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Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé
Discussion générale (suite)

Accord fiscal avec Monaco

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé (projet n° 688 [2019-2020], texte de la commission n° 302, rapport n° 301).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé
Article unique (début)

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 25 février 2019, la France et Monaco ont signé l’accord relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

Cet accord s’inscrit dans le cadre d’une coopération étroite et ancienne avec la principauté de Monaco. Il est, en premier lieu, la manifestation des liens étroits qui unissent la France à Monaco.

Sur le plan politique, les relations entre la France et Monaco ont évolué depuis quelques années dans le sens d’une souveraineté renforcée de la principauté, notamment depuis la signature du traité d’amitié de 2002 et l’élévation de notre consulat à Monaco au rang d’ambassade le 1er janvier 2006.

La commission annuelle de coopération franco-monégasque (CCFM), coprésidée par le secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et par le ministre d’État de la principauté de Monaco, constitue la clé de voûte de notre coopération. Bien qu’elle n’ait pu se réunir en 2020 du fait de la situation sanitaire, cette commission se tiendra à nouveau très prochainement.

Monaco constitue un bassin d’emploi important qui représente un grand intérêt économique pour le département des Alpes-Maritimes. Environ 35 000 Français travaillent à Monaco, un peu moins de 10 000 y résident, tandis qu’environ 400 Monégasques vivent en France.

Notre coopération est également de nature fiscale. Les relations entre nos deux pays sont ainsi régies par deux conventions, qui ne posent pas de difficultés d’application : la convention de 1950 tendant à éviter les doubles impositions et à codifier les règles d’assistance en matière successorale, d’une part ; la convention de 1963 en matière d’impôt sur le revenu, d’autre part.

Ainsi, les liens entre la France et Monaco sont nombreux, anciens, et la proximité entre nos deux pays instaure un cadre favorable au consentement de dons et legs transfrontières à l’égard d’entités à but non lucratif françaises et monégasques.

Dans notre droit interne, les personnes publiques et organismes à but désintéressé bénéficient d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les dons et legs consentis en leur faveur.

Toutefois, dans le dispositif conventionnel liant la France et Monaco, aucune disposition ne permettait une telle exonération réciproque pour les dons et legs consentis à ces entités dans l’autre État.

Depuis 1969, en l’absence d’accord sur cet aspect spécifique, et grâce à la qualité des relations franco-monégasques, les organismes à qui des dons et legs ont été consentis de manière transfrontière ont pu être exonérés de droits de mutation. Cependant, ces exonérations sont intervenues uniquement sur la base de décisions ponctuelles des autorités compétentes de nos deux États, dès lors que ces organismes auraient été éligibles à de telles exonérations s’ils avaient été établis sur le territoire de l’État de provenance de ces dons et legs.

Le présent projet de loi vise donc à donner un cadre juridique stable, permettant de définir les conditions d’une exonération réciproque et homogène des droits de mutation applicables en cas de dons et legs effectués au bénéfice de personnes publiques. Il s’agit de définir, en accord avec notre partenaire monégasque, des règles claires, comme cela existe déjà avec d’autres États partenaires.

En effet, cet accord s’inscrit dans la lignée d’autres accords déjà conclus dans ce domaine avec certains de nos voisins directs – l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Suisse –, mais également d’autres partenaires – l’Autriche, les États-Unis, le Portugal ou encore la Suède.

À l’occasion de la réunion de la commission mixte de 2016 entre la France et Monaco, il a été décidé de prévoir un accord sur l’exonération réciproque des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, afin de donner une base légale à ces exonérations et, ainsi, de mettre fin à la pratique antérieure des décisions interministérielles. Cet accord est ainsi un instrument de sécurisation juridique pour les dons et legs aux personnes publiques.

Un texte a été agréé par les parties et validé au début de l’année 2018. La signature de l’accord a eu lieu le 25 février 2019 à Monaco.

Les bénéficiaires de l’accord peuvent être les États parties, leurs collectivités locales et territoriales, mais également des établissements publics et d’utilité publique et, enfin, des organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l’un des États parties.

L’accord prévoit par ailleurs un effet rétroactif pour les legs : il s’appliquera à ceux qui ont été consentis par des personnes décédées à compter du 1er janvier 2012.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord qui est soumis à votre approbation aujourd’hui répond ainsi à un triple objectif.

D’abord, il vise à sécuriser le cadre juridique applicable aux dons et legs consentis au profit de personnes publiques dans l’un ou l’autre des États.

Ensuite, les catégories de personnes morales désignées dans l’accord sont les mêmes que celles qui bénéficient actuellement d’une exonération en droit français. L’accord permet donc d’étendre cette exonération aux entités établies sur le territoire de l’État partenaire.

Enfin, cet accord témoigne de la volonté de nos deux pays de faciliter le financement des personnes publiques et des organismes à but non lucratif qui concourent à l’intérêt général français et monégasque.

Telles sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord avec la principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

Il appartient en effet à la représentation nationale d’autoriser ou non la ratification des accords internationaux. Certes, le pouvoir du Parlement dans ce domaine est limité, puisque nous ne pouvons qu’approuver ou rejeter l’accord. Néanmoins, il nous incombe d’examiner attentivement le contenu de ce texte, afin d’exposer aussi précisément que possible les conséquences de son adoption pour nos concitoyens.

Je rappelle l’existence de deux conventions fiscales relativement anciennes destinées à définir les modalités d’imposition des 10 000 Français qui résident à Monaco et des 400 Monégasques habitant en France. La principauté étant très attractive d’un point de vue fiscal, ces deux conventions se singularisent par leur objet, qui est non pas tant d’éviter les doubles impositions que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et de dissuader les contribuables français d’établir leur domicile fiscal dans la principauté afin d’échapper à l’impôt sur le revenu en France.

Ces deux textes ne couvrent cependant pas l’intégralité des questions de nature fiscale auxquelles sont confrontées la France et Monaco dans leurs relations, laissant une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique.

L’accord que nous examinons aujourd’hui a donc vocation à combler une absence de base conventionnelle, en encadrant une pratique constante depuis 1969 en matière de dons et legs transfrontaliers.

En effet, en droit français comme en droit monégasque, certaines personnes publiques et entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière.

Néanmoins, même si deux États exonèrent dans leur droit interne des entités similaires, cet avantage est en principe limité aux organismes implantés sur le territoire national, sauf si une convention fiscale assure un régime de réciprocité en la matière.

Or, en dépit de toute base conventionnelle, la France et Monaco exonèrent mutuellement de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis à des personnes publiques ou des organismes non lucratifs situés dans l’autre État.

Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ponctuelles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d’éligibilité dans le droit interne de l’autre État.

S’il s’agit d’une pratique constante depuis 1969, elle ne concerne qu’un nombre restreint de cas : depuis 2010, six organismes français ont bénéficié d’une exonération de droits monégasques, tandis qu’une seule demande d’exonération a été formulée auprès des services fiscaux français.

C’est à l’occasion de cette dernière demande, qui portait sur un legs important consenti par un Français au profit d’un hôpital à Monaco, que les autorités françaises ont proposé à leurs homologues monégasques de formaliser davantage leurs relations fiscales dans ce domaine.

Les échanges ont principalement porté sur le choix du support juridique idoine, ainsi que sur certains aspects rédactionnels.

Il est utile de préciser que les stipulations contenues dans l’accord sont largement comparables à celles qui figurent dans les accords de même type conclus par la France.

L’accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales, ainsi que les établissements publics, d’utilité publique et les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l’un des États parties.

Ce champ d’application, relativement large, est censé couvrir l’ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.

Mes chers collègues, j’attire cependant votre attention sur le fait qu’il ne suffit pas à une entité de correspondre à ces critères pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’accord, puisque l’article 2 pose une condition de stricte réciprocité : un organisme ne sera éligible à une exonération de droits de mutation dans l’autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés sur son territoire.

L’accord aura une portée rétroactive en matière de legs ; cette disposition s’explique par la décision qui a été prise, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d’exonération dans l’attente du présent accord.

Avant de conclure, j’évoquerai brièvement les conséquences fiscales de ce texte.

Dans un premier temps, les pertes de recettes résultant de la portée rétroactive de l’accord devraient être relativement circonscrites, puisque seule une demande d’exonération est en attente d’examen en France. En parallèle, quatre demandes d’exonération auraient été formulées auprès des services fiscaux monégasques, pour des dons et legs en faveur d’organismes français d’un montant total d’environ 25 millions d’euros, correspondant à des droits de mutation de l’ordre de 4 millions d’euros.

Pour les exonérations à venir, si nous ne pouvons anticiper dans quelles proportions cet accord aura un effet incitatif, il me semble raisonnable d’estimer que son impact fiscal devrait rester limité puisqu’il se substitue à une pratique courante.

Pour conclure, mes chers collègues, cet accord présente l’avantage de clarifier l’ensemble des procédures applicables en matière de dons et legs transfrontaliers, de même que la liste des entités éligibles à une exonération, afin d’inscrire les décisions rendues en matière d’exonération dans un cadre juridique plus solide.

Ainsi, la commission des finances du Sénat vous propose d’adopter le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi autorise l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé. Il concerne essentiellement l’exonération réciproque des droits de mutation à titre gratuit, entre vifs et par décès, des dons et legs consentis à des bénéficiaires, et ce qu’ils soient établis en France ou à Monaco.

Je vois deux intérêts principaux à cet accord.

Le premier, c’est de sécuriser le cadre juridique actuel. En effet, depuis plusieurs décennies déjà, des exonérations de droit de mutation sont consenties par chaque État afin d’éviter les doubles impositions. Mais elles ne sont consenties qu’à titre particulier puisque la règle générale ne le permet pas. Aussi les cas particuliers tendent-ils à devenir la règle générale. C’est pourquoi il apparaît raisonnable de changer la règle pour l’adapter à la réalité des pratiques fiscales.

Le second, c’est de renforcer la coopération entre la France et Monaco, dont le territoire est déjà fortement intégré au nôtre.

Je pense bien évidemment aux niveaux économique et local : la coopération et le développement se font de manière fluide et continue avec la région sud et le département des Alpes-Maritimes. Mais je pense aussi au niveau culturel et national : les actions menées par la principauté et ses ressortissants ont des effets très positifs pour nous.

Cet accord, en sécurisant le cadre juridique des dons et legs à des organismes publics ou œuvrant pour l’intérêt général, devrait ainsi permettre de renforcer les actions dans divers domaines, de la culture à l’éducation en passant par l’écologie et l’égalité des chances.

Enfin, pour conclure, je tiens à rappeler que la France a déjà noué des accords similaires avec d’autres pays européens, toujours dans l’optique d’éviter les doubles impositions et de renforcer des partenariats dans ces différents domaines. C’est notamment le cas avec la Suisse, les États-Unis, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Italie ou encore l’Espagne.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte, qui, nous l’espérons, renforcera les liens d’amitié et de coopération avec la principauté de Monaco.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.

M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit d’autoriser l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la principauté de Monaco aux fins d’encadrer les conditions d’exonération des droits de mutation à titre gratuit, entre vifs et par décès, pour les dons et legs consentis dans l’autre État.

Plus précisément, ce dernier donne à cette pratique déjà existante un contour juridique précis aux fins de la normaliser en énonçant des conditions d’application claires.

Notre groupe estime que cet accord présente l’avantage de clarifier l’ensemble des procédures applicables en la matière, sous réserve de stricte réciprocité, mais qu’il permet surtout le financement d’entités à but non lucratif.

Toutefois, le sujet qui est porté aujourd’hui devant notre assemblée – la renégociation d’une convention fiscale avec Monaco dont l’enjeu est minime –, est l’occasion de s’interroger sur le contexte problématique dans lequel il s’insère.

Au début des années 2000, Monaco a été dénoncée comme paradis fiscal et placé sur la liste noire du Fonds monétaire international (FMI). Depuis lors, la principauté participe aux instances internationales et elle a accepté de collaborer avec le fisc et la police française avec Tracfin. Techniquement, Monaco ne figure donc plus sur la liste des paradis fiscaux de l’OCDE depuis 2009. Depuis l’accord de 1963 sur l’impôt sur le revenu, les citoyens français n’ont aucun intérêt fiscal à s’exiler.

Mais Monaco reste un havre fiscal exceptionnel pour certains fortunés, chinois ou russes. Sous réserve d’accepter d’y résider au moins six mois par an, on ne paye pas d’impôt sur le revenu ni d’impôt sur les bénéfices si plus de 75 % du chiffre d’affaires est réalisé à Monaco. Cela se traduit notamment par un marché immobilier aux prix ahurissants, déconnectés de toute réalité, qui fait encore à ce jour de Monaco un simili-paradis fiscal aux portes de la France.

Or les inégalités sont le mal du siècle et l’évasion fiscale l’un de ses principaux symptômes. Est-il vraiment possible de passer outre le fait que des oligarques russes ou chinois peuvent profiter du climat monégasque sous prétexte que les Français, eux, doivent s’évader ailleurs ?

Le principe de ces conventions avec des pays, dont on sait par ailleurs qu’elles posent problème en matière d’évasion fiscale, suscite un questionnement d’ensemble.

Certes, ce texte n’a rien de problématique. Il est même relativement anodin. Pour autant, il nous semblait pertinent d’en rappeler le contexte.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France et Monaco ont en matière fiscale une coopération de longue date. En effet, c’est avec la principauté monégasque que la France, dès 1950 – le 1er avril pour être précis – signait sa première convention fiscale avec un pays partenaire.

Dénoncée quelques années après par notre pays en raison des abus trop nombreux de ceux qui avaient trouvé là un moyen de se soustraire à leurs obligations fiscales, cette convention fut source de tensions jusqu’à son remplacement par une nouvelle convention en 1963, qui venait mettre de l’ordre dans les règles fiscales transfrontalières entre la France et Monaco.

Pour rappel, cette dernière eut, entre autres conséquences, l’instauration d’un impôt sur les bénéfices dans la principauté et l’assujettissement des Français résidant à Monaco à l’impôt sur le revenu en France dans les mêmes conditions que s’ils y avaient leur domicile fiscal. Cela montre tout l’intérêt de ces accords.

Malgré les révisions successives, ces conventions ne couvrent toujours pas l’ensemble des situations.

Ainsi, le droit existant conduit à une situation injuste où les dons et legs consentis à certaines entités publiques ou privées sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit au nom de l’intérêt général, dans le droit interne monégasque comme dans le droit français, mais doivent être imposés dès lors qu’ils ont lieu entre un donateur et une entité donataire situés de part et d’autre de la frontière.

Pour y remédier, les gouvernements français et monégasques ont pu décider ponctuellement, au cours des dernières années, de mettre en place de telles exonérations au nom de l’intérêt général, mais il était impératif d’apporter une réponse claire et durable. L’accord qui nous est soumis aujourd’hui, fruit de trois ans de travail d’une commission mixte franco-monégasque, conclu en 2019, fixe donc des règles claires en leur donnant enfin une base contractuelle.

Cet accord permettra de généraliser la pratique en garantissant une exonération réciproque et homogène. C’est une bonne nouvelle au regard des impératifs de transparence, de lisibilité et d’universalité de la loi fiscale, car ces décisions seront désormais fondées sur des bases légales issues d’un accord régulier.

Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans une longue tradition d’accords bilatéraux entre la France et la principauté de Monaco en matière fiscale. La convention de 1950 tendait à éviter les doubles impositions et à codifier les règles successorales ; la convention de 1963 concernait l’impôt sur le revenu et prévoyait que les résidents français de la principauté sont assujettis à l’impôt français, à l’exception de ceux qui y résidaient avant 1957.

Aucune convention n’autorisait des droits de mutation à titre gratuit pour des organismes à but non lucratif lorsque ceux-ci ont été bénéficiaires de dons et legs, consentis dans l’autre État, entre vifs et par décès. Pourtant, de nombreux accords de même nature ont été signés entre la France et des États comme l’Allemagne, la Belgique, l’Italie ou le Portugal.

Ce texte propose de pallier cette absence d’accord en instaurant des exonérations fiscales sur les dons et legs bénéficiant aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé, Monaco ayant demandé, en 2016, l’exonération pour le compte de l’un de ses hôpitaux.

Avec ses 2 kilomètres carrés de superficie, la principauté de Monaco est le deuxième plus petit pays du monde après le Vatican. Elle siège à l’Organisation des Nations unies (ONU) depuis 1993, au Conseil de l’Europe depuis 2004 et fait partie de la zone euro. Elle représente, pour le département des Alpes-Maritimes, un bassin d’emploi important, 35 000 Français y travaillant. Sa situation géographique lui confère évidemment une communauté de destin avec la France, au point qu’elle avait même été rattachée à notre pays durant la Révolution.

Aujourd’hui, cette proximité se traduit par de nombreux accords entre les deux États, sans oublier – pour les amateurs de ballon rond ! – par la participation de l’AS Monaco au championnat de France de football.

Ce projet d’accord traduit aussi la volonté de la principauté de rompre avec sa réputation sulfureuse de paradis fiscal non coopératif. Aujourd’hui, ce pays préfère répondre aux standards de l’Union européenne, dont il tient à se rapprocher en matière de réglementation. Depuis 2009, il s’est engagé sur la voie de la transparence fiscale et financière, abolissant le secret bancaire, répondant désormais aux normes financières internationales selon l’OCDE.

Le Rocher continue parfois de marquer son indépendance en dérogeant à certains principes de l’Union européenne par des mesures comme le contrôle de l’installation de personnes physiques et d’entreprises ou la priorité d’emploi octroyée aux Monégasques.

Récemment, la principauté de Monaco a aussi été jugée trop laxiste en matière de lutte contre la pandémie par la France, inquiète de l’absence de mesures barrières et de distanciation sociale, ce qui faisait peser un risque accru sur les habitants de toute la région.

Pour conclure, j’évoquerai le deuxième alinéa de l’article 3 de l’accord qui donne à celui-ci une portée rétroactive. Cette disposition sera de faible portée, peu de legs ayant fait l’objet d’une demande d’exonération depuis le 1er janvier 2012.

Dans ces conditions, rien ne s’oppose à ce que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen vote l’approbation de cet accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1962, à l’apogée de la crise avec la principauté monégasque, on prête au général de Gaulle la formule suivante : « Pour faire le blocus de Monaco, il suffit de deux panneaux de sens interdit. » (Sourires.) Sur les dons et les legs, il nous est aujourd’hui proposé d’enlever tous les panneaux ! N’entravons plus la circulation des capitaux entre le Rocher et la France ou, plus vraisemblablement, plutôt dans l’autre sens, entre la France et le Rocher !

M. Vincent Delahaye, rapporteur. Pas du tout ! C’est l’inverse !

M. Éric Bocquet. Arrêtons de nuire au rapprochement entre les peuples !

Le présent accord prévoit de réduire les recettes fiscales sur les successions sous couvert de financer de bonnes œuvres. Pourquoi conduire une réforme qui n’aurait, selon l’étude d’impact, qu’un effet très limité ? Le rôle du législateur n’est pas d’octroyer des avantages à une petite poignée de ménages souhaitant s’exonérer de leurs obligations fiscales sur leurs donations et leurs legs.

Comme pour nous réconforter, nous devrions être rassurés par le fait que « la réciprocité de l’exonération limite l’impact fiscal dans chacun des deux États ». Nous savons tous ici que les motifs invoqués peuvent interpeller : les mouvements de capitaux iront de Monaco vers la France.

Nous pourrions nous réjouir de cette possibilité, prévue par l’accord, que des dons ou legs de riches Monégasques soient faits au profit de collectivités locales françaises. Le département du Nord, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, saurait faire bon usage pour sa population de l’argent du Rocher. Il s’agirait incontestablement d’une bonne nouvelle !

M. Vincent Delahaye, rapporteur. Ça va venir !

M. Éric Bocquet. Un tel accord conforte encore le développement d’un financement privé du secteur associatif par les entreprises mécènes et les riches particuliers. Ainsi, en 2017, les entreprises ont versé 1,7 milliard d’euros au titre du mécénat, ce montant ayant doublé en sept années.

Les foyers fiscaux ont, quant à eux, déclaré 2,5 milliards d’euros de dons, dont la moitié provient du décile des ménages les plus aisés. Grâce aux profits que leur permettent de réaliser une multitude d’avantages fiscaux, certains ont les moyens de leur générosité…

Dans ce dispositif, le seul perdant sera l’État. Des chercheurs, MM. Depecker, Déplaude et Larchet – aucun rapport avec le président du Sénat ! –, résument admirablement cette situation : « À travers les avantages fiscaux dont ils font bénéficier les organisations philanthropiques, les États subventionnent, et donc soutiennent les stratégies de reproduction et de légitimation des élites économiques. »

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre l’approbation de cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)