M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1878, présenté par MM. Labbé, Dantec, Fernique, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au 1°, après le mot : « forêts », sont insérés les mots : « en tant que milieu naturel et puits de carbone » ;

II. – Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

… L’article L. 112-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « à l’équilibre biologique » sont remplacés par les mots : « au maintien, et le cas échéant à la restauration, d’un bon état de conservation des forêts en tant que milieu naturel et puits de carbone » ;

b) À la fin du second alinéa, les mots : « sage gestion économique » sont remplacés par les mots : « gestion durable et multifonctionnelle garantissant la préservation de la biodiversité ainsi que de l’environnement et permettant de lutter contre le dérèglement climatique ».

III. – Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment les propriétaires privés, les entreprises, les associations de protection de l’environnement et les citoyens

IV. – Alinéa 11

Remplacer les mots :

matière d’essences,

par les mots :

favorisant le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle,

V. – Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

e) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … À la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations en excluant, au plus tard au 1er janvier 2023, toute plantation en plein d’une seule essence et au développement d’une gestion forestière à couvert continu ; »

VI. – Alinéa 14

1° Après le mot :

œuvre

insérer le mot :

massif

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment par la structuration de filières industrielles adaptées, et à l’empêchement de l’enrésinement des forêts aux niveaux national et local

VII. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

… Le premier alinéa de l’article L. 121-6 est complété par les mots : « , ainsi qu’à la démonstration des bénéfices apportés pour la réalisation des objectifs prévus à l’article L. 121-1 ».

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à mieux intégrer les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique, de renforcement de la résilience de la forêt et de préservation de la biodiversité, en rééquilibrant les articles de principe du code forestier et de la politique forestière nationale. Notre but est de mieux faire reconnaître le caractère multifonctionnel de la forêt.

L’article 19 bis D, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement en partie vidé de sa substance à l’Assemblée nationale, est insuffisamment ambitieux à cet égard. Certes, des avancées ont été obtenues en commission, avec notamment l’introduction de la notion de « gestion multifonctionnelle des forêts » ou l’ajout des termes « sols forestiers ». Cependant, au vu des enjeux écologiques et sociaux, la situation actuelle de la forêt en France impose d’aller encore plus loin.

Les forêts vivent des crises sanitaires majeures, alors même qu’elles ont un rôle primordial à jouer, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces espaces ont des fonctions multiples et essentielles pour nos territoires, à la fois pour les paysages, le patrimoine, la biodiversité, le stockage de carbone et l’atténuation des effets du réchauffement climatique. Bien gérées, les forêts jouent aussi un rôle important dans la production de bois, matériau écologique et renouvelable.

Les études scientifiques montrent que les pratiques sylvicoles actuellement en fort essor, c’est-à-dire les plantations monospécifiques de résineux et les coupes rases, fragilisent la résilience des forêts face au réchauffement climatique, aux tempêtes et à la prolifération des insectes. De ce fait, elles diminuent le stockage de CO2.

Les crises se multiplient, sans que l’on constate malheureusement une véritable réorientation des politiques forestières. Au contraire, la tendance à l’industrialisation de la forêt s’accélère : on observe de plus en plus de coupes rases dans les forêts de feuillus, qui sont remplacées par des forêts monospécifiques de résineux. Il est pourtant fondamental de préserver la diversité des forêts sur notre territoire et de les mettre en adéquation avec les équilibres locaux, car elles sont une source de résilience.

Notre amendement vise, tout en conservant les avancées adoptées par la commission des affaires économiques, à prévoir que la politique forestière favorise les pratiques qui maintiennent un couvert forestier continu, une diversité d’essences à l’échelon de la parcelle, via l’interdiction des plantations monospécifiques à compter de 2023 et la limitation des forêts de résineux.

M. le président. L’amendement n° 1419 rectifié, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le début du 5° est ainsi rédigé : « Le rôle de puits de carbone par… (le reste sans changement) » ;

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à préciser que les forêts, en tant que milieux naturels et puits de carbone, sont reconnues d’intérêt général, et ce en vertu d’arguments qui ont déjà été défendus par les précédents intervenants.

Comme vous le savez, les forêts constituent le deuxième plus grand puits de carbone de la planète après les océans. Jusqu’à sa maturité, un peuplement forestier capture du CO2, participant ainsi à la réduction de la présence des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Mais ce n’est pas là le seul atout de la forêt : une fois récoltés, les arbres continuent de jouer un rôle dans le stockage de carbone sur le long terme et peuvent se substituer à des matériaux plus énergivores, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre dans d’autres secteurs.

Ces puits de carbone sont des milieux vulnérables, dont la capacité de tampon est elle-même amoindrie par le réchauffement climatique et ses effets. Dans son rapport d’avril 2020, le Haut Conseil pour le climat proposait de consacrer davantage de moyens à la consolidation de ces puits.

M. le président. L’amendement n° 2110, présenté par MM. Rambaud, Marchand et Lévrier et Mmes Schillinger et Havet, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le 1° est complété par les mots : « en prenant en compte la problématique du changement climatique afin de favoriser la résilience des forêts en mobilisant l’ensemble des techniques sylvicoles notamment la diversification des essences, la migration assistée ou la régénération naturelle quand elles sont appropriées » ;

II. – Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 14

Après le mot :

provenant

insérer le mot :

notamment

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Cet amendement tend à améliorer la rédaction consolidée de l’article L. 121-1 du code forestier, après les nombreuses modifications apportées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

La résilience des forêts face au changement climatique doit faire partie de nos priorités. L’article 19 bis D, introduit sur l’initiative de députés issus de nombreux groupes politiques, a donc toute sa place dans ce texte. En revanche, il est nécessaire d’apporter certaines rectifications.

Il semble plus adapté de rattacher l’enjeu de la problématique du changement climatique au 1° de l’article L. 121-1 du code forestier relatif à l’adaptation des essences forestières. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les dispositions introduites aux alinéas 11 et 12 du présent article.

Si la promotion du bois d’œuvre issu de feuillus est une des priorités pour valoriser les ressources forestières nationales, elle n’est pas exclusive de la valorisation des ressources résineuses. C’est la raison pour laquelle nous proposons également une modification rédactionnelle qui tend à élargir le champ de cet article.

M. le président. L’amendement n° 816 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

Remplacer les mots :

matière d’essences

par les mots :

favorisant le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle

II. – Alinéa 12

Remplacer les mots :

migration assistée des essences ou à la régénération naturelle

par les mots :

régénération naturelle si elle est possible et, en cas d’impossibilité, à la migration assistée de gènes ou d’essences de zones plus chaudes et plus sèches

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à apporter des précisions au dispositif de l’article 19 bis D pour le rendre plus clair, mais également, et surtout, beaucoup plus efficace.

L’État, par sa politique forestière, veille au maintien de l’équilibre et de la diversité biologiques, notamment en matière d’essences. Cependant, cet article ne mentionne pas explicitement l’importance fondamentale du mélange d’essences. Or, en termes de biodiversité, de longévité des forêts et de stockage de carbone, le mélange d’essences est absolument nécessaire, comme l’a rappelé notre collègue Labbé. Il favorise également la régénérescence naturelle de la forêt.

Contrairement au mélange d’essences, la tendance actuelle est de privilégier la monoculture. Pardonnez-moi de le dire en ces termes, mais cela signifie que l’on favorise les essences qui poussent le plus vite.

Notre amendement a pour objet de donner une plus grande portée à cet article.

M. le président. L’amendement n° 1879, présenté par MM. Labbé, Dantec, Fernique, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

en matière d’essences

par les mots :

en favorisant le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Pour compléter les propos de Gérard Lahellec, j’insisterai sur le fait que les scientifiques de l’INRA demandent à ce que soient atténués certains risques biotiques.

Le mélange d’essences améliore la qualité des arbres, la stabilité face au vent et, dans une certaine mesure, la résilience à la sécheresse. Or, il faut le rappeler, aujourd’hui, 84 % des plantations sont monospécifiques. Sur 69 millions de plants forestiers utilisés en France lors de la saison 2017-2018, dix essences seulement totalisaient 92 % des plants vendus, dont plus de 80 % de résineux. C’est pourquoi il nous semble essentiel de faire apparaître la notion de « mélange d’essences à l’échelle de la parcelle » dans cet article.

Enfin, je précise que le dispositif de cet amendement reprend l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitait minimiser la replantation des résineux et veiller au mélange des variétés d’arbres.

M. le président. L’amendement n° 1880, présenté par MM. Labbé, Dantec, Salmon, Fernique et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

e) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … À la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations en excluant, au plus tard au 1er janvier 2023, toute plantation en plein d’une seule essence et au développement d’une gestion forestière à couvert continu ; »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement de repli vise à substituer à la notion de « migration assistée des essences », promue par le présent article, celle de régénération naturelle, de limitation des plantations, d’exclusion des monocultures à partir de 2023 et de développement d’une gestion forestière à couvert continu. En l’état, l’article 19 bis D précise en effet que l’État, via sa politique forestière, veille à la régénération des peuplements forestiers, en ayant notamment recours à la migration assistée des essences ou à la régénération naturelle.

Il est très réducteur de présenter la migration assistée des essences comme réponse à la problématique de la régénération des forêts. En effet, il semble que cette méthode soit encore mal définie et ne donne pour l’instant que peu de résultats. On peut donc se demander s’il est utile de l’inscrire dans la loi, d’autant que certains chercheurs de l’ONF chargés de l’adaptation des forêts au réchauffement climatique estimaient, dans un article paru en 2020, que cette approche dite « de migration assistée » était souvent évoquée théoriquement, mais très peu mise en pratique.

Notre amendement tend à donner la priorité à la régénération naturelle pour lutter contre la perte de couverture forestière et favoriser la résilience de la forêt, en s’appuyant sur la diversité qu’elle favorise. La régénération naturelle permet de bénéficier de la capitalisation génétique naturelle de la forêt, qui garantit son adaptation climatique, y compris dans le cadre de la sélection de nouvelles essences sylvicoles. Ainsi, les pratiques de plantation ou de migration des essences ne devraient persister que si la régénération n’est pas possible ou en complément de la régénération naturelle.

Dans le même esprit, le présent amendement vise à interdire les forêts monospécifiques à compter de 2023, car celles-ci créent des milieux fragiles, pauvres en biodiversité, vulnérables aux agressions d’insectes, aux tempêtes et au changement climatique.

En parallèle de ces enjeux écologiques majeurs, il nous faut promouvoir une gestion forestière respectueuse des paysages pour répondre aux attentes sociétales de plus en plus fortes en la matière. Cette gestion présente également un intérêt économique en raison de sa résilience, de sa durabilité et des faibles risques qu’elle fait courir aux forêts grâce à la diversification des essences.

M. le président. L’amendement n° 1420, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … À la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations en excluant toute plantation en plein d’une seule essence et au développement d’une gestion forestière à couvert continu ;

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à préciser les orientations générales de notre politique forestière en indiquant que l’État doit veiller à la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations, en excluant toute plantation en plein d’une seule essence, et au développement d’une gestion forestière à couvert continu. En effet, seuls 18 % des écosystèmes forestiers remarquables sont dans un bon état de conservation. Pourtant, dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, la France s’était engagée à mettre fin à l’érosion de la biodiversité, notamment en forêt, un objectif qui aurait dû être atteint en 2010, mais qui est, depuis, régulièrement repoussé.

Plutôt que de miser sur la diversification et le renforcement de la résilience, la tendance actuelle est plutôt à privilégier un renouvellement forestier par des plantations en monoculture. Près de 84 % des nouvelles plantations sont monospécifiques et environ 87 % des arbres plantés sont des résineux.

Des forêts diversifiées et en bonne santé sont converties par coupes rases en plantations, le plus souvent monospécifiques. C’est un pari très risqué d’après les scientifiques, car ces monocultures sont plus sensibles au changement climatique.

M. le président. L’amendement n° 1421, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment par la structuration de filières industrielles adaptées, et à l’empêchement de l’enrésinement des forêts aux niveaux national et local

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Si l’utilisation du bois de construction est recommandée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, elle doit être raisonnée et son extraction gérée de manière durable. En effet, une trop forte augmentation des prélèvements entraînerait une forte baisse du puits de carbone et dégraderait la fertilité et la biodiversité, hypothéquant nos chances de restaurer un bon état écologique des forêts.

Par ailleurs, des forêts diversifiées en bon état de santé, mais qualifiées de pauvres, sont converties par coupes rases en plantations, le plus souvent monospécifiques. Or c’est un pari très risqué, comme je l’ai dit précédemment. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de préciser que la promotion de l’utilisation de bois d’œuvre provenant de feuillus doit notamment passer par la restructuration ou la structuration des filières industrielles et l’empêchement de l’enrésinement des forêts.

M. le président. L’amendement n° 1422, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

… Le premier alinéa de l’article L. 121-6 est complété par les mots : « , ainsi qu’à la démonstration des bénéfices apportés pour la réalisation des objectifs prévus à l’article L. 121-1 ».

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Les forêts françaises hexagonales sont parmi les plus vastes d’Europe, avec une diversité de climat, d’altitude et de sol ; il en va de même des forêts ultramarines. À différents titres – activités économiques, préservation de la biodiversité, stockage de carbone, paysage, loisirs –, elles représentent un atout indéniable pour notre pays et l’ensemble de la population.

À l’exception de celle de Guyane, demeurée en majorité dans son état primaire, la forêt a depuis longtemps été utilisée par l’homme, lequel l’a façonnée peu à peu. Elle s’est donc adaptée en faisant preuve de résilience. Mais, aujourd’hui, on constate des dommages déjà subis par de vastes étendues boisées, en particulier dans l’est de la France. On peut sérieusement se demander si elle sera en mesure de faire face au changement climatique, source de graves menaces de différentes natures selon les massifs forestiers.

Dans ce contexte, nous devons affronter un double enjeu : veiller à ce que les forêts contribuent de manière significative à l’atténuation du changement climatique, tout en s’y adaptant, afin de permettre le maintien de la biodiversité et des activités générées par la forêt.

Cet amendement vise donc à préciser que l’attribution des aides publiques destinées à la forêt est conditionnée à la démonstration des bénéfices apportés dans la réalisation des objectifs de notre politique forestière. Il y va de l’utilisation optimale de l’argent public, dans le sens d’une politique forestière plus durable qui respecte les équilibres écologiques et accompagne nos filières économiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 1419 rectifié, qui tend à préciser le rôle de puits de carbone des forêts, ainsi que celui joué par la séquestration et la substitution. La commission est également favorable à l’amendement n° 2110, compte tenu des précisions rédactionnelles qu’il vise à apporter sur les techniques sylvicoles.

L’amendement n° 816 rectifié a pour objet de promouvoir la régénération naturelle plutôt que la migration assistée des essences. S’il était adopté, nous nous verrions privés d’une technique pourtant essentielle à l’adaptation de nos forêts au changement climatique – celui-ci ayant la caractéristique d’être très rapide, il nous faut y répondre le plus vite possible. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 1879 vise à préconiser le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle. Cette précision est inopportune et peu réaliste pour les parcelles de quelques ares, l’enjeu étant d’avoir des forêts mosaïques caractérisées par une complémentarité de l’ensemble du massif. L’avis est donc défavorable.

Les amendements nos 1880, 1420 et 1421 tendent à interdire les plantations en plein d’une seule essence et l’enrésinement. S’ils reprennent un certain nombre de pratiques reconnues – régularisation des peuplements, régénération naturelle, etc. –, qui ont toute leur place dans le code forestier et ont été largement renforcées, ces amendements semblent excessifs et surtout inadaptés aux besoins actuels de la multifonctionnalité pour laquelle nous plaidons tous. N’ignorons pas les besoins de notre filière, de nos entreprises, de la construction et de l’approvisionnement en bois ! Je rappelle que la gestion forestière se fait d’abord in situ, en appréhendant tout l’écosystème. J’invite nos collègues à ne pas chercher à légiférer en apportant trop de précisions et à faire confiance aux forestiers sur le terrain. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 1422 a pour objet de préciser que l’attribution des aides publiques est conditionnée au respect des principes d’intérêt général. C’est une volonté que nous partageons, mais l’amendement est déjà satisfait par les documents de gestion durable, qu’il convient de renforcer et sur lesquels il faut rester vigilant. En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 1878 vise à reprendre l’ensemble des contraintes venant d’être évoquées. Dans la mesure où celles-ci sont trop restrictives et ne permettront pas à la forêt de remplir ses missions de multifonctionnalité, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je serai relativement succincte, car je rejoins la position de la rapporteure pour avis sur l’essentiel.

Je tiens vraiment à remercier le Sénat de sa volonté d’enrichir le texte sur la question forestière. Le couple forêt et usages du bois contribue de façon déterminante à la transition écologique et énergétique. La forêt est un levier absolument essentiel d’atténuation du dérèglement climatique et le premier réservoir de biodiversité terrestre. Il est donc impératif que nous nous en occupions : sa production durable doit être sécurisée et amplifiée. Ses services environnementaux et socio-économiques – en faveur du bien-être, du développement d’une bioéconomie et de nos paysages – sont, pour nous et les générations futures, primordiaux.

Le Gouvernement défendra des orientations fortes et équilibrées en la matière. Nous n’irons sans doute pas au bout de cette discussion dans le cadre de ce texte, mais sachez que, dans les mois à venir, Julien Denormandie et moi-même les porterons.

L’amendement n° 1878 est en quelque sorte un best of de tous les autres amendements. Je ne vais donc pas détailler les nombreuses propositions qu’il contient. La diversification et le mélange d’essences sont nécessaires et doivent être envisagés par la régénération naturelle, mais à une échelle plus locale, avec un maillage plus fin, dans le cadre de la révision actuelle des schémas régionaux de gestion sylvicole et des documents-cadres de gestion forestière.

Le Gouvernement est très favorable à l’amendement n° 1419 rectifié de cohérence et de précision, car il s’inscrit dans le vocabulaire de la stratégie nationale bas-carbone. Le Gouvernement avait d’ailleurs déposé, à l’Assemblée nationale, un sous-amendement allant dans ce sens.

L’avis est également favorable sur l’amendement n° 2110, dont l’adoption améliorera la rédaction de l’article. Il fait écho aux moyens inédits mobilisés dans le plan France Relance pour faire face à l’avenir incertain de la forêt et à la nécessaire diversification des essences et des techniques sylvicoles.

Sur les autres amendements en discussion commune, le Gouvernement émet un avis défavorable. Mieux vaut mettre en cohérence les documents-cadres de gestion forestière plutôt qu’établir des critères prédéfinis à l’échelon national. Sur le fond, je vous rejoins sur des considérations telles que la valorisation des feuillus, les plantations monospécifiques ou la diversification. En revanche, je ne pense pas qu’il faille d’ores et déjà fixer des curseurs pour l’ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Pour ma part, je suivrai les avis de la commission et du Gouvernement.

Tout le monde s’accorde sur le principe d’une forêt mosaïque, mais, la forêt, c’est le temps long. Les vieux forestiers vous le diront : il faut attendre cent ans après une plantation et trois cents ans pour la régénération naturelle. C’est donc un investissement pour les générations suivantes.

S’agissant de la diversification, restons humbles. Chacun a son expérience dans son département. Pour ma part, je prendrai l’exemple de massifs forestiers qui ne sont pas dans mon département. Les épicéas, par exemple, peuvent être touchés par le scolyte ; les sapins peuvent être « guités », c’est-à-dire parasités par le gui, qui prolifère à des altitudes de plus en plus élevées. Pour y remédier, des sapins Douglas sont souvent plantés, mais ils peuvent être victimes de l’effet de cerf, qui, en se frottant contre leur tronc, abime leur écorce.

Les experts forestiers, qu’ils soient privés ou publics, ont déjà intégré qu’il était nécessaire de substituer les futaies irrégulières aux futaies régulières. Laissons-leur une liberté de manœuvre et le temps nécessaire pour parvenir à une forêt mosaïque. Cela implique également de former et de transformer la filière. Souvent, les professionnels du bois ne veulent pas récupérer des feuillus plantés au milieu de résineux, car ils ne savent tout simplement pas les travailler. Le bois est donc perdu…

Le Sénat a fait du bon travail, et il permet déjà d’avancer. (M. Marc Laménie applaudit.)