compte rendu intégral

Présidence de M. Georges Patient

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du dimanche 25 juillet 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Ouverture de la deuxième session extraordinaire de 2020-2021

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 1er septembre 2021 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 7 septembre 2021.

Acte est donné de cette communication.

Ce décret a été publié sur le site internet du Sénat.

En conséquence, je constate que la deuxième session extraordinaire de 2020-2021 est ouverte.

3

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour une mise au point au sujet d’un vote.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, lors des scrutins nos 169 et 170 portant sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, intervenus au cours des séances des 24 et 25 juillet dernier, M. François Bonneau souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Démission et remplacement d’un sénateur

M. le président. M. Philippe Dallier a fait connaître à la présidence qu’il démissionnait de son mandat de sénateur de la Seine-Saint-Denis à compter du mardi 27 juillet 2021, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il a été remplacé par M. Thierry Meignen, dont le mandat de sénateur de la Seine-Saint-Denis a commencé le mercredi 28 juillet, à zéro heure.

5

Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 8, alinéa 9, de notre règlement, M. Laurent Somon est devenu membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation le 6 août dernier.

6

Candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des finances et de la commission des affaires économiques ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

7

Hommage à Marcel Henry, ancien sénateur

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une profonde émotion que nous avons appris le décès, le lundi 30 août dernier, de notre ancien collègue Marcel Henry, qui fut sénateur de Mayotte de 1977 à 2004. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des outre-mer, se lèvent.)

La vie et l’engagement de Marcel Henry se confondent avec l’histoire de Mayotte, de son maintien dans la République et de sa transformation en département.

Né en 1926, Marcel Henry s’est engagé en politique à partir de 1958 aux côtés de son oncle. Il participe à la fondation du Mouvement populaire mahorais (MPM) en 1963, parti favorable à l’appartenance de Mayotte à la France, dont il devient l’une des figures.

Il est en effet l’un des plus ardents partisans du maintien de Mayotte dans la République. Il rassemble alors autour de lui de nombreux militants, notamment les « chatouilleuses », des femmes qui jouèrent un rôle décisif dans ce combat.

Le 22 décembre 1974, la population de Mayotte se prononce à plus de 60 % pour le maintien dans la République, un amendement adopté par le Sénat lors du vote de la loi organisant une consultation des populations des Comores ayant permis un décompte des suffrages île par île.

Le 8 février 1976, une nouvelle consultation est organisée à Mayotte, laquelle réunit 99,4 % des suffrages exprimés en faveur du maintien dans la République.

Marcel Henry est élu sénateur en 1977. Lors de sa première intervention dans cet hémicycle, le 2 décembre 1977, il salue le rôle du Sénat en ces termes : « Les Mahorais savent le rôle éminent joué par le Parlement, et spécialement par la Haute Assemblée, dans la décision de la France de conserver Mayotte en son sein. » Il affirme également : « En choisissant nettement, sans la moindre ambiguïté, de rester française, Mayotte a choisi la liberté. »

À la suite de la consultation de 1976, la départementalisation devient le combat majeur de Marcel Henry. Il en est le défenseur acharné au sein de cet hémicycle pendant les vingt-sept années de son mandat. À l’occasion de la discussion d’un projet de loi relatif à Mayotte, il déclarait à cette tribune en mars 2000 : « La population mahoraise pense que cette première victoire [à savoir le maintien dans la République] doit être parachevée par l’accession au statut de département. Pour ma part, c’est la mission que j’ai reçue de ceux qui me font confiance depuis très longtemps et je ne m’en laisserai pas détourner. »

Retiré de la vie politique à la fin de son mandat sénatorial en 2004, Marcel Henry participe cependant activement en 2009 à la campagne pour l’adoption du statut de département, proposé par le Président de la République Nicolas Sarkozy, laquelle aboutit le 31 mars 2011, date à laquelle Mayotte devient le cent unième département français.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à la famille de Marcel Henry, à ses proches, à nos compatriotes mahorais, à nos collègues de Mayotte, Abdallah Hassani et Thani Mohamed Soilihi, ce dernier étant retenu sur l’île afin d’accueillir une délégation de la commission des lois, ainsi qu’au président et aux membres du groupe Union Centriste auquel notre ancien collègue a appartenu.

Je vous propose d’observer un instant de recueillement en sa mémoire. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des outre-mer, observent un moment de recueillement.)

La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement de la République s’associe à l’hommage que le Sénat vient de rendre à la figure de Marcel Henry.

J’ai déjà eu l’occasion de présenter, tant à titre personnel qu’au nom du Gouvernement, mes condoléances à sa famille, puisque Marcel Henry nous a malheureusement quittés lorsque je me trouvais sur l’archipel.

Monsieur le président, je souhaitais simplement annoncer devant la Haute Assemblée que le Gouvernement proposera que l’on donne à l’aéroport international de Mayotte, qui se situe à Petite-Terre, comme vous le savez, et n’avait jamais été baptisé jusqu’à présent, le nom de Marcel Henry. (Applaudissements.)

8

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer
Discussion générale (suite)

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les outre-mer

Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les outre-mer (projet n° 815, texte de la commission n° 817, rapport n° 816).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer
Article unique (Texte non modifié par la commission)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je l’ai dit à vos collègues députés avant-hier et le redis devant vous : nous affrontons en outre-mer la pire crise sanitaire que notre pays ait connue depuis le début de l’épidémie de covid-19, et ce notamment à cause du variant delta, qui se répand avec plus d’intensité et se propage plus rapidement que les précédents variants.

Les Antilles et la Polynésie française font face à une terrible vague, puisque les taux d’incidence y battent tous les records depuis dix-huit mois. Au pic de l’épidémie, ce taux a atteint 1 000 cas pour 100 000 habitants en Martinique, 2 000 cas en Guadeloupe, et même 4 000 cas dans les îles Sous-le-Vent en Polynésie française.

Si je vous présente ces chiffres, c’est avant tout pour vous instruire de la situation de milliers de personnes infectées, en souffrance ou endeuillées, pour vous informer du combat que mènent les équipes médicales sur place, qui ne comptent ni leurs heures ni leurs forces pour sauver des vies et, enfin, pour vous rappeler l’esprit de solidarité qui anime les 2 000 soignants venus en renfort de leurs confrères antillais ou polynésiens depuis le mois de juillet. De cette tribune, je veux leur exprimer toute ma reconnaissance et leur dire un immense merci pour le combat qu’ils mènent pour et avec nos compatriotes d’outre-mer.

La situation, dans certains territoires d’outre-mer, est dramatique. Il faut d’abord la regarder en face.

Depuis le début de l’été, le Gouvernement et les services de l’État sont mobilisés pour protéger nos concitoyens ultramarins face à cette nouvelle vague. Les mesures que nous avons mises en œuvre sont le fruit d’un suivi permanent de l’évolution épidémique, territoire par territoire. Qu’il me soit permis d’en faire un point très précis devant vous.

En Martinique, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré le 13 juillet dernier.

Le préfet et moi-même avons décidé de renforcer et de reconduire au moins jusqu’au 19 septembre prochain les mesures strictes de couvre-feu et de confinement. La baisse des indicateurs épidémiologiques semble rassurante ; à ce stade, par précaution, nous maintenons néanmoins tous les dispositifs mis en place, car le taux d’incidence reste très élevé : 419 cas pour 100 000 habitants. Le nombre de lits occupés par des patients malades de la covid-19 ne décroît pas encore, 78 patients étant toujours hospitalisés en soins critiques au centre hospitalier universitaire (CHU).

En Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré le 29 juillet, afin de mettre en œuvre un couvre-feu et des mesures de confinement. Là encore, nous avons décidé de prolonger ces dispositions jusqu’au 19 septembre prochain.

Le taux d’incidence en Guadeloupe reste extrêmement élevé – 520 cas pour 100 000 habitants. Les hôpitaux sont toujours soumis à une très forte pression : 54 personnes sont actuellement hospitalisées en soins critiques, et le nombre d’admissions commence à peine à se stabiliser.

À Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, on constate une nette amélioration de la situation, qui permet au préfet délégué d’assouplir le couvre-feu. Cependant, nous continuons d’exercer une forte vigilance, les deux îles ne pouvant compter que sur les structures hospitalières de réanimation de la Guadeloupe. Un nouvel emballement épidémique aurait en effet inévitablement des conséquences sur la situation en Guadeloupe et, de fait, sur la prise en charge des malades dans ces deux îles.

En Polynésie française, l’épidémie a atteint son pic avec un taux d’incidence qui s’élève à 2 860 cas pour 100 000 habitants. Par ricochet, les hôpitaux subissent une hausse massive des admissions de personnes malades, soit 375 personnes actuellement, dont 44 en réanimation.

L’état d’urgence y a été déclaré le 12 août dernier ; des mesures de couvre-feu et de confinement sont en vigueur. Au vu de la situation hospitalière, il est absolument indispensable de les maintenir.

En Guyane, les indicateurs épidémiologiques augmentent moins vite que les semaines précédentes. Ils restent cependant très élevés. Les effets de la vague épidémique sur les établissements hospitaliers sont jusqu’à présent contenus, mais nous devons rester très vigilants au regard de la faible couverture vaccinale de la population.

Les mesures de freinage de la pandémie ont été renforcées dès le 20 août, avec notamment un confinement de la zone littorale, dite « zone rouge », où le virus sévit le plus sévèrement.

À La Réunion, les mesures de freinage prises fin juillet commencent à porter leurs fruits, puisque les indicateurs sont en baisse. Si le nombre de lits occupés par des patients atteints de la covid-19 diminue progressivement, une extrême vigilance reste néanmoins de mise.

De premiers assouplissements progressifs et réversibles ont été annoncés par le préfet : le confinement ne s’applique désormais plus que le week-end, et le couvre-feu n’est plus imposé que de 21 heures à 5 heures du matin en semaine, et de 19 heures à 5 heures du matin le week-end.

À Mayotte, les indicateurs épidémiologiques augmentent de manière continue. Nous suivons leur évolution au quotidien, afin d’anticiper une nouvelle vague épidémique qui serait dramatique au regard de la faible couverture vaccinale des Mahorais. Le préfet a d’ailleurs pris de nouvelles mesures de freinage dès hier.

Exempte de la covid-19 depuis dix-huit mois, la Nouvelle-Calédonie recense 66 cas à cette heure. En lien avec le gouvernement local, le haut-commissaire a annoncé, dès lundi soir, la mise en place d’un confinement strict pendant quinze jours. L’état d’urgence sanitaire a été déclaré hier par décret en conseil des ministres.

La situation est d’autant plus alarmante que seuls 32 % des Calédoniens ont reçu au moins une dose de vaccin. L’Assemblée nationale a adopté mardi un amendement du Gouvernement tendant à préciser que l’état d’urgence sanitaire en Nouvelle-Calédonie s’appliquerait jusqu’au 15 novembre 2021, et ce avec l’accord de l’ensemble des formations et des forces politiques du Caillou, bien évidemment.

Je souhaite rappeler que, depuis le 1er juillet 2021, plus de 1 500 de nos compatriotes sont décédés à l’hôpital des suites de la covid-19 dans les outre-mer. Ce chiffre est glaçant ; il ne recouvre pourtant pas tous les décès, puisqu’il faut malheureusement y ajouter les personnes décédées à domicile.

C’est pourquoi nous devons être capables de continuer à mobiliser tous les outils juridiques pour freiner la circulation du virus et stopper la saturation hospitalière.

Sur ce plan, nous mesurons d’ores et déjà les effets des mesures de couvre-feu et de confinement. Il est donc impératif de les prolonger.

Le projet de loi prévoit la prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans tous ces territoires jusqu’au 15 novembre : s’il n’était pas adopté, cet état d’urgence prendrait fin le 11 septembre en Polynésie française, par exemple. Nous avons donc le devoir d’agir avec célérité.

Le présent texte prévoit également que, si l’état d’urgence sanitaire était déclaré dans un autre territoire ultramarin avant le 15 octobre, il s’appliquerait jusqu’au 15 novembre sans que l’adoption d’une nouvelle loi soit nécessaire.

Ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie nous prouve, hélas ! que la réapparition du virus sur un territoire appelle une réponse immédiate et forte des autorités. La protection de nos compatriotes des îles Wallis et Futuna, qui partagent une bulle sanitaire avec la Nouvelle-Calédonie, s’inscrit dans cette logique, d’autant que le taux de vaccination y plafonne encore à un niveau trop faible.

En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, qui dispose d’une couverture vaccinale élevée, les députés ont adopté un amendement pour faire sortir ce territoire du champ de ce projet de loi. Monsieur le rapporteur, je sais qu’il s’agit d’une demande partagée avec le Sénat : c’est pourquoi je m’en remets à la sagesse des deux assemblées sur ce point.

Je souhaite par ailleurs rappeler que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre ne signifie pas que celui-ci durera jusqu’à cette date dans tous les territoires concernés.

Naturellement, le préfet de chaque territoire peut progressivement alléger les mesures de freinage. Je le répète, comme toujours depuis le début de la crise, les mesures sont territorialisées et adaptées à chaque territoire.

De la même manière, le Gouvernement pourra mettre fin à l’état d’urgence sanitaire par décret. Cela a déjà été fait, et nous espérons pouvoir le faire de nouveau rapidement, dès que la situation sanitaire se sera significativement améliorée.

L’État est présent et mobilise tous les moyens dont il dispose. Il a répondu à la crise sans aucune hésitation. Le Gouvernement a déployé tous les moyens à sa disposition pour protéger nos compatriotes. Les agences régionales de santé (ARS) ont su faire monter en puissance le système de santé de manière inédite.

La solidarité nationale joue à plein par l’intermédiaire de la réserve sanitaire, du service de santé des armées et des soignants volontaires. Je pense aussi aux pompiers. Cet élan de solidarité nous a permis de multiplier de deux à cinq fois le nombre de lits de réanimation selon les territoires.

La Guadeloupe, par exemple, a bénéficié d’une augmentation de 290 % du nombre de ses lits, celui-ci passant de 33 à 129 actuellement. Au total, près de 2 000 renforts humains ont été envoyés dans les outre-mer dans le cadre de cette quatrième vague.

Des moyens matériels ont également été acheminés sans délai dans chaque territoire, y compris dans ceux où la santé ne relève plus de la compétence de l’État. Ainsi, en Polynésie française, outre des dizaines de milliers de tests, ce sont 32 concentrateurs d’oxygène et 50 000 blouses qui ont été acheminés.

La solidarité nationale a également permis l’accueil de patients ultramarins, et notamment antillais, dans les hôpitaux de l’Hexagone. Depuis le début de cette quatrième vague, 115 évacuations sanitaires ont été organisées ; nous les poursuivrons avec l’aide du ministère des solidarités et de la santé.

La solidarité nationale joue également à plein pour soutenir les secteurs économiques affectés par les mesures de freinage, notamment celui du tourisme.

Depuis le début de la crise, notre priorité est de protéger le tissu économique local en adaptant les outils de soutien aux besoins des territoires ultramarins. Nous continuerons en ce sens.

Le fonds de solidarité est ainsi prolongé pour le mois de septembre dans les outre-mer. L’évolution de la situation sanitaire nous pousse en outre à en envisager le maintien au mois d’octobre.

Depuis le mois d’août, nous accompagnons les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme en proposant une indemnisation deux fois plus élevée que dans le reste du pays, puisqu’elle atteint 40 % des pertes de chiffre d’affaires des entreprises concernées contre 20 % en métropole, et ce dans les territoires soumis à l’état d’urgence sanitaire et à des mesures de couvre-feu ou de confinement.

Les très petites entreprises, qui ont été affaiblies par le confinement, ont également pu continuer à toucher l’aide de 1 500 euros accordée dans le cadre du premier « socle » du fonds de solidarité, un dispositif qui a disparu en métropole depuis le mois de juin.

Dans le cadre du dialogue avec les acteurs économiques, nous ajustons nos dispositifs en permanence. Il était ainsi nécessaire pour une entreprise d’avoir bénéficié du fonds de solidarité en avril ou en mai 2021 pour toucher les subventions prévues dans le cadre du fonds de solidarité « tourisme » cet été. Je vous l’annonce, ce critère sera assoupli, puisqu’il faudra désormais avoir bénéficié du fonds au titre de n’importe lequel des six premiers mois de l’année 2021.

Par ailleurs, les demandes pourront être déposées jusqu’au 31 octobre pour les mois de juin et juillet, alors que le délai était jusqu’ici de deux mois après échéance.

Les plus jeunes entreprises, celles qui ont été créées avant le 31 janvier 2021, sont désormais éligibles au fonds de solidarité. Conformément à une demande récurrente des acteurs du territoire, les modalités de calcul du chiffre d’affaires de référence ont été ajustées en continu depuis le mois de mars 2020, afin de traiter convenablement tous les cas de figure ayant fait l’objet de remontées de la part des acteurs économiques comme des parlementaires, députés et sénateurs, qui avaient saisi le Gouvernement sur ce sujet.

Voilà quelques exemples du dialogue constant que j’évoquais, et qui tient évidemment compte des spécificités des économies ultramarines.

En outre, à la suite du débat à l’Assemblée nationale, j’ai demandé aux préfets d’accentuer leurs efforts en matière d’accompagnement des entreprises, en réunissant régulièrement des comités locaux destinés à prendre en compte leurs difficultés et à mobiliser les dispositifs de soutien.

Les violentes répercussions de cette quatrième vague dans les outre-mer impliquent le renforcement du plan de relance. Là encore, les préfets referont un point complet avec les acteurs économiques. J’aurai l’occasion d’en rendre compte devant les deux assemblées.

Le Gouvernement travaille aussi à un grand plan de reconquête et de transformation du tourisme. Les outre-mer y auront bien sûr toute leur place au regard de l’importance de ce secteur.

Vous nous voyez donc pleinement mobilisés, non seulement sur le plan sanitaire, mais aussi sur le plan économique, puisque les attentes sont nombreuses.

J’ajouterai un mot sur la situation des collectivités locales, car je sais le Sénat naturellement attentif à cet enjeu.

Les filets de sécurité mis en place en 2020 pour le bloc communal et les régions ultramarines ont été maintenus en 2021, comme le demandait le rapporteur général de la commission des finances du Sénat ; de plus, leurs investissements sont soutenus via la part exceptionnelle de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Là encore, je me tiens à la disposition de la délégation sénatoriale aux outre-mer et de l’ensemble des commissions permanentes du Sénat pour en rendre compte.

Je terminerai mon propos en abordant la question de la vaccination.

À long terme, notre seul outil, c’est la vaccination : elle protège aujourd’hui les territoires qui ont massivement fait ce choix, et elle constituera à l’avenir un bouclier contre de nouvelles vagues épidémiques.

J’ai pu bousculer certains esprits en affirmant que nous étions entrés dans une épidémie de non-vaccinés en outre-mer. Je ne retire pas un mot de ce que j’ai dit. Les chiffres sont éloquents : sur le territoire national, 87 % des personnes admises en soins critiques et 83 % de celles qui séjournent en hospitalisation conventionnelle ne sont pas vaccinées. Concernant les personnes décédées de la covid-19 dans les hôpitaux, 82 % n’étaient pas vaccinées.

Je pèse mes mots en vous disant que l’adhésion à la vaccination rencontre plus de réticences – c’est le moins que l’on puisse dire – en outre-mer que dans l’Hexagone.

Quoi qu’en disent certains, l’État, en lien d’ailleurs avec un certain nombre d’élus locaux, de parlementaires notamment – la sénatrice Catherine Conconne peut en témoigner –, n’a pourtant pas failli. Ainsi, les outre-mer ont fait partie des premiers territoires de la République à recevoir des doses de vaccin en nombre important.

Du reste, nous avons fait le choix stratégique d’envoyer aux deux collectivités du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, territoires où l’État n’était pourtant plus compétent en matière de santé, un nombre considérable de doses dès le mois de janvier de cette année, et ce pour des raisons de logistique, de bon sens et, surtout, au titre de la solidarité nationale. Au total, plus de 2,5 millions de doses y ont été acheminées.

Pourtant, et c’est là le drame, les centres de vaccination n’ont pas fait le plein, en particulier aux Antilles et en Guyane. En Guadeloupe, seuls 32 % des habitants ont reçu une première injection quand 20 % seulement disposent d’un schéma vaccinal complet. En Martinique, les chiffres sont très proches. En Guyane, 25 % de la population totale a reçu une première injection et 19 % les deux injections.

L’État ne ménage pas ses efforts de communication et a lancé des campagnes d’« aller vers » pour répondre à cet impératif sanitaire, mais nous sommes confrontés à un mur de défiance, construit par l’accumulation de fausses informations, qui constitue un véritable rempart contre la parole médicale et institutionnelle. Les vaccins conçus par des médecins et des chercheurs pour sauver des vies sont malheureusement devenus un enjeu politique pour certains.

Comme à l’Assemblée nationale, j’appelle donc tous les responsables politiques et les personnalités de la société civile à se mobiliser en faveur de la vaccination. Désormais, prendre la parole, c’est sauver des vies.

Voter ce projet de loi participe également de la protection de nos concitoyens ultramarins. C’est pourquoi, monsieur le président, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous invite à adopter ce texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment de prendre la parole à cette tribune, les premiers mots qui me viennent à l’esprit sont des mots de fraternité, de solidarité, d’émotion même, pour nos compatriotes d’outre-mer. Le vœu que nous pouvons former est que cette journée soit aussi celle de l’unité politique, à la fois entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et entre le Gouvernement et le Parlement, dans l’expression de cette profonde fraternité.

Aujourd’hui, en effet, nous sommes tous Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais, Polynésiens… Nous sommes tous Ultramarins. Nous avons tous une pensée pour nos compatriotes, qui sont si nombreux dans le deuil, la souffrance de la maladie, l’angoisse, quand on voit – c’est le cas en Polynésie française – l’épidémie se répandre à une vitesse dont nous n’avions jamais fait l’expérience.

En préparant cette intervention, j’avais à l’esprit le chiffre de 1 081 nouveaux cas pour 100 000 habitants en Polynésie française. Or vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce chiffre atteint désormais plus de 3 000 cas, voire près de 4 000 quand, dans l’Hexagone, il s’établit à 180.

La situation de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, tout en n’ayant pas franchi le même seuil de gravité, est également extrêmement préoccupante, et même dramatique à certains égards.

Il n’y a pas un outre-mer, mais des outre-mer. Il existe aussi des territoires qui, jusqu’à présent, ont été épargnés et qui ont su prévenir la propagation du virus par des mesures sévères.

Je pense à la Nouvelle-Calédonie. Dimanche, je consultais nos collègues calédoniens : nous n’imaginions pas que, dès le lendemain, le Congrès de Nouvelle-Calédonie allait devoir prendre des mesures draconiennes de confinement. C’est dire s’il faut pouvoir s’adapter à l’évolution d’une réalité qui, malheureusement, parce que la France est présente sur tous les continents, nous frappe en fonction de la géographie de la pandémie. Dans cette crise sanitaire, la France est touchée par toutes les évolutions du monde.

Je veux remercier mes collègues d’outre-mer d’avoir facilité ma compréhension de ce qui se passe et de m’avoir permis d’aller au-delà de la sécheresse des chiffres. Ils ont été nombreux sur toutes nos travées à répondre à mes appels et à m’informer.

Il est important que nous puissions manifester, nous sénateurs, parce que nous sommes les représentants des collectivités territoriales de la République, une solidarité particulière à l’égard de l’outre-mer.

Pour autant, il nous faut aussi parler des chiffres bien sûr. Vous l’avez fait, monsieur le ministre. Aussi n’y reviendrai-je pas trop longuement. On voit bien qu’il existe une corrélation entre la lenteur des progrès de la vaccination et la vulnérabilité, dont beaucoup de nos compatriotes ont fait la triste expérience, par rapport à ce virus.

Encore faut-il noter un frémissement pour la vaccination, et plus encore dans certaines collectivités. Plus les autorités sanitaires sauront s’appuyer sur des acteurs de confiance proches des habitants, et moins ces derniers se reposeront sur une propagande indifférenciée, mieux cela vaudra. Les centres de vaccination éphémères et le recours aux médecins et aux infirmiers locaux constituent une démarche payante.

Toutefois, nous sommes loin du compte. Environ 30 % de personnes ont reçu leur première dose de vaccin dans les Antilles, et 24 % en Guyane : nous pouvons légitimement être inquiets pour les semaines à venir. La Polynésie française a déjà accompli une bonne part du chemin, avec presque 50 % de personnes vaccinées. Elles sont 53 % à La Réunion et 36 % à Mayotte.

Il faut continuer, au-delà des mesures que nous pouvons autoriser en matière de confinement et de couvre-feu, l’effort de vaccination. La conviction, partagée par un nombre croissant de compatriotes d’outre-mer, que la vaccination les protège, protège leurs enfants et protège leurs parents, tel est le principal enjeu des semaines à venir.

Lorsque nous examinons la situation économique et sociale de nos outre-mer – vous vous êtes exprimé sur le sujet, monsieur le ministre, et je vous en remercie –, nous comprenons que les conditions de vie, les conditions d’habitat, la concentration des habitants dans des logements d’une dimension insuffisante pour éviter les contaminations, le taux de chômage, qui reste, dans certaines collectivités, trois à quatre fois supérieur à celui de l’Hexagone, montrent que rien n’arrive par hasard. Nos compatriotes d’outre-mer seraient mieux protégés contre la crise sanitaire si leur développement économique connaissait un nouvel élan. Cet élan passe par la mobilisation de leurs propres énergies ; il passe aussi par la solidarité nationale, évidemment.

Que nous proposez-vous, monsieur le ministre ?

En premier lieu, vous demandez que le Parlement vous autorise, si cela est nécessaire, à prolonger l’état d’urgence sanitaire, là où il a déjà été décidé, jusqu’au 15 novembre, qui est la date d’échéance prévue par la loi sur le passe sanitaire. Je le propose aussi ; la commission a adopté cette disposition à l’unanimité.

Cela ne veut pas dire que vous deviez absolument maintenir cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre ! Je me suis entretenu avec notre collègue de Saint-Barthélemy et j’ai échangé avec le président de cette collectivité. Il n’y a pas, aujourd’hui, de justification majeure à la pérennisation de l’état d’urgence sanitaire dans ce territoire. Je suis prêt à vous proposer, mes chers collègues, d’accepter que le Gouvernement puisse prendre cette décision de prolongation, mais je l’invite à réexaminer dans les prochains jours la situation de Saint-Barthélemy. Il ne faut pas que des collectivités subissent des contraintes qui ne sont que l’ombre portée des contraintes nécessaires dans d’autres collectivités, comme la Guadeloupe.

La situation d’autres collectivités d’outre-mer mérite également un examen individuel très approfondi. Nous sommes tous étonnés de voir que Mayotte résiste à l’épidémie, et nous nous demandons si les chiffres qui nous sont donnés reflètent la réalité mahoraise. Je crains fort que les conditions ne soient réunies pour que l’épidémie progresse à Mayotte, même si nous constatons un réel effort de vaccination dans l’île.

Pour l’heure, aucune évacuation sanitaire de Mayotte vers La Réunion n’a lieu, ce qui signifie que la situation est sous contrôle. Cependant, la vigilance s’impose. C’est l’une des raisons qui m’ont fait accepter que, bien que les chiffres ne soient pas si mauvais, vous englobiez Mayotte dans la liste des collectivités d’outre-mer où l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré à tout moment, et, le cas échéant, jusqu’au 15 novembre.

En second lieu, vous distinguez les territoires où l’état d’urgence sanitaire existait déjà et les territoires et les collectivités où vous demandez au Parlement d’autoriser, si vous deviez prendre un décret prononçant l’état d’urgence, que ce décret soit applicable non pas pendant trente jours, comme c’est normalement le cas depuis la loi du 23 mars 2020, mais jusqu’au 15 novembre prochain.

Là aussi, sous bénéfice d’inventaire, je suis d’accord. Je l’ai dit tout à l’heure : pour la Nouvelle-Calédonie, nous pouvions encore nous interroger il y a quelques jours ; nous ne pouvons plus nous interroger aujourd’hui.

La Nouvelle-Calédonie prend en ce moment des dispositions importantes : elle a rendu la vaccination obligatoire sur son sol. Pour que cette mesure soit pleinement efficace, il est nécessaire que les voyageurs se rendant en Nouvelle-Calédonie soient également vaccinés. Cette mesure relève d’un décret. Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous me répondre sur ce point. Avez-vous l’intention de prendre ce décret dans les meilleurs délais ?

Je n’ai pas cité toutes nos collectivités. Croyez bien, pourtant, que j’ai examiné leur situation particulière. Je pense notamment à Saint-Martin ; le partage de l’île entre la souveraineté néerlandaise et la souveraineté française, alors que les Pays-Bas n’appliquent aucune des règles que nous mettons en œuvre, pose un problème pour l’efficacité des mesures, puisque la population circule sur toute l’île. Monsieur le ministre, vous devez – notre collègue et les autorités locales vous le demandent – vous entendre avec les Pays-Bas pour que nous puissions améliorer l’efficacité de la lutte sanitaire.

Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de faciliter le travail parlementaire et comme vous l’aviez demandé, j’ai saisi la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour lui demander d’exclure Saint-Pierre-et-Miquelon de la possibilité de prononcer un état d’urgence sanitaire de deux mois et demi, alors que le taux de vaccination y est nettement supérieur au taux hexagonal : plus de 85 %, selon les derniers chiffres, sans cas de covid-19. Pourquoi laisserions-nous entendre aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon qu’ils devraient connaître un sort à part, différent de celui de l’Hexagone, sur la mise en œuvre d’éventuelles mesures d’urgence sanitaire ?

En revanche, j’ai accepté qu’à Wallis-et-Futuna, où la crise sanitaire n’a pas été caractérisée jusqu’à présent, nous puissions décréter l’état d’urgence sanitaire, car beaucoup de Wallisiens résident en Nouvelle-Calédonie. Si la situation en Nouvelle-Calédonie se tend, il faut que nous puissions aussi protéger Wallis-et-Futuna.

Voilà ce que je voulais dire pour apporter ma contribution à la réflexion du Sénat sur la mise en échec de cette crise sanitaire dans nos outre-mer. Par ailleurs, je souhaiterais à mon tour m’associer à l’hommage qui a été rendu à notre ancien collègue Marcel Henry. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)