Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’amendement n° 25.

Mme Cécile Cukierman. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été avancés sur la nécessité pour l’État de jouer son rôle auprès des directeurs d’école, en fonction de la taille des établissements.

Il est indispensable d’apporter une assistance aux directeurs d’école, car leurs tâches, cela a été dit sur toutes les travées, sont de plus en plus complexes. Elles sont également variées au fil de la journée, a fortiori de la semaine.

Si j’insiste sur ce point, monsieur le ministre – n’y voyez pas de la suspicion –, c’est parce que je pense que nous ne pourrons pas demain n’avoir que des « super directeurs », « super formés », au risque de fragiliser celles de nos écoles qui ne comptent qu’une, deux ou trois classes.

Je me souviens que nous avons eu un débat il y a quelques années sur la question de savoir s’il fallait ou non maintenir les écoles à classe unique dans notre pays. Elles ont finalement été conservées là où on en avait besoin. Partout ailleurs, différentes organisations ont été mises en place. Les enseignants, en lien avec les élus locaux et, bien évidemment, avec l’éducation nationale, ont proposé des solutions afin de maintenir et de pérenniser une présence scolaire dans tous nos territoires.

Faisons attention : on pourrait avoir demain des « super chefs » et des « super bataillons », mais pas partout !

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Mon collègue Brisson a rappelé ce dont nous voulons et ce dont nous ne voulons pas, le président Lafon également. J’ajoute que ce que nous souhaitons, c’est trouver un accord en commission mixte paritaire, mais cela suppose que nous nous mettions d’accord sur une rédaction, ce qui est assez hypothétique et complexe.

Permettez-moi dans ce cadre de vous soumettre une proposition, monsieur le ministre. L’article 2 bis prévoit que l’État peut fournir une assistance administrative et matérielle dans certaines situations et qu’il peut ne pas en fournir dans d’autres. Ce que vous souhaitez, c’est que, dans une troisième situation, cette aide puisse être fournie par les collectivités. Finalement, on n’impose rien à personne…

Vous nous avez également dit, monsieur le ministre, que certaines villes, comme Paris – nous n’avons pas trouvé d’autres exemples finalement… –, apportent déjà une assistance administrative et matérielle à leurs écoles. Il n’y a donc pas besoin de la loi pour le permettre !

Si cet article n’apporte finalement rien de plus et n’empêche pas de poursuivre ce qui existe déjà, pourquoi ne pas le supprimer purement et simplement lors de la commission mixte paritaire ? On ne peut le faire aujourd’hui, aucun amendement de suppression n’ayant été déposé, mais on se mettrait plus facilement d’accord sur cette solution que sur une rédaction alambiquée.

Quand on n’a rien à dire, pourquoi le dire quand même ? Ce n’est plus de la législation, c’est du bavardage !

M. Alain Cadec. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à réformer l'adoption
Discussion générale (suite)

Réforme de l’adoption

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réformer l'adoption
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (proposition n° 188 [2020-2021], texte de la commission n° 51, rapport n° 50).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, près d’un an après son vote par l’Assemblée nationale, je suis heureux d’engager enfin avec vous la première lecture de cette proposition de loi relative à l’adoption.

Ce texte, qui est depuis longtemps attendu par les acteurs du secteur et les futurs adoptants, nous donnera l’occasion de traiter de sujets rarement évoqués. Je souhaite depuis des mois qu’il avance, qu’il soit promulgué, car il permettra d’améliorer la situation de milliers d’enfants et pupilles de l’État.

Construit par des parlementaires, soutenu par le Gouvernement, ce texte a un objectif clair : donner une famille à chaque enfant qui n’en aurait pas ou dont la famille ne serait plus en mesure de s’occuper de lui.

Si l’adoption existe depuis des siècles, si ses motivations et ses modalités ont évolué dans le temps, donner une famille à un enfant est l’objectif principal depuis le début du XXe siècle, en réalité depuis que nous avons collectivement pris conscience des besoins particuliers des enfants.

Complétant des avancées marquantes, comme la création du statut de pupille de la Nation en 1917, cette évolution, par rapport à des périodes où l’adoption répondait davantage à des considérations successorales ou dynastiques, a trouvé une résonnance forte dans la société française. Le législateur s’en est fait l’écho en menant une action franche, bienveillante, à destination d’adoptants que l’on a souhaité de mieux en mieux accompagner et surtout d’enfants que l’on a tenu à mieux protéger.

Je pense notamment aux avancées de la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant, qui, sur l’initiative de la sénatrice Michelle Meunier, que je salue – Laurence Rossignol était alors secrétaire d’État chargée de la famille –, avait pour objectif d’adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme. Cette loi a entre autres défini la procédure de délaissement qui, depuis, monte en puissance et permet d’inscrire de plus en plus d’enfants dans des parcours adaptés.

Il est vrai, madame la rapporteure, qu’il existe des enjeux d’application des lois précédentes et des enjeux de pratique professionnelle, en cette matière comme en d’autres – je pense plus globalement à la protection de l’enfance –, et il nous faut continuer de mener une évaluation honnête et sans fard de notre cadre législatif. Car, s’il a bien sûr évolué ces dernières décennies, et encore récemment, il reste incomplet et sa révision, utile, vigoureuse, doit, par cette proposition de loi, en corriger les faiblesses, les manques, les éventuelles défaillances.

Cette démarche, vous l’abordez dans la continuité de travaux sérieux. En avril 2019, percevant de mes échanges avec les acteurs institutionnels, associatifs et individuels du secteur la nécessité de mener une réflexion large sur ces sujets, j’avais souhaité confier une mission à deux parlementaires, dont je salue ici solennellement le travail : la députée Monique Limon du groupe La République En Marche et la sénatrice Corinne Imbert du groupe Les Républicains, cette dernière ayant été désignée par l’Assemblée des départements de France, car il était évident que ce rapport devait être le fruit d’un travail commun avec les départements.

La présente proposition de loi est la traduction du rapport, que Monique Limon et Corinne Imbert m’avaient remis au terme de leurs travaux, en octobre 2019, dans les Deux-Sèvres, en présence de Gilbert Favreau, alors président de ce conseil départemental et maintenant sénateur – je le salue également.

Le double credo de ce rapport, intitulé Vers une éthique de ladoption - Donner une famille à un enfant, repose sur un constat simple : nous n’en faisons pas assez pour trouver une famille dans laquelle les enfants de notre pays dont la famille n’est plus là, n’assume pas ses responsabilités ou n’est plus apte à le faire puissent grandir, s’épanouir, se sentir en sécurité.

Bien au contraire, nous nous satisfaisons encore trop de procédures complexes, qui privent d’adoption des enfants pour lesquels elle est pourtant la promesse d’un horizon adapté, d’une véritable stabilité affective, des enfants chez qui elle pourrait combler ce que le docteur Marie-Paule Martin-Blachais désigne comme le « méta-besoin » de l’enfant, ce besoin de sécurité affective, physique, matérielle, sans laquelle rien ne peut se construire ou se reconstruire.

À cet égard, la situation demeure préoccupante sur plusieurs points dans notre pays, tout particulièrement en matière d’accompagnement des enfants qui présentent des besoins spécifiques, qu’ils soient liés à leur âge, à leur handicap ou au fait qu’ils fassent partie d’une fratrie.

Ces besoins compliquent encore trop souvent la recherche d’une famille adoptive : pour 49 % des enfants qui ne sont pas confiés en vue d’adoption, les conseils de famille indiquent comme motif principal l’existence d’un tel besoin. Quand on sait que la part des enfants présentant de tels besoins parmi les pupilles de l’État augmente, que le nombre même de pupilles de l’État ne cesse de croître, il nous faut agir pour pouvoir davantage les inscrire dans des parcours d’adoption sécurisants.

Il nous faut également agir pour corriger ces anomalies qui font que la part des enfants adoptés parmi ceux que l’aide sociale à l’enfance protège est cent fois moins importante que chez certains de nos voisins, qu’un enfant pupille de l’État sur deux ne trouve pas de famille d’adoption ou encore que les futurs parents attendent en moyenne près de cinq ans après l’obtention de l’agrément pour que leur projet d’adoption se réalise. Il faut lever ces verrous afin de trouver des familles à ces enfants et de donner les mêmes chances et les mêmes droits à toutes les petites filles et à tous les petits garçons de notre pays.

C’est ce que propose ce texte, qui, sous des apparences techniques, est en fait politique. Les mesures qu’il comporte ont trois grands objectifs.

Le premier, c’est de rendre plus d’enfants adoptables, de permettre à davantage de projets de vie de se réaliser. Plusieurs dispositions y contribuent.

Le texte facilite ainsi l’adoption d’enfants ou de majeurs protégés hors d’état de consentir, ceux justement dont les besoins spécifiques étaient jusqu’à présent un obstacle à ce projet.

Il dispense les assistants familiaux d’agrément pour leur projet d’adoption de l’enfant accueilli.

À l’article 12, il prévoit que les enfants, au moment d’être admis en qualité de pupille de l’État, bénéficieront d’un bilan médical, psychologique et social permettant d’envisager et de définir précisément des projets de vie adaptés, notamment en matière d’adoption. Il vous sera d’ailleurs proposé de prévoir d’autres bilans de ce type afin de suivre ces parcours et d’affiner les projets de vie des enfants, lorsqu’ils mettent du temps à se matérialiser.

Enfin, le texte clarifie les possibilités d’adopter en forme plénière des enfants de plus de 15 ans, par exemple par les personnes qui les ont accueillis au titre de l’aide sociale à l’enfance ou lorsqu’il s’agit d’enfants ayant fait l’objet d’un délaissement parental.

Ces mesures viendront compléter le dispositif de délaissement parental qui concerne aujourd’hui un enfant sur deux admis au statut de pupille de l’État. Le nombre de demandes en déclaration judiciaire de délaissement parental a d’ailleurs fortement augmenté ces dernières années. Il est passé de 391, en 2016, à 916, en 2020. On voit donc, sur le terrain, que la loi de 2016 commence à produire des effets. L’enjeu est désormais de les accompagner.

Toutes les procédures de délaissement ne sont bien sûr pas acceptées et toutes ne conduisent pas à une adoption. Quoi qu’il en soit, nous devons impérativement continuer à garantir que les situations de délaissement soient reconnues quand elles doivent l’être, en toute sécurité pour l’enfant.

C’est l’objectif de l’article 16, qui prévoit que les commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (Cessec) réaliseront leur rapport, prévu tous les six mois, sur la santé physique et psychique de l’enfant confié à l’aide sociale à l’enfance jusqu’à ses 3 ans, et non plus jusqu’à ses 2 ans.

Le regard pluridisciplinaire et pluri-institutionnel de ces commissions permet d’évaluer les situations dans lesquelles un enfant peut être considéré comme délaissé, ce qui permet d’engager les procédures nécessaires. Il faut donc élargir ce dispositif et le systématiser dans tous les départements, ce qui n’est pas encore le cas.

Dans le prolongement de la loi de 2016, nous devons aller plus loin afin de garantir aux enfants qui sont admis en qualité de pupille à la suite d’une décision de délaissement un accompagnement adapté, une inscription rapide dans un parcours de vie qui répond à leurs besoins, un projet de famille lorsque cela est possible.

Le deuxième objectif de ce texte est de sécuriser le parcours des enfants, en garantissant le respect de leur intérêt supérieur. Cela passe notamment par un renforcement de la préparation et de l’accompagnement des candidats à l’adoption.

Nous savons bien qu’un soutien des parents, qui leur évite de se lancer dans des démarches sans être au courant de ce qui les attend, est souvent le meilleur moyen de prévenir et de réduire les difficultés qui peuvent apparaître par la suite.

Les dispositifs, comme celui qui prévoit à l’article 10 que les adoptants bénéficieront d’une préparation portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption, ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive, augmenteront les chances que les projets d’adoption aboutissent et qu’ils soient pérennes et sécurisants pour les enfants eux-mêmes.

D’autres dispositifs du texte contribuent à cette sécurisation. Ainsi, l’importance du consentement de l’enfant discernant est rappelée, car nous savons bien qu’une démarche réussie est une démarche à laquelle l’enfant lui-même consent, adhère, dans laquelle il se retrouve et se projette pleinement et sereinement.

Le texte introduit par ailleurs un écart maximal d’âge de 50 ans entre l’adoptant et l’adopté.

Nous vous proposerons de rétablir des dispositions qui, nous le regrettons, ont été supprimées en commission, par exemple l’interdiction des adoptions entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs – la rédaction initiale était imparfaite, nous vous proposerons de l’améliorer – afin de ne pas brouiller les lignes intergénérationnelles.

De même, nous vous proposerons de rétablir l’encadrement de l’activité des organismes agréés pour l’adoption (OAA), tant en France qu’à l’international. Ces organismes doivent remplir leurs missions dans un cadre juridique plus précis qu’aujourd’hui. Il ne s’agit pas là d’une lubie, encore moins de la volonté de stigmatiser tel ou tel ; nous avons simplement la préoccupation de protéger les enfants et d’éviter qu’ils ne soient confrontés à des démarches qui n’auraient pas été contrôlées et vérifiées et dont personne ne serait en mesure de dire si elles ont été détournées ou non, si elles sont conformes ou non au droit national et à la convention de La Haye. C’est, en somme, du bon sens, ni plus ni moins.

Le troisième objectif de ce texte est d’adapter le droit et la pratique de l’adoption aux évolutions de notre société pour garantir un égal traitement des enfants.

Ainsi, les acteurs centraux des parcours d’adoption que sont les conseils de famille portent une responsabilité forte non seulement à l’égard de l’enfant, mais aussi des adoptants. Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à réaffirmer et à renforcer leurs obligations déontologiques, dans la continuité des recommandations et des principes dégagés par la charte de déontologie du Comité consultatif national d’éthique, que j’avais saisi d’une affaire en Seine-Maritime voilà trois ans.

Il ne s’agit pas, là non plus, de jeter l’opprobre sur leur action, mais bien au contraire de les inscrire fermement dans un double mouvement qui vise à sécuriser les parcours des adoptés et à mieux appréhender et respecter la diversité des familles adoptantes. Comme je l’ai toujours affirmé, il n’existe pas de parcours tout tracé, identique d’une famille à une autre. Il n’y a pas non plus deux parentalités qui se ressemblent.

Devant ce constat, l’enjeu pour les pouvoirs publics est de toujours mieux s’adapter aux spécificités des familles, en ouvrant l’adoption aux couples non mariés, aux couples pacsés et aux concubins. Ce texte complète d’ailleurs les dispositifs contenus dans la loi relative à la bioéthique, dont nous avons beaucoup débattu ensemble et avec lesquels la coordination doit se faire – c’est pourquoi le Gouvernement proposera le rétablissement de l’article 9 bis que vous avez supprimé en commission.

Reconnaître les spécificités des familles adoptantes, c’est aussi définir pour elles un parcours spécifique. C’est ce que nous faisons dans ce texte : l’allongement du congé d’adoption de dix à seize semaines, la meilleure articulation avec l’école pour favoriser la création du lien affectif, l’accompagnement spécifique en santé pour les enfants adoptés sont autant de mesures qui sont attendues de longue date.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la rapporteure, la seule boussole que nous avons suivie depuis la genèse de ce texte est de renforcer la protection des enfants, dont je vous rappelle qu’ils ont besoin de stabilité et de repères, et non pas d’incertitude ou de confusion. Les mesures de ce texte, je le crois, y contribuent. Elles permettent d’ancrer fermement et définitivement l’adoption dans la protection de l’enfance. Elles sont pensées pour le seul bénéfice d’enfants pour qui l’adoption est un horizon synonyme d’épanouissement. Ne l’oublions pas et mettons tout en œuvre pour que ces horizons s’illuminent. De nombreux enfants attendent encore cela. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par expliquer ce qu’a été le travail de la commission des lois sur cette proposition de loi qui a été déposée par la députée Monique Limon à la suite d’un rapport qu’elle avait rédigé avec notre collègue sénatrice Corinne Imbert sur commande conjointe du Gouvernement et de l’Assemblée des départements de France.

Dans la mesure où ce travail était une commande, monsieur le secrétaire d’État, peut-être aurait-il été judicieux – c’est ma première observation – qu’il donne lieu non pas à une proposition de loi, mais à un projet de loi. Cela nous aurait permis de bénéficier d’une étude d’impact, qui aurait été très bénéfique au travail de la commission des lois. En effet, sur un certain nombre de points, les décisions prises par l’Assemblée nationale, parfois à l’instigation du Gouvernement, n’étaient pas documentées. Il était donc très difficile d’y donner suite.

Deuxième observation : nous aurions préféré, pour assurer une certaine cohérence dans la chronologie, que le projet de loi relatif à la protection des enfants soit examiné avant ce texte sur l’adoption, puisque nous allons généralement du général au particulier. C’est le bien-être animal qui en a profité – chacun ses priorités, me direz-vous (Sourires.), même si je sais que ce ne sont pas nécessairement les vôtres, monsieur le secrétaire d’État…

Cela dit, ce texte a été étudié avec beaucoup d’attention par la commission des lois – comme d’habitude, me direz-vous… – et les auditions ont révélé un accueil assez mitigé de la part de l’ensemble des acteurs que nous avons entendus.

Nous partageons bien sûr les conclusions du rapport de Mmes Limon et Imbert et nous souscrivons à l’objectif de cette proposition de loi qui consiste à faire primer l’intérêt de l’enfant – nous devons donner une famille à un enfant, et non un enfant à une famille.

Pour autant, les dispositions qui nous étaient proposées n’étaient pas toutes conformes à l’intérêt de l’enfant et semblaient parfois empreintes d’un certain dogmatisme. Quelquefois même, aucun élément ne venait étayer leur bien-fondé.

J’en prendrai quatre exemples.

Le premier exemple est l’article 9 bis, que vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, et qui est une suite finalement de la loi relative à la bioéthique.

De manière assez inédite dans notre droit, il permet, lorsque deux femmes se sont séparées, d’imposer l’adoption de l’enfant, quoi qu’en pense la mère biologique, celle qui a accouché, par l’autre femme. Comme nous l’ont fait observer certaines personnes auditionnées, on voit mal quel est ici l’intérêt de l’enfant. On sent que cette disposition a plutôt été prévue pour régler un conflit entre deux personnes, ce qui n’est pas, me semble-t-il, le but de cette proposition de loi.

Par conséquent, nous avons supprimé cette mesure qui ne nous paraissait pas réformable et qui n’allait pas dans le sens de l’intérêt de l’enfant.

Le deuxième exemple, largement décrié par les personnes que nous avons auditionnées, a trait à une mesure qui ferait en sorte qu’une femme – ce sont souvent des femmes qui sont concernées – qui remettrait son enfant aux services sociaux pour le laisser n’aurait plus à donner son consentement à l’adoption. Une telle mesure serait également dévastatrice pour les enfants : lorsqu’un enfant se construit, il peut avoir besoin de savoir que la femme qui a accouché de lui a certes décidé de le laisser, mais pour une vie meilleure, en vue d’une adoption – c’est peut-être le dernier acte de cette femme envers son enfant. Nous sommes donc aussi revenus sur ce point.

Le troisième exemple, que vous avez également évoqué, monsieur le secrétaire d’État, est la suppression de l’intervention des organismes agréés pour l’adoption (OAA) dans l’adoption nationale.

Ces organismes, qui doivent être agréés, jouent l’intermédiaire, en quelque sorte, entre les enfants adoptables et les familles. Il s’agit finalement d’une alternative aux services sociaux et au service public. Cette alternative existe et il me semble normal de la laisser à la disposition des familles. Elle est parfois utilisée par des femmes qui ont déjà eu affaire aux services sociaux et qui ne souhaitent pas que cela se renouvelle. Je crois que nous ne pouvons pas les priver de cette possibilité.

Enfin, quatrième exemple, la nouvelle composition du conseil de famille ne me semble pas non plus correspondre à l’intérêt de l’enfant.

Je rappelle que le but du conseil de famille est de prendre des décisions pour les enfants et dans leur intérêt. Or la proposition de loi prévoit qu’une personne qualifiée en matière de discriminations devrait y siéger, ce qui correspond plutôt à une demande des parents potentiellement adoptifs. Je ne vois pas en quoi cette mesure sert l’intérêt de l’enfant. Il me semble qu’il vaut mieux former les conseils de famille au fait que toutes sortes de familles existent désormais plutôt que d’y introduire quelqu’un qui n’est pas qualifié en protection de l’enfance et qui va prendre la place de quelqu’un de qualifié en la matière.

Nous avons écarté ces différents points, car nous avons pensé, pour certains, qu’ils n’étaient pas suffisamment documentés, pour d’autres, qu’ils ne correspondaient pas à l’intérêt de l’enfant.

En revanche, notre commission a retenu des points qui ne posent pas de difficulté, même s’ils ont parfois fait débat.

Ainsi, le public des adoptants ne sera plus uniquement constitué des couples mariés et des personnes seules ; il est élargi aux personnes pacsées et aux concubins, tout en maintenant les conditions d’âge – avoir au moins 28 ans pour adopter – et de vie commune – au moins deux ans de vie commune.

Nous avons également accepté la mesure visant à fixer un écart maximal d’âge de 50 ans entre l’adoptant et l’adopté, afin de respecter une forme de crédibilité de l’adoption – c’est d’ailleurs à mon sens l’acquis le plus important de ce texte, si l’on estime que c’en est un…

Une obligation de formation a été prévue pour les membres du conseil de famille. Une telle obligation existait déjà de fait dans un certain nombre de conseils départementaux, mais pas dans d’autres, ce qui pose en effet un certain nombre de problèmes.

Le texte prévoit aussi l’obligation pour les familles de suivre une préparation préalablement à l’agrément en vue d’une adoption. Il est vrai que l’agrément est difficile à obtenir. De plus, il est obtenu de façon très disparate selon les départements. Cette mesure est donc importante.

Ce texte formalise également une pratique : le rôle joué par certains OAA pour mettre en contact des enfants à besoins spécifiques avec des familles prêtes à les accepter.

Enfin, dans le cadre du projet de vie de l’enfant, un bilan d’adoptabilité des plus jeunes pupilles de l’État serait réalisé. L’adoptabilité de ces enfants et leur projet de vie feraient l’objet d’une évaluation tous les six mois non plus jusqu’à deux ans, comme c’est le cas aujourd’hui, mais jusqu’à trois ans, ce qui est une bonne chose.

Ces points, assez positifs, correspondent bien souvent à la régularisation de pratiques qui existent dans les conseils départementaux.

Cette proposition de loi constitue-t-elle donc vraiment une « réforme de l’adoption », comme son intitulé le laissait présager ? Nous en sommes très loin et la commission en a tiré les conséquences, en décidant que ce texte était tout simplement « relatif à l’adoption ».

Que représente aujourd’hui l’adoption dans notre pays ? Quelques chiffres éclaireront le débat.

Fin 2019, 10 263 agréments étaient en cours de validité, c’est-à-dire que 10 263 parents potentiels attendaient d’adopter.

Il y avait 3 248 pupilles de l’État à la fin de 2019, parmi lesquels 480 sont nés sous le secret durant l’année – il faut ainsi savoir que des nourrissons peuvent être adoptés.

En 2019, seuls 706 pupilles de l’État ont été adoptés et, dans le cadre de l’adoption internationale, 421 enfants l’ont été. En comparant les 421 enfants adoptés à l’étranger et les 706 adoptés en France aux 10 263 agréments, on peut mesurer la différence entre le nombre de personnes qui cherchent à adopter et le nombre d’enfants adoptables.

Sur l’ensemble de ces adoptions, 27 % sont plénières, procédure qui correspond à ce que l’on considère souvent comme l’adoption classique : un lien exclusif est créé avec l’enfant ainsi adopté. Les 73 % restant sont des adoptions simples, c’est-à-dire que plusieurs liens de filiation se juxtaposent.

Parmi toutes ces adoptions, environ 75 % sont dites familiales – il s’agit ici d’adopter l’enfant de son conjoint. C’est dire qu’on est loin de l’image de l’adoption que se fait le grand public.

Ce texte n’est donc pas une réforme de l’adoption et, au regard de ces chiffres, il me semble que nous devons encore travailler sur un certain nombre de sujets – vous l’avez d’ailleurs évoqué, monsieur le secrétaire d’État.

D’abord, un important travail réglementaire reste à produire. Pour mettre de la cohérence, il faudrait travailler sur les conditions de l’agrément, qui est aujourd’hui donné de façon très disparate – c’est peut-être pour cela qu’il y en a beaucoup, sans doute beaucoup trop. Cela crée une grande déception pour ceux qui le reçoivent, mais qui n’auront jamais la possibilité d’adopter des enfants.

Ensuite, il faut travailler à l’application de la loi de 2016 et développer une culture commune entre les magistrats, les services sociaux et les parents. Si l’on souhaite que des parents adoptent les enfants qui peuvent l’être – parmi les pupilles de l’État, 30 % des enfants ont des besoins spécifiques et sont donc en difficulté –, il faut que notre culture évolue. Ce texte ne traite pas particulièrement de cette question, mais elle ne relève pas véritablement de la loi.

Il me semble, pour conclure, qu’il faut travailler sur ce que j’appellerai « l’impensé » de ce texte, c’est-à-dire les échecs de l’adoption – ils existent. Tant que nous ne travaillerons pas sur ces échecs, nous ne travaillerons pas dans l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)