compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun de vous à être attentif au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.

cop26 et relance du nucléaire français

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. Jean-François Longeot. Monsieur le Premier ministre, alors que la COP26 s’est ouverte avant-hier, l’urgence climatique est plus que jamais d’actualité. Elle pose de nouveau la question de l’avenir du nucléaire français.

Chacun le sait, si notre mix électrique est l’un des moins carbonés du monde, c’est grâce à l’atome. Or, depuis cinq ans, nous ne savons plus où nous en sommes. La baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique n’a certes pas été remise en cause, mais l’objectif a été retardé de dix ans. La centrale de Fessenheim a été fermée, et l’arrêt de quatorze autres réacteurs est encore au programme.

Le grand carnage suit son cours, et le plan d’investissement France 2030 va allouer un milliard d’euros au développement des petits réacteurs et des réacteurs de quatrième génération, alors que cet axe de recherche avait été abandonné en 2019 avec le prototype Astrid. Et l’on ne sait toujours pas ce que vous voulez faire de la technologie de l’EPR (European Pressurized Reactor).

Monsieur le Premier ministre, en matière de nucléaire, le « en même temps » ne peut plus durer.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Jean-François Longeot. Sauver les accords de Paris impose de relancer le nucléaire tout de suite, car, sans lui, nous ne pourrons pas atteindre l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions en 2030. À court terme, nous ne pourrons pas décarboner dans les proportions requises sans la pleine puissance des réacteurs actuels, car les SMR (Small Modular Reactors) et les éventuels futurs EPR ne seront pas disponibles avant quinze ans.

Est-on crédible à la COP26 dans un tel flou, monsieur le Premier ministre ? Comment peut-on afficher de grandes ambitions climatiques et perdre tant de temps sur le nucléaire ? Allez-vous enfin abandonner le projet de fermer des réacteurs pour nous permettre de respecter notre engagement de 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Quand allez-vous sortir du bois concernant la construction de l’EPR ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le président Jean-François Longeot, vous avez raison, nous sommes en pleine COP26 et, dans ce cadre, nous avons besoin de montrer l’engagement concret de la France et de l’Europe sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Cette réduction passe d’abord par une baisse de notre consommation énergétique en général : la stratégie nationale bas-carbone prévoit cette diminution de la consommation à hauteur de 40 % d’ici à 2030. Elle passe aussi par plus de production électrique, parce que notre électricité est une électricité très largement décarbonée. Elle l’est d’ailleurs parce que, comme la France s’y était engagée, nous avons fermé trois de nos quatre centrales à charbon. La quatrième restera pour sa part en fonctionnement limité tant que l’approvisionnement breton ne sera pas assuré par ailleurs.

En ce qui concerne le mix énergétique, les scenarii proposés par RTE nous montrent deux constantes : la première, c’est le besoin de continuer à produire de l’électricité, parce que notre consommation d’électricité va augmenter ; la deuxième, c’est le développement des énergies renouvelables. Quels que soient le scénario retenu et l’intensité du nucléaire dans notre mix, nous aurons besoin d’énergies renouvelables. C’est vrai de l’éolien en mer, de l’éolien terrestre et du solaire.

Différents scenarii nous montrent aussi l’importance de la place du nucléaire dans ce mix décarboné. C’est la raison pour laquelle la programmation pluriannuelle de l’énergie avait fixé, pour 2035, un horizon de 50 % de nucléaire dans notre production électrique.

C’est aussi la raison pour laquelle le Président de la République soutient, dans le cadre de France 2030, la filière nucléaire, qu’il s’agisse de nouveaux EPR, de SMR ou de recherche dans le nucléaire.

C’est enfin la raison pour laquelle nous allons continuer à marcher sur deux jambes : une électricité décarbonée à base d’énergies renouvelables, d’un côté, de nucléaire, de l’autre.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.

M. Jean-François Longeot. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Celle-ci conforte néanmoins mon idée selon laquelle le Parlement peut et doit avoir son mot à dire dans les décisions stratégiques engageant notre indépendance énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

situation de l’hôpital public

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, sans cesse sont annoncées des fermetures de services d’urgences, de lits ou d’établissements.

Rien que cette semaine, les urgences de Laval et de Saint-Chamond ont dû fermer plusieurs soirs. Il y a peu, c’était à Lillebonne. Des lits ont également été fermés à Boulogne-sur-Mer. Et ce ne sont là que quelques exemples…

Nos urgences pédiatriques ont aujourd’hui le plus grand mal à faire face à l’épidémie de bronchiolite. Est-ce normal ? Non !

Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, on compte 13 000 lits supprimés, même en pleine pandémie !

Tandis que le professeur Delfraissy annonce que 20 % des lits des hôpitaux sont fermés faute de personnel, quelle est la réponse du Gouvernement ? « Il faut recompter… »

Toujours le même déni de réalité, le même refus d’écouter médecins, personnels, élus et usagers ! Vous les avez méprisés quand ils tiraient la sonnette d’alarme et que vous poursuiviez vos réductions budgétaires : 17 milliards d’euros ont été économisés sur la santé depuis le début du quinquennat.

Vous refusez d’entendre que le Ségur n’est pas suffisant pour répondre au profond malaise actuel. Il est insuffisant sur la revalorisation salariale, insuffisant pour conjurer la dégradation des conditions de travail et de soin… Qu’allez-vous faire pour y remédier ? Allez-vous enfin décréter un moratoire sur les fermetures de lits ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. - Mme Esther Benbassa et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la ministre Lienemann, je me permets de répondre directement à cette question, tant le sujet est important pour l’ensemble de nos concitoyens.

Je ne peux, chère madame, vous laisser dire des choses à ce point inexactes.

Vous avez tout à fait raison : la situation de l’hôpital public et de notre service de santé est difficile.

M. Michel Savin. Catastrophique !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mais il vient de faire face, de façon exemplaire, à une crise sanitaire d’une ampleur sans précédent depuis un siècle.

Les personnels de santé sont fatigués, ce qui se traduit en effet par des démissions ou des absences. Nous connaissons ces réalités, qui aboutissent en effet à des tensions et à la fermeture de certains lits – les exemples que vous avez donnés au début de votre intervention sont parfaitement exacts.

Mais entendons-nous bien, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas de fermetures de lits pour cause budgétaire. Les budgets sont là, les postes sont ouverts, mais ils ne sont pas pourvus…

Plusieurs sénateurs à gauche. Et pourquoi ?

Plusieurs sénateurs à droite. Oui, pourquoi ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Pourquoi ?… (Exclamations sur diverses travées.) Laissez-moi répondre !

Je m’exprime devant l’ancien éminent président de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui n’ignore pas que l’hôpital fonctionne avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Vous allez d’ailleurs très prochainement en voter un nouveau dans le PLFSS à venir.

Madame Lienemann, vous avez parlé d’abandon. Je voudrais rappeler les moyens effectivement alloués à l’hôpital ces dernières années, au travers des Ondam qui ont été exécutés.

L’Ondam a progressé de 2,1 % en 2013, de 1,7 % en 2014, de 1,8 % en 2015, de 1,5 % en 2016 et de 1,8 % en 2017, soit une progression moyenne annuelle sur cinq ans de 1,8 %. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE, SER et GEST.) Depuis le quinquennat de M. Macron (Mêmes mouvements.), l’Ondam a augmenté de 4,75 %. Et vous allez, je l’espère, voter très bientôt un Ondam hors crise en augmentation de 4,1 %, c’est-à-dire le plus élevé depuis des années ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - MM. Alain Cazabonne, Daniel Chasseing et Pierre Médevielle applaudissent également. – Mme Cécile Cukierman proteste.)

Quant au Ségur de la santé, madame la ministre, vous le savez très bien, il représente, pour les personnels comme pour l’investissement, un effort inédit. Il s’agit certes, pour partie, d’un rattrapage, mais, de grâce, pas de leçons sur ce sujet ! (Huées sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

Notre vraie ressource, ce sont les ressources médicales, victimes de cinquante ans de numerus clausus malthusien. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.) Sous le précédent quinquennat, le numerus clausus a été accru de 600 places. C’est bien, mais notoirement insuffisant. Nous en sommes déjà à plus de 1 800, c’est-à-dire trois fois plus !

Je veux bien entendre vos arguments, madame Lienemann, mais telle est la réalité ! Il ne faut pas avoir la mémoire sélective ! (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE et GEST.)

Nous sommes collectivement responsables de cette situation : nous y faisons face. Le PLFSS est ambitieux, et nous cherchons par tout moyen à attirer ou faire revenir les personnes et à pourvoir les postes budgétaires qui existent, hôpital par hôpital.

Vendredi, le ministre de la santé réunira de nouveau toutes les conférences pour essayer de trouver les meilleures solutions. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.) Tous les moyens seront déployés à cet effet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Castex, vous vous trompez de cible. Quand M. Véran approuvait des budgets de restriction à l’hôpital, j’étais déjà de celles qui se dressaient contre ces politiques, et le groupe CRCE plus encore.

Vous nous expliquez que l’Ondam n’a jamais été aussi élevé, et que c’est génial. Je vous rappelle que, depuis des années, il est inférieur à l’évolution naturelle des dépenses de santé.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La progression dont vous vous targuez cette année n’est que temporaire.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est écrit dans le PLF que, dès 2023, nous retournerions à la situation antérieure d’un Ondam en progression de 2,3 %.

M. le président. Concluez !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Demain, avec vous, ce sera comme hier ! Il faut changer de politique et redresser l’hôpital public ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

contrat d’engagement jeune (i)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Madame la ministre, en janvier 2021, nous avons débattu dans cet hémicycle de la possibilité d’étendre le RSA (revenu de solidarité active) aux moins de 25 ans.

J’avais défendu l’idée selon laquelle l’accompagnement vers l’emploi et l’émancipation était l’outil le plus efficace pour répondre aux besoins de notre jeunesse.

Ma position demeure inchangée. Je me félicite donc que le Président de la République ait annoncé hier matin la création d’un nouveau dispositif d’aide pour les 500 000 jeunes les plus éloignés de l’emploi.

Dans la lignée du plan « 1 jeune, 1 solution » et de la garantie jeunes dont il s’inspire, un contrat d’engagement permettra d’accompagner vers l’emploi des jeunes sans travail ni formation, qui souvent se trouvent en situation de très grande précarité.

Beaucoup a été fait ces derniers mois. Trois millions de jeunes ont trouvé un emploi, un parcours d’insertion ou une formation grâce au plan « 1 jeune, 1 solution » depuis son lancement.

Le niveau d’embauche des jeunes s’est quant à lui maintenu, malgré la crise, grâce aux primes à l’embauche et à l’alternance.

Pourtant, trop de jeunes demeurent sur le bord de la route.

En France, près de 20 % des jeunes sont aujourd’hui au chômage. Dans certains départements d’outre-mer, ce taux avoisine les 50 %. C’est évidemment beaucoup trop.

Le dispositif que vous proposez, madame la ministre, est ambitieux. Pouvez-vous nous en préciser les contours et les objectifs ?

Qu’apportera-t-il de plus que la garantie jeunes, dont le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter ces dernières années ? Comment s’opérera la bascule entre ces deux dispositifs ?

Enfin, quels moyens financiers et humains seront mobilisés en 2022, et dans les années qui suivent, pour assurer l’efficacité de ce programme ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, comme vous l’avez souligné, avec le développement inédit de l’apprentissage, l’investissement dans les compétences et, plus récemment, le plan « 1 jeune, 1 solution », la jeunesse est le fil rouge de notre action depuis 2017.

M. Bernard Jomier. Tout va bien…

Mme Élisabeth Borne, ministre. Toutes ces politiques portent leurs fruits. Malgré la crise sanitaire, le nombre de jeunes demandeurs d’emploi est au plus bas depuis 2008.

Pourtant, certains jeunes risquent de ne pas profiter de la reprise et de rester durablement éloignés de l’emploi. Nous nous démarquons du reste de l’Europe par un taux de jeunes ni en emploi, ni en formation, ni en études qui reste trop élevé, particulièrement dans certains territoires d’outre-mer, comme vous l’avez rappelé.

C’est pour cela que nous mettrons en œuvre, dès le 1er mars 2022, le contrat d’engagement jeune, destiné aux 500 000 jeunes durablement éloignés de l’emploi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi pas avant ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous leur proposerons un accompagnement personnalisé et intensif entre 15 et 20 heures par semaine, assorti d’une allocation pour ceux qui en ont besoin.

Le contrat d’engagement jeune a vocation à remplacer la garantie jeunes en capitalisant sur l’expérience des missions locales.

Nous voulons également tirer parti de toutes les solutions du plan « 1 jeune, 1 solution », qui viendront enrichir les parcours. Je pense par exemple aux immersions en entreprise pour découvrir un métier, aux formations qualifiantes dans les secteurs en tension ou aux remises à niveau sur les compétences de base.

En deux mots, monsieur le sénateur, le contrat d’engagement, c’est du gagnant-gagnant. Pour les jeunes, c’est la possibilité d’accéder à l’autonomie grâce à un emploi. Pour les entreprises, c’est la possibilité de trouver le salarié ou l’apprenti dont elles ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas un emploi !

travailleurs pauvres

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Sebastien Pla. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pauvreté en France a un nouveau visage : le travailleur pauvre !

D’après les chiffres publiés par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) en octobre, les périodes de confinements et de restrictions d’activité ont conduit quatre millions de nos compatriotes à basculer, sinon dans la grande pauvreté, du moins dans une situation très préoccupante de fragilité.

Ces « nouveaux vulnérables » ont un profond sentiment de déclassement : ils travaillent dur et doivent reporter, ou à y renoncer, des dépenses essentielles de santé, d’équipement, d’alimentation, voire de logement.

Dans le même temps, l’écart salarial entre les femmes et les hommes continue de se creuser cette année, alors que celles-ci occupent 80 % des emplois à temps partiel et en sont les premières victimes.

Tous les jours, les associations d’aide aux plus démunis nous alertent sur l’explosion des demandes alimentaires, surtout chez les jeunes.

Quant à la baisse du chômage, elle cache une réalité cynique : elle s’est faite au prix d’une flexibilité du droit du travail et d’une précarisation des emplois, venant gonfler ainsi le nombre de travailleurs pauvres, faute d’une rémunération, d’une stabilité ou d’un temps de travail suffisants.

Madame la ministre du travail, comment peut-on accepter aujourd’hui, en France, que les gens qui travaillent dur ne s’en sortent pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Pla, bien évidemment, nous n’acceptons pas que certains travailleurs puissent ne pas vivre dignement de leur travail.

C’est notamment pour cela que, depuis des mois, dans le cadre de l’agenda social que nous avons lancé avec le Premier ministre au mois de juillet 2020, nous avons mis au cœur de nos discussions la situation des travailleurs de la deuxième ligne, tous ces travailleurs qui avaient été mis en lumière par la crise, qui connaissent trop souvent des conditions de travail et des conditions d’emploi que leur rémunération ne permet pas de compenser. Je pense effectivement aux secteurs de la propreté ou de la sécurité.

Pour permettre aux négociations de s’engager dans les branches, j’ai chargé deux expertes de faire la lumière sur les conditions de travail et de rémunération dans ces secteurs. Par ailleurs, nous avons invité les organisations patronales et syndicales à lancer des discussions visant à améliorer la situation de ces travailleurs de la deuxième ligne, dont, je le redis, nous avons pu voir toute l’utilité dans la crise.

Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire du fait que près de quarante branches appliquent aujourd’hui des minima de rémunération qui se situent en dessous du SMIC. Je peux vous dire, monsieur le sénateur, que chacune de ces branches sera reçue à mon ministère. Nous les inciterons à engager des négociations visant à revaloriser les minima de branche.

J’ajoute enfin, mais je pense que nous ne serons pas d’accord sur ce point, que c’est aussi un des objectifs de la réforme de l’assurance chômage. (Murmures indignés sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

En effet, le bas niveau de rémunération de nombreux salariés de ce pays tient non pas au taux horaire du SMIC, mais à la fragmentation à l’extrême des contrats de travail, à la précarisation des contrats de travail.

C’est bien contre cette précarité du travail que nous voulons lutter grâce à la réforme de l’assurance chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Fabien Gay. C’est raté !

Mme Michelle Gréaume. Vos propos sont honteux, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.

M. Sebastien Pla. Il va bien falloir que quelqu’un paye. Une fois de plus, ce seront les plus pauvres et les plus précaires.

Vous avez beau tordre les chiffres dans tous les sens, madame la ministre, vous n’arriverez pas nous faire croire que ce sont les ménages les plus modestes, notamment les précaires, qui ont été les grands bénéficiaires de votre réforme, de toutes les réformes d’ailleurs. Car, depuis la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ce qui progresse, c’est l’épargne des riches et la précarité chez les plus pauvres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

Vous savez, pour amuser le peuple, les Romains distribuaient du pain et offraient des jeux à la population ; vous, ce sont des chèques que vous offrez. Vous nous sortez du chapeau chaque semaine un nouveau gadget : le chèque énergie, l’indemnité inflation, le contrat d’engagement, etc. Jusqu’à quand cette affaire va-t-elle durer ? Jusqu’à l’élection présidentielle, j’imagine ! (Marques dironie sur les mêmes travées.)

Croyez-moi, les travailleurs n’attendent pas des étrennes électorales ni des négociations de branche ; ils veulent des résultats et des solutions durables, de suite. La réalité, madame la ministre, c’est que les travailleurs pauvres d’aujourd’hui sont condamnés à devenir les retraités pauvres de demain ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

conclusions du rapport de la mission d’information sur l’enseignement agricole

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, la mission d’information sur l’enseignement agricole, impulsée par le groupe RDSE, et dont j’ai été la rapporteure aux côtés du président Jean-Marc Boyer (Exclamations admiratives sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Sido applaudit.), a rendu ses conclusions, après de nombreux déplacements sur le terrain et de nombreuses auditions.

Un trait caractéristique résume nos impressions : le dynamisme.

Le dynamisme des apprenants, avec lesquels nous avons échangé : ils sont porteurs d’envie et d’espoir pour notre agriculture, mais aussi plus largement pour la vitalité des territoires ruraux.

Le dynamisme des personnels, qui ont toujours à cœur d’innover et de délivrer un enseignement d’excellence, comme le démontrent les résultats obtenus lors des examens, les meilleurs de toutes les filières.

Le dynamisme des responsables des différentes fédérations d’enseignement, qui s’efforcent d’adapter constamment le réseau aux défis comme aux contraintes, notamment aux contraintes budgétaires, celles-là mêmes que le Sénat avait jugées l’an dernier excessives, jusqu’à voter contre le budget proposé au projet de loi de finances (PLF).

Au terme de ce travail, nous sommes plus que jamais convaincus que l’enseignement agricole, qui doit impérativement rester dans votre giron, monsieur le ministre, est l’outil indispensable pour nos filières agricole et alimentaire, pour nos jeunes, pour nos terroirs, en métropole comme dans les outre-mer.

Pourtant, cet outil remarquable est aujourd’hui fragilisé, par les contraintes budgétaires, par l’agribashing, parce qu’il n’est pas assez valorisé par le système d’orientation et qu’il souffre d’une réelle concurrence avec l’éducation nationale, parce que nos agriculteurs n’ont pas encore une juste rémunération.

Nous estimons que l’enseignement agricole a besoin de perspectives nouvelles, d’un véritable projet stratégique et de moyens à la hauteur des enjeux. Vous avez annoncé certaines réformes, nous le reconnaissons, mais nous souhaitons que vous alliez plus loin. Saisissez-vous des 45 propositions de notre rapport pour offrir des perspectives de long terme à l’enseignement agricole ! Nos jeunes le méritent, l’avenir de notre agriculture en dépend.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part aujourd’hui de vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la présidente Nathalie Delattre, permettez-moi d’abord de vous remercier pour votre rapport, à la fois pour sa qualité et pour son contenu. (Murmures sur plusieurs travées.) Je remercie également le président Boyer et l’ensemble de vos collègues – je les sais nombreux –, qui ont énormément œuvré à sa réalisation.

Le Gouvernement partage pleinement votre vision (Murmures accentués sur plusieurs travées.), exprimée dans ce rapport : l’enseignement agricole est un atout, une chance, une pépite qu’il nous faut absolument préserver dans notre République. Cet enseignement agricole doit toujours rester, vous l’avez dit, dans le giron du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Soyez assurée, madame la présidente, que nous allons analyser vos 45 propositions avec beaucoup de détermination et que nous allons mettre en œuvre un maximum de ces propositions. (On siffle un air de pipeau à gauche.)

Certaines d’entre elles sont déjà d’ailleurs en application, vous l’avez évoqué dans votre question, du fait de la politique que je mène à la tête de ce ministère. (Mêmes mouvements.)

C’est d’autant plus important que, vous le savez et vous l’avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs, de nombreux défis se présentent devant nous.

Il y a celui du renouvellement des générations ; celui des dynamiques d’orientation, une question sur laquelle nous travaillons beaucoup avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; celui sur le contenu des formations, et vous faites à cet égard des propositions très précises sur la façon d’inclure des formations, y compris dans les domaines économique et de gestion, qui sont très importants ; celui sur les moyens.

Je tiens à vous informer, madame la présidente, nous aurons l’occasion d’en débattre dans les prochains jours, que, en ce qui concerne le schéma d’emploi, nous avons énormément évolué. Le schéma d’emploi initial prévoyait une réduction de 110 ETP (équivalents temps plein). Grâce à la hausse de 16 ETP dans l’enseignement supérieur agricole, la réduction dans l’enseignement technique agricole ne sera finalement que de 16 ETP. Bref, à l’échelle de la mission, c’est neutre.

Enfin, je voudrais partager avec vous une très bonne nouvelle, en lien avec le dynamisme que vous venez d’évoquer : l’année 2021 a été une année record sur les apprentis et le nombre d’apprenants à la rentrée de cette année est encore en augmentation. Nous le devons à l’ensemble des actions collectives que nous menons, dont celle de cette assemblée, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

taxonomie verte des investissements européens