Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d’État, alors que la France métropolitaine s’inscrit dans le plan de relance et réfléchit à la « France de demain », les départements et territoires d’outre-mer sont toujours en situation de gestion de crise.

La situation de leurs entreprises est rendue extrêmement compliquée par l’état d’urgence sanitaire. La persistance des mesures de restriction a entraîné l’arrêt de nombreux secteurs essentiels à leur économie, à commencer par le tourisme, dans des proportions sans commune mesure avec ce qu’a subi la métropole.

De plus, les entreprises sont très affectées par les difficultés d’approvisionnement. Elles subissent une hausse du prix du fret et des matières premières. Cela est d’autant plus délétère pour l’économie ultramarine que son marché est de taille plus réduite. Pour les entreprises qui souhaitent a minima se pérenniser et celles qui viennent à peine de se créer, ce contexte compromet gravement leur viabilité et constitue une menace pour l’emploi.

Malgré les annonces du Gouvernement concernant les nouvelles modalités d’accompagnement de l’État, les milieux économiques jugent certaines propositions insuffisantes, inadaptées ou imprécises.

Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour adapter les conditions d’éligibilité au fonds de solidarité au contexte ultramarin, dont le tissu d’entreprises est essentiellement fait de très petites entreprises (TPE) ? Que comptez-vous faire pour accélérer le traitement des dossiers et le rendre plus souple pour les entreprises ? Comptez-vous prolonger le dispositif d’aides jusqu’au 31 décembre 2021, en particulier pour le secteur touristique, qui a vu sa saison réduite, et accuse donc une lourde perte de chiffre d’affaires ? En résumé, qu’avez-vous donc prévu pour vraiment soutenir l’économie ultramarine en grande difficulté ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, nous partageons votre constat sur l’impact économique de la covid, même si je doute que nous partagions totalement l’analyse que vous faites des réponses qui ont pu être apportées par le Gouvernement.

Pour minimiser l’impact de la covid sur les particuliers, le déploiement des divers dispositifs a été, je crois, rapide et efficace, et souligné par tous. La mise en œuvre de l’activité partielle, par exemple, a permis de soutenir les ménages. Le suivi des besoins précis des populations, notamment des plus précaires, a été attentif ; il a donné lieu, quand c’était nécessaire, à des appuis plus ciblés encore.

Pour les entreprises cette fois-ci, et notamment pour les plus petites d’entre elles, le choc économique a en effet été sans précédent. Il a été néanmoins contenu, me semble-t-il, par rapport aux anticipations qui avaient pu être faites, sous l’effet des mesures publiques d’aides déployées et grâce aux leviers de résistance internes aux outre-mer.

L’impact sur l’emploi global est resté limité en raison du secteur public dans ces territoires. Le choc de la crise a été contrasté selon les géographies. En 2020, le PIB a ainsi reculé de 4,2 % à La Réunion et de 3 % aux Antilles. Le repli est estimé autour de 6 % en Nouvelle-Calédonie et à 7,6 % en Polynésie, soit une évolution similaire d’ailleurs à celle de la France hexagonale, où le repli a été de 7,9 %.

Nous devons ces résultats à la mobilisation sans précédent du Gouvernement. Tout au long de cette période, de nouveaux outils, évolutifs, ont été créés ou adaptés aux outre-mer. Ces derniers ont ainsi pu bénéficier d’aides plus importantes ou décalées dans le temps par rapport à l’Hexagone. À ce jour, les aides consacrées aux outre-mer représentent plus de 6 milliards d’euros, dont 3,5 milliards d’euros de prêts garantis par l’État, 1 milliard d’euros correspondant au fonds de solidarité, 830 millions d’euros de reports de charges pour les entreprises et près de 650 millions d’euros liés à l’activité partielle.

Nous sommes de nouveau dans une situation qui appelle un traitement différencié outre-mer. Vous avez raison sur ce point et nous partageons cette analyse avec les acteurs économiques, avec qui nous sommes naturellement en relation régulière. Leurs propositions sont prises en compte. La trajectoire d’extinction du fonds de solidarité a ainsi été stoppée pour les territoires qui, au mois d’août, ont été soumis à l’état d’urgence sanitaire et placés sous le régime du confinement ou du couvre-feu pendant au moins vingt jours.

Vous voyez, madame la sénatrice, nous nous évertuons à rester pragmatiques, au plus près des situations locales, pour plus d’efficacité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d’État, je sais bien que le Gouvernement a pris des mesures importantes pour gérer cette crise outre-mer. Les dispositifs appliqués demanderaient néanmoins davantage d’adaptations. La crise dure ; elle va durer encore. Nous devons continuer à nous tenir aux côtés de ces territoires.

Enfin, je suis convaincue que, de même qu’en métropole, c’est la vaccination qui permettra de sortir l’économie ultramarine de la crise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus.

Mme Annick Petrus. À Saint-Martin, si le Centre hospitalier Louis-Constant-Fleming a réussi, tant bien que mal, à affronter une situation d’extrême tension grâce à la mobilisation constante et admirable de ses équipes médicales, il n’en est pas moins vrai que des difficultés demeurent.

Lors de la séance des questions au Gouvernement du 22 septembre dernier, j’ai eu à faire remonter les plus urgentes. La prise en compte par l’État d’une demande de financement d’un laboratoire d’analyse intra-muros à l’hôpital nous satisfait et nous vous en remercions.

Cependant, l’autre grande urgence pour la population saint-martinoise est bien la prise en charge des évacuations sanitaires. Il existe une réelle perte de chance pour les Saint-Martinois du fait que nous ne pouvons pas bénéficier de l’hélicoptère de la sécurité civile de la Guadeloupe, et que le décollage des avions n’est pas possible de nuit.

Je reste persuadée – et je ne suis pas la seule – qu’un troisième hélicoptère dans la grande zone Antilles, dédié aux îles du Nord et mutualisé entre les deux hôpitaux, la gendarmerie, la sécurité civile, les sauveteurs en mer, est la seule solution pérenne qui permettrait de garantir à la population saint-martinoise une prise en charge répondant aux mêmes exigences que celles qui sont requises sur le territoire hexagonal en termes d’accès aux soins. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que cette solution est à l’étude…

Par ailleurs, la gestion de la crise sanitaire à Saint-Martin, en particulier l’instauration d’un passe sanitaire, mériterait des ajustements. La double insularité et le partage de l’île rendent cette gestion compliquée. La fragilité économique et sociale se verrait aggravée par la mise en place d’un passe sanitaire sans ajustement. Économiquement, nous serions concurrencés par le côté néerlandais, dont nous n’avons pas la maîtrise : ce qui est interdit en France ne l’est pas de l’autre côté de l’île.

Enfin, d’un point de vue social, dans un contexte où 50 % du personnel n’est pas vacciné au centre hospitalier et presque autant chez nos sapeurs-pompiers, le principe d’une obligation vaccinale ne manquera pas d’aggraver les difficultés que j’ai mentionnées.

Comptez-vous tenir compte, de nos spécificités monsieur le secrétaire d’État, dans l’application de la loi ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, l’hôpital de Saint-Martin est confronté évidemment, comme tant d’autres, à de nombreux enjeux depuis le début de la crise sanitaire. Cette crise a révélé, amplifié parfois, un certain nombre de difficultés préexistantes. Cet hôpital est membre du groupement hospitalier territorial (GHT) des îles du Nord, lequel place sous direction commune les centres hospitaliers des deux îles, ainsi que les deux Ehpad. L’hôpital de Saint-Martin fonctionne ainsi en partenariat avec un laboratoire et un cabinet de radiologie privés.

En termes d’actualité récente, permettez-moi de souligner la mise en place d’une hotte de préparation des chimiothérapies financée par l’agence régionale de santé. L’objectif est de permettre aux patients de réaliser leur traitement, lorsque cela est possible, en ambulatoire sur l’île sans devoir aller en Guadeloupe.

Cela m’amène à la question des évacuations sanitaires, à la particularité de ce centre hospitalier et à la charge très lourde des évacuations sanitaires vers la Guadeloupe et la Martinique. Un marché existe, dont le budget annuel est d’environ 2,5 millions d’euros. Le ministère des solidarités et de la santé a pris en compte cette charge et un financement complémentaire est en cours de déploiement.

La question d’un hélicoptère supplémentaire dans la zone est posée, car le décollage et l’atterrissage de nuit sont très problématiques. Un audit devrait être demandé conjointement par l’agence régionale de santé et la préfecture à ce sujet.

Nous avons pris connaissance, par ailleurs, de la demande d’investissement de 17,5 millions d’euros formulée par le centre hospitalier de Saint-Martin dans le cadre de l’investissement du Ségur. Le montant précis de cet accompagnement n’a pas encore été arrêté. Je tiens à saluer à cet égard, madame la sénatrice, votre participation active au comité régional d’investissement du Ségur.

Concernant enfin le passe sanitaire et les différences d’application entre les parties néerlandaise et française de l’île, nous avons bien conscience des interrogations que cela peut soulever sur le terrain. Pour autant, je pense que nous aurions tort de nous comparer avec la partie néerlandaise, qui n’a donc pas mis en place de passe sanitaire. Faisons tout notre possible, au contraire, pour faciliter son application sur la partie française. Vous savez qu’il s’agit là d’un des outils importants de lutte contre la propagation du virus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le secrétaire d’État, tout d’abord je tiens à saluer l’effort de solidarité exceptionnel et le soutien puissant des renforts nationaux face à la flambée épidémique due au variant delta dans les territoires outre-mer.

Les sénateurs de l’Union Centriste estiment que la politique de vaccination devrait prendre en compte les facteurs socioculturels freinant la campagne de vaccination, les raisons historiques et humaines à l’origine de la défiance de la population vis-à-vis du Gouvernement.

Incontestablement, cela a été dit et répété, la vaccination est la seule solution pour prémunir ces territoires contre une cinquième vague. Recourir uniquement à des mesures contraignantes ne fonctionne pourtant pas, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État. La qualité de l’information dispensée est très importante.

En outre, il convient de prendre en considération la résistance sociale des Ultramarins, qui n’ont malheureusement pas conscience de l’urgence de la situation.

La communication est souvent contradictoire et, assurément, votre moyen d’action pour infléchir la courbe de l’épidémie, c’est la pédagogie. Il faut comprendre à qui l’on s’adresse. La méfiance envers les médias et l’importance accordée à la médecine traditionnelle sont autant de freins à la progression de la vaccination.

Aux Antilles, les gens sont habitués à se soigner par des plantes, avec des sirops à base d’herbes à pic, qu’ils estiment suffisants pour renforcer l’immunité contre la covid. Pourtant, ce traitement complémentaire n’est pas un traitement alternatif. N’oublions pas non plus le poids de l’Histoire. Plusieurs de nos collègues ont rappelé le scandale du chlordécone, ce pesticide nocif massivement utilisé aux Antilles jusque dans les années 1990, alors qu’il était interdit dans l’Hexagone.

Ces circonstances permettent parfois de comprendre pourquoi l’État n’est plus considéré comme légitime, ou encore pas assez protecteur, aux yeux d’une partie de la population.

Cette posture de résistance face aux décisions du Gouvernement est souvent mal comprise. Comment comptez-vous, monsieur le secrétaire d’État, agir pour débloquer la situation et augmenter le taux de couverture vaccinale outre-mer ? Comment entendez-vous relever le défi de la communication ? Quel est le rôle des influenceurs et des personnalités politiques pour faire passer les messages à la population – même si certains ont vraiment fait leur devoir et je les en remercie ? Quelle est, enfin, votre stratégie pour lutter contre les fausses informations circulant sur les réseaux sociaux autour de la vaccination ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, vous évoquiez la solidarité dont ont fait preuve un certain nombre de professionnels de santé de l’Hexagone envers les territoires d’outre-mer. Cela a été le cas aussi d’un certain nombre d’élus locaux ; je pense en particulier à la présidente du conseil départemental de la Creuse, Valérie Simonet, qui est partie pour l’outre-mer, parmi d’autres élus, afin d’apporter son soutien à ces territoires.

Votre question m’offre l’occasion de rappeler une fois encore, comme d’autres ici ont pu le faire, combien la vaccination est évidemment centrale pour lutter contre cette épidémie. Certains des chiffres présentés précédemment sont encourageants, d’autres sont plus inquiétants.

En Guadeloupe, le taux de vaccination reste insuffisant malgré les efforts déployés. En complément de l’offre vaccinale existante, des centres de vaccination éphémères ont été installés, l’agence régionale de santé pilote depuis six mois chaque semaine un comité de vaccination qui réunit l’ensemble des acteurs concernés, les actions de communication se succèdent. Pourquoi sommes-nous malgré tout encore loin de nos objectifs dans ce territoire ? Je ne saurai le dire…

En Guyane, l’élargissement de la vaccination aux plus de cinquante ans, puis aux plus de trente ans, puis aux plus de dix-huit ans, a été beaucoup plus précoce que dans l’Hexagone. Les opérations d’« aller vers » ont été massives – je l’évoquais dans une intervention précédente. Et pourtant, les hésitations, les inquiétudes, restent très répandues et le manque de confiance vis-à-vis du vaccin se maintient. Pourquoi ces fausses informations continuent-elles de circuler en dépit de tous nos efforts ?

Enfin, à La Réunion, si le taux de vaccination s’approche des niveaux satisfaisants, nous devons encore aller plus loin. Comment faire ? La réponse n’est pas si simple, mais je la rappelle : en continuant à compter sur la très forte mobilisation de l’ensemble des autorités sanitaires et des professionnels de santé ; en vainquant les réticences persistantes contre la vaccination via la démultiplication des campagnes de communication et en luttant contre les fake news. Cela passe également par des déclarations de responsables politiques, dont certains ont une véritable autorité dans les territoires, qui soient sans ambiguïtés. Cela n’a pas été toujours le cas ces derniers temps dans certains territoires…

Enfin, nous devons renouveler nos approches. La défiance vis-à-vis des responsables politiques, parfois même des autorités sanitaires, reste importante. Il y a probablement dans les territoires, dans une approche plus communautaire, des relais d’opinion que nous devons probablement mobiliser davantage afin de convaincre la population de se faire vacciner, de renouer avec la confiance dans la raison, dans la science, dans la vaccination.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le secrétaire d’État, alors que les premières vagues nous ont plus ou moins épargnés, cette quatrième vague a été meurtrière et a révélé les limites des moyens existants, tant humains que matériels. À ces carences se sont ajoutées des difficultés liées à une très mauvaise communication de la part de la directrice générale de l’ARS, qui n’a pas facilité les relations avec la population et même avec certains médias.

La mise en place tardive des restrictions concernant les vols transatlantiques n’a pas permis d’éviter cette vague et les propos irrespectueux, moralisateurs et méprisants, notamment sur les médias nationaux, qui ont relayé certaines fake news ont compliqué, dans un contexte de méfiance, la communication institutionnelle.

Si des moyens matériels et humains ont été mobilisés en urgence au titre de la solidarité nationale – je tiens à exprimer mes remerciements à cet égard, monsieur le secrétaire d’État –, la dégradation de la situation épidémique était prévisible et pouvait être anticipée plusieurs semaines en amont.

En effet, certaines conséquences de la propagation du variant delta ont été amplifiées en raison des retards structurels que connaissent nos territoires en matière de santé.

Des professionnels venus en renfort ont constaté les manques en respirateurs et en oxygène, ils ont qualifié la situation de maltraitance sanitaire et, après leur départ, ils ont avoué, parfois sur des médias nationaux, avoir été amenés à trier des patients.

Comme je l’ai souvent rappelé dans cet hémicycle, en particulier à chaque discussion budgétaire, nos établissements de santé, qui sont déjà largement sous-dotés, doivent en outre faire face à des surcoûts importants liés au fonctionnement, à la maintenance et à l’amélioration continue de la qualité.

Il faut souligner l’implication des élus locaux au sein du comité de suivi présidé par le préfet. Malheureusement, les médecins de ville n’ont pas été suffisamment pris en compte.

Il est nécessaire de repenser la politique sanitaire en outre-mer de façon différenciée, en particulier en Guadeloupe, qui est un archipel.

De même, les tentatives de l’ARS de Guadeloupe de démanteler les structures locales de santé et de coordination, comme le groupement d’intérêt public - réseaux et actions de santé publique en Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy (GIP-RASPEG), sont problématiques et témoignent d’une grave méconnaissance de la réalité de nos territoires.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures différenciées comptez-vous prendre pour la Guadeloupe ? Que comptez-vous faire pour répondre aux élus, en particulier aux présidents des différentes collectivités qui ont écrit au Gouvernement pour lui dire qu’ils ne sont pas toujours d’accord avec les mesures prises ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Victoire Jasmin, à l’occasion de votre question, je voudrais saluer l’ensemble des personnels de santé de métropole et d’outre-mer, qu’ils travaillent en administration centrale ou sur le terrain. Je vois concrètement, depuis deux ans, leur investissement et leur engagement, jour et nuit, au service de nos concitoyens.

En ce qui concerne plus précisément la Guadeloupe, et pour aller au-delà des questions de personnes, vous évoquez des problèmes de communication et de coordination entre l’ensemble des acteurs sur le territoire. Je connais votre implication personnelle sur les sujets sanitaires et le soutien que vous apportez au GIP-RASPEG. Je rappelle que ce groupement d’intérêt public, qui a été créé en 2014 avec le soutien de l’ARS, a permis à la Guadeloupe d’être en avance en termes de coordination entre les professionnels. Sa création avait notamment permis à l’époque de rapprocher les réseaux de santé et la plateforme territoriale d’appui. D’autres initiatives ont été prises depuis lors pour toujours mieux structurer le tissu médico-social local.

Le GIP-RASPEG a évolué depuis sa création. Son activité a fait l’objet d’un suivi attentif de la part de l’ARS qui est, je le rappelle, son seul financeur et qui doit veiller, à ce titre, au bon usage des fonds publics et, de manière plus générale, au respect du cadre réglementaire – tout le monde le comprendra aisément.

C’est dans le cadre de cette mission qu’un audit a été planifié en 2019 : il a mis en évidence l’intérêt de transformer le GIP en un DAC, un dispositif d’appui à la coordination. Je rappelle d’ailleurs que la mise en place d’un DAC est une obligation légale depuis 2019.

Pour réaliser cette transformation, un marché public a été ouvert, l’ARS a été accompagnée par un cabinet de conseil, des comités de pilotage ont été installés et la démarche a été partagée. L’ensemble des acteurs de terrain a été associé à cette démarche et les différentes autorités de l’État – préfecture, ARS, etc. – ont partagé leurs informations et leurs réflexions.

Dans ce type de situation, comme dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, je plaide pour le maintien d’un tel dialogue : il peut parfois être franc, pour reprendre un terme consacré, mais il est indispensable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. Monsieur le secrétaire d’État, chaque fermeture des frontières équivaut à mettre Saint-Barthélemy à l’arrêt. Pour sortir de ce fonctionnement sur courant alternatif, une des clefs est la réduction de la dépendance à l’extérieur en matière d’offre de soins.

La gestion de l’épidémie a montré, s’il en était besoin, que l’adaptation à la réalité de l’île a été gage d’efficacité et l’implication de la collectivité a sans nul doute permis d’optimiser les dispositifs de gestion de crise. Dès le premier confinement, elle a pris l’initiative d’équiper massivement l’île en capacités de tests PCR rapides. Un protocole de test et des décisions concertées ont permis de juguler les pics de contamination avec des mesures de restriction relativement limitées.

Le pragmatisme commande désormais de pérenniser et de formaliser cette implication – c’est du reste ce que souhaite la collectivité de Saint-Barthélemy depuis plusieurs années – pour disposer d’une organisation et d’une offre de soins davantage territorialisées.

La gestion du service de proximité de la sécurité sociale favorisera l’amélioration du service aux usagers.

Il s’agit de plus d’exploiter les possibilités offertes par le statut d’hôpital de proximité pour aller vers plus d’autonomie, en réduisant le nombre d’échelons décisionnels, tout en étoffant l’offre de soins.

Ce dernier objectif suppose des moyens matériels et de sécurisation des évacuations sanitaires qui doivent être pensés à l’échelle du groupement hospitalier formé avec Saint-Martin. L’hôpital de Saint-Martin ne dispose pas de lit de réanimation et un hélicoptère basé sur place sécuriserait les évacuations sanitaires, notamment de nuit.

À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS », le Sénat a adopté un amendement visant à demander un rapport au Gouvernement sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy. Ce rapport doit permettre de dresser un état des lieux précis et de mettre sur la table toutes les solutions possibles pour repenser une offre de soins étoffée à Saint-Barthélemy. Cet amendement a été soutenu par le ministre des outre-mer.

Pouvez-vous me confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que le ministre des solidarités et de la santé y est également favorable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, l’offre de soins disponible à Saint-Barthélemy est constituée d’un hôpital, qui fait l’objet d’un projet de restructuration et d’extension de ses activités pour un montant de 4,5 millions d’euros, ainsi que d’un Ehpad et d’un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) rattachés à l’hôpital et gérés par lui. Elle est complétée par une offre privée d’hospitalisation à domicile et il existe un projet de pôle médico-social commun avec Saint-Martin pour un montant total de 40 millions d’euros.

En ce qui concerne l’offre de soins en libéral, elle nous paraît suffisante. Un laboratoire d’analyses médicales et un scanner sont installés à Saint-Barthélemy, ce dernier, sis à l’hôpital, étant exploité par des radiologues privés de Saint-Martin.

Au-delà de la question de l’offre de soins, je sais qu’il existe une préoccupation, portée notamment par le président de la collectivité, pour doter l’île de sa propre caisse d’assurance maladie. Cette proposition soulève, à notre sens, de très nombreuses difficultés et pourrait avoir des répercussions sur le quotidien des usagers.

Des échanges ont néanmoins eu lieu autour de l’idée d’installer une antenne sur place afin de gagner en réactivité – c’est l’un des objectifs de la proposition de création d’une caisse locale –, mais je dois avouer que, même sur cette question, un travail important de faisabilité reste à mener. En tout cas, sachez que des réflexions sont en cours.

Nous sommes évidemment nombreux à souhaiter qu’une inégalité ne se crée pas entre une clientèle aisée, qui pourrait bénéficier d’établissements privés, et les natifs, qui seraient exclus d’un accès à des soins de qualité.

Il faut souligner que le maintien du service public constitue un défi à bien des égards. Je pense notamment au prix des logements, élevé sur l’île – louer un studio peut coûter 2 500 euros –, ce qui oblige l’hôpital à louer des logements pour ses agents, qui, autrement, n’arriveraient pas à se loger. Cela met l’hôpital en difficulté et un travail se poursuit sur ces sujets entre la collectivité et l’ARS.

Je me permets également de renvoyer à de telles discussions l’autre sujet que vous avez évoqué, à savoir les capacités d’évacuation sanitaire.

Il me semble, pour conclure, que sur toutes ces questions le dialogue entre les différentes autorités locales doit se poursuivre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le secrétaire d’État, nous arrivons au terme de ce débat et j’aurai, pour ma part, trois questions à vous poser.

Ma première question concerne le nombre de lits disponibles dans les services de soins critiques. La Cour des comptes a récemment rendu une enquête sur ce sujet à notre commission des affaires sociales, dans laquelle la situation ultramarine a été jugée trop complexe et particulière, nécessitant une analyse complémentaire. Comment adapter, selon vous, les besoins en lits de réanimation aux spécificités des outre-mer – je pense notamment aux évacuations sanitaires, Annick Petrus en a parlé, rendues complexes du fait de l’éloignement ou de la multi-insularité ?

Ma deuxième question concerne les renforts provenant de la réserve sanitaire. Combien de personnes ont été déployées outre-mer à l’occasion de la quatrième vague et combien le seront ou devraient encore l’être prochainement ?

Ma troisième question concerne les soignants. Alain Milon a évoqué la réticence vaccinale qui existe outre-mer dans la population, y compris parmi les soignants. Avez-vous évalué le nombre de soignants non vaccinés ? Le ministre des solidarités et de la santé a annoncé que la loi serait appliquée avec souplesse outre-mer. Comment comptez-vous convaincre les soignants ? Des personnes ont-elles été suspendues de leurs fonctions ? Si oui, combien ?