PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

inondations en allemagne et en belgique

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Joël Labbé. Je veux revenir à mon tour, au nom du groupe écologiste, sur les inondations dévastatrices qui ont ravagé des territoires entiers en Allemagne. À cela s’ajoutent les inondations en Chine, les dômes de chaleur qui se sont installés sur le Canada et le Maroc, ou encore la grave sécheresse qui sévit à Madagascar. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous indique que ces événements, qui se multiplient déjà, ne vont faire que s’accentuer dans les années à venir.

Nous pensons bien sûr avec émotion, comme vous l’avez exprimé tout à l’heure, monsieur le ministre, aux victimes de ces événements dramatiques.

L’expérience concrète du dérèglement climatique et les catastrophes qu’il entraîne appellent des décisions politiques fortes et rapides. Pourtant, comme le Haut Conseil pour le climat et le Conseil d’État l’ont récemment rappelé, les mesures prises par la France sont loin d’être à la hauteur.

Vous vous réjouissez de l’adoption du projet de loi Climat et résilience, mais ce texte ne permet en aucun cas de répondre aux enjeux auxquels nous faisons face, ni dans son volet de réduction des émissions ni dans celui qui vise à développer l’adaptation. Ce projet de loi reste constitué de mesures qui permettront au mieux de réduire nos émissions de CO2 de 30 % d’ici à 2030, bien en dessous de nos objectifs.

La déconnexion entre la gravité et l’urgence des enjeux, d’une part, et la teneur de nos débats et des décisions finalement prises, d’autre part, est de plus en plus grande et alarmante. Elle est difficile à vivre pour celles et ceux d’entre nous, de plus en plus nombreux, surtout dans les jeunes générations, qui prennent conscience de l’ampleur de l’urgence climatique à laquelle nous faisons face.

Alors, monsieur le ministre, allez-vous enfin prendre des mesures fortes pour le climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Angèle Préville applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Labbé, vous nous interrogez à votre tour sur les inondations survenues en Allemagne, en Belgique et dans le nord-est de la France, même si votre question porte sur un spectre un peu plus large.

Concernant ces inondations, je tiens à rappeler que nous avons réagi avec beaucoup de rapidité, dès les prémices de cette crise, en envoyant notamment 40 sapeurs-sauveteurs de la sécurité civile et 34 sapeurs-pompiers du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du département du Nord, mais aussi en mobilisant un hélicoptère Dragon et des sauveteurs aquatiques. Je veux d’ailleurs remercier ici l’ensemble des agents de secours mobilisés à cette occasion.

Sur le fond des choses, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à M. Théophile que nous agissons à la fois pour la protection des populations et sur les causes des maux climatiques que vous avez pu citer, tout comme sur leurs conséquences.

Concernant la protection, j’ai eu l’occasion d’évoquer les plans de prévention construits avec les collectivités, ainsi que la mise en service des supercalculateurs de Météo France, à Toulouse, qui permettent depuis la fin de 2020 d’accroître notre horizon de prévision de quelques heures. Nous savons que ces heures sont précieuses dans ces moments tout à fait dramatiques !

Nous agissons par ailleurs, notamment dans le projet de loi Climat et résilience, pour renforcer notre capacité de prévention de l’urbanisation et de l’imperméabilisation des sols, dont vous savez qu’elles sont un facteur qui contribue aux inondations et aux phénomènes de ruissellement.

Enfin, nous agissons grâce au fonds Barnier pour régénérer un certain nombre de digues et de berges, de manière à nous adapter à ce réchauffement que nous subissons d’ores et déjà.

Le Haut Conseil pour le climat comme le Conseil d’État nous appellent, au contraire de ce que vous avez suggéré, monsieur le sénateur, à mettre en œuvre l’ensemble des mesures débattues, votées et promulguées sur l’initiative de ce gouvernement. En le faisant, nous serons au rendez-vous des exigences des accords de Paris ; j’en suis convaincu. En tout cas, vous pouvez compter sur la détermination totale du Gouvernement en la matière.

décision de la cour de justice de l’union européenne relative au temps de travail des militaires

Mme le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Louis Lagourgue. Ma question s’adresse à Mme la ministre des armées.

Depuis le 1er janvier 2021, nous sommes le seul État membre de l’Union européenne à disposer d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et à être une puissance nucléaire ; nul autre n’est autant engagé que la France en matière de défense et de sécurité dans le monde.

Notre responsabilité est immense ; elle nous honore. Mais la protection du peuple français et la sécurité collective européenne ont un prix : l’engagement et la disponibilité en tout temps et en tout lieu des femmes et des hommes qui nous protègent au péril de leur vie.

Par son arrêt du 15 juillet 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a étendu l’application de la directive européenne sur le temps de travail à certaines activités exercées par les militaires. Sont exclues les activités de formation et celles qui sont exécutées lors d’opérations militaires ou d’événements qualifiés d’exceptionnels. C’est un moindre mal !

Cette décision a fait réagir – c’est le moins que l’on puisse dire ! – dans un contexte international où les tensions se multiplient et où de nombreux pays se réarment. Les conséquences d’une telle décision sont difficilement lisibles.

Nous connaissons la position de Mme la ministre sur le sujet et saluons son énergie. Cependant, les impacts réels de cette décision sur notre modèle de défense ont-ils été identifiés ? Quelles sont les marges de manœuvre de la France sur ce dossier, en particulier dans le cadre de la présidence du Conseil de l’Union qui débutera au mois de janvier prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Lagourgue, vous revenez sur une question qui a été posée précédemment et à laquelle ma collègue Geneviève Darrieussecq a apporté une réponse. Vous l’avez dit : cette directive européenne date de voilà presque vingt ans. Elle n’a fait l’objet d’aucune transposition et la France est loin d’être le seul pays en Europe à avoir adopté cette position.

Notre modèle continue donc à s’appliquer depuis et, depuis vingt ans, nos forces armées conduisent des opérations extérieures, assurent quotidiennement la sécurité des Français sans que ce droit du travail pose de problème aux militaires en matière d’organisation de leur mission. Cette décision, qui vient fragmenter l’action militaire dans le temps, méconnaît la réalité du quotidien de nos militaires ; elle méconnaît la réalité de leur mission, celle d’être le dernier rempart de la Nation à tout instant et en tout lieu.

Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, la France dispose de la première armée d’Europe, elle est une puissance nucléaire et le seul pays de l’Union européenne membre du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a donc une grande responsabilité dans le concert international et doit conserver toute l’agilité qu’implique cette place.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposons avec la plus grande fermeté aux conséquences, évoquées dans cet hémicycle, de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne pour la France et je vous le dis sans ambages, monsieur le sénateur, puisque c’était l’objet de votre question : nous ferons le nécessaire sur le terrain du droit pour garantir que la France dispose librement de ses forces armées. La permanence de sa sécurité dans les airs, sur la mer, sous la mer, sur la terre et dans l’espace exige une organisation à laquelle nous ne renoncerons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

accord du g20 instaurant un impôt mondial sur les sociétés

Mme le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Étienne Blanc. J’aurais voulu poser ma question à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Malheureusement,…

M. Laurent Duplomb. Il n’est jamais là !

M. Étienne Blanc. … il est très souvent absent des séances de questions d’actualité au Gouvernement du Sénat, ce que je regrette.

Voilà quelques jours en effet, le ministre de l’économie, des finances et de la relance a annoncé un véritable succès de la diplomatie fiscale française, laquelle aurait obtenu de l’OCDE et du G20 la création d’un impôt sur les sociétés mondiales au taux de 15 %. Il avait d’ailleurs annoncé quelques semaines auparavant que ce taux serait de 21 % ; il annonce aujourd’hui que ce taux pourrait être supérieur à 15 % dans les années à venir.

Pis encore, quelques jours après cette annonce, l’Union européenne révélait qu’elle allait elle-même renoncer à l’impôt sur le numérique, la fameuse taxe GAFA, sous la pression des États-Unis. Or le ministre Bruno Le Maire a annoncé, lui, que la France allait maintenir envers et contre tous cette taxe GAFA, nonobstant les pressions des États-Unis.

Monsieur le ministre, compte tenu de cette grande confusion, sur un sujet aussi essentiel, nous avons besoin de connaître la vérité. C’est cette vérité que je demande aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Blanc, vous souhaitez la vérité, elle tient en deux mots : la constance et la persévérance.

La constance, car, depuis le début du quinquennat, nous avons toujours affirmé que le secteur du numérique devait être mis à juste contribution. C’est d’ailleurs ce qui a amené la France à prendre position et à proposer au Parlement, qui l’a accepté, le vote d’une taxe sur les géants du numérique. Nous avons toujours indiqué que cette taxe nationale serait maintenue en vigueur tant qu’il n’y aurait pas une taxe internationale ou, à défaut, communautaire. Nous avons fait en sorte, avec Bruno Le Maire et sous l’autorité du Premier ministre, dans toutes les discussions menées à l’échelon européen, de garder dans le panier de ressources propres de l’Union européenne non seulement les quotas carbone et les mécanismes d’ajustement aux frontières, mais aussi la perspective d’une taxe sur le numérique.

La persévérance, c’est un combat de quatre ans pour faire en sorte que les règles de la fiscalité internationale soient modifiées en tenant compte du fait que la seule présence physique dans un pays ne suffit pas à justifier la possibilité de taxer la valeur créée et pour faire en sorte d’adapter la fiscalité internationale au numérique.

Nous avons remporté des combats, d’abord au G7, au sein de l’OCDE et, désormais, au G20. Ce sont ainsi 132 pays ou juridictions qui ont donné leur accord pour modifier leur droit et faire en sorte que cette taxation internationale soit possible. Elle s’appuie sur deux piliers : d’une part, la révision des règles de répartition du droit à lever l’impôt entre les États parties à l’accord, pour faire en sorte de tenir compte de l’évolution de l’économie, d’autre part, une imposition sur le résultat des plus grands groupes, ceux qui réalisent plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires, à hauteur de 15 % au minimum.

Ce second pilier est un minimum et une victoire.

C’est un minimum, parce que nous sommes convaincus qu’aller plus loin encore en matière de convergence et de lutte contre le dumping fiscal est une obligation. C’est une victoire, parce que de nombreux États ne voulaient pas de ce taux d’imposition.

Aujourd’hui, nous allons pouvoir continuer à avancer à l’échelon international, en nous appuyant sur ce que nous avons accompli à l’échelon national en matière numérique, pour que, rapidement, le dumping fiscal soit limité et que la France, comme les autres États, puisse avoir de justes recettes alimentées par une contribution juste et bien répartie des différentes multinationales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour la réplique.

M. Étienne Blanc. Par votre réponse, monsieur le ministre, vous confirmez ce que nous ressentons tous, à savoir une communication excessive sur ce sujet.

En communiquant sur cet impôt, vous cherchez à masquer l’absence de recettes réelles que vous pourriez faire sur des réformes de fond, notamment la réforme des retraites. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Vous parlez de recettes qui sont hypothétiques, alors qu’en finances publiques, quand on parle de recettes hypothétiques, on est toujours rattrapé le moment venu par les réalités : ce sera l’objet des débats sur le projet de loi de finances pour 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

arrêt de la cour de justice de l’union européenne sur le temps de travail des militaires (ii)

Mme le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. En l’absence de Mme la ministre des armées, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le 3 février dernier, j’étais à cette même place et j’alertais sur les risques que faisaient peser les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne sur notre armée.

La ministre des armées m’avait alors répondu être farouchement opposée à ces conclusions que vous connaissez aujourd’hui. Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, et le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Christian Cambon, ont adressé un courrier au Président de la République, qui contenait cet appel : « Une parole politique au sommet de l’État est attendue. Vous seul pouvez la porter. »

Au mois d’avril dernier, avec Jean-Pierre Chevènement, j’ai publié une tribune dans la presse sur cette question : c’est « un coup mortel porté à notre défense », avertissions-nous. Nous implorions alors le Président de la République de défendre notre armée et de s’exprimer.

La ministre des armées tout comme le chef de l’État n’ont eu de cesse de nous rassurer. Visiblement, le Gouvernement n’a aucune influence en Europe. Maintenant que la CJUE a tranché et témoigné de sa méconnaissance totale des spécificités de l’engagement militaire, il faut agir dans l’intérêt de notre pays et de l’Union européenne. Une possibilité s’offre au Président de la République : reprocher à la Cour d’avoir statué au-delà des compétences que lui attribuent les traités. C’était la solution que je suggérerais au mois de février dernier.

Monsieur le Premier ministre, soutiendrez-vous cette proposition ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, vous êtes un spécialiste des questions de défense et vous connaissez aussi très bien l’Europe. Vous savez donc que la Cour de justice de l’Union européenne est indépendante et qu’il ne s’agit pas là de questions d’influence politique de la France en Europe. C’est une décision qui a été rendue par une juridiction indépendante.

J’affirme de nouveau, dans ce débat, l’attachement de ce gouvernement à la construction européenne : nous voulons une Europe forte et efficace dans le respect de la compétence des États membres. Toutefois, je le dis sans détour : en matière d’organisation de ses forces armées, la France n’entend pas déléguer sa compétence.

L’action militaire est collective, elle ne se résume pas à l’addition d’emplois du temps individuels. La fierté de nos militaires, c’est de faire primer la réalisation de la mission sur toute autre considération. La responsabilité des chefs militaires, c’est d’être attentifs à chaque instant à la santé et au moral de leurs soldats.

Par conséquent, la responsabilité de l’État, c’est de garantir aux militaires les droits qu’ils méritent. Les militaires ont de lourdes obligations, qui font l’objet de compensations adaptées ; cela s’appelle le statut général des militaires, vous le connaissez bien. Cette organisation donne pleinement satisfaction, elle fait la fierté et l’admiration des Français.

La Cour de justice de l’Union européenne a joué son rôle. Nous jouerons le nôtre : une réponse au droit par le droit s’impose. Dès lors que les conséquences de cet arrêt auront été précisément analysées pour l’ensemble des forces armées, nous prendrons les initiatives qui s’imposent. Nous le ferons avec rigueur sans nous soustraire à nos responsabilités, qui sont, je le rappelle, d’assurer en tout temps et en tout lieu la sécurité des Français, de prendre acte des décisions de justice de l’Union européenne et, enfin, d’agir pour faire évoluer le droit de l’Union européenne si notre sécurité l’exige. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Monsieur le secrétaire d’État, une fois de plus, sans vouloir vous contrarier, je note que vous évitez soigneusement de répondre à ma question.

Il ne s’agit pas de savoir si la CJUE a joué son rôle. Elle ne l’a pas joué. La renégociation de la directive européenne que vous évoquez dans toutes vos réponses est une option que j’ai soulevée au mois de février dernier. Aujourd’hui, la question qui se pose, c’est celle des juges de l’Union européenne, qui statuent au-delà de leur compétence et qui s’attaquent au paragraphe 2 de l’article 4 du traité sur l’Union européenne.

Si elle veut survivre – et je pèse mes mots –, l’Union européenne doit comprendre qu’elle n’est qu’un outil au service des peuples européens. Ce ne sont ni les fonctionnaires européens ni les juges qui doivent faire la politique européenne et donner l’image d’une Union européenne incapable, une fois de plus, de comprendre le monde tel qu’il est, le monde tel qu’il devient et le monde extrêmement dangereux dans lequel nous vivons.

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Cédric Perrin. Le Quai d’Orsay et l’Élysée ont soigneusement évité de faire pression sur l’Union européenne. Maintenant, nous vous demandons d’agir pour défendre les militaires : ils ont besoin de soutien, pas de mots. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

recevabilité financière des amendements sur l’obligation vaccinale

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, j’imagine que, au moment où vous avez élaboré le système qui a été présenté aux Français, vous avez bien envisagé les deux options qui s’offraient à vous : l’obligation vaccinale universelle et le passe sanitaire sans obligation vaccinale, puisque c’est ainsi que l’on peut qualifier l’option que vous avez retenue, qui consiste à amener sans qu’ils le sachent les Français jusqu’au vaccin.

L’obligation vaccinale universelle avait beaucoup d’avantages.

D’abord, elle était juridiquement et légistiquement pratique. Dans la mesure où onze vaccins obligatoires figurent déjà dans le code de la santé publique, il suffisait d’en ajouter un douzième.

Ensuite, elle était claire pour tous les Français : il devenait dès lors inutile de se demander quelles étaient les professions qui devaient être vaccinées, celles qui ne devaient pas l’être, pourquoi les soignants, mais pas les policiers qui contrôleront nos passes sanitaires.

Enfin, elle était lisible du point de vue des activités. Comment expliquer qu’il n’y ait pas besoin de passe sanitaire pour les lieux de culte, mais qu’il en faille un pour le cinéma, ou que, dans quelques semaines, les jeunes devront présenter un passe sanitaire pour aller au théâtre, mais pas pour aller au lycée ?

Bref, une certaine simplicité était possible. Vous avez fait un autre choix, beaucoup plus compliqué à mon avis, et surtout plus difficile à comprendre pour les Français. Nous aurons l’occasion d’en discuter dans quarante-huit heures au Sénat, comme c’est déjà le cas l’Assemblée nationale, à une condition toutefois, c’est que, comme l’a demandé la Défenseure des droits, le débat démocratique ait lieu. Pour qu’il en soit ainsi, c’est-à-dire pour que nous puissions discuter d’obligation vaccinale, il faut contourner l’article 40 de la Constitution.

Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, puisque j’ai bien compris que c’était vous qui alliez me répondre : êtes-vous prêt à lever le gage de l’article 40 pour que nous puissions discuter de nos amendements sur l’obligation vaccinale universelle ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Rossignol, j’ai commencé à apporter des éléments de réponse aux précédents orateurs. On ne peut pas parler d’absence de débat démocratique : depuis le début de cette crise sanitaire, le Gouvernement saisit, consulte, débat, soumet les projets de loi aux différentes assemblées, comme il lui revient de le faire. C’est encore le cas évidemment pour ce texte.

Par ailleurs, le Premier ministre a d’ores et déjà annoncé que, au regard des questions légitimes qui ont été soulevées par les oppositions comme par un certain nombre d’institutions, il avait décidé de saisir le Conseil constitutionnel.

M. Loïc Hervé. Le Sénat le fera aussi !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Nous en sommes ravis. Nous l’avons lu, je crois, mais le Premier ministre a décidé de faire la même démarche.

Sur ce sujet, madame la sénatrice, depuis le début, nous faisons le pari de la conciliation entre la liberté de nos concitoyens et la sécurité et le pari de la pédagogie. Je le rappelle, 40 millions de nos concitoyens ont obtenu une première injection, ils seront 50 millions à la fin du mois d’août. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Et le gage ?

M. Hussein Bourgi. Levez le gage !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Nous accélérons cette vaccination avec l’ouverture de 5 millions de rendez-vous dans les quinze prochains jours…

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas la question !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le défi collectif que nous nous assignons est de 8 millions de vaccinations d’ici à la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août.

M. Patrick Kanner. Hors sujet !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. À cela s’ajoutent un certain nombre de dispositifs pour aller vers nos concitoyens isolés, ceux qui sont dans des situations plus précaires et qui ne sont pas encore vaccinés. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Éliane Assassi. La question, c’est le gage !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je pense important de parler des 3 millions de nos concitoyens de plus de 50 ans qui ne sont pas encore vaccinés et des dispositifs que nous mettons en place. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Pour se faire, nous nous appuyons beaucoup sur les élus locaux dans les territoires, qui, et je les en remercie, participent à ces dispositifs… (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Éliane Assassi. C’est une question au Gouvernement ! Répondez-y !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … pour que ces citoyens plus vulnérables puissent être vaccinés.

Mme le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je pense que ce n’est pas une question accessoire et je ne pense pas que ce soit une question hors sujet.

M. Patrick Kanner. Il n’a pas répondu !

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous ai pas demandé une dissertation sur le vaccin, la covid, les citoyens, les élus locaux…

J’ai posé une question claire : que pensez-vous faire pour que le Parlement puisse débattre des différentes options ? En particulier, êtes-vous prêt à lever le gage imposé par l’article 40 de la Constitution ? Vous n’avez pas répondu à cette question et je le regrette vraiment, car il va falloir que vous songiez à y répondre d’ici à demain matin.

La question que je vous pose est en fait celle-ci : considérez-vous vraiment que l’obligation vaccinale est plus coûteuse pour l’État que votre système ? Si la réponse est oui, cela signifie que votre système ne vise pas à vacciner le maximum de Français. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

risques de pénurie de vaccins

Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le Premier ministre, hier, lors de son audition à l’Assemblée nationale, plusieurs députés ont interrogé le ministre des solidarités et de la santé sur notre capacité d’approvisionnement en vaccins, alors que le passe sanitaire est devenu obligatoire à compter d’aujourd’hui pour accéder à de nombreux lieux. Sa réponse a été brève est limpide et c’est empreint de certitudes qu’il a assuré que plusieurs millions de doses étaient livrées chaque semaine. Vous avez ensuite précisé ses propos en annonçant l’existence d’un stock de 6 millions de doses, stocks auquel s’ajouteront, chaque semaine au mois d’août, 4,5 millions de doses.

Nous disposerons donc, dans le mois à venir, de 24 millions de doses. Nul besoin d’être grand clerc, monsieur le Premier ministre : le compte n’y est pas pour atteindre votre objectif de 50 millions de vaccinés d’ici à la fin de l’été. Les doses manquent. Pour preuve, les mails de l’agence régionale de santé (ARS) à différents centres de vaccination dont je me contenterai de lire les grandes lignes, celles qui figurent en rouge et en lettres capitales : « Très très urgent. Problème d’approvisionnement en vaccins au niveau national. Nous sommes contraints de fermer la prise de rendez-vous pour des premières injections via Doctolib et la plateforme téléphonique ». (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)