Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, dans un premier temps, à remercier les auteurs de cette proposition de résolution sur le développement de l’agrivoltaïsme. En effet, ce sujet soulève de multiples questions, dont nous avons eu l’occasion de débattre au cours des derniers mois : revenu des agriculteurs, préservation du foncier agricole, développement des énergies renouvelables et évolution de notre mix énergétique, un des outils permettant d’atténuer les effets du changement climatique.

En ce sens, ce sujet n’est pas anodin, car il soulève de nombreuses interrogations liées à la question de la multifonctionnalité de l’agriculture et de la vocation des agriculteurs à fournir à la société des biens autres qu’alimentaires.

En effet, agriculture et énergie sont fortement liées.

D’une part, l’agriculture est un secteur clef dans la transition énergétique et climatique. Si elle est fortement émettrice de gaz à effet de serre, environ 20 % de la production d’énergies renouvelables française en est issue. À cet égard, l’énergie en agriculture ne peut plus être considérée comme un enjeu secondaire.

D’autre part, les agriculteurs sont les premiers touchés par le changement climatique, par la perte de biodiversité et par l’appauvrissement des sols. Je le répète, ce qui est essentiel dans l’agrivoltaïsme, c’est l’agriculture et non la production d’énergie, qui doit dépendre, selon nous, d’un grand service public national.

Néanmoins, comme la petite hydroélectricité, dont nous avons débattu grâce à une initiative de notre collègue Daniel Gremillet, cette pratique peut avoir, si elle est maîtrisée, quelques vertus. L’agrivoltaïsme peut en effet être un outil agricole ayant pour but premier de protéger les cultures – par exemple des températures extérieures, trop fraîches ou trop élevées, ou de la grêle – ou encore de permettre de réduire la consommation d’eau.

Toutefois, si le secteur agricole a toute sa place dans la production d’énergie, il n’en demeure pas moins qu’il faut veiller à ne pas engendrer des conflits d’usage de la terre et une concurrence entre production alimentaire et production non alimentaire.

Cela peut être le cas pour le photovoltaïque sur les terres agricoles, présenté à la fois comme une énergie renouvelable rentable, comme un complément de revenu pour les agriculteurs et comme une activité compatible avec l’activité agricole, et qui a connu une progression rapide au cours des dernières années, mais qui suscite également de nombreuses résistances.

En effet, alors que 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté et qu’un tiers seulement de leurs revenus est issu de l’agriculture, l’énergie solaire a des airs de nouvel « or vert » pour les agriculteurs, qui ont de plus en plus de mal à vivre de leur activité.

Or le risque est grand de voir se développer des fermes photovoltaïques qui stériliseraient les surfaces agricoles et entraîneraient un renchérissement du foncier agricole, de nombreux exploitants accueillant sur leurs terrains des dispositifs photovoltaïques en contrepartie d’un loyer généreux.

Pour autant, toutes les formes de production solaire ne sont pas à exclure. Ainsi, pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’agrivoltaïsme est une façon d’éviter les conflits d’usage et il s’intègre dans le système agricole et alimentaire dans son ensemble.

C’est pourquoi il est indispensable, comme le soulignent les auteurs de cette proposition de résolution, de donner une définition précise de l’agrivoltaïsme, afin de le distinguer du photovoltaïque au sol.

De même, il est indispensable de rappeler que la production alimentaire doit rester la priorité et que le développement du photovoltaïque doit se faire au service de la production agricole. C’est le cas du photovoltaïque innovant.

C’est pourquoi il convient de mieux cibler les aides en faveur de ce mode de production énergétique plus respectueux de la priorité agricole, tout en encadrant strictement les surfaces de production solaire et les loyers proposés aux agriculteurs, afin que la part du revenu tiré de la production énergétique ne soit pas disproportionnée par rapport à celle du revenu tiré de la production agricole.

La question du revenu paysan ne se résoudra pas par la multiplication des revenus complémentaires, voire de substitution. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce débat continuera de nous animer.

Cette proposition de résolution est un premier pas que nous saluons. Malgré les questionnements que je viens d’évoquer, nous la voterons avec plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, défense de notre souveraineté alimentaire, réforme de l’assurance récolte, préservation de la biodiversité ou encore non-artificialisation des sols : l’agriculture se trouve assurément au cœur de la transition écologique.

Elle est à la croisée des enjeux climatiques et énergétiques. Elle jouera un rôle de plus en plus important dans la production d’énergies renouvelables, comme l’a pertinemment souligné l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dans son rapport relatif à la production d’énergie dans l’agriculture. D’ici à 2050, la production d’énergies renouvelables du secteur agricole sera multipliée par trois.

Toutefois, l’essor des énergies renouvelables dans l’agriculture ne doit pas se faire au détriment de la production alimentaire. Toute ambiguïté doit être levée : il s’agit, avec ce texte, de mettre la production d’énergie au service de la production agricole, et non de faire l’inverse.

C’est dans l’objectif de se prémunir contre tout conflit d’usage que les auteurs de la présente proposition de résolution estiment que l’agrivoltaïsme doit être soutenu et développé dans notre pays.

En effet, en conciliant cette double production agricole et photovoltaïque sur une même parcelle et en visant des synergies permettant d’améliorer la production agricole, l’agrivoltaïsme constitue une ressource incontournable pour la réussite des immenses et nombreuses transitions qui s’imposent à notre monde agricole.

Ne nous trompons pas, l’objectif premier de l’agrivoltaïsme est agricole. L’association des deux productions apporte plusieurs services à l’agriculture : des services écologiques, tout d’abord, en préservant la biodiversité ; des services agroéconomiques, ensuite, en réduisant à la fois le stress hydrique, avec une diminution de la consommation d’eau de 12 % à 37 % en fonction des cultures, et le stress thermique, en favorisant une meilleure photosynthèse, et en permettant une protection accrue contre les épisodes météorologiques.

J’aimerais insister sur ce dernier point, qui me semble très concret. L’année 2021 a été marquée par une vague historique de gel tardif, en avril dernier, qui a ravagé de nombreuses productions et causé plus de 2 milliards d’euros de pertes. Certains viticulteurs ou pruniculteurs du Lot-et-Garonne ont même tout perdu.

Si l’agrivoltaïsme ne peut contrer ces épisodes de gelées printanières, il peut en atténuer les effets. En cela, il est très complémentaire de la réforme de l’assurance récolte que nous examinerons prochainement.

Ainsi, l’orientation des panneaux solaires situés au-dessus d’une exploitation peut atténuer les conséquences des épisodes non seulement de chaleur, en réduisant l’exposition au soleil et les brûlures des feuilles, fruits et plantes, mais aussi de gel, avec l’utilisation de filets de protection, ou encore de froid, avec un écart moyen de température de 2 degrés, ce qui est suffisant pour sauver des récoltes lors de petites gelées printanières, ou de pluie, avec des systèmes de récupération des eaux.

L’agrivoltaïsme permet ainsi d’optimiser la production agricole, d’améliorer sa compétitivité, de la rendre plus résiliente. Il permet surtout de garantir la vocation agricole des sols concernés.

Nous comprenons les réticences de certains services instructeurs ou de divers représentants du monde agricole, qui craignent que le dévoiement de cette pratique n’entraîne un nouveau recul de l’activité agricole.

Ce n’est ni le positionnement ni la philosophie des auteurs de la présente proposition de résolution, qui cherchent, au contraire, à enclencher une dynamique vertueuse permettant de concilier deux productions essentielles, d’apporter un complément de revenus aux agriculteurs et, in fine, de créer de la valeur économique, énergétique et écologique dans les territoires ruraux.

Nos échanges avec les acteurs de la filière nous ont permis d’identifier trois principaux freins au développement de l’agrivoltaïsme et de formuler quatre propositions. Notre collègue Jean-François Longeot, avec lequel j’ai préparé cette proposition de résolution, a très bien souligné quels étaient ces freins : manque de définition permettant de différencier les projets sérieux des projets alibis ; manque de leviers permettant d’accélérer la dynamique de déploiement de l’agrivoltaïsme en France via les appels d’offres de la CRE ; enfin, manque de financements et incompatibilité des structures agrivoltaïques avec les financements européens de la PAC.

Je ne reviendrai pas sur le détail de nos propositions, parfaitement exposées par Jean-François Longeot. Je souhaiterais seulement évoquer la question des compensations collectives.

Depuis 2014, les projets de travaux d’ouvrages et d’aménagements susceptibles d’avoir des incidences sur la consommation de foncier agricole font l’objet d’une étude préalable définissant des mesures de compensation collective agricole.

Ces mesures sont de plusieurs natures : d’une part, elles visent à reconstituer du potentiel agricole via la réhabilitation des friches ou la remise à disposition de parcelles non agricoles ; d’autre part, elles tendent à mettre en place un projet local de développement agricole au moyen d’aides à l’installation de jeunes agriculteurs ou à l’acquisition de matériel agricole.

Dès lors, monsieur le ministre, le Gouvernement souhaite-t-il s’emparer de cette proposition de résolution pour favoriser le développement de l’agrivoltaïsme en France ? Qu’en est-il des annonces attendues sur cette question depuis plusieurs mois ?

Le groupe Union Centriste soutiendra bien évidemment cette proposition de résolution. Il se félicite de ce que le Sénat soit la première institution à formuler des propositions concrètes sur ce sujet d’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, les tensions d’approvisionnement sur le marché de l’énergie ont mis en lumière l’urgence d’agir en matière de transition énergétique.

En 2021, de nouvelles capacités de 290 gigawatts ont été installées dans le monde. Toutefois, selon l’Agence internationale de l’énergie, il faudrait encore doubler cet effort pour respecter la trajectoire fixée dans l’accord de Paris. La France reste en retard sur ses engagements nationaux et internationaux.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe un objectif de 35,1 à 44 gigawatts de capacité photovoltaïque installée en 2028. Le respect de cette trajectoire suppose de tripler, voire de quadrupler, la superficie consacrée à l’implantation de ces projets.

Bien que la production énergétique ne soit pas la première cause de l’artificialisation des sols dans notre pays, l’essor de ce secteur ne doit pas se faire au détriment des sols naturels et de la production alimentaire, laquelle doit rester prioritaire en zone agricole, comme le souligne d’emblée la première phrase de l’exposé des motifs de la présente proposition de résolution.

Les contestations qui émergent autour des projets d’installation d’énergies renouvelables ne frappent pas uniquement les éoliennes ou les méthaniseurs. Les conflits d’usage s’amplifient sur le terrain en ce qui concerne le photovoltaïque, en particulier les centrales au sol, qui accaparent les terres agricoles, ce qui soulève des inquiétudes légitimes.

Afin d’assurer la compatibilité de la filière avec nos objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, renforcés par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, la proposition de résolution évoque l’agrivoltaïsme, qui permettrait, selon ses auteurs, de coupler la production d’énergie photovoltaïque secondaire à une production agricole principale à raison d’une synergie de fonctionnement entre les deux systèmes. La production agricole serait même optimisée grâce à l’installation d’ombrières pilotables avec un recours possible à l’intelligence artificielle.

Outre sa faible emprise au sol, l’agrivoltaïsme permettrait d’apporter un complément de revenu aux agriculteurs.

Sur le papier, cette solution apparaît très intéressante. Dans les faits, on ne peut faire l’impasse sur les risques de détournement des terres de leur vocation agricole et d’accaparement par des exploitations toujours plus importantes.

Cela ne doit pas être minimisé : dans certains territoires, on a assisté au développement de serres dotées de panneaux avec une activité agricole réduite ou inexistante. Il est donc indispensable de renforcer le contrôle a priori et a posteriori de ces projets afin de vérifier qu’ils correspondent bien à la définition de l’agrivoltaïsme que les pouvoirs publics voudraient promouvoir. La création d’un label « agroénergie », comme le préconisait, en 2020, le rapport de notre ancien collègue Roland Courteau et du député Jean-Luc Fugit, au nom de l’Opecst, pourrait constituer une piste afin de faire le tri entre les projets.

La production d’énergie photovoltaïque doit demeurer secondaire. Ce qui ne doit être qu’un complément d’activité et de revenu ne doit pas devenir plus rentable que l’exploitation agricole, ce qui risquerait d’entraîner une augmentation du prix du foncier agricole et de favoriser une spéculation alors que les rémunérations actuelles ne permettent pas à la profession de vivre décemment. Les loyers versés par les énergéticiens dépassent souvent trois à quatre fois les prix des fermages.

Oui à la diversification des revenus des agriculteurs ; non à leur remplacement par des rémunérations provenant d’activités annexes. Aussi faudrait-il instaurer un seuil correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaires.

Il faut certes une définition, comme le proposent les auteurs de la proposition de résolution, mais aussi un encadrement. Or la proposition de résolution demande au Gouvernement de « lever les freins législatifs et réglementaires », sans préciser les points de blocage qu’elle voudrait voir disparaître.

Si je ne suis pas opposé à l’agrivoltaïsme en soi, je ne souhaite pas sa généralisation. Le soutien public doit aller en priorité à la profession agricole, à la préservation des superficies exploitées et aux innovations dont l’activité agricole pourrait bénéficier. À cet égard, les aides publiques doivent donc être conditionnées et correctement calibrées.

J’estime qu’une prise de recul est indispensable afin d’évaluer les conséquences des mesures proposées dans ce texte, et ce d’autant plus que la justice administrative a évolué favorablement sur ces projets photovoltaïques ces dernières années.

Aussi, il est préférable de favoriser le photovoltaïsme sur les toits des bâtiments, quels qu’ils soient, plutôt qu’au sol. Ne faisons pas reposer la responsabilité de la production énergétique sur les terres agricoles dont 88 hectares disparaissent chaque jour en France. Mobilisons davantage les gisements photovoltaïques potentiels sur les friches ou les zones déjà artificialisées.

Cette idée semble avancer. Pour autant, mon groupe votera majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier les auteurs de cette proposition de résolution. Ce débat nous permet de commencer l’année en mettant en lumière la part croissante de la production d’énergie dans nos exploitations agricoles et les enjeux qui y sont associés.

L’actualité de ces derniers mois, particulièrement marquée par les questions énergétiques, nous incite plus que jamais à accélérer la transition énergétique.

Le monde agricole contribue d’ores et déjà de manière significative à la décarbonation de notre mix énergétique. Comme le rappellent les auteurs de cette proposition de résolution, 50 000 exploitations agricoles participent à la production d’environ 20 % de nos énergies renouvelables. En ce qui concerne le photovoltaïque, l’Ademe estime que 15 % du parc sont aujourd’hui situés en terres agricoles.

Ce défi de premier plan ne doit pas nous faire perdre de vue un autre enjeu majeur, celui de la préservation de la vocation nourricière des terres agricoles.

L’exposé des motifs de cette proposition de loi rappelle à juste titre, dès sa première ligne, que « l’agriculture a pour mission principale la production alimentaire ». Dans leur rapport d’information, présenté en 2020 au nom de l’Opecst, nos collègues Roland Courteau et Jean-Luc Fugit soulignaient aussi que la première fonction de l’agriculture était de produire notre alimentation et que « l’énergie ne peut pas entrer en compétition avec cette dernière ».

Aussi, en tant que législateurs, nous devons veiller à protéger à tout prix l’agriculture nourricière de cette compétition, qui ne peut que tourner à son désavantage et dont on constate déjà les premiers effets délétères.

Face à l’insuffisance des revenus issus de l’agriculture, de plus en plus d’exploitants se tournent vers la production d’énergie, plus rémunératrice. La tentation est grande, quand on sait que le loyer versé pour une installation solaire peut être dix fois plus élevé que ce que rapporte la terre à un exploitant.

Cette mise en concurrence participe, en outre, d’une spéculation sur le prix du foncier agricole et accentue les difficultés d’installation, dans un contexte de doublement du prix des terres agricoles en vingt ans et de raréfaction des terres disponibles.

Face à ces constats que je crois largement partagés dans cet hémicycle, cette proposition de résolution présente l’intérêt de mettre en avant des solutions concrètes pour tenter de concilier développement des énergies renouvelables et préservation de notre agriculture, grâce au soutien à l’agrivoltaïsme.

Le texte propose tout d’abord d’inscrire la définition de ce nouvel objet dans la loi en reprenant la définition retenue par la Commission de la régulation de l’énergie ou par l’Ademe.

Il s’agit en effet d’un préalable fondamental, car ce néologisme peut sembler désigner toute installation de production électrique photovoltaïque dans une exploitation agricole. La jurisprudence, qui repose sur un arrêt du Conseil d’État de 2019, autorise ainsi les projets photovoltaïques sur des terres agricoles tant qu’il existe une production agricole, qu’elle soit principale ou accessoire. L’état actuel du droit est donc peu protecteur pour notre agriculture.

À ce stade, mes chers collègues, je voulais vous demander si la définition retenue dans l’exposé des motifs était volontairement tronquée ou s’il s’agissait d’une omission. Selon la définition en vigueur à la CRE, la synergie de fonctionnement entre production agricole et production électrique doit être « démontrable ». Or ce terme est absent de votre texte.

Il s’agit pourtant d’un critère important pour éviter certaines dérives. Je pense, en particulier, aux contrôles effectués par la direction départementale des territoires (DDT) des Pyrénées-Orientales en 2018 : sur les soixante serres concernées, « les deux tiers ne présentaient soit aucune activité agricole, soit une activité réduite ».

Dans cette proposition de résolution, vous citez les bénéfices de l’agrivoltaïsme pour la production agricole, comme la protection face aux épisodes météorologiques, la réduction du stress hydrique, la résilience face au changement climatique… Ce sont des effets très positifs, mais qui n’existent que pour certains types d’installations, particulièrement innovantes, notamment pour la vigne et les vergers.

Or, à l’heure actuelle, comme le rappelle l’excellent article de Libération du 5 décembre dernier, les projets d’agrivoltaïsme « les plus répandus » correspondent à l’installation de panneaux dans des pâturages. On est loin des persiennes pilotées par intelligence artificielle qui permettent d’installer des filets anti-grêle.

Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est tout à fait disposé à soutenir le développement de l’agrivoltaïsme, dès lors qu’il s’agit bien de techniques ayant d’abord pour but d’améliorer la production agricole et non de l’utiliser comme un alibi au profit d’une production plus rentable.

S’il était possible d’amender une proposition de résolution, nous vous aurions proposé de reprendre un certain nombre de recommandations permettant d’introduire des garde-fous afin de prévenir toute dérive irréversible sur notre modèle agricole.

Pour que ces pratiques innovantes et porteuses d’espoir puissent réellement prospérer, nous devons tout d’abord nous assurer qu’elles ne soient pas « étouffées » par des pratiques moins vertueuses. Aussi, nous aurions pu vous proposer de mettre en place un moratoire sur les projets de centrales photovoltaïques sur des terres agricoles ou naturelles.

Autre sujet d’inquiétude, qui tempère les bonnes intentions du texte, les auteurs terminent leur exposé des motifs en résumant l’enjeu de ce texte à l’émergence d’une nouvelle profession agricole : les « énergiculteurs ». Nous croyons, au contraire, qu’il est plus que jamais nécessaire de défendre les agriculteurs, de leur permettre de vivre de leur travail et non de baisser les bras en actant que seule cette hybridation des métiers peut représenter l’avenir du monde agricole.

C’est pourquoi, tout en saluant la démarche de nos collègues qui permet d’ouvrir ce débat, nous nous abstiendrons sur cette proposition de résolution.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer les auteurs de cette proposition de résolution, Jean-François Longeot et Jean-Pierre Moga.

Il s’agit d’un sujet important. L’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 nécessite de développer les sources d’énergie décarbonées. Or, comme cela a très justement été rappelé dans un récent rapport du Centre commun de recherche de la Commission européenne, l’empreinte au sol des énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien, est très supérieure à celle de l’énergie nucléaire… (M. Daniel Salmon marque son désaccord.) L’essor des énergies renouvelables est donc porteur de conflits d’usages, ce qui pose la question de l’utilisation du foncier disponible et de la conciliation entre les activités économiques dans nos territoires ruraux.

Le Sénat est très soucieux d’un développement harmonieux des énergies renouvelables : dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-climat, notre commission des affaires économiques a fait adopter le principe d’un équilibre entre la valorisation énergétique de la biomasse et les activités économiques, telles que l’agriculture et la sylviculture, mais aussi les bénéfices environnementaux, comme la capacité à produire et la qualité des sols.

La mission sénatoriale d’information sur la méthanisation, confiée à nos collègues Daniel Salmon et Pierre Cuypers, a préconisé de soumettre les projets de méthanisation à l’avis préalable des maires.

Dans la loi Climat et résilience de 2021, la commission des affaires économiques a prévu l’association préalable des communes littorales aux projets de parcs éoliens en mer et l’information des maires de toute réorganisation des concessions hydroélectriques.

C’est donc avec un grand intérêt que j’accueille cette proposition de résolution, dont je remercie chaleureusement les auteurs. Elle vise à promouvoir l’agrivoltaïsme en lui offrant un cadre juridique et en l’intégrant aux appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie et aux fonds de la politique agricole commune.

Je souscris pleinement à l’objectif de cette proposition de résolution. L’agrivoltaïsme est bénéfique à nos agriculteurs, qui doivent disposer de toutes les facilités administratives et financières nécessaires. Au-delà de ce texte, je souhaite exposer ma vision de l’agrivoltaïsme.

En premier lieu, il me paraît essentiel que les activités énergétiques exercées par nos agriculteurs soient accessoires et non principales, facultatives et non obligatoires. En clair, il ne faudrait pas que nos agriculteurs se tournent vers l’énergie, faute de rentabilité suffisante en agriculture.

En deuxième lieu, il me semble important que les installations énergétiques respectent des normes rigoureuses sur le plan de l’urbanisme, du patrimoine ou des paysages. Nous sommes très soucieux de l’essor du photovoltaïque, que nous avons promu en zone littorale dans la loi Énergie-climat de 2019, et en zones non artificialisées dans la loi Climat et résilience de 2021. Pour autant, cet essor doit être maîtrisé, territorialisé, qualitatif, respectueux des pouvoirs des maires et des plans des collectivités.

Veillons à ne pas reproduire, pour le photovoltaïque de demain, les mêmes erreurs que pour les éoliennes d’hier.

En troisième lieu, il me semble crucial que le développement de l’agrivoltaïsme s’accompagne d’une simplification des normes.

Donner un cadre à l’agrivoltaïsme est utile. À cet égard, je salue les initiatives de droit souple conduites en ce sens : la CRE l’a intégré à ses délibérations ; certains acteurs économiques ont promu de bonnes pratiques en la matière, à l’instar de la charte adoptée par Chambres d’agriculture-France, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et EDF.

Intégrer l’agrivoltaïsme aux appels d’offres ou aux fonds est aussi utile. Pour réussir, cette intégration doit naturellement respecter une neutralité non seulement entre les différentes technologies de production d’énergie solaire, mais aussi entre les procédés de valorisation énergétique existant en l’agriculture – je pense notamment au biogaz, aux biocarburants, au bois-énergie, à la cogénération, au réemploi de la chaleur ou du carbone.

Enfin, il me paraît fondamental de prendre en compte l’impact environnemental de tout projet énergétique, y compris d’agrivoltaïsme, pour lutter contre le dumping environnemental et relocaliser les chaînes de valeur des énergies renouvelables, en France et en Europe.

Oui, monsieur le ministre, je pense que nous avons une carte à jouer en agriculture avec les toitures, les serres, les ombrières et toutes les installations de protection du maraîchage, de l’arboriculture ou les bâtiments d’élevage.

Nous sommes tous très attachés à ce bilan carbone, puisque nous l’avons appliqué aux projets attribués en guichets ouverts dans la loi Énergie-climat de 2019, et par appels d’offres dans la loi Climat et résilience de 2021. Soyons attentifs à sa réelle et complète application.

Notre groupe votera bien évidemment cette proposition de résolution tendant au développement de l’agrivoltaïsme en France, dont je remercie encore une fois les auteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)