Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 276 rectifié bis.

M. Jérôme Durain. Madame la présidente, je ne saurais mieux dire que M. Savoldelli, je vais simplement essayer de compléter l’argumentaire.

Le présent article accentue la brèche ouverte par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui permet aux agents de surveillance et de gardiennage d’exercer leurs missions dans les périmètres de protection créés par cette même loi.

Au sein desdits périmètres, ces agents peuvent assister les membres de la force publique afin de réaliser des inspections et fouilles de bagages, ainsi que des palpations de sécurité, sous l’autorité d’un officier de police judiciaire.

La proposition de loi prévoit un cran supplémentaire, au motif que le plan Vigipirate a été porté au niveau « urgence attentat » sur l’ensemble du territoire, ce qui nécessite une intense mobilisation des forces de sécurité intérieure. Dans ce contexte, l’association des forces privées de sécurité déjà sur place, et donc opérationnelles, offrirait une opportunité pour accomplir des missions de surveillance ou lever un doute. Leur intervention serait très encadrée et soumise à l’autorisation exceptionnelle du préfet pour assurer la constitutionnalité du dispositif.

Il n’en demeure pas moins que la lutte contre le terrorisme est au cœur des missions régaliennes de l’État et qu’elle ne peut pas être déléguée au secteur privé, même dans ce cadre très restreint. L’article 14 place sur le même plan la lutte contre les vols, les dégradations et les effractions et la lutte contre les actes de terrorisme qui est pourtant un champ de compétences très particulier et d’action exclusive de l’État, de ses services de renseignement, de la police et de la gendarmerie nationales.

En outre, cette mesure entretient la confusion entre les missions des forces de l’ordre régaliennes et celles, nécessairement plus limitées, dévolues aux agents privés de sécurité. Les forces de sécurité intérieure doivent conserver le monopole de la surveillance générale de la voie publique. L’inscription de cette autorisation dans la loi ouvre la voie à de possibles dérives sur les missions régaliennes.

Au terme d’un débat qui nous a conduits à encadrer l’activité de ce secteur par un certain nombre de réserves – sous-traitance, qualification, maîtrise de la langue, équipement, etc. –, il nous paraît extrêmement inquiétant d’avancer dans cette direction, ce que par ailleurs nous ne souhaitons pas, avant d’avoir stabilisé la situation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Permettez-moi de rendre hommage à notre collègue Savoldelli qui, en se référant aux travaux de la commission des lois, nous fait le plaisir de citer les grands auteurs. (Sourires.) Toutefois, le passage cité reprend la position des organisations syndicales : ce sont bien ces organisations qui s’inquiètent…

En ce qui me concerne, je recours plutôt à la méthodologie du doute : je me suis donc posé de nombreuses questions sur cet article, mais je me suis finalement rallié à la rédaction qui vous est proposée. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à sa suppression.

L’article 14 de cette proposition de loi que vous proposez de supprimer, mes chers collègues, autorise les agents de surveillance et de gardiennage à exercer sur la voie publique, à titre exceptionnel et sur autorisation du préfet, des missions de surveillance contre les actes de terrorisme.

Je comprends d’autant mieux le doute exprimé par nos collègues que, comme je viens de l’indiquer, je me suis moi-même interrogé. À la réflexion, j’ai cependant estimé que cet article était utile et acceptable compte tenu de sa portée, en réalité très limitée, et eu égard à la situation sécuritaire actuelle de notre pays.

Il s’agit simplement d’autoriser la surveillance des abords immédiats d’un bâtiment – concrètement, en faire le tour. À la demande du client, l’agent de sécurité sera autorisé à surveiller ce qui se déroule à proximité immédiate du lieu dont il a la garde – sur le trottoir ou le parking – de manière à appeler l’attention des forces de l’ordre, s’il aperçoit par exemple une personne armée ou un colis suspect.

Il ne s’agit évidemment pas de demander aux agents de sécurité de se substituer aux forces de police ou de gendarmerie dans la lutte antiterroriste, mais simplement de prolonger la mission de surveillance au-delà du périmètre strictement limité à la propriété privée, dont ils ont la garde.

La dérogation au principe, selon lequel les agents de sécurité privée ne doivent pas s’aventurer sur la voie publique, est donc ponctuelle et contrôlée. Il serait surprenant de la refuser dans le cadre d’une menace terroriste identifiée, alors qu’elle est permise en cas de risque d’effraction ou de dégradation.

Alors que l’actualité nous montre régulièrement que la menace terroriste demeure élevée, il serait vraiment dommage de se priver de la possibilité de surveiller de manière plus efficace les abords de certains lieux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. L’examen de cet article nous ramène à la philosophie générale de cette proposition de loi qui opère un glissement progressif de responsabilité de l’État vers des tiers, que ce soit les polices municipales ou, en l’occurrence, les sociétés de sécurité privée.

Au fur et à mesure, le texte ouvre des brèches et crée de petits interstices qui, indépendamment les uns des autres, ne semblent pas poser de problème exceptionnel. Néanmoins, avec une vision d’ensemble, on voit clairement que ce texte prépare le terrain à des glissements plus importants.

C’est la raison pour laquelle nous devons nous opposer à cet article, tout comme nous l’avons fait pour d’autres auparavant.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Les deux rapporteurs de la commission des lois ont travaillé sur des sujets extrêmement sensibles. Je porte sans doute un regard plus neutre qu’eux sur l’article 14, et pourtant je comprends que celui-ci suscite des interrogations, dont celles qu’ont exprimées les auteurs de ces amendements.

La lutte contre le terrorisme est un combat collectif, même si elle relève des missions régaliennes de l’État. Elle implique l’ensemble des services de sécurité intérieure qui sont placés dans les départements sous l’autorité des préfets et des sous-préfets. Les militaires interviennent eux aussi, notamment dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Quant aux forces de sécurité privée, le rapport de la commission des lois indique clairement que, si leur participation reste limitée, elle n’en est pas moins particulièrement utile.

Encore une fois, la lutte contre le terrorisme est un travail collectif. Chacun a un rôle à jouer. Les services de l’État et les services de sécurité privée doivent travailler ensemble.

Je suivrai donc l’avis du rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Nous ne devons pas perdre de vue les conséquences qu’aura cette loi, si elle est adoptée. Ayons bien en tête que les mesures qui portent sur la montée en compétences, la qualification, la maîtrise de la langue ou l’équipement des agents de sécurité n’ont pas encore produit leurs effets.

Imaginez alors qu’un de ces agents se trouve confronté à un acte de terrorisme aux abords d’un bâtiment. Il est en treillis, il n’exerce pas ses fonctions depuis longtemps, à cause du turn-over important que pratiquent les entreprises, il ne connaît pas bien son patron, il est sous-qualifié et ne maîtrise pas bien le français. Serait-il bien sérieux que le préfet décide tout à coup de l’appeler pour lui demander de participer à une mission antiterroriste ?

Cet exemple, aussi caricatural soit-il, montre qu’il n’est pas possible d’étendre à ce point les compétences des entreprises de sécurité privée, quand bien même on approuverait la finalité du projet. Autoriser cet élargissement avant même que les autres dispositions du texte aient produit leurs effets ne serait pas raisonnable !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 et 276 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14 (Texte non modifié par la commission)
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Article 15

Article additionnel après l’article 14

Mme la présidente. L’amendement n° 384 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Constatation des infractions visant les immeubles à usage d’habitation surveillés

« Art. L. 614-6. – Les agents mentionnés à l’article L. 614-2 et commissionnés par leur employeur sont habilités à constater par procès-verbal, dans l’exercice de leur mission, les contraventions qui portent atteinte aux immeubles ou groupes d’immeubles à usage collectif d’habitation au sein desquels ils assurent des fonctions de surveillance et de gardiennage, dès lors qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête.

« Un décret en Conseil d’État fixe la liste des contraventions mentionnées au premier alinéa ainsi que les conditions dans lesquelles ces agents sont agréés par le représentant de l’État dans le département et assermentés.

« Les procès-verbaux qu’ils établissent sont transmis au procureur de la République par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire territorialement compétents. Cette transmission doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les cinq jours suivant celui de la constatation du fait, objet de leur procès-verbal. »

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Défendu, madame la présidente !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement du Gouvernement vise à ce que les agents de surveillance employés par les bailleurs d’immeubles puissent constater certaines contraventions.

Il a le même objectif que les amendements identiques nos 100 et 285 rectifié déposés respectivement par M. Bargeton et Mme de La Gontrie, dont la rédaction est cependant différente.

Il répond à une problématique qui concerne notamment la Ville de Paris et il a été élaboré en concertation avec les représentants de cette collectivité.

La commission a rendu un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai déposé un amendement qui a effectivement le même objectif que celui du Gouvernement, même si les deux rédactions sont légèrement différentes.

En 2004, la Ville de Paris a créé une structure d’intervention sur l’ensemble des immeubles des bailleurs sociaux. Quelque cent cinquante mille logements sont concernés et bénéficient ainsi de systèmes de surveillance, de rondes effectuées par les agents de cette structure et de divers autres dispositifs.

Or, de manière paradoxale, les personnes qui travaillent dans ladite structure n’ont pas les mêmes compétences que les gardiens d’immeubles qui peuvent par exemple dresser des procès-verbaux – il faut toutefois noter que cette compétence est délicate à exercer pour les gardiens, dans la mesure où ils résident aussi dans l’immeuble en question. Les brigades d’intervention n’ont pas cette compétence.

Par ailleurs, leurs agents souhaiteraient être mieux équipés, en disposant notamment de bombes lacrymogènes.

Les échanges que nous avons eus avec le ministère de l’intérieur, la préfecture de police, le groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS), la structure analogue qui existe à Toulouse et la Ville de Paris ont été fructueux et ont abouti à la rédaction de l’amendement que j’ai déposé.

Néanmoins, l’adoption de l’amendement du Gouvernement nous satisferait, même si je ne peux évidemment pas m’exprimer au nom de M. Bargeton qui a déposé l’amendement n° 100, mais qui est absent à cet instant.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 384 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 14, et les amendements identiques nos 100 et 285 rectifié n’ont plus d’objet.

Article additionnel après l'article 14 - Amendement n° 384 rectifié bis,
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Article 16

Article 15

Après le I de l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ainsi qu’au deuxième alinéa de l’article L. 84 et à l’article L. 85 du présent code, les revenus perçus à l’occasion de l’exercice d’une activité mentionnée à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure peuvent être entièrement cumulés avec la pension s’agissant des personnels des services actifs de police qui peuvent être admis à la retraite dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police. » – (Adopté.)

Article 15
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Article 16 bis

Article 16

(Non modifié)

Après l’article L. 625-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 625-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 625-2-1. – Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l’article L. 625-1 s’il a fait l’objet d’un retrait de carte professionnelle dans les conditions prévues à l’article L. 612-20 ou d’une interdiction temporaire d’exercice de l’activité privée de sécurité en application de l’article L. 634-4. » – (Adopté.)

Article 16
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Article 17

Article 16 bis

(Supprimé)

Article 16 bis
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Article 18 (Texte non modifié par la commission)

Article 17

(Non modifié)

Le livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L’article L. 612-22 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et les ressortissants de pays tiers doivent également justifier d’une connaissance de la langue française suffisante pour l’exercice d’une activité privée de sécurité mentionnée à l’article L. 611-1, selon les modalités définies par décret en Conseil d’État.

« Pour l’accès à une formation en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle à exercer les activités qui relèvent de l’article L. 6342-4 du code des transports et dont l’exercice requiert une certification au titre du règlement d’exécution (UE) 2015/1998 de la Commission du 5 novembre 2015 fixant des mesures détaillées pour la mise en œuvre des normes de base communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile ou pour l’accès à une formation à l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 du présent code lorsque celle-ci est exercée au sein de certains périmètres définis par décret en Conseil d’État, l’autorisation préalable mentionnée au premier alinéa du présent article est en outre subordonnée à la production d’une lettre d’intention d’embauche se rapportant à l’une de ces activités, émise par une entreprise titulaire de l’autorisation d’exercice mentionnée à l’article L. 612-9 ou par la personne morale mentionnée à l’article L. 612-25 et exerçant ces activités. » ;

2° L’article L. 622-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et les ressortissants de pays tiers doivent également justifier d’une connaissance de la langue française suffisante pour l’exercice d’une activité d’agence de recherches privées mentionnée à l’article L. 621-1, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Article 17
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Article additionnel après l'article 18 - Amendements n° 18 rectifié et n° 26 rectifié bis

Article 18

(Non modifié)

Le chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 613-2, les mots : « , spécialement habilitées à cet effet et agréées par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, » sont supprimés ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 613-3, les mots : « , agréées par la commission d’agrément et de contrôle territorialement compétente dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, » sont supprimés.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 80 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 145 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 277 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.

Mme Laurence Cohen. Nous nous opposons à ce que disparaisse l’habilitation ou l’agrément délivré par le préfet aux agents de sécurité privée pour qu’ils procèdent à des palpations de sécurité.

Les palpations de sécurité ne sont pas des actes simples. Elles nécessitent une formation – le rapport de la commission souligne d’ailleurs que celle-ci est inégale. Elles portent atteinte à l’intimité des personnes. De plus, elles interviennent dans un contexte qui peut être tendu, voire dangereux.

Il est donc de bon sens que le représentant de l’État garantisse aux personnes présentes, aussi bien qu’aux agents, un niveau de sécurité et de protection minimal.

L’argument de la réduction d’une charge de travail non négligeable pour le Cnaps ne tient pas, puisque c’est précisément son rôle. Certes, il n’est pas simple d’assurer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens, mais les simplifications administratives que vous proposez risquent d’entraîner des dérives.

Les sociétés et groupes d’influence se réjouissent déjà de cette suppression, en arguant de la réactivité du dispositif et en soulignant que la carte professionnelle suffit à garantir que l’agent est au-dessus de tout soupçon de faute.

La réalité nous apparaît différemment : le secteur de la sécurité privée est extrêmement morcelé, avec un taux d’entreprises unipersonnelles très élevé, un fort turn-over, un recours fréquent aux CDD, ainsi qu’une habitude de sous-traitance en cascade – nous en avons parlé lors de l’examen de l’article 7.

De plus, la multiplication des domaines d’intervention et le contexte sécuritaire nous invitent à mettre en place un encadrement particulièrement strict et un suivi rigoureux. Avec quinze mille agréments donnés chaque année, le nombre d’agents habilités atteint des sommets et il faut pouvoir garder leur trace.

En revanche, comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes tout à fait enclins à envisager l’embauche de fonctionnaires et l’augmentation des effectifs du service public, partout où des difficultés seraient relevées.

Tels sont les arguments qui justifient cet amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 145 rectifié.

M. Guy Benarroche. L’examen successif de ces amendements a le mérite de dessiner, trait par trait, le profil de ce que cette proposition de loi veut faire de la sécurité dans notre pays.

Les compétences des agents de sécurité privée sont déjà très importantes. Cerise sur le gâteau, cet article prévoit de supprimer une habilitation permettant explicitement à ces agents de procéder à des palpations de sécurité ! Cela reviendrait à généraliser une possibilité originellement dévolue à la seule puissance publique.

L’exigence d’un agrément par le préfet et d’une habilitation par la commission d’agrément et de contrôle pour qu’un agent puisse procéder à des palpations de sécurité reste une garantie. La suppression de ces habilitations, dans un but de simplification administrative et pour faciliter l’association des agents privés de sécurité aux opérations de contrôle en cas de grandes manifestations publiques ou quand un danger a été identifié, est une fausse bonne idée. Là encore, le texte s’oriente vers une simplification dans le but de multiplier les contrôles.

Depuis les attentats de 2015, toutes les mesures initialement prévues pour s’exercer dans un cadre restreint et en cas de faits graves dérivent inexorablement jusqu’à s’appliquer de manière bien plus large. Or les palpations et les fouilles peuvent aussi servir, dans un usage dévoyé, à contrôler les mouvements sociaux.

Enlever cette mission aux policiers est très problématique. Le rapport sur l’application de la loi SILT a montré que, dans le cadre du contrôle des périmètres de protection, plus de 80 % des palpations étaient effectuées par des agents de sécurité privée.

Pourtant, le Conseil constitutionnel a réaffirmé clairement, dans sa décision du 29 mars 2018, l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits.

Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite la suppression de cet article pour en rester, a minima, à un système d’habilitation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 277 rectifié bis.

M. Jérôme Durain. L’article 18 supprime plusieurs garanties, lorsque des agents effectuant des activités privées de surveillance et de gardiennage sont associés à la réalisation de palpations de sécurité en cas de menace grave pour la sécurité publique ou dans le cadre d’un périmètre de protection. Dans ce cas précis, les agents peuvent procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages, avec le consentement de leurs propriétaires. Ils peuvent aussi pratiquer des palpations de sécurité. Pour cela, le droit en vigueur exige une habilitation spéciale des agents et un agrément par le préfet ; cet article prévoit de supprimer cette exigence.

L’article 18 modifie aussi les conditions d’exercice des agents qui effectuent des activités privées de surveillance et de gardiennage pour contrôler l’accès à l’enceinte de manifestations sportives, récréatives ou culturelles. Là encore, ces agents doivent avoir été agréés par la commission d’agrément et de contrôle territorialement compétente ; le texte supprime cette garantie.

Pourtant, lorsqu’en 2003 le législateur avait autorisé les agents de sécurité privée à procéder à de telles palpations, le Conseil constitutionnel avait jugé ces dispositions conformes à la Constitution, parce qu’elles prévoyaient une stricte procédure d’agrément en vue d’habiliter des personnels de sécurité privée à participer à des opérations de contrôle.

Supprimer ces procédures revient à ôter les garanties qui assurent que l’on recoure uniquement à des professionnels formés.

Non seulement les compétences des entreprises de sécurité privée seront étendues, comme on l’a constaté précédemment, mais les garanties relatives à l’activité de leurs agents seront parallèlement réduites.

La nécessité d’augmenter le contingent des agents de sécurité privée dans les années à venir, notamment pour gérer les grands événements sportifs, incite à assouplir leur mode de recrutement. Cependant, cette mesure de simplification administrative aura des conséquences lourdes. Les palpations de sécurité n’ont rien d’anodin, de sorte qu’elles doivent être rigoureusement encadrées. Il importe de nous protéger collectivement d’éventuelles dérives.

Par conséquent, il serait inopportun et dangereux de supprimer ces garanties qui sont indispensables au bon exercice du métier d’agent de sécurité privée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Ces trois amendements identiques sont contraires à la position de la commission, car ils visent à maintenir l’actuelle procédure d’agrément pour la réalisation des palpations de sécurité par un agent de sécurité privée.

Je me suis moi-même interrogé sur la pertinence de cette procédure d’agrément, mais elle occasionne incontestablement une charge de travail non négligeable pour le Cnaps qui a dû rendre quinze mille décisions à ce titre en 2019.

Les palpations de sécurité touchent à l’intégrité physique de la personne sur laquelle elles sont pratiquées, de sorte qu’il est parfaitement légitime d’entourer leur exercice de garanties.

Il apparaît toutefois que la formation des agents de sécurité inclut un chapitre sur les techniques de palpation ; il serait superflu de prévoir un agrément spécifique, alors même que tous les agents doivent être formés à ces techniques.

Cet agrément spécifique n’avait de sens qu’à l’époque où la formation n’intégrait pas cette dimension. Désormais, cette formalité n’a plus de valeur ajoutée.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 80 rectifié, 145 rectifié et 277 rectifié bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je voudrais compléter l’excellente démonstration de M. le rapporteur, en précisant que la longue présentation qui a été faite de cet article n’est pas conforme au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

Il n’est pas question de retirer un quelconque agrément à ceux qui sont appelés à réaliser cet acte bien particulier que constitue la palpation de sécurité. En fait, comme M. le rapporteur l’a indiqué, ces techniques ont été intégrées dans la formation initiale que les agents doivent valider pour obtenir leur carte professionnelle. L’agrément est donc devenu superfétatoire.

Le cadre juridique prévoit l’obligation pour les agents de sécurité d’obtenir une carte professionnelle pour exercer leur activité. D’ailleurs, comme cela a été indiqué précédemment, la commission mixte paritaire devra évoquer la question des sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas cette obligation.

Or, je le répète, aucun agent de sécurité privée ne peut obtenir cette carte sans avoir été formé aux techniques de palpation de sécurité.

Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les trois amendements de suppression de cet article.