Mme Valérie Boyer. Quel dommage !

M. Loïc Hervé. Je tiens à saluer les différents apports de notre commission des lois. La création d’une nouvelle infraction pénale exclusivement concentrée sur les squatteurs est honorable. Mais ne perdons pas de vue qu’elle sera intrinsèquement liée aux moyens effectivement mis en œuvre pour expulser les squatteurs. Autrement dit, il y a le droit théorique et sa mise en œuvre, et, entre les deux, souvent une décision, voire une volonté, administrative ou politique. Je me permets d’ailleurs, madame la ministre, de faire un parallèle sur cet aspect avec le texte que nous examinerons juste après celui-ci : nous reparlerons du vote de la loi au Parlement, de sa mise en œuvre concrète sur le terrain et du délai qui sépare ces deux étapes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à l’heure où les faits de squat se multiplient sur le territoire national, il est nécessaire d’agir, d’encadrer spécifiquement ces actes et de protéger le droit de propriété, inviolable et constitutionnellement garanti. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera pour le texte issu des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, le droit de propriété est affaibli ; pourtant, des parlementaires tentent depuis de nombreuses années de le préserver. Je veux saluer à ce titre l’excellent travail que mène au Sénat notre collègue Dominique Estrosi Sassone, mais aussi les efforts de notre collègue député Julien Aubert ou encore de nos collègues Henri Leroy et Catherine Procaccia. L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est très clair : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »

Même si le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, nous assistons toujours à des violations de domicile et à des occupations de biens immobiliers par des squatteurs. En 2015, une dame de 83 ans avait ému tous les Français en luttant pendant dix-huit mois pour récupérer sa propriété ; à Garges-lès-Gonesse, un propriétaire, dont la maison a été occupée, s’est vu opposer par les squatteurs un ticket de livraison de pizzas pour établir leur présence depuis plus de quarante-huit heures. C’est lamentable ! Les squatteurs savent bien que, passé ce délai, la procédure d’expulsion par la police devient complexe, même si la loi du 24 juillet 2015 rend son déroulement plus acceptable.

L’incapacité de notre droit à défendre concrètement le droit de propriété aboutit à un recours inquiétant à la justice privée. C’est ce qui s’est passé à Garges-lès-Gonesse, où des jeunes de la ville se sont organisés sur les réseaux sociaux pour expulser eux-mêmes les occupants de la maison. Au mois d’août 2018, à Montpellier, un squatteur a été jusqu’à lancer une action contre la propriétaire du logement pour violation de domicile !

Durant l’été 2020, nous avons malheureusement été témoins de telles atteintes au droit de propriété : les médias se sont notamment fait l’écho de la situation de ce couple lyonnais qui a découvert sa résidence secondaire de Théoule-sur-Mer squattée, les serrures changées. Malgré l’absence d’une ordonnance d’expulsion, les propriétaires légitimes ont pu retrouver immédiatement, et en toute légalité, la jouissance de leur bien. Malheureusement, tous les cas – nombreux, même si le phénomène est difficilement quantifiable – ne sont pas médiatisés.

Ces atteintes manifestes au droit de propriété sont inacceptables. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d’impuissance à laquelle nous devons répondre.

Au regard des situations que nous rencontrons dans nos circonscriptions en la matière, il est normal que nous, qui sommes les représentants du peuple français et les représentants des communes, fassions ce qui est en notre pouvoir pour mieux protéger nos concitoyens. Il ne s’agit pas seulement de faits divers, mais souvent de véritables drames. C’est une réalité, le droit n’est pas respecté, les propriétaires se sentent souvent démunis, voire abandonnés par les pouvoirs publics ; pis, ils estiment que le droit n’est pas de leur côté, mais qu’il protège, à l’inverse, ceux qui occupent leur maison en toute illégalité.

Ces situations anormales et inadmissibles défient ouvertement l’autorité de l’État et la capacité de celui-ci à garantir l’ordre public. Ce n’est pas acceptable dans un État de droit. Si l’État ne remplit pas ses obligations les plus élémentaires, comme celle de faire cesser les atteintes au droit de propriété, alors notre contrat social est en péril. C’est pourquoi il est de notre devoir de parlementaires d’agir en visant deux objectifs : premièrement, protéger le droit de propriété ; deuxièmement, permettre à la puissance publique d’agir et d’agir vite.

Quatre mesures simples garantiront plus de justice pour nos concitoyens en augmentant la peine encourue en cas de violation de domicile, en créant un nouveau délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble, en réduisant les délais légaux permettant le prononcé de l’expulsion, enfin, en mettant en cohérence le code des procédures civiles d’exécution. Le texte proposé par le groupe Les Républicains, que je vous invite à voter, mes chers collègues, permet de lutter contre le recours à une justice privée, conséquence regrettable d’une action publique souvent impuissante.

Permettez-moi de vous rappeler que, dans un pays où les dépenses publiques atteignent 65 % et les prélèvements obligatoires 45 %, on ne peut pas dire que la solidarité nationale est en reste. Or les propriétaires y participent tout au long de l’acquisition de leur bien et même après leur mort, puisque nos droits de succession sont parmi les plus élevés au monde. La moindre des choses est donc de les protéger, d’autant que près de la moitié des propriétaires privés sont de petits propriétaires ayant acquis un bien pour bénéficier d’un complément de revenu. Ne pas les aider revient à valider des politiques antisociales.

Ces propriétaires ont connu des décennies de souffrance et d’angoisse, des citoyens honnêtes ont été broyés par les travers du droit. Ils nous regardent aujourd’hui et attendent que nous nous fassions leur porte-parole. Je vous demande de vous engager sur ces mesures simples, en vous souvenant que nous sommes là pour œuvrer pour la République et pour l’intérêt général.

Pour paraphraser Jaurès, je dirai que le premier des droits de l’homme est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. Ne l’oublions pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gueret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que le prévoient les dispositions de l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, laquelle est comprise dans notre bloc de constitutionnalité, « la propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ». Il s’agit donc d’un droit particulièrement précieux et théoriquement protégé, puisque l’article II de ce même texte en fait un droit « naturel et imprescriptible de l’homme », au même titre que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression.

Or, comme chacun le sait, les faits de squat connaissent en France une recrudescence particulière et révèlent un manque d’application des dispositions législatives en vigueur. C’est ce qui ressort de nombreuses constatations effectuées par les membres de la commission des lois du Sénat.

Le Gouvernement a certes pris, en partie, la mesure de ce phénomène en ajoutant un article 73 à la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, lequel n’a toutefois pas précisé la notion de « domicile », trop subjective et manquant de sécurité juridique. Il était donc nécessaire de renforcer la protection de tous les biens immobiliers, et pas seulement le domicile.

Bien entendu, je m’associe pleinement au texte issu des travaux de la commission des lois et, tout particulièrement, de notre collègue rapporteur Henri Leroy, notamment en ce qu’il permet d’accélérer les procédures d’évacuation et d’expulsion en cas de maintien sans droit ni titre dans un bien immobilier. C’est bien cette sécurité juridique que chaque citoyen est en droit d’attendre.

Au-delà du contenu de cette proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone, que notre assemblée va s’efforcer de parfaire durant l’examen des articles, je souhaite mettre en exergue un point essentiel et indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie : l’application de la loi.

La France peut, bien sûr, se targuer d’offrir à ses concitoyens une palette de droits que beaucoup de démocraties nous envient. Toutefois, mes chers collègues, nous devons veiller à ce que ces droits s’accompagnent en retour de devoirs, comme celui de respecter la propriété d’autrui ou celui d’appliquer la loi promulguée.

Cet équilibre me semble maintenu par cette proposition de loi, laquelle protège les propriétaires privés tout en respectant le droit au logement, le texte visant les squatteurs et en aucun cas les locataires défaillants.

J’ajoute que, dans le même esprit et pour respecter l’équilibre, il est indispensable de veiller à condamner plus fermement les bailleurs peu scrupuleux qui louent leurs biens sans déclaration fiscale ou les marchands de sommeil qui profitent de situations très délicates.

Certains ont tendance à pointer du doigt les propriétaires. N’oublions pas qu’il s’agit pourtant de concitoyens qui ont épargné, emprunté et investi le fruit de leur travail, payant impôts et taxes ; il convient que le législateur leur apporte les garanties nécessaires au respect de leur droit à la propriété « inviolable et sacré », ainsi que je le précisais en préambule de mon intervention.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris : oui au soutien au droit à la propriété ! Non à la défense, à la justification ou à l’encouragement des squatteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit de propriété est un droit naturel et imprescriptible de l’homme. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Voilà ce qui ressort des articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pourtant, pas un mois ne passe sans que des propriétaires voient leurs biens confisqués par des squatteurs sans vergogne.

Ces occupations illicites de domicile, de résidence secondaire ou de terrain se multiplient en France. Nous avons tous en tête le triste exemple de Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, où un couple de retraités a récupéré sa maison saccagée après l’expulsion des squatteurs.

À Oignies, dans le Pas-de-Calais, à Saint-Honoré-les-Bains, dans la Nièvre, ou encore au Mans, dans la Sarthe, l’histoire est toujours la même : les squatteurs profitent de l’absence des propriétaires pour investir les lieux et mettent à profit toutes les failles de la législation pour s’y installer durablement.

« Sidération », « exaspération », « colère », « révolte », « traumatisme », tels sont les mots des victimes confrontées à ces squats, qui se retrouvent sur le seuil de leur propre porte, impuissantes. Elles doivent alors, bien souvent, s’engager dans un parcours kafkaïen pour récupérer leur propriété et, enfin, rentrer chez elles.

Ces faits génèrent une émotion légitime auprès de l’ensemble de nos compatriotes à laquelle nous devons répondre. Tel est l’objet de notre proposition de loi, chère Dominique Estrosi Sassone.

Lorsque la loi apparaît trop permissive ou pas assez dissuasive quant à l’occupation sans droit ni titre, elle donne lieu à des situations absurdes et intolérables dans lesquelles la charge de la preuve est inversée au détriment des propriétaires, qui doivent se justifier, et au bénéfice des squatteurs, qui se sentent à l’abri de toute répercussion. Ces situations mettent en exergue une faillite de l’État de droit, illustrent notre laxisme et favorisent le sentiment d’impunité de certains délinquants. Il y a donc urgence à colmater les brèches du droit en vigueur, dans lesquelles les squatteurs s’engouffrent au mépris du droit et du respect le plus élémentaire.

Certes, depuis 2007, la législation a évolué vers un durcissement des sanctions et une réduction du périmètre de la protection conférée aux squatteurs, avec, notamment, la création d’une procédure administrative accélérée. Force est de constater que, d’une part, elle n’est pas suffisamment décourageante et que, d’autre part, le problème demeure, voire s’aggrave.

De même, la réponse apportée par le gouvernement actuel, via un amendement au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, est largement insuffisante et ne réglera certainement pas les anomalies de notre arsenal législatif. En cause : le périmètre encore trop restreint des avancées récentes.

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a, par exemple, permis la non-opposition de la trêve hivernale aux squatteurs, mais cette disposition législative de 2018 ne s’applique que dans les cas où les occupants illégaux se sont introduits par voies de fait dans le logement, c’est-à-dire par effraction.

En outre, le manque d’efficacité des procédures d’expulsion est régulièrement dénoncé. Pour rappel, il appartient au propriétaire de faire constater sous quarante-huit heures une occupation illégale de son bien pour faire valoir la flagrance et, donc, la procédure de l’article 38 de la loi dite « DALO ».

S’agissant des résidences secondaires, il est plus difficile de constater une flagrance en seulement deux jours. Dès lors, il revient au propriétaire d’engager une procédure judiciaire, par nature longue et coûteuse.

Nous ne pouvons cautionner plus longtemps cette complaisance à l’égard des squatteurs. Aussi le but de cette proposition de loi est-il de renforcer la lutte contre le squat par la création de nouvelles infractions pénales. Le dispositif propose donc, d’une part, d’aggraver la peine en cas de violation de domicile et, d’autre part, de renforcer la protection de tous les biens immobiliers.

En outre, afin de rendre pleinement opérationnelle la mise en demeure par le préfet, les délais aujourd’hui prévus par la loi sont réduits à deux titres. Le délai d’instruction de cette demande est fixé à vingt-quatre heures ; si les squatteurs n’ont pas libéré les lieux dans le délai fixé par le préfet, ce dernier est tenu de faire évacuer le logement par la force publique immédiatement à l’issue de ce délai.

Le travail en commission, dont je salue la qualité, a permis de préciser le champ d’application du texte pour le recentrer sur les seuls squatteurs. À cet égard, six amendements du rapporteur ont été adoptés afin de sanctionner les auteurs, tout en préservant l’équilibre nécessaire entre le droit de propriété et le droit au logement, reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle.

Madame la ministre, chers collègues, sans droit, il n’y a plus d’État, et sans État qui protège, le pacte social est rompu, ce qui donnera lieu à la justice privée, laquelle, d’ailleurs, s’est manifestée dans certains cas de squat. Les auteurs de cette proposition de loi entendent apporter la démonstration que nous ne sommes pas impuissants lorsqu’il s’agit de faire respecter nos valeurs les plus fondamentales. Il y va de notre responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Article 2

Article 1er

Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Je m’associe à cette proposition de loi et, plus particulièrement, à l’objectif visant à restaurer les droits pleins et entiers des propriétaires face à des squatteurs très au fait de leurs droits et des lacunes pénales actuelles, avec, si cela ne suffisait pas, l’aide d’associations qui assurent leur impunité.

L’actualité a malheureusement été un révélateur et a rappelé douloureusement en de trop nombreuses occasions que les dispositions actuellement en vigueur sanctionnent insuffisamment les atteintes au respect du domicile et de la vie privée que constitue le squat. La triste affaire de Théoule-sur-Mer où, pendant une vingtaine de jours, des occupants sans scrupules ont pris possession de la résidence secondaire d’un couple de retraités afin de prolonger leurs vacances dans les Alpes-Maritimes est pleine d’enseignements sur les manquements de notre législation.

Aux termes de l’article 226-4 du code pénal, « l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » et « le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, […], est puni des mêmes peines ». L’article 1er de la présente proposition de loi prévoit de porter cette peine à 45 000 euros d’amende et à trois ans d’emprisonnement.

Il s’agit là d’un durcissement nécessaire et attendu, à même de mieux faire respecter le droit de propriété, lequel doit, à mon sens, prévaloir et primer sur le droit au logement, parfois invoqué pour créer et laisser perdurer des situations inacceptables pour les victimes, révélant l’impuissance de l’État à faire respecter ce droit essentiel qu’est le droit de propriété.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.

Mme Catherine Procaccia. C’est avec plaisir et soulagement que j’ai vu cette proposition de loi inscrite à l’ordre du jour. J’ai en effet été bien seule pendant de nombreuses années à tenter de légiférer contre ce fléau qui bouleverse la vie de personnes souvent modestes et qui se retrouvent à la rue parce que leur logement a été squatté. Les exemples récents ne manquent pas.

Je remercie sincèrement mes collègues et le rapporteur, qui veulent améliorer l’article 38 de la loi DALO, lequel est resté tel qu’il a été voté en 2007, à la suite d’un compromis nocturne que j’avais négocié difficilement avec le DAL, Jeudi noir et le gouvernement de l’époque, alors très frileux. La rédaction avait limité cette mesure – j’avais dû l’accepter – à la résidence principale.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui alourdit les sanctions contre les squatteurs, élargit le champ d’application de l’article 38 et vise à rendre plus efficace l’action des préfets.

Je salue les apports de notre collègue Henri Leroy, en particulier le raccourcissement du délai d’intervention du préfet et la nouvelle infraction de propagande des méthodes de squat. En 2007, déjà, mes chers collègues, j’aurais pu publier la liste des sites existants qui détaillaient les méthodes à mettre en œuvre.

Toutefois, vous le savez, madame la ministre, car nous avons échangé il y a quelques mois sur ce sujet, non seulement l’information des préfets et des forces de l’ordre est défaillante, mais, en plus, certains d’entre eux décident de ne pas faire exécuter les décisions de justice prises. C’est inadmissible, d’autant que la trêve hivernale ne s’applique pas aux squatteurs.

Je crois en votre volonté de faire prévaloir le droit des occupants légaux contre celui des squatteurs, mais il faut que celle-ci soit réellement mise en œuvre et que vous exigiez que les squatteurs soient vraiment expulsés. Si un préfet estime que ces derniers doivent être relogés, il lui revient de trouver une solution qui ne pénalise pas le titulaire.

Vous vous êtes engagée à faire paraître une circulaire à ce sujet, mais, à mon sens, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui améliorera les choses. Lorsque l’on saura que les squatteurs sont systématiquement expulsés et qu’ils n’ont pas tous les droits, il y en aura peut-être moins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 10 est présenté par Mmes Varaillas, Lienemann, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Hussein Bourgi. La loi prévoit déjà des sanctions à l’encontre de toutes les personnes reconnues coupables de squat. Alourdir ces sanctions – les doubler, les tripler, voire les quintupler – n’a aucun intérêt. En effet, vous le savez tous, en vertu de l’individualisation des peines, lorsque les mis en cause arriveront devant les tribunaux, leurs revenus, souvent issus des minima sociaux, seront pris en compte, et les magistrats n’appliqueront jamais le montant maximal qui nous est proposé ici. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de privilégier l’efficacité plutôt que l’affichage.

M. Jacques Grosperrin. Ça a un effet dissuasif !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 10.

Mme Marie-Claude Varaillas. Un article similaire a déjà été adopté à l’Assemblée nationale lors de la discussion de la loi ASAP, puis a été censuré par le Conseil constitutionnel, non pas sur le fond, mais sur la forme. C’est la raison pour laquelle les auteurs de cette proposition de loi ont introduit cette disposition, laquelle multiplie par trois la sanction pénale du squat du domicile d’un tiers, considérant qu’il suffit d’augmenter les sanctions pour dissuader les éventuels délinquants.

Nous ne partageons pas cette opinion, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles les qualités du délinquant : il s’agit, le plus souvent, de personnes fragiles se trouvant dans une situation d’extrême pauvreté. Comment prétendre résoudre cette situation par un accroissement de la sanction pénale, alors qu’il s’agit de répondre à une nécessité absolue, celle d’avoir un toit sur sa tête ? Qui peut sérieusement croire que le squat est une partie de plaisir ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Soyons sérieux !

Dire cela, ce n’est pas justifier l’infraction, mais considérer que la solution est à rechercher ailleurs. Nous sommes conscients que de plus en plus de personnes investissent dans la pierre, faute de pouvoir compter sur une retraite digne de ce nom. Ces personnes ne doivent pas être mises en difficulté, pas plus que les bailleurs sociaux, par ce type d’infractions.

Pour autant, nous considérons que, quand ces infractions sont la conséquence directe du mal-logement, il revient à l’État de prendre ses responsabilités pour agir vite et pour indemniser les victimes propriétaires, mais en aucun cas il ne nous semble utile de mettre les squatteurs en prison ou de les condamner à des amendes astronomiques, alors qu’ils n’ont déjà pas de quoi payer un loyer.

Il s’agit donc purement d’une mesure d’affichage sans efficacité concrète, qui ne réglera pas le problème, mais risque, au contraire, de l’aggraver, a fortiori dans la période très particulière que nous traversons.

Ces affaires restent marginales, même si elles sont très médiatisées. Nous estimons donc que le quantum de peine actuel est largement suffisant et que les mesures pour lutter contre le squat relèvent de la puissance publique, laquelle doit rendre le droit au logement et à l’hébergement, reconnu par la loi et les traités, enfin effectif. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. Je rappelle à nos collègues Bourgi et Varaillas que la mesure contenue dans l’article 1er de la proposition de loi figurait dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, mais avait été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons relatives à la procédure.

J’entends vos arguments, mes chers collègues, selon lesquels la peine actuelle est suffisamment dissuasive. Ce n’est toutefois pas le cas, ainsi que nous l’avons constaté sur le terrain. Je vous avoue que les ministères concernés nous ont fait savoir qu’elle n’avait été appliquée à Paris qu’à cinq reprises. C’est dire si elle est méconnue !

Pour ma part, je considère que l’argumentation que nous avançons répond à un objectif d’équité et de cohérence : le code pénal punit de trois ans d’emprisonnement le propriétaire qui tenterait d’expulser par la force celui qui occupe illégalement son bien ; il me paraît cohérent que la même peine soit prévue pour le squatteur qui occupe illégalement le domicile d’autrui. Cela ne me paraît ni excessif, ni illogique, ni caricatural.

L’avis est donc défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement étant favorable à l’article 1er, il est donc défavorable aux deux amendements de suppression. Comme cela a été rappelé, une telle mesure avait été adoptée lors de l’examen du projet de loi ASAP, avec l’accord du Gouvernement, mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel, non pour des raisons de fond, mais pour des raisons de procédure.

Nous nous trouvons ici dans le cas d’une violation de domicile et non dans le cas très général, cité par ailleurs dans cette discussion, d’atteinte au droit de propriété immobilière. En cas de violation de domicile dans le cadre d’un cambriolage, les peines actuellement encourues sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ; il paraîtrait bizarre de prévoir des peines plus faibles pour une violation de domicile qui débouche sur un squat. Il me semble donc normal d’aligner les peines.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Notre collègue Bourgi, dont j’ai entendu avec beaucoup d’intérêt le propos lors de la discussion générale, nous indique que ce texte aggraverait les difficultés que rencontrent les accidentés de la vie. Il s’agit souvent, avance-t-il, de personnes dont la recherche de logement auprès des bailleurs privés ou publics n’a pas été satisfaite, malgré son ancienneté.

Monsieur Bourgi, tous les gens qui connaissent ce parcours difficile de recherche de logement auprès des bailleurs ne finissent heureusement pas squatteurs. C’est précisément ce à quoi s’attaque cet article. Cet argument me semble donc particulièrement spécieux.