Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Sueur, Kerrouche, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 47 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Cet article propose une réduction du temps d’intervention de droit commun, en le faisant passer de deux minutes trente à deux minutes. Je crains que, si nous adoptons une telle disposition, cela vienne engourdir nos débats, lesquels forgent l’essence même du parlementarisme et de notre assemblée.

Certains avancent l’argument que ce changement serait indolore, puisque le temps moyen d’intervention en séance ne dépasserait pas les deux minutes. Mais si ces trente secondes ne sont, dans la grande majorité des cas, pas utilisées, pourquoi s’en priver ?

Au fond, peu importe que les deux minutes trente soient effectivement utilisées, l’essentiel étant de savoir que l’on peut en disposer et que, si l’idée que l’on expose est complexe, on aura le temps de la développer suffisamment pour qu’elle soit intelligible par chacun. Un débat ne peut être fait que de slogans. C’est aussi un échange de démonstrations et d’argumentations sur des sujets souvent compliqués.

Ensuite, une telle réduction n’est pas sans effet sur les petits groupes, tels que le groupe du RDSE. Notre temps de parole étant limité durant les discussions générales, les explications de vote et la défense des amendements sont autant d’occasions pour nous exprimer et développer nos positions.

Le RDSE s’est fixé comme principe de n’imposer aucune consigne de vote à ses membres, leur laissant toujours la plus grande liberté d’opinion. Aussi, chacun des sénateurs doit pouvoir avoir l’occasion de s’exprimer dans des conditions convenables. Vous comprendrez pourquoi je regrette que nous nous engagions dans la voie d’une réduction de notre temps de parole

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Éric Kerrouche. Je fais rarement référence à mes origines universitaires, mais, vous le savez, beaucoup d’études ont été faites en ce qui concerne le travail législatif, et toucher à ces règles n’est jamais sans conséquences.

Des travaux assez connus montrent tout simplement que, plus on touche au temps de la loi en raccourcissant le temps de parole, plus il y a de conséquences sur la qualité des textes qui sortent du Parlement. C’est aussi simple que cela !

On nous oppose comme argument la liberté des discussions en commission, où l’on dispose de beaucoup de temps de parole. Ainsi, deux minutes en séance seraient suffisantes, l’essentiel ayant été dit au préalable. Rien n’est plus faux ! Dans la façon de faire la loi, il y a deux rythmes qui sont bien connus : un rythme dit de la politique invisible et un rythme dit de la politique visible.

Le premier, c’est celui que l’on a dans les commissions. On parle de politique invisible, parce que, s’il y a des affrontements, ils sont limités justement par le fait qu’il n’y a pas de publicité et que, d’une certaine façon, on est relativement à la marge de la discussion, la plupart de nos collègues se réservant pour la politique visible, c’est-à-dire celle que l’on fait aujourd’hui dans l’hémicycle. Or ce que vous voulez remettre en cause, c’est le temps de cet affrontement politique, le temps de cette politique visible, ce qui va strictement à l’encontre de la façon de bien faire la loi.

Par ailleurs, vous acceptez, sans le contredire, le principe selon lequel la réduction du temps serait du registre de la recherche d’efficacité. Je vous mets au défi de le prouver, et je suis certain que beaucoup de ceux qui vont voter cette disposition aujourd’hui le regretteront amèrement à partir du mois de septembre.

Il y a beaucoup de raisons de refuser une telle évolution, qui n’est que de façade, pour ne pas dire éminemment superficielle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 47.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas ; nous ne comprenons pas, avec mon groupe, cette pensée dogmatique qui amène, une nouvelle fois, à réduire le temps de parole des parlementaires.

À l’origine, déjà lointaine, cette proposition de résolution avait pour objet d’adapter le travail du Sénat à une période de crise sanitaire. Au bout du compte, l’une des mesures phares de cette nouvelle réforme du règlement, c’est la réduction du temps de parole. Vous me direz, trente secondes, c’est peu, mais c’est quand même trente secondes en moins.

Cependant, le problème est ailleurs.

Premièrement, si le temps du débat est contraint, c’est du fait d’une inflation législative constante, avec des pics depuis plus de vingt ans. C’est le pouvoir exécutif qui étouffe le Parlement, et non l’inverse, comme voudraient le faire croire les partisans de ce dangereux concept de la rationalisation du travail parlementaire, dont les synonymes sont : réduction du temps de débat, recul du droit d’amendement, remise en cause de l’initiative parlementaire.

Deuxièmement, l’affaiblissement du Parlement, auquel la majorité elle-même participe puisqu’elle exige de raboter le temps de parole, va s’aggraver encore avec une mesure qui n’est pas dans la proposition de résolution, car elle relève de la conférence des présidents : il s’agit de corseter le débat de seconde partie de loi de finances dans une forme de temps programmé.

Nous constatons un certain consensus entre Emmanuel Macron, le Gouvernement et la droite sénatoriale (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) pour réduire le pouvoir législatif du Parlement, qui se fonde sur le droit d’amendement et le temps de parole. Un long débat est nécessaire pour décortiquer les raisons de choix politiques et leurs conséquences sur la démocratie. Nous sommes bien loin, dans la pratique, des propos du président du Sénat contre la révision constitutionnelle d’Emmanuel Macron.

Nous proposons donc avec détermination la suppression de cet article 11.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.

Nonobstant cet avis négatif, ma chère collègue, je suis d’accord avec un des points que vous avez soulevés. Vous avez raison, depuis de nombreuses années, l’inflation législative est bien réelle. En 1995, le président de l’Assemblée nationale, Philippe Séguin, proposait de passer à la session unique pour supprimer les séances de nuit : la session unique a été imposée, et les séances de nuit sont toujours là.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette inflation législative a été aggravée par tous les gouvernements, mais aussi par nous-mêmes, au travers de nos propositions de loi.

La réforme constitutionnelle de 2008 a modifié de nouveau les choses, puisque c’est non plus le texte du Gouvernement qui vient en séance, mais celui de la commission. Les commissions font librement leur texte, avec, comme le rappelait M. Kerrouche, une liberté de ton et de temps absolument totale. Une fois en séance, on travaille sur ce texte, ce qui a contribué à faire un peu bouger les équilibres, disons-le librement.

Bref, l’inflation législative s’étant poursuivie, nous avons proposé de ramener le temps de présentation d’un amendement et de l’explication de vote à deux minutes au lieu de deux minutes trente.

Pour terminer, j’illustrerai mon propos avec des exemples concrets.

La semaine dernière, mardi après-midi, nous avons examiné deux textes dans un temps relativement court, alors que nous pensions durer dans la semaine. Finalement, cela fut assez rapide, et ce pour une raison simple, au-delà du fait que nos collègues ont respecté le temps qui leur était imparti : il n’y avait pas beaucoup d’articles.

Néanmoins, nous allons avoir prochainement une expérience un peu différente avec le texte Climat, qui va arriver, et le texte 4D, qui sera examiné en juillet, avec des milliers d’amendements annoncés. Il faudra bien arriver à travailler correctement dans ces conditions. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) Avec deux minutes trente, le débat sera compliqué. Peut-être que deux minutes suffiraient…

Au bout du compte, le bon sens doit l’emporter et chacun doit se maîtriser autant que faire se peut. Nous savons que c’est difficile, mais c’est possible. C’est en tout cas la raison pour laquelle la commission des lois a retenu la proposition faite par le président Larcher à cet égard.

J’ai dépassé de six secondes : pardon ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je veux rebondir sur ce que vient de dire le président de la commission des lois, rapporteur de cette proposition de résolution.

La réforme de 2008 était justement censée faire en sorte qu’il y ait plus de travail en commission et moins de pression sur l’hémicycle. C’est pour cela qu’elle a donné la capacité aux commissions de refaire les textes de loi. On a enlevé au Gouvernement cette initiative totale qu’il avait en matière de projets de loi en donnant plus de pouvoir au Parlement. Les débats ont donc lieu, par définition, d’abord en commission, puisque c’est le texte de la commission qui vient devant l’ensemble des sénateurs. Voilà un pouvoir considérable aux mains des parlementaires.

C’est vrai, monsieur Sueur, la discussion législative requiert beaucoup de temps, mais avec plus de 2 000 amendements en commission, comme c’est le cas pour la loi Climat, et probablement plus de 3 000 amendements en séance, comment faire ? Entre 2000 et 2020, monsieur le questeur, il y a eu, j’y insiste, un triplement du nombre d’amendements annuel.

Déjà, en commission, tous les parlementaires et leurs groupes participent activement à la rédaction du texte qui vient en séance. Si, dans le même temps, il y a ce triplement du nombre d’amendements en séance, on assiste à une sursaturation du travail parlementaire. Je suis désolé, mais ce n’est pas manquer de respect au Parlement que de dire cela.

Tous les sénateurs peuvent déposer autant d’amendements qu’ils le souhaitent, sans contrainte ni limite. C’est un droit constitutionnel individuel, qui ne s’exerce pas au travers des groupes. Pour autant, nous devons être en mesure de proposer de vrais débats en commission pour aboutir à l’élaboration d’un texte et de vrais débats en séance qui puissent être quand même suffisamment fluides pour pouvoir gérer l’ensemble des textes de loi.

Monsieur le président Buffet, je travaillais avec Philippe Séguin en 1995 quand on est passé à la session unique, ce qui apparaissait alors comme une révolution. C’est finalement, pardon de le dire, un total échec, parce qu’il y a autant de sessions extraordinaires qu’avant et que l’on siège autant la nuit, voire plus qu’avant. On siège même les lundis et les vendredis, ce qui n’était pas prévu dans la réforme.

M. Loïc Hervé. Absolument !

M. Roger Karoutchi. Cela veut dire que le temps parlementaire s’est considérablement accru. Est-ce que, pour autant, la qualité, l’ampleur, l’efficacité de nos textes ont considérablement évolué depuis vingt ans ? Je n’en suis pas sûr. Il nous faut plus de fluidité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je peux être d’accord avec le questeur Sueur lorsqu’il dit qu’il y a toujours eu ici, historiquement, l’expression d’un art oratoire au service d’une argumentation. L’oralité participe complètement de la démocratie.

Seulement, parfois, et je plaide coupable en premier, il est vrai que la lecture des exposés des motifs pendant deux minutes trente, durant de longues nuits, jusqu’à plus soif, par des cosignataires qui ignorent même l’objet des amendements, nuit à la qualité de nos débats.

Alors, entre les deux, il faudrait peut-être trouver une solution intermédiaire, et que l’on se mette d’accord sur l’adaptation de la règle en fonction des textes. J’entends très bien cet argument, mais, tout de même, il y a aussi, pour chacun d’entre nous, un effort de discipline à faire pour être plus concis.

Comme le rappelait notre excellent collègue Le Rudulier, il faut se référer à Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. »

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.

M. Claude Malhuret. J’interviens après les présidents Buffet et Karoutchi, qui ont parlé respectivement pendant deux minutes trente plus huit secondes et deux minutes trente. J’ai donc tendance à penser que ces parlementaires chevronnés estiment que deux minutes trente, c’est le temps qui paraît à peu près normal pour exprimer des positions sur des sujets assez complexes. En clair, cela ne me gêne pas qu’ils aient utilisé leurs deux minutes trente pour nous parler. (M. Roger Karoutchi proteste.)

Deux réflexions me viennent.

D’abord, je n’arrive pas à comprendre comment les parlementaires, qui sont déjà, sous la VRépublique, réduits à l’impuissance et, de plus en plus, à la figuration par rapport au Gouvernement, décident, de leur propre initiative, de réduire encore leurs prérogatives, et notamment leur temps de parole.

Ensuite, je tiens à dire que je ne connais pas de parlementaire qui ne se plaigne souvent de la profusion de nos lois et de nos codes et qui n’ait songé à demander à chaque gouvernement de réduire le nombre et le volume des projets de loi présentés au Parlement. Un vœu qui ne s’est jamais réalisé.

C’est pourquoi, je le répète, je n’arrive pas à comprendre la proposition de restreindre le temps imparti de trente secondes – ce n’est pas beaucoup, mais c’est tout de même 20 % du temps de parole de chacun d’entre nous –, dont on ne peut prévoir qu’un seul résultat : pousser le Gouvernement à proposer encore plus de lois, puisque nous irons encore plus vite, et nous pousser nous-mêmes à les étudier et à en voter de plus en plus, à l’exact opposé de ce que nous réclamons depuis toujours.

Comme je ne suis pas masochiste, je ne vais pas voter pour réduire mon temps de parole, ainsi que celui de tous mes collègues.

Comme je ne suis pas schizophrène, je ne vais pas voter une proposition qui consiste à renforcer ce que nous souhaitons voir disparaître.

Je voterai donc ces amendements de suppression.

M. Stéphane Piednoir. Et tout cela en deux minutes !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Voilà un débat important. C’est vrai, depuis la révision de 2008, nous examinons en séance publique le texte issu des travaux de la commission, qui est de fait, in fine, le texte porté par la majorité sénatoriale. On ne va pas se mentir : c’est ainsi !

Par conséquent, des groupes comme le mien ont souvent deux combats à mener : contre le projet de loi initial, et contre le texte issu des travaux de la commission, même s’il nous arrive, rarement, d’être pour.

Pour des raisons tout simplement démocratiques, nous avons donc besoin d’expliciter nos positions en maniant les idées. Or j’ai l’impression que, bientôt, on n’aura plus le droit de le faire ici : il faudra être pour, contre ou s’abstenir sur tel ou tel article d’un texte, sans plus d’explications.

Je le répète, faisons attention : ce qui vaut aujourd’hui pourrait faire mal demain.

Par ailleurs, le président de la commission des lois n’a pas répondu à une question que j’ai posée, comme Cathy Apourceau-Poly, me semble-t-il. En 2015 et en 2019, le Conseil constitutionnel a édicté une réserve d’interprétation sur cette volonté de contraindre le droit d’amendement. J’aimerais bien que M. Buffet nous dise ce qu’il en pense.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Vous savez, c’est comme des étudiants aux examens : vous leur donnez cinq heures, ils ont besoin de cinq heures et demie ; vous leur donnez six heures, ils ont besoin de six heures et demie… Il y a toujours des gens qui ne peuvent pas finir dans les temps. Cela dit, j’y reviens, ces deux minutes trente concernent aussi les sénateurs membres d’autres commissions permanentes qui n’ont pas participé à l’élaboration du texte de la commission, qu’ils découvrent, et qui, de ce fait, ont peut-être besoin de s’exprimer plus longuement.

Par ailleurs, cette règle va-t-elle aussi s’appliquer lors des PLF et des PLFSS, deux textes qui requièrent un temps d’explications important ?

Ce qui est en cause, c’est moins la question des trente secondes que le principe même de la possibilité de s’exprimer.

J’étais déjà présente au Sénat lors de la réforme de 2008, pour laquelle M. Karoutchi, alors ministre des relations avec le Parlement, a beaucoup œuvré. On pensait que c’était une très bonne réforme, car l’on imaginait ne plus avoir besoin de redébattre en séance publique des amendements déjà discutés en commission. C’était l’idée, et elle était bonne sur le papier, mais il se trouve que, dans la pratique, cela ne fonctionne pas bien, à l’instar de l’ordre du jour partagé, une idée merveilleuse en théorie, mais qui fonctionne moins bien une fois mise en œuvre. De la même façon, monsieur le président de la commission des lois, je crois que, dans la pratique, ces deux minutes ne fonctionneront pas.

Enfin, on est parfaitement capable de s’arrêter quand on a fini son exposé, même s’il reste quarante-cinq secondes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » Il y a une grande profusion dans le corpus législatif, mais je vous assure, mes chers collègues, que, si l’on éliminait tout ce qui est déclarations d’intention, sans aucune valeur ni aucun effet législatif, ainsi que tout ce qui est réglementaire, on gagnerait beaucoup de temps.

Je plaide pour qu’il y ait sans doute moins de lois, mais que l’on passe plus de temps à travailler sur ces lois.

Par ailleurs, vous le savez, la civilisation du tweet se développe partout, y compris dans notre système scolaire. À cet égard, je fais une grande différence entre la déclaration – en une ou deux minutes, on peut énoncer quelque chose – et l’argumentation. Pour moi, le Parlement est le lieu de l’argumentation. Or vous comprenez bien qu’avec un temps aussi court nous sommes arrivés à la conclusion de l’introduction que le délai imparti a déjà expiré.

L’argumentation permet d’expliquer la valeur de telle position par rapport à celle de telle autre. Pourquoi est-ce que je retiens celle-ci et pas une autre, ou pourquoi les deux me permettent d’en élaborer une troisième ? Le temps que l’on arrive au bout de cela, l’œil rivé sur l’horloge… Pendant longtemps, d’ailleurs, il n’y avait pas de chronomètre. On nous laissait parler et je trouvais cela très bien… (Sourires.)

Maintenant, le chronomètre règne. Si vous concluez avec cinq ou dix secondes de plus, on sent qu’il y a un peu de remue-ménage, mais quid si vous ne dites rien pendant ce laps de temps ? J’y insiste, ce qui compte, c’est l’argumentation ; en dehors de l’argumentation, tout est inutile et sans valeur véritable. J’arrive au bout en ayant réussi à meubler à peu près (Rires.), parce que je ne voulais pas que l’on me reproche de ne pas utiliser les deux minutes trente. Monsieur Malhuret, vous avez raison ! (MM. Jérôme Bascher et Claude Malhuret applaudissent.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je pense que tous ceux qui souhaitaient s’exprimer ont pu le faire.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 11 et 47.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

À l’alinéa 5 de l’article 29 ter du Règlement, les mots : « d’une heure » sont remplacés par les mots : « de deux heures ».

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Nous souhaitons rétablir la norme de durée de la discussion générale à deux heures afin d’inverser l’évolution de l’organisation des débats au Sénat vers une réduction progressive du temps de parole.

Autrement dit, l’alinéa 5 de l’article 29 ter préciserait : « À défaut de décision de la conférence des présidents, et sous réserve de dispositions spécifiques du règlement, il est attribué pour la discussion générale des textes soumis au Sénat et pour tout débat inscrit à l’ordre du jour un temps de deux heures », et non plus d’une heure.

Ce temps de parole étant réparti à la proportionnelle, avec un temps minimum identique de cinq minutes pour chaque groupe, et un temps de trois minutes pour les non-inscrits, il apparaît évident que, plus la discussion générale est courte, moins les groupes minoritaires d’opposition s’expriment.

Le travail législatif doit conserver ses lettres de noblesse, et rogner sur le temps d’expression des parlementaires n’y contribue pas.

Mme la présidente. L’amendement n° 49, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 35 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Il appartient au Président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. »

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 48 a pour objet de prévoir que toute discussion générale d’un texte doit être d’une durée de deux heures, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisque nous sommes à une heure trente, et parfois moins.

L’idée, c’est de laisser à la conférence des présidents le soin de décider si l’on reste sur le droit commun ou si l’on va jusqu’à deux heures. Cela a été fait sur le texte relatif aux valeurs de la République, la conférence des présidents, sur l’initiative de Mme Assassi, il faut le dire, ayant accepté que la discussion générale soit de deux heures, compte tenu de l’intérêt du texte. Il me semble que cette solution est satisfaisante, la conférence des présidents pouvant éventuellement décider d’elle-même d’augmenter la durée.

L’avis est défavorable.

Sur l’amendement n° 49, la commission avait initialement émis un avis défavorable, moins sur le fond que sur la forme. Je vous propose néanmoins, mon cher collègue, d’émettre un avis favorable si vous acceptez de modifier votre amendement de façon à ne pas écraser l’article 11. Je parle pour la direction de la séance, qui a parfaitement compris l’aspect technique de cette demande.

Mme la présidente. Monsieur Lahellec, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, nous prenons acte de la proposition de M. le rapporteur et nous y souscrivons, en retirant l’amendement 48 et en modifiant l’amendement n° 49.

Mme la présidente. L’amendement n° 48 est retiré.

Je suis donc saisie d’un amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un II ainsi rédigé :

II.- L’article 35 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il appartient au Président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. »

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je vais voter l’amendement n° 49 rectifié, mais cela va mettre une certaine pression sur les présidents de séance. À quel moment faudra-t-il considérer que l’application est, ou non, bienveillante ? C’est un peu curieux, mais on va le faire. Par avance, je vous demande beaucoup d’indulgence et de sympathie pour les présidents de séance. (Sourires.)

Mme la présidente. J’ajouterai de la bienveillance… (Nouveaux sourires.)

Je mets aux voix l’amendement n° 49 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

À la fin de l’article 35 bis, à la deuxième (deux fois) et à la troisième phrase de l’alinéa 7 de l’article 44,

et les mots :

et à la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article 47 quinquies

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de repli sur les deux minutes trente. Le principe de la réduction vient d’être voté pour la défense des amendements. En revanche, nous souhaiterions conserver cette durée pour les prises de parole sur article et les explications de vote finales.

Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

À la fin de l’article 35 bis,

et les mots :

, à la deuxième, à la troisième et à la fin de la dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 46 bis

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. C’est aussi un amendement de repli, qui vise à s’opposer à la diminution du temps de parole de deux minutes trente à deux minutes.

Je reviens un instant sur les débats que nous avons eus tout à l’heure. En fait, je n’arrive pas à saisir la raison de cette diminution. À quoi cela va-t-il nous servir ? Peut-être gagner du temps… On a bien vu aujourd’hui que tout le monde ne prend pas ses deux minutes trente, mais on en a parfois besoin pour expliquer un propos.

Je n’ai jamais constaté d’abus en séance. Bien au contraire, je pense que nous sommes tous raisonnables et responsables dans notre utilisation du temps de parole. On est quand même au Parlement pour discuter la loi, et diminuer ce temps du débat revient, à mon sens, à se tirer une balle dans le pied. Je ne comprends pas que nous-mêmes faisions cela. Nous avons plutôt intérêt à conserver ce temps d’expression et de discussion. S’il y a un engorgement sur un texte, ce n’est pas de notre faute ; il revient au Gouvernement de s’organiser.

J’ai, bien sûr, voté les précédents amendements de suppression, mais, avec cet amendement de repli, nous proposons de conserver au moins ces deux minutes trente pour la défense des amendements. Je donne ici la preuve que l’on n’est pas obligé de les utiliser, mais la nécessité peut se faire sentir dans certains cas.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Souci de conciliation de nos deux collègues, qui poursuivent grosso modo le même objectif, mais avec des moyens inverses. En effet, l’amendement n° 3 rectifié tend à limiter la réduction du temps de parole à deux minutes pour la présentation des amendements, alors que l’amendement n° 32 fait totalement l’inverse.

La commission a souhaité rester sur la proposition faite par le président du Sénat. Avis défavorable sur les deux amendements.