisser tomber nos jeunes face à la crise.

Au-delà de la concertation annoncée pour ce vendredi, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour faire face à la détresse des étudiants et atténuer leur isolement ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice, l’ensemble du Gouvernement – le sujet est interministériel puisqu’il concerne le futur emploi des jeunes, l’apprentissage ou l’orientation dans l’accès à l’enseignement supérieur – se préoccupe chaque jour de l’avenir de notre jeunesse et des étudiants.

Vous étiez au mois d’octobre dernier avec moi sur le campus du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) à Pessac. Vous avez vu comme moi la détresse de certains étudiants. Vous avez aussi vu, je pense, l’engagement exceptionnel des personnels des Crous et des services de santé, qui aident et accompagnent les étudiants, ainsi que celui des étudiants eux-mêmes. C’est tout cela que mon ministère soutient.

Oui, les cours sont en train de reprendre progressivement dans les établissements ! Oui, toute cette progression est coconstruite ! Dès le début du mois de décembre, nous avons commencé à travailler à une reprise très progressive au mois de janvier. Ce vendredi, nous continuerons de travailler pour augmenter le nombre d’étudiants pouvant bénéficier de cette reprise. L’enseignement, c’est évidemment avant tout une relation humaine qui se noue entre un professeur et ses étudiants.

Vous demandez plus de psychologues ? Le Premier ministre a annoncé doubler leur nombre dans les établissements d’enseignement supérieur. Et les Crous sont en train de recruter soixante assistantes sociales.

Les étudiants ont perdu leurs petits jobs ? Nous en avons créé 22 000 dans les universités, et nous allons continuer.

Aux questions nouvelles que soulève cette crise inédite, comme à celles qui se posent depuis très longtemps sur la précarité des étudiants, nous essayons d’apporter des réponses pragmatiques, concrètes, qui soient un véritable un bol d’air pour nos étudiants.

Je remercie une fois de plus l’ensemble des étudiants et des personnels, qui traversent cette crise du mieux possible, dans un contexte très compliqué. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

brexit

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Avec la publication le 24 décembre d’un accord de 1 246 pages dans la langue de Shakespeare, le Brexit est décidément le miracle de Noël que l’on n’espérait plus ! Encore une fois, je tiens à saluer le travail hors pair du négociateur européen, Michel Barnier, et de toute son équipe.

Après quarante-sept ans de vie commune, quatre ans et demi d’instance de divorce, nous ne connaissons pas encore le montant de la pension alimentaire ! De nombreux intérêts européens et britanniques sont interdépendants ; nous devons assurer leur convergence. Il va falloir appliquer cet accord, l’interpréter, en faisant avec les possibilités qu’il offre et les limites qu’il comporte.

Monsieur le ministre, pour nos concitoyens et pour nos territoires, l’accord laisse de nombreuses questions en suspens. Dans les Hauts-de-France, on s’interroge sur ce qui se passera à la fin de la période de transition, prévue au mois de juin 2026, dans le secteur de la pêche. De nombreux eurodéputés ayant commencé lundi l’examen du texte partagent cette interrogation.

Je vous sais attentif aux craintes de nos pêcheurs. Comment voyez-vous les effets à court terme sur la pêche française et les perspectives post-2026 ?

Malgré l’application provisoire de l’accord, des pénuries dans les rayons sont constatées. Je ne parle pas des rayons de Marks & Spencer en France ; je parle de ceux des supermarchés britanniques. Si les rayons sont vides, c’est bien que nos produits n’ont pas pu être livrés. Anticipez-vous des difficultés dans le secteur des transports et pour nos agriculteurs, qui fournissent des denrées périssables à nos voisins d’outre-Manche ?

J’évoquerai enfin le protocole d’accord des services financiers, promis pour le mois de mars 2021. Quelles seront les étapes suivantes ?

Il apparaît en tout cas certain que notre négociation avec le Royaume-Uni est encore bien loin d’être achevée ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Wattebled, vous avez raison de le souligner : cet accord est finalement un bon accord. Il n’était pas attendu à la fin des négociations, qui ont été extrêmement difficiles.

Vous avez posé plusieurs questions, d’abord sur la pêche, qui est un souci important. Nous ne pensions pas pouvoir trouver un accord sur ce sujet. Le Royaume-Uni en avait fait le symbole même de sa souveraineté retrouvée. Or, comme vous l’avez vu, nous avons pu à la fois préserver l’accès aux eaux britanniques, mais aussi ne diminuer les quotas que de 25 % à l’horizon de juin 2026, quand les Britanniques exigeaient une baisse de 80 %. La négociation a été, je le crois, bien menée, et approuvée par les Vingt-Sept. C’est un acquis majeur.

Quelques points techniques, notamment sur l’accès aux 6-12 milles marins ou sur les îles anglo-normandes, doivent encore être réglés. Il restera aussi à négocier annuellement les totaux admissibles de capture (TAC), sur la base de l’existant, et à appréhender de la meilleure manière l’horizon de juin 2026.

Cela étant, nous disposons de toute une série d’outils pour, le cas échéant, prendre des mesures de sauvegarde, de rétorsion ou de compensation si, d’aventure, nous étions en difficulté dans la négociation de l’accès aux eaux britanniques, sachant, en outre, que les accords sur l’énergie entre l’Union européenne et le Royaume-Uni seront discutés au même moment. Avec ces deux leviers, nous serons en situation en juin 2026 de faire valoir nos avantages et de maintenir la stabilité relative dans l’accès aux eaux.

Pour les services financiers, la situation est très simple : l’Union européenne a pleinement conservé sa capacité à délivrer unilatéralement, au cas par cas et en fonction de ses propres intérêts, les équivalences financières lorsqu’elles seront demandées.

Enfin, la mise en œuvre de l’accord pose inévitablement des difficultés mécaniques pour l’approvisionnement d’un certain nombre de commerces britanniques, mais nous avions indiqué aux Britanniques que ce ne serait pas positif pour eux.

De même, leur situation sanitaire est, malheureusement, catastrophique. Il faudrait d’ailleurs vous informer, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de faire des comparaisons avec la France, mesdames.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cette situation catastrophique explique en grande partie les difficultés que vous évoquez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

stratégie vaccinale (ii)

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Fabien Genet. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Face aux malades du covid et à leurs familles parfois endeuillées, face à l’isolement, à la peur et à la tension psychologique qu’impose la crise à nos concitoyens, face à la menace du variant anglais et au risque de reconfinement, nous ne sommes pas d’humeur à polémiquer.

Mais, nous, parlementaires, nous ne sommes pas tirés au sort de manière anonyme et irresponsable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.) Nous rendons des comptes à nos concitoyens et nous relayons leurs légitimes interrogations.

Or, à vous entendre, monsieur le ministre, tout va toujours très bien ! Tout va très bien pour les vaccins ; tout va très bien pour les aiguilles ; tout va très bien avec la stratégie…

Mais si tout va si bien, pourquoi 20 % de la population n’est-elle pas vaccinée à l’heure actuelle, comme c’est le cas en Israël ? Pourquoi n’y a-t-il pas 2 millions de vaccinés, comme au Royaume-Uni ? Ou, au minimum, 500 000, comme en Allemagne ? Peut-être est-ce parce que vous avez choisi un « rythme de promenade en famille » et que la lenteur injustifiée de votre campagne de vaccination n’est à la hauteur « ni du moment ni des Français ». Tel est en tout cas l’avis, plein de colère, du Président de la République !

Heureusement, le dévouement sans borne de tous les professionnels de santé, l’engagement des préfets et des élus locaux offrent désormais un espoir sur le terrain ; j’ai pu le mesurer en préparant l’ouverture d’un centre de vaccination dans ma commune de Digoin.

Néanmoins, des inquiétudes persistent sur le rythme de cette campagne, en particulier en milieu rural.

Pourquoi, alors que tous les autres professionnels de santé peuvent participer à la campagne vaccinale, exclure les pharmaciens ? Pourquoi ne pas les autoriser à renforcer les équipes au sein des centres de vaccination ? Pourquoi ne pas vacciner sans attendre la totalité des personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) afin de faire barrage au virus ? Pourquoi ne pas rendre obligatoire la vaccination anti-covid pour les personnels des Ehpad, comme c’est le cas de la vaccination contre l’hépatite B, qui est obligatoire pour les personnels de santé ?

Plus largement, au lieu de chercher à convaincre les incertains, commençons déjà par vacciner les volontaires ! Ils sont très nombreux et très impatients, monsieur le ministre. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Tout d’abord, monsieur le sénateur, vous ne m’entendrez jamais dire que tout va bien. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne crois pas l’avoir dit, mais j’aimerais bien pouvoir le dire un jour dans cet hémicycle ou dans un autre. Ce serait une formidable nouvelle. Cela signifierait que je n’aurais plus à décompter quotidiennement 300 morts, 1 500 admissions à l’hôpital, 200 en réanimation et quelque 20 000 contaminations. Je crois que nous pouvons être d’accord sur ce point, monsieur le sénateur.

Personne ne nie les difficultés que pose la mise en place d’une logistique absolument immense dans notre pays, difficultés que connaissent d’ailleurs tous les pays. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous le savez, certains pays ont mis en place des vaccinations dans certains grands centres que l’on appelle des « vaccinodromes ». En Allemagne, la presse et les élus d’opposition ne sont pas plus tendres avec leur gouvernement que vous ne l’êtes avec nous. Outre-Rhin, on peut faire trois ou quatre heures de queue dehors pour être vacciné, voire attendre six heures au téléphone, et certains centres sont dépourvus de vaccins.

Personne n’est parfait, monsieur le sénateur, ni vous ni nous, mais nous essayons tous de nous améliorer. En l’occurrence, ce n’est pas le ministre qui vaccine, ce sont les dizaines de milliers de soignants dans les hôpitaux publics, les cliniques, les Ehpad, les centres de vaccination à destination des soignants et, demain, des personnes âgées de 75 ans et plus.

Nous pouvons saluer ces personnes, car elles font un gros travail. Les conditions dans lesquelles elles ont commencé n’étaient pourtant pas évidentes, mais il y a une montée en puissance. Hier, plus de 50 000 personnes ont été vaccinées dans notre pays. Le rythme sur lequel nous sommes n’a, je peux vous le dire, rien à envier à celui de nos voisins. Il continuera de s’accélérer progressivement, à mesure que les doses de vaccin nous seront livrées.

Monsieur le sénateur, vous posez des questions concrètes. Je compte sur les pharmaciens, en particulier lorsque nous disposerons d’un vaccin plus simple à utiliser, ne nécessitant pas d’être conservé à moins 80 degrés et n’étant pas conditionné en flacon de cinq ou dix doses. Les pharmaciens savent faire, comme en atteste la campagne de vaccination antigrippale, sur laquelle vous m’avez suffisamment interrogé. Je note d’ailleurs que tout se passe plutôt bien pour le moment – touchons du bois ! – à cet égard. Nous sommes capables de vacciner 5 millions de Français en une semaine. Nous ne nous passerons donc pas du savoir-faire et de l’engagement des pharmaciens.

La Haute Autorité de santé nous demande de ne pas vacciner les professionnels de santé de moins de 50 ans, car elle considère qu’il est trop tôt, qu’il faut commencer par les publics fragiles, c’est-à-dire les personnes vulnérables, en établissement collectif, celles qui risquent d’être admises en réanimation, à l’hôpital, ainsi que celles qui sont susceptibles de développer des formes pulmonaires graves. Si nous ne le faisions pas, vous pourriez nous le reprocher et, pour le coup, vous auriez raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

détresse du monde étudiant

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la détresse que connaissent actuellement les étudiants en raison de l’isolement provoqué par la fermeture des établissements de l’enseignement supérieur.

Le samedi 9 janvier dernier, un étudiant de l’université de Lyon 3 a tenté de mettre fin à ses jours en se défenestrant de sa résidence universitaire. Hier soir, toujours à Lyon, une autre étudiante a commis ce même geste désespéré. Ces gestes de désespoir doivent nous alerter sur la détresse des étudiants actuellement.

Depuis la fermeture des universités, l’immense majorité des étudiants considèrent que l’enseignement s’est dégradé. Les cours en distanciel sont devenus insupportables. Les étudiants n’en peuvent plus. Ils n’acceptent plus d’être infantilisés. Madame la ministre, ils sont au bord de la rupture.

Comme le rappelle Éric Carpano, le président de l’université Lyon 3 : « La fermeture des universités, les cours à distance, l’arrêt des activités sportives, culturelles et festives ont favorisé l’isolement et la détresse psychologique. »

Avec la crise que nous traversons, c’est l’ensemble de la vie étudiante qui est bouleversée. En plus, on constate que la situation économique a plongé les plus fragiles dans la précarité.

Nous sommes au bord d’un décrochage massif qui risque d’entraîner de nombreux gestes de désespoir, comme ceux de samedi dernier et d’hier soir.

Madame la ministre, les étudiants veulent un cap. Il est invraisemblable de laisser les gens s’entasser dans les métros, mais d’interdire la reprise des cours en amphithéâtre, même avec le port du masque. Il y va de la qualité de leurs études, de la reconnaissance de leurs diplômes sur le marché du travail et surtout de leur santé physique et mentale.

Face à l’urgence de la situation, et pour éviter une succession de drames, que compte faire l’État pour apporter une réponse concrète à ces étudiants en détresse ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le sénateur, votre question me permet d’adresser toutes mes pensées aux familles, aux amis, aux communautés et aux camarades de ces étudiants qui, dans ces situations difficiles, souvent multicausales – des enquêtes sont d’ailleurs en cours –, attentent à leurs jours.

Votre question comporte plusieurs éléments.

Tout d’abord, il faut, me semble-t-il, rendre un hommage vibrant et appuyé à l’ensemble des chercheurs et des enseignants, qui travaillent d’arrache-pied dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur pour que les cours aient lieu, que les diplômes ne soient pas dévalorisés et que nos jeunes puissent être accompagnés au mieux dans cette situation très difficile.

Pendant le deuxième confinement, nous n’avons pas fermé les universités. Toutes les salles de ressources sont restées ouvertes sur rendez-vous, afin que les étudiants puissent garder un minimum de contact avec leur établissement. Des enseignements ont été autorisés : ceux qu’il était impossible de mener en distanciel. Depuis le tout début du mois de janvier, il peut y avoir, pour les plus fragiles, une reprise des enseignements en présentiel, par groupes de dix. Ce vendredi, nous allons continuer de travailler avec les conférences des présidents et les conférences des directeurs d’établissement pour voir comment élargir ces dispositifs.

Oui, les étudiants les plus fragiles, ce sont ceux qui entrent dans l’enseignement supérieur cette année, ceux qui sont en situation de handicap, et les étudiants internationaux qui se retrouvent seuls sur notre sol. Nous le voyons bien, ils sont en réalité très nombreux.

C’est pourquoi nous allons travailler à de nouvelles propositions afin de pouvoir faire revenir les étudiants sur leur lieu d’enseignement. C’est très important pour leur avenir pédagogique et psychologique.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, je vous remercie de cette liste d’actions, mais c’est visiblement insuffisant ; les faits le montrent. Les étudiants ne doivent pas être sacrifiés ; pour le moment, le constat est qu’ils le sont. Or il y va de l’avenir de notre jeunesse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)

fermeture du compte twitter de donald trump et lutte contre la haine en ligne

M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Demas. Ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Pendant que le monde entier assistait avec effarement à l’envahissement du Capitole, un autre événement, non moins important, s’est déroulé au nez et à la barbe de la puissance publique : les comptes du président des États-Unis sur le Net ont été supprimés.

Un premier réflexe a conduit beaucoup de ceux qui s’indignent des excès récurrents de Donald Trump à se réjouir de l’attitude des Gafam. Cependant, à y regarder de plus près, cette censure doit nous pousser à nous interroger sur l’état des libertés publiques et sur le risque que ces multinationales font désormais peser sur la liberté d’expression.

Mme Patricia Demas. Les réseaux sociaux sont devenus un élément essentiel pour s’exprimer. Aussi, laisser à des entreprises privées le soin de censurer ou non sur la toile constitue une atteinte grave à la démocratie.

La démocratie n’exclut pas d’interférer et de réguler la liberté d’expression, mais les limites en la matière doivent être définies par la puissance publique, par la loi et régulées par les États et la justice.

M. David Assouline. C’est le Parlement qui doit faire la loi !

Mme Patricia Demas. Force est également de constater que nos grandes législations sur la liberté d’expression sont trop souvent inopérantes dans l’espace numérique. Les fake news et la haine envahissent les réseaux.

M. David Assouline. Le racisme, c’est un délit !

Mme Patricia Demas. Là encore, ce sont les entreprises qui décident d’un simple clic, de façon obscure, ce qui doit rester ou disparaître.

De quel droit une entreprise privée peut-elle décider de ce qu’on peut dire ou pas ? Tout défenseur des libertés se doit de répondre à cette question.

Le Gouvernement a annoncé le « besoin d’inventer une nouvelle forme de supervision démocratique ». Qu’entendez-vous par là ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Madame la sénatrice, je rejoins complètement votre analyse. (M. David Assouline sexclame.) Si l’on peut se réjouir que les plateformes aient réagi à la suite d’un certain nombre de propos, c’est un précédent historique, à plusieurs titres.

D’abord, cela met en valeur de manière éclatante le rôle des réseaux sociaux et des plus grandes plateformes dans nos vies démocratiques.

Ensuite, par cette action, pour la première fois, les plateformes reconnaissent de facto qu’elles ont une responsabilité sur le contenu publié sur leurs réseaux sociaux, qu’elles ne sont pas dans une position neutre. C’est très intéressant, car cela nous donne un levier pour avancer avec elles et pour agir.

Enfin, comme vous l’avez très bien résumé, cela pose la question, fondamentale, des règles du jeu et de la manière dont on peut refréner, voire empêcher l’expression de certaines opinions sur un réseau social.

C’est la raison pour laquelle nous nous sommes emparés du sujet à l’échelon européen. Comme vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement, en particulier Cédric O, sont très proactifs à cet égard. Le projet de règlement Digital Services Act, qui prévoit des régulations, a été présenté et soutenu par les commissaires Margrethe Vestager et Thierry Breton en fin d’année dernière. Il fera l’objet d’une discussion tout au long de cette année.

Le Gouvernement est en train d’étudier la possibilité d’anticiper cette démarche à l’échelon national, afin de caler les règles du jeu du débat public.

M. David Assouline. La violence et la haine en ligne sont déjà punies ! Il y a déjà des règles !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il appartient au législateur de fixer les règles du jeu et à la justice de les faire appliquer et de contrôler leur juste application. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.

Mme Patricia Demas. J’entends vos déclarations, madame la ministre déléguée, mais, aujourd’hui, il y a urgence. La transgression dans le monde numérique est un problème sociétal. Il est l’heure de passer des paroles aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation des étudiants (ii)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Sylvie Robert. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

La situation des jeunes, et singulièrement celle des étudiants, est très préoccupante. Plusieurs événements tragiques ayant émaillé ces dernières semaines et, tout récemment, ces derniers jours soulèvent beaucoup d’inquiétudes.

Vie sociale et collective inexistante, notamment sur les campus, flou manifeste du scénario de reprise, partiels en présentiel incompris et parfois compliqués après des mois de visio : la confusion et l’absence de perspectives qui règnent en cette rentrée de janvier ont créé et amplifié une angoisse et un mal-être chez nombre de jeunes. Cela nous oblige à agir et à prévenir.

En plus de la précarité qui augmente et des inégalités qui se creusent, les étudiants présentent des symptômes de détresse psychologique qui deviennent alarmants. Ils vont d’incertitudes en désespoir de constater que leur année universitaire se déroule de manière aussi chaotique, malgré l’investissement des enseignants, des équipes pédagogiques et des Crous. Nous savons d’ores et déjà qu’à la démotivation s’ajoutent de risques forts de décrochage.

Malheureusement, les jeunes, notamment les étudiants, ont été les oubliés de la conférence de presse du 7 janvier dernier. Que leur dites-vous aujourd’hui, madame la ministre ? Comment entendez-vous répondre à cette triste réalité ? Au-delà des dispositifs annoncés, quelles perspectives leur donnez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice, nous n’avons effectivement pas évoqué les étudiants le 7 janvier puisque nous avions annoncé plus tôt…

M. Jean Castex, Premier ministre. Oui ! Je l’avais annoncé auparavant !

Mme Frédérique Vidal, ministre. … que les établissements pourraient accueillir dès le 4 janvier des étudiants par groupes de dix. Certes, cela a concerné un nombre limité d’établissements, mais simplement parce que très peu avaient repris à cette date. Les étudiants étaient donc prioritaires dans le plan d’action du Gouvernement.

J’ai entendu la polémique sur la date de la circulaire. Heureusement que, dans l’enseignement supérieur, nous sommes capables de préparer des rentrées universitaires sans attendre la parution des circulaires.

Le Premier ministre avait reçu les conférences des présidents et des établissements au début du mois de décembre. Le ministère et l’ensemble des établissements avaient évidemment travaillé sur cette reprise. Pour preuve, dès le 4 janvier, des étudiants étaient bien de retour dans les établissements d’enseignement supérieur ayant rouvert.

Vous évoquez la difficulté d’organiser des examens en présentiel. En moyenne, sur le territoire, environ 20 % des examens se sont déroulés en présentiel. Ce sont des examens pour lesquels les équipes pédagogiques ont estimé qu’il était essentiel que les étudiants soient présents. Mais rappelez-vous : à la fin de l’année dernière, la polémique portait sur le fait que les examens à distance défavorisent les étudiants n’ayant pas accès aux ressources numériques. Comme il est hors de question de donner des diplômes et de brader ceux de 2020 et de 2021, la présence physique des étudiants lors de certains examens est importante.

Nous allons accompagner le retour des étudiants. Nous sommes parfaitement conscients – je l’ai indiqué – que l’enseignement est avant tout une question de relations humaines. Nos jeunes ont besoin de retrouver leurs enseignants, qui ont eux-mêmes besoin de retrouver leurs étudiants ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)