M. le président. Les amendements nos 1777 rectifié bis et 2006 rectifié bis ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je demande une suspension de séance de quelques instants, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Articles additionnels après l’article 51 bis
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Article 52 (interruption de la discussion)

Article 52

L’article L. 752-6 du code de commerce est ainsi modifié :

1° (nouveau) Le IV est ainsi modifié :

a) Les mots : « envisagé. En » sont remplacés par les mots : « envisagé et en » et les mots : « il doit démontrer » sont supprimés ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il doit démontrer l’impossibilité technique d’installer les dispositifs environnementaux prévus au premier alinéa de l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation sur l’ensemble de la surface des aires de stationnement prévues dans le projet. » ;

2° Il est ajouté un V ainsi rédigé :

« V. – L’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du II de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme.

« Toutefois, une autorisation d’exploitation commerciale peut être délivrée si le pétitionnaire démontre, à l’appui de l’analyse d’impact mentionnée au III du présent article, que son projet s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, qu’il répond aux besoins du territoire et qu’il obéit à l’un des critères suivants :

« 1° L’insertion de ce projet, tel que défini à l’article L. 752-1, dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;

« 2° (Supprimé)

« 3° L’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;

« 4° La compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens du II de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ;

« 5° L’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal.

« Peuvent bénéficier de cette dérogation les projets de création de magasin de commerce de détail dont l’emprise au sol est inférieure à 10 000 mètres carrés et les projets d’extension conduisant à accroître de moins de 1 000 mètres carrés l’emprise au sol d’un magasin de commerce de détail, dans la limite d’une seule extension par magasin.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent V, notamment les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols au sens du premier alinéa du présent V. »

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, sur l’article.

M. Christian Redon-Sarrazy. Nous abordons avec l’article 52 un sujet extrêmement politique. Nos débats, et les avancées positives que l’on peut en espérer, sont très attendus.

Cet article établit en effet un principe général d’interdiction de toute artificialisation des sols dans le cadre de la construction des surfaces commerciales.

En revanche, votre texte, madame la ministre, ne comporte aucune mesure comparable pour mieux réguler l’implantation des entrepôts de e-commerce.

Si aucune évolution n’intervenait, comment pourrait-on l’expliquer à nos concitoyens et aux autres acteurs économiques ? Une fois de plus, le secteur du e-commerce passerait à travers les mailles du filet. Contrairement à ce que vous avez pu dire, nous pensons que les questions que pose l’essor du commerce en ligne ont toute leur place dans ce texte, même si elles vont bien au-delà de la seule problématique de l’artificialisation des sols.

Nous sommes face à un modèle de développement qui influence directement l’aménagement de nos territoires, l’équité entre les acteurs économiques, notre modèle social et nos modes de consommation. Le gigantisme des infrastructures logistiques et la pression exercée sur les territoires doivent nous interpeller, d’autant que nous ne partons pas de rien : de nombreux travaux et études ont déjà été réalisés sur le sujet. Le récent rapport de nos collègues Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau esquisse des perspectives pour un développement plus durable des entrepôts de e-commerce.

Avec mon groupe, nous proposons de confier de nouveaux outils aux élus.

Il s’agit, tout d’abord, de soumettre les entrepôts de e-commerce au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale. Il faudrait aussi fixer une trajectoire pour conditionner, à court terme, les autorisations de construire à la desserte de ces entrepôts par des modes de transport massifiés et durables.

Nous souhaitons que le texte adopté par le Sénat comprenne des avancées, comme cela a déjà été le cas à plusieurs reprises.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article.

M. Daniel Salmon. L’article 52 limite à 10 000 mètres carrés la possibilité offerte à toutes les grandes surfaces commerciales d’artificialiser les sols. Enfin, pas tout à fait, car cette mesure ne s’applique pas à toutes les grandes surfaces : le Gouvernement s’obstine à ne pas inclure le e-commerce et ses entrepôts géants dans ce nouveau cadre contraignant.

Pourtant, nous le savons, le bilan économique, social et environnemental du modèle promu par les multinationales du commerce en ligne est dévastateur. C’est ce que soulignent les conclusions du rapport de France Stratégie qui préconise, avec l’inspection générale des finances (IGF), un rééquilibrage fiscal et réglementaire rapide.

Le développement fulgurant des géants du e-commerce va à l’encontre de l’objectif de relocalisation de notre économie.

Il est tout d’abord destructeur pour l’emploi. Les conclusions de France Stratégie et de l’IGF sont sans appel : plus le commerce en ligne est fort dans un secteur, plus la baisse de l’emploi est marquée.

Il est destructeur pour les droits des salariés, ainsi que pour le tissu économique et social du commerce de proximité et de la ruralité.

Il est également destructeur pour les finances publiques, Amazon étant le roi de l’optimisation fiscale en Europe. Ce groupe ne paie ainsi aucun impôt sur les sociétés, pour un chiffre d’affaires pourtant estimé à 6,5 milliards d’euros sur notre territoire.

Enfin, il est destructeur, et c’est ce point qui nous intéresse particulièrement ici, pour le climat et la biodiversité. Pour chaque entrepôt, ce sont 1 500 à 2 000 poids lourds et environ 4 000 véhicules utilitaires supplémentaires qui circulent chaque jour, sans compter que cette activité entraîne une augmentation du trafic aérien, dans la mesure où les produits doivent parfois être livrés en vingt-quatre heures.

Les surfaces concernées sont également à l’origine d’une artificialisation des sols, alors que la France a déjà perdu un sixième de sa surface agricole au cours des cinquante dernières années. Selon France Stratégie, en 2016, la surface moyenne d’un entrepôt était de 18 000 mètres carrés ; aujourd’hui, la surface de ces bâtiments peut atteindre 150 000 mètres carrés !

Le modèle de consommation mis en avant par ces plateformes est en soi écologiquement néfaste : il est fondé sur le consumérisme et le gaspillage de produits « vite commandés, vite jetés », bien loin du principe de sobriété.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Avant d’examiner les amendements relatifs à l’urbanisme commercial, permettez-moi de retracer brièvement les travaux réalisés en commission sur ce sujet.

Nous sommes tous d’accord sur le fait que la réglementation des surfaces commerciales doit évoluer. Elle n’est aujourd’hui pas satisfaisante, même s’il faut rappeler que le commerce représente moins de 5 % de l’artificialisation des sols.

Pour autant, le statu quo n’est pas une option, car si l’impact en matière d’artificialisation des sols n’est pas majeur, il n’est pas inexistant non plus. C’est cette problématique qu’entend traiter l’article 52, qui prévoit l’interdiction de construire des surfaces commerciales de plus de 10 000 mètres carrés d’emprise au sol. Il s’agit d’un renforcement inédit, unique de la réglementation commerciale.

En commission, nous sommes parvenus à un équilibre qui permet à la fois de limiter l’implantation de ces grandes surfaces, de redonner le pouvoir de décision aux acteurs locaux et de favoriser la respiration du parc commercial.

Nous nous sommes ainsi assurés que les extensions de bâtiments ne soient pas interdites, sous réserve que leur emprise au sol soit faible et qu’une seule extension soit permise par bâtiment.

Nous avons également remplacé la notion de surface de vente par celle d’emprise au sol, puisque la surface de vente ne dit absolument rien de l’artificialisation des sols qu’un projet peut engendrer.

Nous avons par ailleurs offert la possibilité aux maires de toutes les communes de demander à leurs conseils municipaux de soumettre un projet de moins de 1 000 mètres carrés à autorisation d’exploitation commerciale car, bien que de petite taille, un tel projet peut avoir des incidences notables en termes de consommation d’espace.

S’agissant des entrepôts, sujet mystérieusement absent du projet de loi, je pense, comme presque tout le monde, qu’il est temps de nous pencher enfin sur l’implantation parfois désordonnée de ces infrastructures trop longtemps absentes des radars de la réglementation. Leur impact sur l’environnement et sur les équilibres territoriaux, qu’il soit positif ou négatif, est réel, et il faut en tenir compte.

Je proposerai donc un amendement qui vise à soumettre la création des entrepôts de plus de 5 000 mètres carrés de surface de plancher à autorisation. Il s’agit non pas d’interdire, ce qui serait contre-productif – les entrepôts sont utiles, et ils le sont de plus en plus –, mais de donner simplement la main aux élus locaux, afin qu’ils aient leur mot à dire.

Vous le comprendrez, la commission sera par conséquent défavorable à tous les amendements qui visent le même objectif, mais selon des modalités différentes, ainsi qu’à ceux qui visent une interdiction totale des entrepôts.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Je serai brève pour ne pas prolonger inutilement les débats.

Je voudrais tout d’abord vous dire tout le plaisir que j’ai à participer à ce débat et remercier Bérangère Abba de m’avoir précédée au banc du Gouvernement pour le début de l’examen du chapitre sur l’artificialisation des sols.

Je souhaite également exposer la position du Gouvernement sur l’article 52, ce qui me permettra d’être par la suite plus concise dans mes prises de parole.

Cet article est structurant, parce qu’il interdit de facto la construction de nouveaux centres commerciaux. Avec cet article, nous mettons fin au modèle des grandes zones commerciales, qui défigurent nos entrées de ville et contribuent à dévitaliser nos cœurs de ville et nos commerces de proximité.

Nous faisons un pas décisif pour limiter l’étalement urbain, préserver la vitalité de nos sols et réduire notre consommation d’espace. À compter de la promulgation de la loi, il sera interdit de construire, en artificialisant les sols, de nouvelles surfaces commerciales de plus de 10 000 mètres carrés. Nous limitons donc le développement de ce qu’on appelle des « boîtes à chaussures » en périphérie des communes et de nos lieux de vie.

C’était l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat : comme elle, nous pensons nécessaire de prévoir des cas où il est possible de déroger à cette interdiction générale pour l’adapter à la diversité des territoires. Nous avons exclu qu’une dérogation puisse être accordée pour un projet d’une surface de vente de 10 000 mètres carrés ou plus – 10 000 mètres carrés, c’est un hypermarché ou un grand magasin de meubles et de décoration. Désormais, ces projets ne pourront plus s’implanter que sur des friches ou dans des zones déjà artificialisées.

Des débats ont eu lieu en commission spéciale à l’Assemblée nationale : les députés se sont interrogés sur le risque que les dérogations soient accordées trop rapidement. Des discussions ont également eu lieu en commission au Sénat.

Un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale tend à ce que les projets les plus importants en termes d’artificialisation des sols, ceux dont la surface de vente est supérieure à 5 000 mètres carrés, voire même 3 000 mètres carrés, soient soumis à la commission nationale d’aménagement commercial, ce qui permettra de garantir une bonne cohérence dans l’octroi des dérogations au niveau national.

En ce qui concerne les entrepôts logistiques, il me semble qu’il faut séparer deux grandes questions de nature sensiblement différente : d’un côté, la place du e-commerce dans nos modes de consommation, la concurrence entre le commerce physique et le commerce en ligne, et la place des grands acteurs du numérique dans le e-commerce ; de l’autre, l’aménagement de l’espace dans la lutte contre l’artificialisation des sols et le rôle des entrepôts et des très grands entrepôts en la matière.

Les entrepôts de e-commerce ne représentent actuellement que moins de 1 % des surfaces artificialisées sur le territoire. Ils ne constituent donc pas, dans les faits, un énorme gisement de consommation d’espace à résorber.

Bien sûr, ces entrepôts peuvent avoir localement un impact significatif mais, dans les faits, il est parfois difficile de savoir si un entrepôt est utilisé ou pas par les plateformes de commerce en ligne. Certains servent à la fois à l’entreposage du commerce physique et à la vente en ligne.

La commission spéciale de l’Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur, qui vise à renforcer le contrôle de l’implantation des activités logistiques dans les documents d’urbanisme. Plusieurs amendements ont pour objet de mieux prendre en compte l’artificialisation des sols et la consommation d’espace par les entrepôts.

Tout cela me semble apporter une réponse proportionnée aux enjeux, en complément des mesures générales et ambitieuses que nous prenons pour lutter contre l’artificialisation des sols. Nous pourrons ainsi davantage orienter l’implantation des entrepôts sur des friches et limiter leur emprise au sol.

Au-delà, la question est non pas tant celle du rôle que jouent les entrepôts dans l’artificialisation des sols, que celle de la part de marché des grands acteurs du e-commerce. Il faut s’appuyer sur les comparaisons internationales et regarder notamment la situation de l’Allemagne : chez nos voisins, les entrepôts sont construits sur des friches sans artificialisation, et pourtant le e-commerce s’y est développé et représente une part de marché importante. Ce sujet ouvre donc un débat plus général sur le e-commerce, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 198 est présenté par Mme Varaillas, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 917 est présenté par MM. Salmon, Dantec, Fernique, Labbé et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le chapitre II du titre V du livre VII du code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le 7° de l’article L. 752-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° La création, l’extension ou la transformation d’un bâtiment en un entrepôt logistique d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés au départ duquel la majorité des biens stockés sont livrés directement ou indirectement à travers des entrepôts de transit au consommateur final à la suite d’une commande effectuée par voie électronique. » ;

2° Les articles L. 752-1-1 et L. 752-1-2 sont abrogés ;

3° L’article L. 752-6 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – L’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension supérieure à 2000 mètres carrés de surface de vente ou de stockage à destination du consommateur final qui engendrerait une artificialisation des sols au sens de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme. Toutefois une autorisation d’exploitation commerciale peut être délivrée si le pétitionnaire démontre dans l’analyse d’impact mentionnée au III du présent article que le caractère justifié de la dérogation qu’il sollicite est établi au regard des besoins du territoire, de l’absence de disponibilité de terrains déjà artificialisés et en particulier de friches, de la continuité avec le type d’urbanisation du secteur et le tissu urbain existant, et que son projet comporte la compensation d’une surface équivalente par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme. »

II. – Après le premier alinéa de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Un moratoire est instauré suspendant la délivrance des permis de construire ayant pour objet la construction, l’extension ou la transformation d’un bâtiment existant en un entrepôt logistique d’une surface supérieure à 3 000 mètres carrés et au départ duquel des biens stockés sont livrés, directement ou indirectement à travers des entrepôts de transit, au consommateur final à la suite d’une commande effectuée par voie électronique.

« Ce moratoire s’applique à compter de la promulgation de la présente loi, y compris aux demandes de permis de construire en cours d’instruction. »

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 198.

M. Fabien Gay. Permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer les raisons pour lesquelles nous déposons cet amendement.

Nous ne partageons pas l’objectif visé par l’article 52, dont nous souhaitons la réécriture globale.

En effet, nous considérons que les entreprises de e-commerce sont peu ou pas concernées par cet article : les seuils définis sont tellement élevés qu’en réalité seuls quelques projets sont menacés.

Nous proposons d’avancer dans trois directions.

La première, c’est de soumettre à autorisation d’exploitation commerciale la création, l’extension ou la transformation d’un bâtiment en entrepôt logistique d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés, au départ duquel la majorité des biens stockés sont livrés directement, ou indirectement via des entrepôts de transit, au consommateur final.

La deuxième, c’est que l’autorisation d’exploitation commerciale ne puisse être délivrée pour une implantation ou une extension supérieure à 2 000 mètres carrés – et non 10 000 mètres carrés, comme le prévoit le texte – de surface de vente ou de stockage à destination du consommateur final, qui engendrerait une artificialisation des sols.

Toutefois, une autorisation d’exploitation commerciale pourra être délivrée si, dans l’analyse d’impact du projet, le pétitionnaire parvient à justifier que la dérogation qu’il sollicite est établie au regard des besoins du territoire, de l’absence de disponibilité de terrains déjà artificialisés, en particulier de friches, et de la continuité du projet avec le type d’urbanisation du secteur et le tissu urbain existant, et s’il démontre que son projet contribue à compenser une surface équivalente via la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé.

Enfin, troisième direction, nous souhaitons, comme la Convention citoyenne pour le climat, que soit instauré un moratoire suspendant la délivrance des permis de construire ayant pour objet la construction, l’extension ou la transformation d’un bâtiment existant en entrepôt logistique d’une surface supérieure à 3 000 mètres carrés.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 917.

M. Daniel Salmon. Le bilan économique, social et environnemental du modèle promu par les multinationales du e-commerce, telles que Amazon ou encore Alibaba, est dévastateur. C’est la raison pour laquelle des mesures fortes doivent être prises.

L’article issu des travaux de la commission ne nous satisfait pas, car il ne permet pas, à ce stade, de réguler la croissance exceptionnelle des géants du e-commerce.

Cet amendement vise à réécrire l’intégralité de l’article 52. Nous proposons trois dispositions que je ne vais pas répéter, puisque Fabien Gay vient de les exposer.

Mes chers collègues, il convient de légiférer pour encadrer et réguler davantage la position monopolistique d’Amazon sur le marché français du commerce en ligne.

En cinq ans, la surface de ses entrepôts a quasiment doublé : elle atteignait 2,4 millions de mètres carrés en 2019. Auditionné à l’Assemblée nationale, le directeur général d’Amazon France a confirmé l’existence de trente-cinq nouveaux projets d’implantation d’entrepôts en France au cours des trois prochaines années. Et ce n’est qu’un début ! Or, je le disais tout à l’heure, chaque projet représente à peu près 1 500 à 2 000 camions par jour.

Devons-nous continuer à accepter cette « amazonisation » de la France, cette destruction inévitable du tissu du commerce de proximité et de tous les liens sociaux qui font la vie quotidienne des bourgs et des centres-villes ? Ou allons-nous stopper cette logique mortifère de concurrence déloyale pour prendre, enfin, des décisions d’intérêt général, bonnes pour l’emploi et l’activité économique des TPE et PME, pour l’aménagement du territoire et pour l’environnement ?

Madame la ministre, j’ai bien entendu que les multinationales du e-commerce cherchaient à brouiller les cartes en utilisant des entrepôts qui ne sont pas complètement dédiés au stockage ou au e-commerce, mais il ne faut pas les laisser faire ! Je pense que nous pouvons trouver un large consensus sur cette question au sein de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour avis. Ces amendements ont pour conséquence de transformer le moratoire sur les surfaces commerciales en une quasi-interdiction de tout nouveau commerce en France, dès lors qu’il n’est pas situé dans une zone déjà artificialisée.

Il me semble qu’une telle mesure est exagérément restrictive et qu’elle conduirait à figer le secteur du commerce en l’état, ce qui aurait de nombreux effets de bord.

Premièrement, elle conduirait à octroyer une rente…

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour avis. … à tous les commerces déjà installés, qui n’auraient alors plus aucune concurrence à craindre.

Deuxièmement, cela reviendrait à ignorer que tous les acteurs commerciaux ne sont pas encore véritablement parvenus à maturité. Si cela semble être le cas de l’alimentaire, il n’en va pas de même pour le jardinage, le bricolage ou les magasins de sport, par exemple.

L’article 52, tel que nous l’avons modifié en commission, nous semble constituer un juste équilibre entre la lutte contre l’artificialisation des sols et la liberté du commerce.

Par ailleurs, ces deux amendements tendent, à la fois à soumettre les entrepôts de e-commerce à autorisation d’exploitation commerciale, dès lors qu’ils dépassent 1 000 mètres carrés de surface, et à les interdire totalement lorsqu’ils font plus de 3 000 mètres carrés.

Si je suis favorable à ce que l’on soumette leur construction à une autorisation, ce que je défendrai au travers de mon amendement n° 1799 tendant à insérer un article additionnel après l’article 52, j’estime toutefois que le mécanisme proposé, qui se déclencherait à partir d’un seuil de 1 000 mètres carrés de surface, est trop restrictif.

Surtout, un moratoire sur les entrepôts me paraît tout à fait contre-productif. Rien n’empêchera une plateforme de vente en ligne de s’installer ailleurs, à la frontière belge par exemple, et d’approvisionner les consommateurs français depuis là-bas.

Enfin, je note qu’une telle mesure conduirait à augmenter le trafic des camions et, donc, à accentuer la pollution.

La commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements identiques.

D’abord, les entrepôts n’ont pas vocation à être soumis à une autorisation d’exploitation commerciale, qui repose sur le concept de surface de vente et l’accessibilité de la clientèle au lieu en question. Il est difficile de « raccrocher » ce régime d’autorisation aux entrepôts.

Ensuite, comme je le rappelais dans mon propos liminaire, les entrepôts de e-commerce ne contribuent directement qu’à environ 0,3 % du total des sols artificialisés, soit environ 80 hectares sur 23 000, et ce d’après les conclusions d’une mission commune de l’IGF, de France Stratégie et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

De plus, l’équilibre du texte repose sur des dispositions inscrivant l’artificialisation des sols parmi les intérêts protégés par la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et l’introduisant comme composante des études d’impact. L’artificialisation des entrepôts fera d’ailleurs partie des critères pris en compte dans l’objectif de réduction globale de l’artificialisation.

Enfin, le bilan carbone du e-commerce doit encore être évalué. Une mission sur la logistique urbaine, et notamment la question du dernier kilomètre, a été confiée à Anne-Marie Jean, Jean-Jacques Bolzan et Anne-Marie Idrac. C’est sur la base de cette mission, encore en cours, que nous trouverons la bonne manière de répondre aux enjeux écologiques posés par le e-commerce.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. J’entends bien ce que disent le rapporteur pour avis et la ministre : on ne peut rien faire en France parce que, sinon, les sociétés de e-commerce déplaceront leurs entrepôts de l’autre côté de la frontière. Et puis, un taux de 1 %, ce n’est pas important… Bref, on peut trouver tout un tas d’arguments pour ne rien faire.

Finalement, à quoi servons-nous si nous n’agissons pas rapidement ? On constate que le système qui se met en place est dévastateur. Vous parlez d’une mission, madame la ministre, mais les rapports ne cessent de pleuvoir ! On sait bien ce qui va se passer : c’est déjà écrit ! Maintenant, il faut agir.