M. Olivier Rietmann, rapporteur. Nous n’avons absolument rien contre le fait que Terre de liens privilégie ce mode de fonctionnement, en proposant des allocations pour l’installation de jeunes agriculteurs en bio. Le problème, c’est que, tel qu’il était rédigé, l’article ne s’appliquait qu’à un seul cas. Autrement dit, il s’agissait d’une loi d’exception. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Par ailleurs, quand on a parlé d’exemption pour les conjoints, on a encadré le dispositif pour éviter les effets de bord négatifs.

Je ne suis pas du tout dans la provocation ; simplement, je me dois d’imaginer tous les cas de figure. Qui me dit que, demain, Terre de liens ou telle autre foncière sociale ne va pas chercher à acquérir une exploitation lui donnant une forme de monopole sur une aire géographique ? Une telle situation déséquilibrerait complètement le fonctionnement de l’agriculture dans ce territoire…

M. Jean-Claude Tissot. Avec une seule opération ?

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Bien sûr, si elle dépasse deux, trois, quatre ou cinq fois le seuil.

On m’objectera peut-être que Terre de liens ne brigue jamais d’exploitations d’une telle dimension (M. Jean-Claude Tissot proteste.), que cette foncière ne vise que des exploitations très limitées. Mais, dans ces conditions, le seuil ne sera jamais franchi. Dès lors, cette société n’aura jamais à subir le moindre contrôle et le moindre avis négatif.

Quoi qu’il en soit, si Terre de liens franchit le seuil, il faut lui appliquer les mêmes règles qu’à toutes les autres sociétés : si ce franchissement de seuil place la société en situation de monopole, provoquant un déséquilibre de l’agriculture dans un territoire, il n’y a pas de raison que l’autorité administrative n’intervienne pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Mes chers collègues, je ne sais pas si vous mesurez pleinement la portée de nos précédents votes : nous avons tout de même donné un petit coup de canif dans le patrimoine familial. Ce n’est pas rien !

Je le répète, je salue la clairvoyance de M. le rapporteur et je lui apporte un soutien sans faille. Comment peut-on imaginer que la commission fait un procès à Terre de liens ? C’est une méprise complète (Exclamations sur les travées du groupe SER.), car nous n’entravons en rien l’accomplissement de ses missions sur le terrain.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 rectifié, 87 rectifié, 110 et 162.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 15 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 131
Contre 213

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 177, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 34 à 61

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 333-3. – I. – La demande d’autorisation est présentée par le bénéficiaire de la prise de contrôle au représentant de l’État dans la région du lieu du siège social de la personne morale visée par la prise de contrôle ou dans la région où la personne morale détient ou exploite le plus de surface.

« Le représentant de l’État dans la région peut déléguer tout ou partie de l’instruction de la demande à la ou l’une des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural de son territoire.

« Le représentant de l’État dans la région se prononce en tenant compte des effets de l’opération au regard des objectifs définis à l’article L. 331-1.

« Les modalités de présentation des demandes d’autorisation, d’instruction de ces demandes et de publicité des décisions ainsi que les frais et les taxes à la charge du demandeur sont déterminés par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 333-5.

« La décision du représentant de l’État dans la région est rendue publique.

« Le silence du représentant de l’État dans la région pendant un délai de deux mois à compter de la réception d’une demande d’autorisation dûment renseignée vaut décision de rejet.

« Les requérants peuvent formuler une nouvelle demande d’autorisation après avoir pris des mesures de nature à remédier aux effets négatifs de l’opération précédente.

« La décision de refus d’autorisation peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative, par des requérants limitativement désignés par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à redéfinir les modalités de la procédure d’autorisation prévue par le texte pour la simplifier et empêcher d’éventuels contournements. Ces derniers contribuent à institutionnaliser un contrôle du marché foncier agricole plus faible pour les sociétés que pour les exploitants individuels, ce qui est source d’inégalité.

Le texte actuel prévoit des mesures compensatoires qui permettraient de cautionner des agrandissements excessifs au motif que quelques hectares seraient laissés à un porteur de projet.

De plus, ces mesures compensatoires correspondent à des engagements à tenir après la vente, ce qui semble ouvrir la voie à des contentieux et à une insécurité juridique.

Autre point problématique, la sanction envisagée en cas de non-respect de ces mesures ne semble pas suffisamment dissuasive. Nous souhaitons donc supprimer cette possibilité de compensation.

Par ailleurs, en vertu du texte actuel, le silence de l’État dans le délai imparti vaut autorisation de la cession d’actions. Or, compte tenu des moyens humains dont disposent les Safer et les services de l’État, ce silence pourrait aboutir à autoriser des opérations qui auraient mérité une plus grande vigilance.

Aussi, nous proposons de simplifier la procédure et de la rendre plus équitable. Dans un délai de deux mois, avec le concours éventuel de la Safer, le représentant de l’État se prononcerait sur l’autorisation ou le refus de l’opération au regard des objectifs des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA). En parallèle, le silence de l’État vaudrait refus.

L’équilibre entre l’autorité de l’État et l’agilité permise par la délégation de mission d’intérêt public, via les Safer, s’en trouverait conforté. Il s’agit d’une procédure plus simple et transparente, inspirée de la proposition de loi du député socialiste Dominique Potier, qui a travaillé le sujet de longue date.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent une réécriture globale proche de la procédure administrative d’autorisation préalable.

Bien entendu, je souhaite comme eux simplifier le dispositif, mais ces dispositions ne me conviennent pas, pour les trois raisons suivantes.

Premièrement, la demande d’autorisation préalable doit être déposée auprès de la Safer au nom et pour le compte de l’autorité administrative, et non pas directement auprès des services préfectoraux. Dans tous les cas, les Safer se voient notifier les transactions sociétaires, ce qui permet de ne pas demander les mêmes informations deux fois. C’est également cohérent avec les autres dispositions du texte, une plateforme unique de télédéclaration devant être mise en place et gérée par les Safer.

Deuxièmement, il est préférable que la décision soit prise par le préfet de département, et non par le préfet de région.

Troisièmement et enfin, le silence gardé par l’autorité administrative pendant deux mois vaut bien acceptation. Il s’agit d’une disposition de droit commun spécifiée dans le code des relations entre le public et l’administration et faisant suite à un avis du Conseil d’État.

En conséquence, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 177.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 35

Remplacer les mots :

aux fins de déterminer si l’opération est susceptible :

les mots :

au regard des objectifs définis à l’article L. 331-1 ainsi que des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles.

II. – Alinéas 36 à 58

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Par cet amendement, nous souhaitons remplacer les nouveaux critères d’évaluation prévus à l’article 1er par une référence aux motivations des décisions prévues dans le cadre du contrôle de structure.

De plus, nous réitérons notre opposition à toute mesure compensatoire et à la procédure mise en place, qui ne permettra pas à l’administration d’effectuer son contrôle dans des conditions acceptables.

Nous l’avons dit, les critères pour le déclenchement de la procédure d’autorisation ne permettront de contrôler in fine que peu d’opérations. Si, de surcroît, l’on accepte les concentrations excessives contre l’engagement de prendre quelques mesures compensatoires, c’est tout l’édifice, par ailleurs complexe, prévu par le texte qui perd sa raison d’être.

Pis, ce système de dérogations et de compensations revient à légitimer l’agrandissement et le phénomène sociétaire. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. La Coalition foncière, qui regroupe de nombreuses associations, mais aussi des universitaires, nous met en garde : un tel dispositif ne fera qu’accélérer la financiarisation de notre agriculture et mettra à mal les contrôles traditionnels.

Plus grave encore, en lieu et place des sociétés agricoles traditionnelles transparentes, à taille humaine, nous risquons de voir s’étendre l’opacité et l’inégalité. De nombreux orateurs l’ont rappelé lors des débats à l’Assemblée nationale : une telle dérive contrevient à tous les principes républicains de régulation du foncier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 169, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 46 à 58

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement de repli vise à supprimer le mécanisme dérogatoire de mesures compensatoires, qui permettrait à certains d’obtenir une autorisation de prise de contrôle malgré la constatation d’un phénomène d’accaparement de terres.

Les mesures de compensation peuvent être mises en œuvre après l’autorisation du projet, ce qui pose un problème de sécurité juridique.

Ainsi, selon la communication interprétative de la commission sur l’acquisition de terres agricoles et le droit de l’Union européenne, les solutions autres que les régimes d’autorisation préalable risquent de ne pas offrir la même sécurité juridique aux transactions foncières.

Par exemple, des mesures postérieures au transfert, comme son annulation, compromettraient la sécurité juridique, laquelle revêt une importance fondamentale dans tout régime de transfert de terres.

Ainsi, la possibilité de compensation porte en elle le risque d’offrir un blanc-seing à l’accaparement, contre la promesse de libérer quelques hectares pour un porteur de projet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Cet amendement étant contraire à la position de la commission, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 169.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Perrin, Mme L. Darcos, M. Karoutchi, Mme Belrhiti, M. Somon, Mme Goy-Chavent, MM. Anglars, Klinger, Burgoa et Chaize, Mme Thomas, M. Longuet, Mme Ventalon, MM. Milon et Pointereau, Mme Imbert, MM. Genet, Laménie, Tabarot et Bonhomme, Mme Gosselin et M. C. Vial, est ainsi libellé :

Alinéa 32, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elle se prescrit par six mois à compter de la date de prise de contrôle soumise à autorisation.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L’amendement n° 60, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 32, dernière phrase

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

II. – Alinéa 57, seconde phrase

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous proposons de revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, car le passage d’un an à six mois ne nous semble pas réaliste.

Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Redon-Sarrazy, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Devinaz, Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 32, dernière phrase

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

La parole est à M. Sebastien Pla.

M. Sebastien Pla. Le IV de l’article L. 333-2 du code rural et de la pêche maritime, introduit par le présent texte, précise que toute opération réalisée en violation de cet article sera nulle.

Cette nullité pourrait être exercée par l’autorité administrative. Toutefois, l’action en nullité sera prescrite dans un certain délai. Les députés l’avaient fixé à douze mois, contre cinq ans dans le texte initial. En commission, le rapporteur a de nouveau réduit ce délai à six mois, estimant qu’il était nécessaire de « favoriser une action rapide et d’inciter l’administration à réagir en cas de manquement aux engagements ».

Or, si les contrôles venaient à se multiplier et si l’administration n’était pas en mesure d’instruire tous les dossiers dans un délai de six mois, la réduction du délai reviendrait, au contraire, à limiter la possibilité d’invoquer cette nullité. Cela ne nous semble pas aller dans le sens du renforcement des contrôles.

Aussi, nous proposons de revenir au texte de l’Assemblée nationale : un délai de douze mois nous semble plus équilibré.

Mme la présidente. L’amendement n° 171, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 57, seconde phrase

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

cinq ans

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Pour notre part, nous proposons d’allonger à cinq ans ce délai de prescription de l’action en nullité.

Un délai de six ou de douze mois serait beaucoup trop court pour la procédure contentieuse que devra engager l’administration après le retrait de l’autorisation pour non-respect des engagements pris au titre des mesures compensatoires.

Nous avons déjà souligné ici la faiblesse des moyens dont dispose l’administration pour traiter ces questions. Si le délai est trop court, le pouvoir de sanction des opérations frauduleuses risque de ne pas être effectif, ce qui est éminemment problématique.

Il faut que l’administration puisse constater le non-respect des engagements, puis lancer une procédure. En elles-mêmes, ces mesures compensatoires nous laissent déjà très sceptiques. Le fait que leur non-respect puisse difficilement être sanctionné contribue encore à affaiblir le dispositif. Il est donc préférable de revenir à une durée de prescription de cinq ans, comme les auteurs de la proposition de loi l’avaient initialement prévu.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 106 est présenté par M. Buis, Mmes Evrard, Schillinger, Duranton et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 122 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Decool, Médevielle, A. Marc et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Capus et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret.

L’amendement n° 159 rectifié est présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 57, seconde phrase

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 106.

M. Bernard Buis. Nous souhaitons rallonger le délai de prescription de l’action en nullité. À l’heure actuelle, il est manifestement beaucoup trop court pour une procédure contentieuse qui, consécutivement au retrait de l’autorisation, devra être engagée par l’autorité administrative devant les juridictions judiciaires pour annuler la prise de participation litigieuse.

Aussi, nous proposons de porter ce délai de six à douze mois.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 122 rectifié bis.

M. Franck Menonville. Cet amendement, identique au précédent, vise à porter de six à douze mois le délai de prescription de l’action en nullité pour non-respect des engagements contractuels pris au titre des mesures compensatoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 159 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, comme les précédents, vise à revenir à la rédaction initiale du texte en fixant à douze mois le délai de prescription de l’action en nullité ; ce délai nous semble plus raisonnable que les six mois prévus par la commission, compte tenu des enjeux de régulation du foncier qui sont au cœur de ce texte. L’administration doit pouvoir disposer du temps nécessaire pour réagir au terme de la procédure de contrôle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Ces amendements en discussion commune constituent deux ensembles distincts.

Dans le premier, constitué des amendements nos 143 rectifié, 60 et 92 rectifié, il est question du délai de prescription à l’expiration duquel une action en nullité ne peut plus être engagée par l’administration en cas de cession illégale, c’est-à-dire quand une société a été vendue sans déclaration ni dossier de contrôle par la Safer, alors que cette vente dépassait les seuils de prise de contrôle et d’accroissement significatif fixés.

En commission, nous avons réduit ce délai de douze à six mois : il s’agit d’inciter l’administration à réagir vite en cas de cession illégale, afin de permettre une meilleure régulation du marché foncier agricole.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 60 et 92 rectifié, qui tendent à rétablir la version initiale du texte.

En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 143 rectifié de Daniel Gremillet, qui vise à préciser que ce délai de six mois court à compter de la prise de contrôle de la société.

N’oublions pas que, dès l’instant où il y a vente d’une société, il y a publicité ! Tout le monde sera donc au courant que cette société a été vendue, alors même qu’elle n’est pas soumise à ce système du contrôle ; il sera très facile de faire remonter cette information à l’administration, qui pourra immédiatement engager une procédure. Le délai de six mois pourra donc vraiment être respecté ; il n’est pas nécessaire d’aller plus loin.

Dans le second ensemble, constitué de l’amendement n° 171 et des amendements identiques nos 106, 122 rectifié bis et 159 rectifié, il est question du délai de prescription avant l’expiration duquel une action en nullité peut être engagée lorsque l’autorité administrative retire son autorisation du fait de l’absence de concrétisation des engagements pris par la société au titre des mesures compensatoires.

Dans ce cas de figure, il y a bien eu déclaration de la cession, il y a bien eu un contrôle, au terme duquel des mesures compensatoires ont été prévues, mais cet engagement n’a pas été respecté. Là n’est pas le point de départ du délai de six mois. Dès l’instant où le préfet se rend compte que les mesures compensatoires n’ont pas été prises, il met en œuvre un ensemble d’actions : une information, une mise en demeure, une sanction pécuniaire et le retrait de l’autorisation.

C’est seulement au terme de cette procédure que commence à courir le délai de prescription que nous avons décidé en commission, pour les mêmes impératifs de réactivité que j’ai exposés au sujet des amendements précédents, de ramener de douze à six mois.

Ces six mois courent à partir du moment où le préfet a achevé de mettre en œuvre toutes les mesures à sa disposition pour contraindre la société en cause à appliquer réellement les mesures compensatoires.

La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 106, 122 rectifié bis et 159 rectifié, qui tendent à rétablir le texte dans sa version initiale, et a fortiori sur l’amendement n° 171, qui vise à allonger ce délai de prescription à cinq ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Mon avis est à peu près opposé à celui que vient d’émettre M. le rapporteur sur ces divers amendements.

Certes, nous sommes tout à fait en accord quant à la philosophie de cette partie de l’article ; notre divergence porte simplement sur la durée – six ou douze mois – du délai au terme duquel l’action en nullité est prescrite.

Pour ma part, j’estime que douze mois valent mieux que six, ne serait-ce que pour permettre, le cas échéant, l’ensemble des vérifications nécessaires et des échanges avec les porteurs de projet ; les auteurs de l’amendement n° 171 proposent quant à eux un délai de cinq ans, ce qui me paraît pour le coup totalement excessif.

J’émets donc un avis favorable sur les amendements nos 60, 92 rectifié, 106, 122 rectifié bis et 159 rectifié, et un avis défavorable sur l’amendement n° 171.

Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 143 rectifié. J’estime en effet que ce délai de prescription doit courir, non pas à partir de la prise de contrôle de la société, mais seulement dès lors l’autorité administrative en est véritablement informée.

J’entends bien que cette vente aura donné lieu à publicité ; mais on ne peut pas sérieusement confier à l’autorité administrative, c’est-à-dire au préfet de département ou de région, le soin d’aller vérifier chacune des ventes publiées au registre des sociétés…

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Pas au préfet lui-même ! Et les voisins s’en chargeront bien…

M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le rapporteur, comment les agents des préfectures pourraient-ils vérifier chaque matin l’ensemble des annonces légales ?

Il est bien plus logique de faire peser sur le porteur de projet l’obligation de prévenir l’administration, si l’on veut que l’action de l’État soit effective. Cela me semble tout de même de meilleure politique que d’imposer à nos fonctionnaires de passer une heure et demie chaque matin à éplucher toutes ces annonces !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Rietmann, rapporteur. Monsieur le ministre, je tiens à apporter une petite précision pour ramener les choses à leur juste valeur : ce texte concerne tout au plus une bonne centaine de dossiers par an sur l’ensemble du territoire national. Il n’y aura donc pas beaucoup de dossiers par département.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. M. le rapporteur affirme que les services de l’État pourront vérifier toutes les annonces de vente publiées ; mais cela implique que la personne qui en serait chargée à la Safer, ou plutôt le fonctionnaire compétent à la direction départementale des territoires (DDT) de chaque préfecture, devra identifier ce qui, parmi toutes ces annonces, relève ou non d’une cession de parts sociétaires soumise à ce dispositif.

Je veux bien, mais si nous voulons que l’action de l’État soit efficace, soyons pragmatiques !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Pour un dossier par préfecture et par an, on ne va pas chipoter !

M. Julien Denormandie, ministre. C’est à la personne qui porte le projet de fournir cette administration à l’administration ; sinon, on ne peut pas défendre ce pour quoi nous plaidons au sujet de la fonction publique.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. M. le rapporteur l’a rappelé : on parle de cent dossiers par an dans toute la France, c’est-à-dire d’un dossier par préfecture et par an en moyenne.

Monsieur le ministre, je peux vous le promettre, les Safer sauront tout à fait quelles ventes relèveront de ce dispositif, parce qu’elles sont aux aguets sur toutes les transactions.

Cela étant dit, on ne va pas chipoter entre six et douze mois : pour notre part, nous sommes pour un délai de prescription de six mois et nous reviendrons sur ce sujet en commission mixte paritaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 143 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement est adopté.)