Mme Valérie Boyer. Je remercie les membres de la commission d’avoir émis un avis favorable sur cet amendement. Il s’inscrit dans un contexte particulièrement dramatique que vit notre pays. Je veux, en effet, parler de l’assassinat de Stéphanie, à Hayange, à l’âge de 22 ans. Cette jeune femme a été abattue lâchement, en pleine rue, par son conjoint violent. La victime avait pourtant précédemment porté plainte. J’ajoute que quarante-trois femmes ont déjà été assassinées par leur conjoint depuis le début de l’année.

La lutte contre les violences conjugales est un combat qui concerne toute la société. C’est un combat universel. Un certain nombre d’associations, de parlementaires et de juristes mènent ce combat depuis plusieurs années, mais celui-ci ne progresse jamais assez vite.

Permettez-moi de saluer l’engagement de maître Nathalie Tomasini, avec qui je travaille depuis plusieurs années. Elle est notamment l’avocate de Valérie Bacot, qui est accusée d’avoir tué son mari, en 2016, au terme de plusieurs années d’horreurs, sur lesquelles je ne vais pas revenir. Ce qui importe, en effet, et c’est la raison pour laquelle je présente cet amendement, c’est que cette personne encourt désormais une peine de prison à perpétuité.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas de s’ériger en juges, mais de poser la question suivante : Valérie Bacot est-elle une meurtrière ou une victime ? Sur ce point, l’expert psychiatre a reconnu, pour la première fois dans une expertise requise par un parquet en France, que l’accusée était atteinte, au moment des faits, du syndrome de la femme battue.

Je rappelle que le Canada reconnaît ce syndrome depuis 1990. Concrètement, la personne qui en est atteinte ne peut plus prendre de décision raisonnable et raisonnée. Toutes les attaques du conjoint violent touchent à l’intégrité psychique de la victime, qui devient alors prisonnière de la situation qu’elle subit.

Cet état de soumission et de danger de mort permanent, vécu pendant des années, peut entraîner un comportement extrême. Cela aboutit, malheureusement, dans la plupart des cas au suicide de la victime de violences.

Dans certains cas extrêmement rares, la victime se retourne contre le conjoint, car il n’y a pas d’autre issue que de le tuer pour ne pas mourir : « C’est lui ou moi ! »

Aussi, mes chers collègues, je vous propose de voter un amendement qui n’a pas pour objet de délivrer un permis de tuer, mais de reconnaître l’impact des violences conjugales sur l’état psychique de la personne qui en est victime, et de prévoir une irresponsabilité pénale étendue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Cet amendement ayant été rectifié à la suite de son examen en commission, celle-ci émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis totalement défavorable à cet amendement, non pas que j’ignore la cause que vous portez, ou que je la considère comme illégitime, mais la rédaction de votre proposition pose un grave problème de droit et je ne la comprends pas.

En plus d’être irrecevable, cet amendement me paraît dangereux. En effet, tel qu’il est rédigé, il vise à introduire une disposition qui n’est pas normative et qui n’a donc pas vocation à s’inscrire, comme vous le souhaitez, dans la loi.

Je comprends votre objectif, madame la sénatrice, mais le droit, en particulier en matière pénale, est infiniment précis, comme le rappelait encore tout à l’heure l’une de vos collègues.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement est quelque peu gênant. L’exposé des motifs de Valérie Boyer est très efficace à cet égard, et nous sommes tous, j’en suis certaine, convaincus de la nécessité de lutter contre les violences conjugales.

Cependant, notre travail reste de faire la loi, et dans cet amendement, madame Boyer, vous ne faites que reprendre le principe même de l’appréciation d’éventuelles circonstances atténuantes. Lorsque l’on juge une affaire potentiellement criminelle, les circonstances dans lesquelles elle s’inscrit et les personnalités de la victime et de l’auteur du crime doivent bien évidemment être étudiées et examinées. Or vous restreignez le champ de cette possibilité à un seul type d’infraction.

Il reste problématique et gênant de traiter d’un sujet aussi lourd au détour d’un texte qui n’y est pas précisément consacré, puisqu’il porte sur l’irresponsabilité pénale. Le travail serait trop rapide et incomplet.

Précédemment, déjà, vous avez tenté de modifier d’un trait de plume l’échelle des peines. À présent, vous proposez un amendement dont la rédaction n’est guère compréhensible, comme l’a dit le garde des sceaux, et qui vise à introduire une forme de circonstance atténuante. Nous ne le voterons pas, car il n’est pas abouti.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Je crois que tout le monde comprend mon objectif. Si je soulève cette question à l’occasion de l’examen de ce texte de loi, c’est justement parce que nous parlons des difficultés que peuvent rencontrer certaines personnes lorsqu’elles sont dans des situations extrêmes, notamment de violences conjugales.

Il y a une forme d’altération du jugement, la victime de violences se sentant en danger de mort permanent. Ce stress a été décrit, et je ne vais pas revenir sur l’exposé des motifs, qui reprend des dires d’experts mandatés par les tribunaux. Ces femmes sont l’objet d’une torture mentale qui les place dans un état de stress total.

J’ai retravaillé cet amendement, bien évidemment, à la demande de la commission. Il n’y a aucune précipitation, car j’étudie ce problème depuis de nombreuses années, que ce soit à l’Assemblée nationale ou ici.

Le sujet, c’est l’altération du jugement. En l’espèce, il est causé non pas par la drogue ou l’alcool, mais par un stress extrême, la victime qui vient d’être battue étant toujours dans l’attente de la prochaine occasion où son conjoint va de nouveau la torturer.

Je ne vois pas pourquoi cet amendement ne trouverait pas sa place dans ce texte, d’autant que, je le répète, je l’ai retravaillé à la demande de la commission et qu’il a reçu un avis favorable. À mon sens, il n’est absolument pas imprécis. Mieux, il répond à une attente qui dure depuis plusieurs années.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes alimentent régulièrement, hélas, l’actualité : deux féminicides ont encore eu lieu ces derniers jours. L’emprise, c’est véritablement une stratégie implacable qui est mise en œuvre par les agresseurs, par les prédateurs sexuels. L’emprise, c’est le moyen d’isoler sa victime pour poursuivre impunément ces actes de barbarie.

Cet amendement, déposé par notre collègue Valérie Boyer, permet d’apporter enfin une réponse à cette situation en prenant en compte la réalité des victimes qui ont traversé, en silence souvent, des années de violences, d’agressions sexuelles, de viols, de tortures psychologiques. Des victimes qui ne se sont jamais vu reconnaître ce statut. Grâce à cet amendement, ce serait enfin le cas, et, bien entendu, je le soutiens, en remerciant Valérie Boyer de l’avoir déposé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je pense qu’il y a peut-être un problème de rédaction avec cet amendement. En effet, il parle de prise en compte de l’impact de ces violences sur la victime, alors que l’on parle bien de l’auteur, qui, préalablement aurait été victime de violences. Or l’article 122-1 du code pénal s’applique non pas à des victimes, mais à des auteurs…

Mme Valérie Boyer. Là, c’est le cas !

Mme Dominique Vérien. Oui, mais ce n’est pas ce qui est écrit. Il parle de la responsabilité pénale de la victime, alors qu’il faudrait parler, si je vous ai bien comprise, d’un auteur, le plus souvent d’une auteure, qui aurait agi alors qu’elle était sous emprise et préalablement victime. (M. le garde des sceaux renchérit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 1 rectifié
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Article 3

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 11, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 158 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est ajouté aux questions techniques mentionnées au premier alinéa une question spécifique destinée à identifier une participation active à la perte de discernement. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’une des raisons des divergences entre les experts ou les collèges d’experts, dans les situations où le passage à l’acte pénalement incriminé a eu lieu sous toxiques, tient au fait que certains d’entre eux prennent en compte la position psychique du sujet au moment de la prise de la substance psychoactive pour rejeter l’atteinte au discernement, tandis que d’autres se limitent strictement à la question posée et à la caractérisation de l’état psychique au moment de l’acte.

Les experts pourraient poser la question suivante – laquelle s’inscrirait dans une nomenclature – : décrire les conditions, les motivations et les conséquences, dans l’hypothèse où des circonstances telles que la prise de toxiques ou un arrêt d’un traitement médical peuvent avoir provoqué ou accentué un état pathologique altérant ou abolissant le discernement, entravant ou abolissant le contrôle des actes.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Si j’ai bien compris, il s’agit d’instituer l’obligation pour les experts de se prononcer sur la participation active à la perte du discernement. La commission a émis un avis de sagesse négative, car cela nous semble relever du domaine réglementaire. Néanmoins, nous attendons l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis d’accord, cela relève du réglementaire. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre II

Des conditions de réalisation de l’expertise d’irresponsabilité pénale

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 11
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Article 4

Article 3

Après le deuxième alinéa de l’article 161 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’expert est commis pour se prononcer sur la détermination du discernement mentionnée à l’article 122-1 du code pénal, la première expertise ne peut avoir lieu dans un délai excédant deux mois après le placement en détention de la personne concernée. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article 63-3 est complété par les mots : « , aux mêmes fins que celles mentionnées au premier alinéa ou au troisième alinéa de l’article 706-47-1 » ;

2° La première phrase du quatrième alinéa de l’article 706-88 est complétée par les mots : « aux seules fins mentionnées au premier alinéa de l’article 63-3 ou au troisième alinéa de l’article 706-47-1 » ;

3° La première phrase du troisième alinéa de l’article 706-88-1 est complétée par les mots : « aux seules fins mentionnées au premier alinéa de l’article 63-3 ou au troisième alinéa de l’article 706-47-1 ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. J’en ai dit deux mots lors de la discussion générale, mais je voudrais préciser une nouvelle fois que cet article 4 vise en fait à compléter plusieurs articles du code de procédure pénale afin de restreindre le champ de l’examen clinique de garde à vue à la seule compatibilité de l’état de santé de la personne avec la mesure, en excluant expressément les expertises psychiatriques ou psychologiques requises par l’instruction judiciaire.

Pour y avoir beaucoup travaillé, nous pensons que cet article, à l’instar des articles 3 à 10, va dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous voterons pour, même si, pour être tout à fait honnête et sincère, les deux premiers articles de la proposition de loi, qui sont quand même la raison principale pour laquelle nous légiférons aujourd’hui, ne nous conviennent pas. Voilà, je voulais juste dire que nous voterons cet article 4, ce qui ne vaut pas approbation de l’ensemble de la proposition de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article 164 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins psychiatres chargés de l’examen d’une personne obtiennent directement sur leur simple demande des médecins ou établissements les détenant les documents médicaux nécessaires à l’accomplissement de leur mission sans que le secret professionnel ne puisse leur être opposé. » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début de la première phrase du troisième alinéa de l’article 167, les mots : « Dans tous les cas » sont remplacés par les mots : « Lorsqu’il n’a pas déjà été fait application du premier alinéa de l’article 161-1 » ;

2° Au premier alinéa de l’article 186, après la référence : « 148 », est insérée la référence : « , 156, deuxième alinéa » ;

3° Après la référence : « 82-3 », la fin du premier alinéa de l’article 186-1 est supprimée. – (Adopté.)

Chapitre III

Des conditions de réalisation de l’expertise de prévention de la récidive

Article 6
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Article 8

Article 7

Le septième alinéa de l’article 717-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le même sixième alinéa est applicable aux personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation, ainsi qu’aux professionnels chargés des expertises mentionnées aux articles 706-53-14, 723-31-1 et 730-2. » – (Adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article 706-53-14 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « psychiatres ou par un expert psychiatre et un expert psychologue titulaire d’un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée en psychopathologie. Avant leur transmission à la commission, les conclusions de l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et de l’expertise sont mutuellement portées à la connaissance de leurs auteurs respectifs. » ;

2° Le dernier alinéa de l’article 723-31-1 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « psychiatres ou par un expert psychiatre et un expert psychologue titulaire d’un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée en psychopathologie. Avant leur transmission au juge de l’application des peines ou au procureur de la République, les conclusions de l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et de l’expertise sont mutuellement portées à la connaissance de leurs auteurs respectifs. » ;

3° Le 2° de l’article 730-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Avant leur transmission au tribunal de l’application des peines, les conclusions de l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et de l’expertise sont mutuellement portées à la connaissance de leurs auteurs respectifs. » – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

L’article L. 3711-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’expert mentionné au troisième alinéa de l’article 706-47-1 du même code peut exercer les fonctions de médecin coordonnateur. » – (Adopté.)

Chapitre IV

Des obligations déontologiques de l’expert

Article 9
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 10

L’article 6 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque commission d’expert donne lieu à la transmission par ce dernier, dans un délai maximal de sept jours, au premier président de la cour d’appel concernée d’une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts, où figure toute activité professionnelle ou bénévole et toute fonction ou mandat électif, passés ou en cours, susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts. Cette déclaration peut être consultée par les parties intéressées ainsi que par leurs conseils. L’expert s’abstient de toute expression publique liée au contenu de son expertise avant qu’une décision prononcée ne soit devenue définitive. » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 10
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis, comme tous les membres de mon groupe, bien conscient du trouble, de l’émoi, de la colère exprimés par les personnes qui ont trop souvent l’impression que l’irresponsabilité pénale signifie que le mis en cause échappe à la justice. Aussi violent que cela puisse paraître, tel n’est pas le cas : la justice s’intéresse aux faits et, lors d’une audience contradictoire qui peut durer des heures, où la parole est donnée aux victimes et aux parties civiles, elle se prononce sur la responsabilité du mis en cause.

Il convient également de rappeler que l’irresponsabilité pénale ne signifie pas que l’individu déclaré irresponsable sera remis en liberté : il est placé en hospitalisation sous contrainte et des mesures de sûreté, pouvant aller jusqu’à 20 ans, peuvent être prononcées à son égard. Ces mesures, en plus de soigner l’individu, ont pour objet d’évaluer sa dangerosité et d’empêcher la récidive.

Je crains qu’en l’état cette proposition de loi ne puisse améliorer la situation, et l’amendement retenu à l’article 1er pour supprimer le qualificatif « fautif » n’est pas de nature à améliorer son équilibre. Au contraire, ce texte risque d’introduire un déséquilibre.

Aujourd’hui, notre système judiciaire fonctionne. Certains juges, s’appuyant sur des expertises, ont déjà retenu la responsabilité de personnes, qui, du fait de l’ingestion d’alcool ou de stupéfiants, plaidaient l’irresponsabilité. C’est pourquoi, soucieux de préserver l’équilibre de l’article 122-1 du code pénal, de renouveler notre confiance dans la capacité des juges à évaluer l’abolition du discernement des mis en cause en s’appuyant sur les expertises psychiatriques, et prudent quant à la possibilité pratique de se prononcer sur un fait fautif exclusif ayant mené à l’abolition du discernement, notre groupe ne votera pas ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous constatons malheureusement qu’aucune des trois propositions concrètes que nous avons faites en vue d’améliorer les choses, de créer des dispositifs utiles, n’a été retenue.

Nous constatons, par ailleurs, que nos arguments pour dire que le recours à la juridiction de fond était une mesure fallacieuse qui risquait d’avoir des conséquences indésirables n’ont pas été pris en compte.

Même si notre assemblée a retenu un amendement, défendu par Mme de La Gontrie, pour préciser les choses dans le cas où l’hypothèse, que nous rejetions, serait validée, à savoir une bipartition entre, premièrement, l’examen de l’irresponsabilité éventuelle, et, deuxièmement, l’examen au fond par la juridiction du fond, nous trouvons que le bilan est assez faible au regard du travail que nous avons produit.

Nous nous abstiendrons sur ce texte. Pourquoi ?

Par ce vote, nous voulons montrer que, pour nous, le statu quo est impossible. Nous sommes tous d’accord, il faut garder l’article 122-1 du code pénal, mais, j’y insiste, le statu quo n’est pas une option. Il faut donc continuer le travail, car le résultat, aujourd’hui, ne nous satisfait pas. C’est dans cet esprit que nous ne voulons pas voter contre, même si nous sommes assez déçus du sort réservé à nos amendements.

Mes chers collègues, je vous l’annonce, il sera nécessairement de nouveau question de nos propositions dans nos prochains débats sur le sujet de l’irresponsabilité.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative aux causes de l’irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l’expertise en matière pénale.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale
 

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 26 mai 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualités au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

Proposition de loi d’urgence visant à apporter une réponse solidaire et juste face à la crise, présentée par Mmes Raymonde Poncet Monge, Sophie Taillé-Polian et plusieurs de leurs collègues (texte n° 531, 2020-2021) ;

Proposition de loi pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal, présentée par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues (texte n° 530 rectifié, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

 

nomination de membres de commissions

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. François Patriat est proclamé membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Ludovic Haye.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission de la culture, de léducation et de la communication.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Mikaele Kulimoetoke est proclamé membre de la commission de la culture, de léducation et de la communication, en remplacement de M. François Patriat.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Ludovic Haye est proclamé membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, en remplacement de M. Mikaele Kulimoetoke.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER