Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire qui frappe notre pays et le monde depuis maintenant deux ans aura bouleversé nos vies à bien des égards. Elle aura aussi été un électrochoc pour les 2,8 millions d’étudiants en France, un révélateur de la précarité dans laquelle un grand nombre d’entre eux se trouvent.

Elle aura ainsi mis en lumière un malaise certain auquel il nous faut répondre.

Comment ne pas comprendre ce malaise, lorsque l’on voit ces étudiants faire la queue pour recevoir une aide alimentaire ?

Comment ne pas comprendre ce malaise, lorsque l’on entend les témoignages d’étudiants déprimés, isolés, alors même que l’on a coutume de dire que les années d’études supérieures sont les plus belles de nos vies, puisqu’elles sont l’occasion de gagner en autonomie, en connaissances et en responsabilité ?

Ce moment crucial nécessite que les étudiants, pour pouvoir s’épanouir pleinement et se former, disposent de conditions d’existence décentes. Il nécessite également un suivi efficace et individualisé permettant aux étudiants de s’adapter à leur nouvel environnement, suivi que les « visios » ne peuvent malheureusement pas remplacer.

Face à ce malaise qui s’exprime, le Sénat a décidé, au mois de mars 2021, de créer une mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France. Celle-ci a avant tout permis d’écouter les principaux concernés, en premier lieu les associations d’étudiants, afin de mieux comprendre cette réalité. Elle a également apporté, grâce aux nombreux échanges et déplacements effectués durant près de quatre mois, des pistes de réflexion intéressantes pour répondre aux difficultés que rencontrent les étudiants dans leur quotidien.

Le rapport d’information issu de nos travaux verse donc au débat un certain nombre de propositions sur des thématiques diverses.

Je pense à la crise du logement et aux 250 000 logements étudiants qui manquent pour répondre à la demande. Nous proposons notamment de relancer la dynamique de création de logements étudiants sur l’ensemble du territoire en prenant en compte les perspectives d’évolution de la démographie étudiante et le prix local de l’immobilier.

Je pense à l’accès aux soins, à la santé psychologique et à l’alimentation, quand nous savons que près d’un étudiant sur deux déclare sauter des repas pendant une semaine de cours.

La santé mentale des étudiants, en particulier durant cette période de crise sanitaire, doit également être au cœur de nos préoccupations.

Je pense à l’encadrement de l’enseignement à distance, celui-ci ayant parfois montré ses limites pour un certain nombre d’étudiants qui ne disposaient pas d’outils numériques ni même d’un logement adéquat pour étudier dans les meilleures conditions.

L’accès aux stages, qui occupent désormais une place centrale dans de nombreux cursus, reste une source de préoccupation pour les étudiants, en particulier pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un réseau à leur disposition.

Il s’agit pourtant d’un enjeu majeur, puisque les stages conditionnent souvent l’obtention du diplôme et favorisent une insertion plus rapide sur le marché du travail.

À cet égard, le Gouvernement a apporté des réponses concrètes via le plan « 1 jeune, 1 solution », doté de 9 milliards d’euros, qui comprend un volet spécifique destiné aux offres de stages.

Je pense, enfin, à l’emploi étudiant, puisque quatre étudiants sur dix travaillent en plus de leurs études pour payer leur loyer, rembourser leur prêt étudiant ou tout simplement vivre dans des conditions dignes.

Je veux ici saluer le travail de cette mission d’information et l’esprit de consensus de son président, Pierre Ouzoulias, et de son rapporteur, Laurent Lafon, auteur de cette proposition de résolution.

Nos travaux démontrent l’intérêt du Sénat pour ces problématiques majeures et notre volonté commune d’y apporter des solutions.

Le Gouvernement et la majorité présidentielle sont pleinement conscients des difficultés que rencontrent les étudiants, en particulier durant la crise sanitaire.

C’est pourquoi un certain nombre de dispositifs ont été mis en place pour accompagner les étudiants, notamment d’un point de vue financier et sanitaire.

Ainsi, le dispositif des « chèques psy » a permis aux étudiants qui en avaient besoin d’aller consulter un psychologue sans avoir à avancer de frais. La mission d’information a d’ailleurs salué ce dispositif et en propose la prolongation.

Les repas à un euro pour tous les étudiants, boursiers ou non, furent l’un des outils de lutte contre la précarité alimentaire, que la crise a amplifiée. Le gel des loyers dans les résidences universitaires et le gel des droits d’inscription ont également participé à cette lutte contre la précarité étudiante.

Le renforcement du dispositif des prêts étudiants garantis par l’État à hauteur de 20 000 euros permet aux étudiants d’emprunter pour financer leurs études, sans apport personnel.

La revalorisation des bourses sur critères sociaux est enfin un outil de justice sociale, puisqu’elle permet à des milliers d’étudiants de poursuivre leur cursus dans les meilleures conditions.

En tout état de cause, le groupe RDPI soutiendra cette proposition de résolution, qui pose des principes et des recommandations que ses membres partagent pleinement.

Son adoption permettra d’envoyer un message fort à l’ensemble des acteurs du monde étudiant et aux étudiants eux-mêmes. Elle témoignera en outre de la prise en compte des difficultés rencontrées par les étudiants et du malaise exprimé par nombre d’entre eux durant la crise sanitaire, et de notre volonté de les accompagner davantage.

Notre ambition commune consiste à faire en sorte que la « génération covid » et les générations futures puissent s’épanouir dans leurs études, se former et s’insérer durablement sur le marché de l’emploi.

Nous voterons donc avec enthousiasme cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – Mme Monique de Marco, MM. Hussein Bourgi et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, prendre soin de nos jeunes, c’est préparer notre avenir. C’est une évidence pour tous les parents ; ce devrait l’être pour tous les pays. Investir dans la jeunesse, c’est miser sur l’avenir en stimulant l’excellence qui nous permettra de tenir notre rang.

C’est particulièrement vrai pour les étudiants, qui se forment pour participer à un projet de société. Cette période d’études joue un rôle charnière entre deux moments de la vie ; elle cristallise, pour beaucoup, le passage effectif à l’âge adulte.

Or, depuis le début de la pandémie, voilà près de deux ans maintenant, beaucoup de nos jeunes ont l’impression d’être passés à côté de leur vie étudiante, si l’on peut dire, comme si le virus leur avait volé ces années qu’on leur promettait si heureuses et si intenses. Ils éprouvent le sentiment d’avoir joué de malchance. Nous connaissons tous des jeunes qui nous ont fait part de cette immense déception.

C’est pourquoi je tiens à saluer l’initiative de cette proposition de résolution. Elle a, à mes yeux, l’immense mérite de poser une question fondamentale pour nos travaux : celle de la qualité de vie des étudiants. Indirectement, comme je l’ai dit d’emblée, c’est de l’avenir de notre pays qu’il est en fait question.

Je tiens aussi à souligner le calendrier retenu pour l’examen de ce texte. J’y vois trois éléments importants.

Le premier élément de calendrier, c’est bien évidemment la crise sanitaire, qui dure depuis bientôt deux ans. Nombre de nos jeunes considèrent déjà – à juste titre, selon moi – que cette période de leur vie a été gâchée par le virus.

Pour une large part, le mal est fait, car on ne récupère pas ces années-là. Comme c’est le cas pour tous les autres sujets, cette crise extraordinaire doit nous donner l’occasion de réfléchir aux moyens d’améliorer la situation ordinaire.

Possibilité nous est ainsi donnée de poser un diagnostic lucide sur ce qui constitue la qualité de vie des étudiants.

De façon évidente, la crise nous a rappelé que les études ne se résumaient pas à l’absorption de contenus pédagogiques.

Tâchons donc, à l’avenir, de nous souvenir que le contact humain avec les professeurs, la convivialité et les échanges intellectuels avec les camarades, la fréquentation des locaux de son école ou de son université, voire le fait d’habiter sur un campus, de vivre là où se crée et se transmet le savoir, d’y faire du sport, activité bien mise à mal par la pandémie, sont autant d’éléments déterminants pour la qualité de vie des étudiants.

Il y a donc une dimension spatiale, physique, des études, qui les ancre dans un territoire, dans une géographie donnée. J’insiste sur ce point, car cette dimension me paraît essentielle aux travaux du Sénat, chambre des territoires. Eh oui, mes chers collègues, on n’est pas étudiant dans le métavers !

Nous sommes tous ici attachés à la dynamisation de nos territoires. Or nous savons aussi l’effet d’entraînement que les lieux de formation, d’études et de recherche ont sur les bassins d’activité.

Ces lieux stimulent bien sûr des activités directes, logement, restauration, transports, culture, voire tourisme.

Plus structurellement, développer des lieux d’études sur un territoire, c’est catalyser une dynamique d’activité ; c’est miser sur une formation, une industrie, un environnement ; c’est accroître l’innovation et l’encadrement au sein même des entreprises locales ; c’est stimuler, demain, un rayonnement de la souveraineté intellectuelle et économique de notre pays.

En d’autres termes, travailler à améliorer la qualité de vie des étudiants, ce n’est pas du tout offrir un confort superflu : c’est investir pour œuvrer, de façon concrète et opérationnelle, au redressement, à l’indépendance et au rayonnement de notre pays.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Vanina Paoli-Gagin. C’est pourquoi je soutiens plusieurs des recommandations contenues dans cette proposition de résolution.

Je pense notamment au dispositif, déjà évoqué, de guichet unique en matière d’aides sociales, qui doit simplifier la vie des étudiants et faciliter leurs projets d’études et de mobilité.

Je pense également à la prolongation du dispositif des repas à un euro, lancé par le Gouvernement, qui répond concrètement aux problèmes des étudiants précaires.

Je songe enfin à la facilitation du cumul entre études et jobs étudiants, qui contribue aussi à la formation professionnelle.

Le deuxième élément de calendrier qui me paraît important, c’est bien évidemment la proximité des prochaines échéances électorales, qui structure largement notre débat public.

Dans ce contexte, toute initiative plaçant la qualité de la vie de nos étudiants au cœur des débats est utile. Bien sûr, chacun promouvra des propositions différentes, suivant sa sensibilité politique, mais je crois que nous pouvons tous ici nous accorder sur l’enjeu vital que représente ce sujet pour notre pays.

Le troisième et dernier élément de calendrier découle du deuxième : la prochaine rentrée universitaire se fera au cours d’un nouveau quinquennat. Si nous espérons tous qu’elle ne sera pas placée sous le signe de la crise sanitaire, elle sera en tout cas gonflée de nouveaux espoirs, pour certains, de nouvelles craintes, pour d’autres. Ce sera l’occasion de définir de grandes priorités d’action.

En tout état de cause, particulièrement en cette année 2022, année européenne de la jeunesse…

Mme le président. Ma chère collègue, je dois vous interrompre, car votre temps de parole est épuisé.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de résolution. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

Mme le président. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout au long du premier semestre de l’année 2021, notre mission d’information a procédé à une étude approfondie des conditions de la vie étudiante à partir de témoignages d’experts, de représentants d’associations étudiantes et d’acteurs de l’enseignement supérieur. J’ai été très heureuse d’y participer.

L’analyse du parcours des étudiants réalisée par notre mission s’est voulue linéaire, s’attachant à relever les obstacles rencontrés par nos jeunes, de leur entrée dans l’enseignement supérieur jusqu’à la préparation de leur insertion professionnelle.

L’entrée dans l’enseignement supérieur constitue non seulement une forme de rite initiatique, mais aussi une rupture très marquée dans la vie sociale de la plupart de nos jeunes.

La première rupture est familiale, puisque l’étudiant quitte un environnement affectif connu et protecteur pour un parcours d’études souvent solitaire dans une ville éloignée de celle où il a vécu.

La perte de repères induite par cet éloignement géographique et affectif peut être profondément déstabilisante pour ceux qui ont une capacité moindre à s’adapter au changement.

La seconde rupture est liée à la nature de la formation choisie. Si un grand nombre d’étudiants font le choix éclairé de la formation dans laquelle ils s’engagent, combien la choisissent par défaut ou par méconnaissance de leurs idéaux professionnels, avec le risque avéré d’un échec, dont ils auront parfois du mal à se remettre ?

Pour traiter ces deux problématiques, la mission d’information plaide pour un ancrage renforcé de l’enseignement supérieur dans les territoires.

Le choix du campus est fondamental dans le premier cycle d’enseignement supérieur. Pour l’étudiant, la possibilité d’intégrer une formation dans un campus à taille humaine proche de son domicile familial est l’une des conditions de sa réussite académique.

À cet égard, l’institut national universitaire d’Albi, dont les formations se répartissent sur quatre sites – Albi, Rodez, Castres et Figeac –, pourrait être érigé en exemple.

De taille réduite, il accueille 4 000 étudiants qui, pour 80 % d’entre eux, ont choisi le critère de la proximité géographique de la résidence familiale comme déterminant leur choix de formation.

L’implantation de l’université d’accueil dans un environnement familier facilite la transition vers l’enseignement supérieur, voire la conditionne, comme certains experts nous l’ont indiqué. Les étudiants conservent intacts leurs liens familiaux, amicaux ou associatifs. Ils bénéficient aussi d’un accompagnement beaucoup plus aisé et précis que celui dont ils pourraient bénéficier dans des structures universitaires de plus grande taille.

C’est pourquoi notre mission d’information préconise de développer un maillage de petites villes universitaires, privilégiant des complémentarités territoriales, à l’image de ce que proposent en Europe l’Italie ou l’Allemagne.

La qualité de vie et la réussite des étudiants tiennent par ailleurs beaucoup à l’ancrage territorial des établissements d’enseignement supérieur et à l’engagement des collectivités locales, comme notre mission d’information a pu le constater.

Certaines collectivités s’impliquent d’ailleurs directement dans le développement d’une offre locale de formation supérieure. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé, avec des formations destinées à pallier le manque de professionnels maîtrisant telle ou telle compétence précise.

D’autres s’engagent pour créer les campus de demain, des campus pensés comme des lieux de vie ouverts sur la ville et intégrés à la cité. Il est loin le temps des campus anonymes, désertés par leurs étudiants une fois les enseignements dispensés.

Le campus de demain doit offrir des équipements à usage partagé et être un lieu de vie sociale, culturelle et sportive, parfaitement inséré dans le tissu urbain grâce à un effort accru en matière de transports en commun.

Les questions d’aménagement du territoire y sont prégnantes, de même que les préoccupations environnementales, d’accessibilité et de logement, comme c’est le cas pour un campus que je connais particulièrement bien, celui de l’université Paris-Saclay.

J’ajoute que le lien avec le tissu et les acteurs socio-économiques doit être fort.

Pour certaines universités, ce lien est même fondamental et la recherche d’adéquation entre les formations proposées et l’emploi local, destinée à favoriser l’employabilité des étudiants, est une démarche systématisée.

Notre mission d’information a constaté que la capacité des établissements à garantir une certaine adéquation entre les parcours de formation et les offres d’emploi, en travaillant avec les acteurs socio-économiques locaux, constituait un facteur très net de différenciation entre universités.

Concernant l’université Paris-Saclay, l’interaction entre la recherche et le tissu économique crée les conditions de l’excellence scientifique et de la vitalité entrepreneuriale. Nos étudiants y trouvent un environnement de travail et une qualité de vie particulièrement propices à leur épanouissement et à leur accomplissement personnel et professionnel.

Bien entendu, ce modèle ne peut être dupliqué en tout point du territoire, mais il illustre bien la nécessité d’inscrire l’enseignement supérieur au cœur des politiques d’aménagement du territoire en s’appuyant sur l’échelon local, comme le recommande notre mission d’information.

Le choix de la proximité pour l’accès à l’enseignement supérieur et l’ancrage territorial des établissements sont parmi les pistes de réflexion les plus crédibles, là où il s’agit d’améliorer les conditions de la vie étudiante en France.

Gageons que les travaux et les propositions du Sénat en la matière seront suivis attentivement. Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Hussein Bourgi et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les étudiants font partie des victimes indirectes, oubliées de la crise sanitaire. Nous savons que cette crise n’a fait que décupler leurs problèmes, tant du point de vue sanitaire et alimentaire qu’en matière d’accès au logement.

Au Sénat, nous avons été plusieurs à interpeller le Gouvernement lors des questions d’actualité et à l’occasion de débats. Les réponses apportées n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes.

Je tiens à remercier Laurent Lafon et Pierre Ouzoulias, ainsi que les membres de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante, de leur investissement sur ce sujet essentiel pour l’avenir de la jeunesse de notre pays.

Cette proposition de résolution vient conclure notre travail. Elle présente avec acuité les problèmes auxquels sont confrontés les étudiants de notre pays. La fin du confinement et la reprise économique n’ont pas permis à ceux-ci de sortir des difficultés financières et la demande d’aide alimentaire n’a malheureusement pas baissé.

Les distributions de vivres se multiplient dans les universités. Les Restos du Cœur ont dû ouvrir un centre dédié à l’université d’Évry. En Gironde, c’est l’équivalent de 220 000 repas qui ont été servis en 2021. Beaucoup d’associations, de mairies, de départements, de régions agissent en lien avec le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et les universités pour aider les étudiants en difficulté.

Les besoins ne s’arrêtent pas à l’aide alimentaire.

La difficulté à se loger s’accroît d’année en année. Il n’y a pas suffisamment de logements étudiants et les prix du parc locatif privé sont souvent bien trop élevés. La FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes, a relevé une augmentation de plus de 5,5 % du montant des loyers à la rentrée 2021 par rapport à 2020.

Là encore, nous pouvons compter sur des associations et sur les syndicats étudiants, qui mettent en place des réseaux d’entraide et trouvent, dans la mesure du possible, des logements d’urgence aux étudiants. Reste que de trop nombreux jeunes sont contraints d’abandonner leurs études ou de choisir des filières par défaut, faute de pouvoir se loger et financer leurs études.

Les Crous et les universités jouent également un rôle important pour aider les étudiants en difficulté, par le biais d’aides ponctuelles d’urgence, qui sont autant de pansements sur une jambe de bois…

Cette situation d’urgence a bien trop duré ! Nous le savons tous : il faut une vraie réforme du système d’aide aux étudiants.

Tous les acteurs du secteur le disent, la majorité des étudiants qui demandent actuellement des aides ne sont pas boursiers. Madame la ministre, votre gouvernement avait pourtant promis à plusieurs reprises la refonte du système de bourse. Les étudiantes et les étudiants l’attendent toujours.

Vous avez jugé cette réforme « trop complexe ». Ne pensez-vous pas qu’il est « complexe » pour les étudiants de dépendre de l’aide alimentaire et qu’il s’agit d’une situation infamante pour un pays comme la France ? Les étudiants ne devraient-ils pas n’avoir à se préoccuper que de la réussite de leurs études ?

Il faut ajouter à ce triste constat les difficultés d’accès à la santé et le besoin d’accompagnement psychologique, qui s’est fortement accru lors de la crise sanitaire.

Nous, membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, soutenons évidemment les préconisations de cette proposition de résolution. Cependant, nos attentes pour les étudiants vont plus loin.

Nous souhaitons la réforme du système de bourse via la création d’une allocation d’autonomie pour tous les étudiants ; l’augmentation significative du nombre de logements étudiants à loyer modéré et la revalorisation des aides au logement ; le rétablissement du ticket à un euro dans les restaurants universitaires pour tous les étudiants, les investissements nécessaires étant de surcroît réalisés au sein des Crous afin que ceux-ci puissent gérer correctement l’augmentation du nombre d’usagers.

Nous souhaitons aussi le recrutement plus massif d’assistantes sociales et de psychologues au sein des Crous et des universités, ainsi qu’une revalorisation de leurs salaires ; la mise en place d’un accompagnement personnalisé des étudiants via l’embauche pérenne de personnels qualifiés susceptibles de les suivre dans leur parcours universitaire ; une véritable politique d’aménagement du territoire, enfin, au service du développement de petites structures de proximité qui auront des effets positifs sur la vitalité des territoires et amélioreront la qualité de vie des étudiants.

Ces mesures ne sont pas « complexes ». Il s’agit non de dépenses inutiles, mais bien d’investissements nécessaires pour l’avenir de notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution porte dans l’hémicycle l’essentiel des conclusions du rapport de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante, dont le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, était le rapporteur, rapport qui a été voté à l’unanimité au mois de juillet 2021.

Elle est symboliquement cosignée par tous les membres du bureau de la mission d’information, donc par tous les groupes politiques du Sénat. Ainsi démontrons-nous sa continuité avec ce travail collectif et exprimons-nous notre accord avec son bilan et ses préconisations. Je remercie Laurent Lafon et le groupe Union Centriste de nous permettre d’en discuter en l’inscrivant à l’ordre du jour des travaux du Sénat.

Nul ne peut plus ignorer la profonde dégradation des conditions de vie des étudiants, tant notre pays a été heurté et meurtri par les images de ces jeunes réduits à trouver leur pitance auprès des banques alimentaires. La crise sanitaire n’a été que le point ultime d’une lente déliquescence de leurs moyens de se nourrir, de se loger, de se soigner et, en définitive, d’étudier.

En effet, les politiques publiques mises en œuvre depuis au moins deux décennies avaient oublié l’essentiel, que rappelle justement et très simplement cette proposition de résolution : il n’est pas possible d’apprendre le ventre vide, d’apprendre dans la promiscuité d’un logement trop petit, d’apprendre avec une vue mal corrigée, d’apprendre avec un mal de dents non soigné, d’apprendre avec la peur de perdre son emploi précaire quand il apporte tout le revenu.

Les étudiants ne sont pas des cerveaux dans lesquels des connaissances sont déversées et que l’on stimule en donnant l’illusion qu’ils participent à une compétition internationale dont les règles les ignorent. Le classement de Shanghai est moins efficace que les Restos du Cœur pour secourir les étudiants ! Notre proposition de résolution relève une évidence coupablement négligée : l’accompagnement personnalisé des étudiants dans toutes leurs activités matérielles est une condition essentielle de leur réussite académique.

Notre mission d’information a eu la surprise de constater, à cet égard, que ce sont souvent les petits établissements, éloignés des grandes métropoles, qui ont réussi à proposer aux étudiants les dispositifs d’accompagnement les plus efficaces. Ce résultat est obtenu par la mobilisation exceptionnelle de toutes leurs équipes au service de la réussite des étudiants.

Je prends à mon tour, après Laure Darcos, l’exemple de l’institut national universitaire Champollion d’Albi. Son succès est double. Il offre un cursus universitaire à des jeunes issus de la ruralité qui n’auraient eu ni les moyens financiers ni même la volonté de s’inscrire dans une université de taille supérieure et il parvient à les conduire jusqu’à la fin de la licence par un suivi individuel de grande qualité. Son taux de réussite est ainsi l’un des meilleurs de France. Ce travail profite aux étudiants, mais aussi à leurs territoires.

Il est donc regrettable que cette excellence républicaine, qui vise la promotion des individus et des collectivités dans lesquelles ils vivent, ne soit pas mieux aidée et valorisée. A contrario, cet exemple vertueux démontre que l’échec en licence n’est pas une fatalité et qu’il est possible de le résorber par des politiques volontaristes adaptées à chaque situation.

Affirmons-le avec force : il y a une solution budgétaire, donc politique, au problème de la réussite estudiantine. L’origine des difficultés profondes dont souffrent les universités est unanimement reconnue : c’est le sous-investissement chronique. Le Conseil d’analyse économique, organisme placé auprès du Premier ministre, et la Cour des comptes viennent très récemment de l’analyser sans contredit.

Je ne retiens que deux chiffres, déjà cités, de ces bilans affligeants. La dépense intérieure par étudiant baisse inexorablement depuis plus de dix ans et, durant la même période, les effectifs étudiants ont augmenté de 20 %, quand le nombre d’enseignants diminuait de 2 %.

Le Conseil d’analyse économique considère que cette dépression budgétaire a des conséquences économiques néfastes sur le marché du travail, la productivité et l’innovation, mais aussi sur la cohésion sociale, car l’université est incapable de corriger les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Il estime qu’il faudrait consacrer entre 5 milliards et 8 milliards d’euros supplémentaires par an pour remettre à flot le système universitaire.

C’est beaucoup d’argent, mais finalement bien peu pour donner à notre jeunesse des raisons d’espérer dans son avenir et à notre pays une voie pour surmonter les épreuves à venir par l’investissement dans la connaissance et l’engagement républicain renouvelé en faveur de l’émancipation humaine. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – MM. Laurent Lafon et Claude Kern applaudissent également.)