Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui deux semaines de travaux parlementaires particulièrement intenses sur ce projet de loi consacré à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration. Autant dire que le sujet était vaste !

Pourtant, l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des travaux du Sénat n’était pas une évidence compte tenu de l’agenda particulièrement chargé de notre assemblée. Je tiens donc, en préambule, à saluer votre ferme résolution, madame la ministre, car vous êtes parvenue à faire valoir, aux yeux du Gouvernement, l’importance et la primauté de ces sujets, malgré les impératifs calendaires. Je m’adresse donc à vous avec beaucoup de respect, et je me réjouis de votre force de conviction, compte tenu du cadre contraint qui vous a été fixé par le Premier ministre et le Président de la République.

Néanmoins, force est de constater que le texte initial n’était pas du tout à la hauteur de nos attentes, alors même qu’il nous avait été présenté comme le troisième acte majeur de la décentralisation. Quelle était sa véritable ligne directrice, si ce n’est la fin du jacobinisme excessif de ces quarante dernières années, lequel ne cesse de prospérer à travers notamment la multiplication des normes, l’organisation de la dépendance financière des collectivités et l’éloignement des principaux centres de décision des territoires ?

Alors, oui, ce texte fut une réelle déception pour notre famille politique, car il manquait d’ambition à bien des égards, car il privilégiait généralement les mesures paramétriques, sous prétexte de simplification, tout en évitant de s’aventurer sur d’autres terrains essentiels, car il abordait de multiples sujets trop variés, qui auraient mérité à eux seuls un projet de loi. De surcroît, ce qui a d’autant plus limité la portée du texte est bien évidemment l’absence d’un volet financier robuste, indispensable à une véritable décentralisation et à une différenciation.

Pour autant, le Sénat ne s’est pas résigné. C’est avec une ferme intention de redonner corps à ce projet de loi que la Haute Assemblée a commencé ses travaux. Je voudrais saluer nos rapporteurs, qui se sont efforcés d’insuffler un surcroît d’ambition et d’envergure au texte. Je pense principalement à Françoise Gatel et à Mathieu Darnaud pour la commission des lois, mais également à Dominique Estrosi Sassone pour la commission des affaires économiques, à Alain Milon pour la commission des affaires sociales ou encore à Daniel Gueret pour la commission du développement durable.

Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les réflexions antérieures de la Haute Chambre. Je pense notamment aux fameuses 50 propositions du Sénat, qui ont été formulées sous la direction du président Larcher et remises au mois de juillet 2020 au Président de la République et au Gouvernement et qui sont malheureusement restées lettre morte. Plus récemment, nos collègues Estrosi Sassone et Létard ont rédigé un rapport d’information consacré à la loi SRU.

Ainsi, le texte des commissions présentait déjà un certain nombre d’avancées. Je ne vais pas faire l’inventaire exhaustif de l’ensemble des apports du Sénat. Je souhaite néanmoins m’arrêter sur quelques mesures phares, notamment celles visant à garantir la possibilité d’un exercice différencié des compétences au sein du bloc communal par le biais du transfert « à la carte » de compétences, la suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » et de la gestion des eaux pluviales urbaines ou encore la consécration du principe selon lequel toute décision prise à l’échelon territorial relève prioritairement du préfet de département. Ces dispositions viennent parfaire le volet différenciation et déconcentration du projet de loi.

Sur le sujet ô combien sensible du logement, le Sénat a adopté des mesures visant à permettre une meilleure conciliation entre l’action des collectivités et la réalisation des objectifs de la loi dite SRU, avec la prolongation du dispositif sans date butoir et en rattrapage glissant, la mise en place d’un rattrapage différencié et contractualisé via un contrat de mixité sociale dont le maire et le préfet seraient la cheville ouvrière, ouvrant ainsi une démarche partenariale permettant de sortir du climat de défiance qui s’était installé depuis plusieurs années entre l’État et les communes carencées ou déficitaires, ou encore la suppression de sanctions inefficaces et contre-productives pour initier un système de fléchage des éventuelles pénalités de carence vers de la construction de logements.

Sur le volet sanitaire et social, j’évoquerai la réforme de la gouvernance des ARS, qui se veut plus équilibrée à l’égard des élus locaux, laissant notamment la place à une coprésidence du préfet de région et du président du conseil régional.

En tant que sénateur des Bouches-du-Rhône, je souhaite souligner particulièrement le consensus auquel nous avons abouti hier soir au sujet de la fameuse métropole Aix-Marseille-Provence, dont l’action et l’efficacité sont mises à mal depuis cinq ans du fait principalement d’une mauvaise répartition des compétences entre les différents échelons. J’insiste sur un point : le fait de revenir à l’esprit originel de l’intercommunalité constitue, je le pense, un véritable tournant historique, qui va permettre de rendre la parole aux élus locaux, afin de définir ce nouveau cadre institutionnel. Je voudrais saluer une nouvelle fois la qualité du dialogue que nous avons eu avec Mme la ministre sur ce sujet aussi essentiel pour le quotidien de 1,8 million d’habitants.

Enfin, outre tous ces apports en commission, de très nombreuses dispositions comportant différentes améliorations et des éléments de précision du texte des commissions ont été adoptées en séance durant ces derniers jours. Nous espérons dès lors que l’Assemblée nationale saura se saisir de cette loi 3DS revigorée et nous accompagner dans une démarche de décentralisation qui se veut ambitieuse, en vue d’aboutir à une réelle consolidation des libertés locales.

Au regard des améliorations substantielles qui ont été apportées au projet de loi, notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. « Chaque révolution s’évapore en laissant seulement derrière elle le dépôt d’une nouvelle bureaucratie », écrivait Kafka. Depuis plusieurs semaines, vous expliquez, madame la ministre, que ce texte n’est pas une révolution. C’est effectivement ce que nous constatons. Je ne sais si vous prendrez ce jugement comme un éloge ou comme une critique. Il y a, pour tout dire, un peu des deux. En tout cas, on peut approuver le fait que vous ayez évité à nos élus locaux et à nos concitoyens un nouveau bouleversement ; il n’aurait pas manqué d’apporter avec lui son lot de complexités administratives, dont les collectivités territoriales souffrent déjà trop.

Je tiens à souligner la qualité de nos débats et à saluer nos collègues rapporteurs. Malgré un contexte délicat et un temps d’examen réduit, notre chambre a substantiellement enrichi le texte.

Nous avons ainsi eu l’occasion de voter plusieurs dispositions visant à accroître la liberté des collectivités territoriales.

Le rétablissement de l’expérimentation de la recentralisation du RSA, proposé notamment par notre groupe, a été adopté par le Sénat. Pour de nombreux départements, et pas seulement celui de la Seine-Saint-Denis, le RSA est une charge majeure qui pèse considérablement sur les budgets.

Nous saluons également le renforcement du rôle du département en matière d’aide sociale et du poids des élus locaux au sein des conseils d’administration des ARS, ce qui permettra aux collectivités d’avoir une meilleure maîtrise de ces politiques. Nous soutenons à cet égard des élargissements du pouvoir réglementaire local portés par le texte, même s’ils sont modestes.

Le texte comporte aussi un volet important sur le logement, qui aurait d’ailleurs pu faire l’objet d’un véhicule législatif à part entière. C’est l’un des sujets les plus importants pour les élus locaux, confrontés en permanence aux complexités de la loi SRU, à ses obligations, à ses seuils et à ses dérogations.

Les contrats de mixité sociale apporteront des solutions adaptées aux réalités locales. Les communes qui ne respectent pas les obligations en matière de logements sociaux ne sont pas toujours des ennemis de la mixité sociale. Même si certains maires le sont, la plupart font de leur mieux pour composer avec les règles très rigides de la loi SRU.

Ce projet de loi tel qu’amendé par le Sénat apportera davantage de souplesse et de liberté aux maires pour adapter le parc de logements aux objectifs fixés à l’échelle nationale.

Partageant cette volonté de donner plus de souplesse et de liberté aux acteurs du terrain, notre collègue Emmanuel Capus a déposé un amendement tendant à modifier la loi SRU en rendant plus progressive l’entrée dans le régime d’obligation concernant les seuils de logements sociaux. Notre chambre a compris tout l’intérêt de ce dispositif pour les communes, et elle l’a adopté.

Le texte apporte aussi de la souplesse aux opérations de revitalisation des territoires. Je veux notamment mentionner l’accélération de la procédure d’acquisition de biens sans maître, qui était attendue par les maires de petites communes rurales.

Au fil de l’examen, les prérogatives des organismes fonciers solidaires ont été renforcées par le texte. C’est un point important pour l’aménagement de nos territoires. Grâce à l’adoption d’un amendement déposé par notre collègue Daniel Chasseing, les communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération qui le souhaiteraient pourront désormais retrouver l’exercice de la compétence de promotion du tourisme.

Pour faciliter la transition écologique dans nos territoires, il était nécessaire de clarifier les compétences des régions et des départements en la matière. Le maire se voit quant à lui confier la possibilité de réglementer l’accès aux espaces naturels protégés qui seraient menacés par une hyperfréquentation, ainsi que le souhaitait notre ancien collègue Jérôme Bignon.

Nous saluons également la réforme de la gouvernance de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) opérée par le texte. Le poids des territoires y sera renforcé.

Ces territoires, le Sénat a tâché de les libérer de leurs entraves. Il est cependant arrivé qu’il s’entrave lui-même. Nous regrettons ainsi qu’un grand nombre d’amendements n’aient pas pu être examinés en raison d’une interprétation extensive de l’article 40 de la Constitution. Au motif que les transferts de compétences entre collectivités territoriales créeraient ou aggraveraient une charge publique, ils ont été déclarés irrecevables. Il y a plus de trente-cinq ans, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui laisse effectivement penser que l’article 40 s’y opposerait.

L’idée que la représentation nationale ne pourrait pas proposer par voie d’amendement un transfert de compétences entre collectivités territoriales est pour le moins étonnante. Or les parlementaires tiennent à leur liberté d’amendement.

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Claude Malhuret. Par ailleurs, durant les trente-cinq ans qui nous séparent de la décision du Conseil Constitutionnel, la démonstration de la bonne gestion des deniers publics par les collectivités locales a été amplement apportée. L’État, quant à lui, a démontré l’inverse sur la même période et se garde bien de s’appliquer une règle similaire à celle de l’article 40.

Nous sommes également nombreux à regretter l’application à géométrie variable de l’autre faucheur d’amendements : l’article 45 de la Constitution. Alors que le projet de loi 3DS entend simplifier l’action publique locale, les amendements de notre collègue Dany Wattebled, qui visaient à donner son plein effet au principe selon lequel « silence vaut acceptation », ont été déclarés, eux aussi, irrecevables.

Ce mécanisme, selon lequel silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision d’acceptation, est essentiel pour nos concitoyens, nos élus et nos entrepreneurs. Il est aujourd’hui vidé de sa substance par une liste infinie de dérogations. Alors que nous avions l’occasion de remédier à cela en votant des dispositions déjà adoptées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, ces amendements ont été déclarés irrecevables sans aucune explication. Nous le regrettons vivement.

Le texte comporte néanmoins plusieurs mesures de simplification qu’il convient de saluer, notamment celle qui prévoit le renforcement des échanges de données entre administrations, ainsi qu’entre administrations et collectivités territoriales.

Nos élus ont besoin de plus de simplicité, mais aussi de plus de soutien. Le projet de loi y répond en faisant du Cerema un outil au service de l’ingénierie territoriale de l’État et des collectivités. Ces dernières seront désormais représentées au sein de sa gouvernance.

Dans ce même esprit, les chambres régionales des comptes verront leurs missions évoluer, afin d’ajouter à leur fonction de contrôle une assistance aux collectivités territoriales dans l’évaluation des politiques publiques.

Au total, même si, comme je l’ai expliqué, nous regrettons que certains de nos amendements, que nous considérions importants, n’aient pas été pris en compte et même si les changements apportés par ce texte restent mesurés, nous pensons que celui-ci apporte des améliorations intéressantes à l’activité des collectivités territoriales. Le groupe Les Indépendants votera donc majoritairement en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dire que la montagne a accouché d’une souris ne serait pas le plus approprié au vu de l’évolution du texte après son examen au sein de notre assemblée ; ou alors, ce serait une grosse souris ! (Sourires.) En effet, si le texte initial était pauvre, souvent imprécis, quelquefois incohérent, nous voici à l’arrivée avec près du double d’articles, et ce malgré une grande libéralité, très souvent dénoncée dans l’hémicycle, dans l’application de l’article 40 et une temporalité très complexe pour assurer la sérénité des débats. Je n’arrive toujours pas à comprendre le choix du calendrier. Nous avons examiné ce texte dans la foulée du projet de loi Climat et résilience, alors même que les élections locales se déroulaient.

Que dire donc ?

Si les promesses de grand soir formulées lors du tour de France présidentiel après la crise des « gilets jaunes » ne sont pas au rendez-vous, après être partis d’un projet de loi n’apportant que des réponses parcellaires aux enjeux si importants de l’organisation territoriale de notre pays, nous arrivons à un texte qui ne brille pas par la cohérence des positions retenues.

Nos positions, à nous, écologistes, sont stables depuis des années : « du local au global » ! La crise des « gilets jaunes » et la crise sanitaire, dont nous ne sommes toujours pas sortis, ont rappelé l’attachement des Français et du pays à un échelon local plus souple, plus agile pour répondre à leurs attentes.

Face à de nouveaux records d’abstention électorale, nous aurions pu saisir l’occasion pour innover et faciliter l’engagement des citoyens. Encore eût-il fallu en avoir le temps !

Pourtant, le texte tel qu’il résulte de nos débats ne consacre aucune nouvelle décentralisation, pas plus qu’une mise en œuvre d’une différenciation efficace, sans parler d’une quelconque simplification ! On décentralise en reconcentrant ou on recentralise en déconcentrant. Et sans pouvoir répondre à la question des citoyens : « Comment ça marche ? »

Tout n’est que détail ! Mis côte à côte après les votes du Sénat, ces détails ne constituent en rien une œuvre pointilliste à la Seurat ; ce serait plutôt un patchwork indéchiffrable.

Aucune des propositions de notre groupe renforçant la démocratie locale ou le droit de pétition n’a été retenue, pas plus que le renforcement réel du pouvoir réglementaire du maire pour protéger la santé de ses administrés, ainsi que l’environnement. Pourquoi avoir autant peur, chers collègues, de la démocratie participative, qui ne nie pas l’élu et le pouvoir de ce dernier, mais vient le renforcer ?

Limiter le droit de pétition et rendre optionnelle son inscription à l’ordre du jour d’un conseil municipal, c’est véritablement planter un couteau dans le dos du pacte républicain. Les élus sont, certes, responsables devant leurs électeurs dans le cadre des élections, mais empêcher une expression libre, vivante et démocratique sur un sujet porté par ces derniers via une pétition, alors que notre devoir est de tout faire pour permettre à notre démocratie de sortir de la crise actuelle, est une faute !

Je répète ce que j’ai déjà indiqué concernant le pouvoir réglementaire du maire : je reste ébahi de tant d’hypocrisie du positionnement majoritaire, qui consiste à donner un pouvoir de veto au maire pour l’implantation des éoliennes, structurant la politique énergétique de toute une région, tout en lui refusant le droit de réglementer les épandages de produits phytosanitaires pour protéger les habitants et les terres de son village. Par charité, je ne reviendrai pas sur les attaques et les accusations d’agribashing que nous, écologistes, subissons ici et là, sans aucun fondement. (Marques dironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Que dire aussi des possibilités offertes par la nouvelle rédaction de modifier sous couvert de simplification la portée des réglementations, notamment en matière d’aide sociale ou d’urbanisme ? J’ai eu l’occasion d’argumenter sur ce point : la simplification ne doit pas être synonyme de moins-disance.

Essayons de rester positifs. Je salue le réveil de notre assemblée suite aux débats en commission sur plusieurs points : la suppression des mesures faisant du Ceser une chambre soumise à des nominations politiques, voire politiciennes locales, la possibilité d’expérimentation de la recentralisation du RSA ou une plus grande démocratie sanitaire, avec la participation accrue des citoyens, mais aussi des élus.

Le titre relatif à la transition écologique, à l’instar de la loi Climat ou de la modification de l’article 1er de la Constitution, d’ailleurs non aboutie, n’est pas à la hauteur des enjeux. Quant à la remise sous coupe préfectorale de l’Ademe, une agence qui a fait ses preuves dans le domaine de l’environnement, elle laisse encore perplexes les intéressés et tous ceux qui ont bénéficié du soutien de cette dernière.

Une fois passée la surprise de voir réapparaître un volet logement initialement prévu pour la loi dite « séparatisme », nous avons constaté que ni le Gouvernement ni cette majorité n’avaient à cœur de combattre l’assignation à résidence des populations précaires qu’ils dénoncent pourtant tant de fois. Tout comme pour les éoliennes, la théorie du « Pas chez moi » revient de plus belle. Comment justifier auprès de nos concitoyens la possibilité pour les communes de comptabiliser des casernes militaires comme logements sociaux ?

Autres exemples de cette lutte contre les précaires plus que contre la précarité : le renforcement du contrôle des allocataires du RSA ou le refus de pérenniser l’encadrement des loyers.

À la suite de mon collègue Stéphane Le Rudulier, je glisserai un mot sur les dispositions concernant la métropole Aix-Marseille-Provence. Cher Stéphane Le Rudulier, tout comme vous, je souhaiterais que nous soyons parvenus au consensus, mais ce n’est pas encore le cas.

Basé sur un constat sans appel et, pour le coup, consensuel de la situation actuelle, l’article 56, qui est consacré à cette métropole, n’y répond pour le moment que très partiellement, voire avec une ambition trop partisane. Il ne permet notamment pas à la ville de Marseille d’être maîtresse de ses politiques de proximité, comme le sont les autres communes des Bouches-du-Rhône. Cette disposition devra donc être retravaillée rapidement et sérieusement.

Chers collègues, si je regrettais la timidité du Gouvernement, qui n’aura pas saisi l’occasion et qui a tardé à faire de réelles propositions pour un nouveau pacte territorial, je déplore aussi que la majorité sénatoriale ait choisi de se contenter de reprendre la vision partielle et quelquefois partiale de ses propositions antérieures sans aucune ouverture. Ce texte très étoffé, sans vision réelle structurante, sans cohérence dans le rôle de chaque échelon, ne résoudra pas les problèmes d’organisation et de coordination des communes, des métropoles et des régions. C’est pourquoi, quoique fervent défenseur d’une décentralisation à la hauteur des spécificités locales et d’une différenciation synonyme d’efficacité et non de compétition et d’inégalités, mais également conscient des enjeux majeurs d’une Europe des régions, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Ludovic Haye. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après trois semaines de travail et de débats nourris, la chambre des territoires a achevé hier soir l’examen du projet de loi dit 3DS. Fruit d’une longue gestation et de plusieurs mois de concertation, le texte porté par Mme la ministre Jacqueline Gourault, que nous saluons de nouveau pour l’immense travail réalisé (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.), vient compléter les actes de décentralisation, qui – n’hésitons pas à le dire – ont parfois laissé des imperfections et des carences dans l’organisation actuelle de notre millefeuille territorial.

En plus de répondre aux attentes pragmatiques qui ont été exprimées à plusieurs occasions, le projet de loi 3DS marque un tournant dans les relations entre l’État et les collectivités. Le texte s’appuie notamment sur la contractualisation, avec des outils concrets pour permettre aux élus locaux et aux collectivités territoriales d’exercer les missions qui sont les leurs, avec plus de risques, de responsabilités et de singularités.

Ce texte se doit de tirer les leçons de la crise sanitaire en confortant le rôle des élus locaux et en améliorant la collaboration avec les services déconcentrés de l’État.

Pour répondre à ces objectifs, le Gouvernement a proposé au Sénat un texte initial de quatre-vingt-quatre dispositions, reposant sur un juste équilibre entre les attentes légitimes des territoires et des élus locaux, largement consultés tout au long de la fabrication du projet de loi, sans bouleversement des équilibres existants.

Après de nombreuses heures de débats, il faut noter le maintien des quatre-vingt-quatre articles de départ avec quelques modifications du Sénat, comme la décentralisation des routes aux départements, aux métropoles et aux régions qui le souhaitent, la mise en œuvre différenciée et adaptée aux réalités locales des objectifs de la loi SRU, réforme qui n’avait jamais été envisagée durant les quinquennats précédents depuis le vote de la loi en 2000, le financement des établissements de santé par les collectivités et leur capacité de recruter des soignants pour leurs centres de santé, et même l’expérimentation de la recentralisation du RSA par l’État. Cela témoigne bien de l’écoute, de la compréhension et de la traduction législative des attentes concrètes de nos élus dans le texte du Gouvernement, modifié par le Sénat.

Aussi, dans une ambiance constructive et sereine, grâce à l’esprit de compromis de nos rapporteurs, que je salue pour la qualité du travail réalisé, et pour le plein exercice des libertés locales, les sénateurs ont enrichi le texte, qui compte aujourd’hui plus de 200 articles.

Le groupe RDPI y a contribué, comme d’autres ; plusieurs des amendements qu’il avait proposés ont été adoptés. Je ne pourrai pas tous les énumérer, mais j’aimerais revenir sur ceux qui ont fait consensus entre nos différents groupes.

Sur le titre relatif à la différenciation territoriale, nous nous sommes entendus sur l’extension du pouvoir réglementaire local, afin de développer les libertés locales, sur la suppression de la définition de la composition du Ceser par délibération du conseil régional et sur le renforcement de la participation citoyenne locale, qui était très attendu par nos concitoyens.

Concernant le titre sur la transition écologique, après de nombreux débats, nous sommes tombés d’accord sur le transfert des routes aux départements, métropoles et, à titre expérimental, aux régions volontaires – c’est le cas de la région Grand Est –, avec une version de compromis trouvée entre les rapporteurs et le Gouvernement, sur le transfert des petites lignes ferroviaires de manière plus encadrée ou encore sur les sanctions sur le domaine public fluvial géré par Voies navigables de France.

Sur le volet relatif au logement et à l’urbanisme, notre groupe a été particulièrement actif, afin de bien rappeler les difficultés auxquelles se heurtent nos élus locaux, notamment sur les atteintes des objectifs de la loi SRU. Vous avez d’ailleurs bien voulu adopter nos propositions sur l’augmentation des catégories de dépenses déductibles du prélèvement SRU et sur la possibilité accordée aux communes nouvelles de demander la conclusion d’un contrat de mixité sociale.

En dépit de quelques divergences d’opinions sur des dispositions techniques, sur lesquelles nous resterons très attentifs dans le cadre de la navette parlementaire, sans dogmatisme, mais avec réalisme, nous nous sommes entendus sur la suppression de la date butoir de 2025 ou encore sur le rythme de rattrapage du déficit de logements sociaux différencié selon les communes SRU.

Le titre relatif à la santé aura également nourri nos nombreux débats. Nous avons toutefois convergé sur une meilleure représentation des élus locaux au sein du conseil d’administration des ARS ou sur la participation des usagers dans les conseils territoriaux de santé et dans les contrats locaux de santé. Toujours sur ce titre, vous avez bien voulu adopter notre amendement facilitant l’implantation d’officines de pharmacies à Mayotte, afin d’assurer un meilleur maillage territorial en matière de santé.

Les échanges sur le titre relatif à l’outre-mer ont également été fructueux. Ils ont permis à notre groupe de proposer à la Haute Assemblée plusieurs dispositions attendues par les territoires ultramarins. Nous pouvons évoquer la mise à jour du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les conditions de la prescription acquisitive immobilière à Mayotte, la dérogation au code de l’urbanisme pour la construction de logements en Guyane, le statut de Clipperton…