Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je me félicite que cette proposition de loi de notre collègue Jean-Noël Cardoux soit inscrite à l’ordre du jour, car elle vise à remédier à un phénomène de plus en plus prégnant.

Je remercie également notre rapporteur, Laurent Somon, qui a mené un travail constructif. Par ses amendements, il a su introduire des évolutions utiles et appropriées visant à mieux encadrer l’engrillagement des forêts françaises.

Initialement constaté en Sologne, cet engrillagement apparaît aujourd’hui en Picardie, dans les Landes ou encore en Normandie. Il crée en marge des règles communes des sortes de zones franches, dont le nombre a fortement augmenté au cours des dernières années.

Ce phénomène est souvent l’expression d’une défiance des propriétaires envers les usagers de la nature. Il traduit aussi, bien entendu, la volonté de créer des zones de chasse exonérées de la législation applicable en la matière.

Sur le fond – on le sait –, ces clôtures sont lourdes de conséquences négatives pour la faune. Elles empêchent la libre circulation des animaux et entraînent une surpopulation artificielle de gibier, laquelle provoque des problèmes sanitaires et des effets négatifs pour tout l’écosystème. En effet, la flore subit, elle aussi, des répercussions notables : on observe notamment l’appauvrissement de la régénération forestière.

La gestion des incendies est également mise à mal. Aujourd’hui, les feux de forêt ne sont plus réservés au sud de la France : ils peuvent se déclarer partout dans notre pays. Or les enclos rendent certaines parcelles inaccessibles aux pompiers.

L’interdiction d’ériger des clôtures est donc une mesure salutaire. Elle permettra d’agir sur les continuités écologiques, sur le déplacement des espèces et sur la qualité des paysages.

La commission a proposé, pour sa part, de garantir la circulation de la faune en bas de clôture en y laissant un espace libre de trente centimètres au-dessus du sol. Il s’agit là d’une disposition essentielle, dont je me félicite.

Le délai proposé pour la mise en conformité fait l’objet d’un amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Nous proposons plus précisément de le réduire de sept ans à cinq ans. Selon nous, les dispositions du présent texte doivent être appliquées rapidement, de façon à démontrer une véritable volonté d’agir, et cinq années semblent un délai tout à fait raisonnable.

Le rapport gouvernemental intitulé LEngrillagement en Sologne : synthèse des effets et propositions, remis par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, préconisait d’aller plus loin que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Malheureusement, deux dispositions qui me semblent importantes ont été exclues du texte.

Le premier point concerne la chasse en enclos. Jusqu’à récemment, cette pratique était méconnue, mais elle n’est pas pour autant anecdotique : elle concerne environ 1 300 parcs et enclos, qui détiennent au total 50 000 à 100 000 animaux – il s’agit, en majorité, de cerfs, de chevreuils, de mouflons et de daims.

Ces espaces clos quadrillés de miradors, de points d’eau et de points de nourrissage permettent une sorte de safari à l’encontre d’animaux issus d’élevage, souvent importés de Pologne ou de Hongrie. Cela pose des questions d’éthique de la chasse, même les chasseurs en conviennent. Et je ne reviens pas sur l’importation d’espèces exogènes, lesquelles, en s’échappant, peuvent s’hybrider avec des espèces locales et entraîner une pollution génétique.

Le second point concerne la pratique dite « de l’agrainage et de l’affouragement », qui n’est malheureusement pas abordée dans ce texte. Cette pratique en enclos ressemble comme deux gouttes d’eau à de l’élevage.

Hors enclos, elle révèle une contradiction avérée. Le nourrissage participe de l’explosion démographique des populations de grand gibier. Cette prolifération entretenue justifie par la suite la chasse de ces animaux, qualifiés de nuisibles.

Permettez-moi d’illustrer la situation. Dans mon département d’Ille-et-Vilaine, alors que 450 sangliers environ avaient été prélevés en 2000, ce chiffre s’est élevé à 4 350 en 2020. Reconnaissons-le, une telle prolifération est surprenante. Si le nourrissage n’en est pas l’unique raison, il y participe.

Aussi, afin de compléter le texte de cette proposition de loi, j’ai déposé deux amendements visant à interdire purement et simplement la pratique des chasses en enclos, ainsi que l’agrainage et l’affouragement. Ce débat ne peut être éludé dans le cadre de nos discussions.

Nous attendons également beaucoup des décrets en cours de consultation et de publication. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez en partie rassurés, mais nous attendons des dates précises, car l’horloge tourne, vous le savez aussi bien que moi.

Le groupe écologiste votera ce texte, car il marque des avancées non négligeables en faveur de la protection de la biodiversité et des paysages. Toutefois, il mériterait d’être complété. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le phénomène d’engrillagement, qui concerne essentiellement la Sologne, n’est pas nouveau, il s’observe aujourd’hui en Bretagne, dans l’Allier, en Picardie ou encore dans les Landes. On parle désormais de « solognisation » de tout le territoire.

Or cette pratique fait obstacle aux continuités écologiques, pose des problèmes de sécurité incendie et de sécurité sanitaire, empêche la libre circulation de la faune, cantonne les populations de gibier à l’intérieur des domaines, interdit la promenade et nuit au développement du tourisme rural.

L’effet environnemental direct des clôtures, c’est-à-dire l’effet le plus notoire sur l’environnement, s’exerce sur les possibilités de déplacements des grands animaux sauvages. L’engrillagement favorise leur densité, induisant du piétinement, limitant l’apport de nutriments aux sols et accroissant de fait la dégradation du couvert forestier et la prédation directe de nombreuses espèces.

Pis, comme le souligne le rapport de la mission d’information sur l’engrillagement en Sologne, « il s’agit d’une appropriation renforcée de l’espace et un frein à l’exercice de la police de l’environnement, par une déviance du droit des enclos créant des zones de non-droit, où la gestion “cynégétique” est littéralement aberrante ».

Le rapport mentionne même des installations de miradors et postes de tir mettant en danger les usagers des voies publiques. C’est pourquoi l’apparition d’un nouveau type de clôtures, qui ne servait plus à tenir le bétail à l’écart des parcelles cultivées, a suscité une levée de boucliers de la part de nombreux élus, mais aussi des riverains chasseurs et non-chasseurs.

En effet, l’engrillagement permet la pratique d’une chasse qui, au fond, n’en est plus une. Qui est plus est, elle est réservée à une élite, ce qui nous rappelle que cette activité n’est pas homogène : elle est en réalité clivée socialement et surtout soumise à une réglementation variable selon les types de chasses et de chasseurs.

Pour nous, la chasse en enclos contrevient au principe même d’une chasse populaire, acquis de la République, héritière de la Révolution.

L’engrillagement de territoires où les animaux sont, de fait, parqués rompt un équilibre fragile, une certaine équité entre l’homme et la nature et le principe même de la chasse. C’est pourquoi cette proposition de loi est bienvenue.

En outre, ces barrières entraînent des risques sanitaires, de surdensité et de maîtrise des populations et interrogent sur l’égalité d’application du droit de la chasse, ainsi que sur la légalité de certaines pratiques.

Certes, le texte aurait pu aller plus loin et interdire la chasse dans les enclos hermétiques, à l’exemple de ce qu’a fait la Wallonie, afin de favoriser une chasse durable, qui respecte la fonctionnalité des écosystèmes, la prise en compte des impératifs biologiques des espèces, qu’il s’agisse de reproduction, de nutrition ou de déplacement, et qui tienne compte du fait que la chasse doit se dérouler en espace naturel.

Toutefois, ce texte vise à étendre le droit commun de la chasse à l’ensemble des territoires sur lesquels la chasse est pratiquée et à renforcer l’accès aux enclos cynégétiques à des fins de contrôles.

De plus, le texte de la commission prévoit des sanctions en l’absence de mise en conformité ou en cas d’érection de nouvelles clôtures, qui seront punies de trois ans de prison et de 150 000 euros d’amende.

Enfin, la commission a précisé le texte pour garantir que ces clôtures ménagent le passage de la faune au sol et ne blessent pas ou ne piègent pas le gibier, tout en permettant la protection des cultures et les régénérations forestières – la liste n’est pas exhaustive.

C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Jean-Noël Cardoux pour le dépôt et l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat. Son contenu et ses objectifs sont importants et attendus dans les territoires concernés, j’y reviendrai.

Ce texte témoigne d’un travail long et minutieux de notre collègue, également président du groupe d’études Chasse et pêche de notre Haute Assemblée, avec qui j’ai plaisir à travailler. Je félicite également le rapporteur du texte, Laurent Somon, qui a su s’emparer du sujet, faire évoluer le texte pour le rendre encore plus complet et lui donner une dimension qui, je l’espère, convaincra aussi les députés, qui se sont récemment inquiétés de la même problématique.

L’engrillagement des espaces naturels est un phénomène déjà ancien. Il existe depuis plus de cinquante ans dans ma commune, mais il a tendance à s’accentuer et à contaminer, si j’ose dise, une part de plus en plus importante de notre territoire.

La Sologne, souvent prise en exemple, est malheureusement caractéristique de ce phénomène, surtout depuis une dizaine d’années, au cours desquelles se sont développées les propriétés d’au moins 1 000 hectares. Comme d’autres ici, je la connais bien, puisque j’y suis né.

Depuis près de trente ans, le développement de l’engrillagement y est dénoncé. Déjà, en 1991, le syndicat mixte de la Sologne, dont j’étais vice-président, pointait du doigt le fait que les clôtures « constituaient un problème pour la circulation du grand gibier, enlaidissaient le paysage, nuisaient à l’image de la Sologne et à son développement touristique et détérioraient la qualité cynégétique des populations ».

Aujourd’hui, on compte près de 4 000 kilomètres de grillage en Sologne : c’est plus que le nombre de kilomètres de routes départementales dans mon département du Loir-et-Cher !

En conséquence, les acteurs de terrain, en particulier le Pays de Grande Sologne, ont lancé en 2011 une concertation, laquelle a conduit au rapport d’Yves Froissart. Ce dernier a pu alimenter l’étude menée à la mi-2019 par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, en appui au préfet de la région Centre-Val de Loire. Comme Jean-Noël Cardoux, j’ai pu témoigner lors de la réalisation de ces travaux.

Les constats dressés, comme les propositions formulées, ont été essentiels pour la prise de conscience générale autour de ce problème. Ils ont aussi permis d’alimenter la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Les mesures énoncées dans ce rapport, ainsi que celles qui sont reprises dans la proposition de loi, balaient l’ensemble des sujets, ce qui était nécessaire.

En effet, nous avons besoin d’une réponse complète, claire et de bon niveau, si nous voulons éviter une course à l’engrillagement avant la date de mise en œuvre des limitations et interdictions contenues dans le texte.

Le développement de l’engrillagement est l’un des symboles de l’évolution de la ruralité dans notre pays, mais aussi de l’accroissement d’une forme d’égoïsme dans notre société. Il caractérise non seulement une défense excessive du droit de propriété et un manque de respect des terrains d’autrui, mais aussi une perte de la culture rurale et cynégétique, ainsi qu’une atteinte à la biodiversité.

Notre rapporteur souligne également une forme de dislocation des relations sociales traditionnelles dans les campagnes. L’engrillagement est donc l’une des expressions de cette perte du vivre-ensemble.

Malheureusement, il a d’autres conséquences plus palpables et contre lesquelles il faut lutter.

Les constats réalisés par la mission de Michel Reffay et de Dominique Stevens sont clairs : une fermeture de l’espace qui dégrade la qualité paysagère, la valeur patrimoniale et la fonctionnalité de toute la Sologne et nuit à son image et à sa perception par la société ; une appropriation renforcée de l’espace et un frein à l’exercice de la police de l’environnement, par une déviance du droit des enclos créant des zones de non-droit où la gestion « cynégétique » est aberrante ; un risque sanitaire lié à l’introduction d’animaux, au cloisonnement des populations, à la fragmentation des habitats, à la surpopulation manifeste de certains enclos et parcs, sans contrôle vétérinaire ; une entrave à la libre circulation des grands animaux sauvages, avec des conséquences sur les populations animales, les types de chasse pratiqués et, indirectement, les habitats naturels ; des problèmes de sécurité routière induits par la canalisation des grands animaux du fait des clôtures, avec une suraccidentalité ; des dégâts dus au gibier concentré sur les propriétés non closes ; une mise en péril de l’état forestier en présence de surpopulation de suidés et cervidés ; enfin, des installations de miradors et postes de tir mettant en danger les usagers des voies publiques.

La proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée que nous examinons tend à poser des règles pour mettre fin à ces difficultés, avec pour conséquence l’amélioration de la sécurité incendie, la protection de la sécurité sanitaire, l’arrêt de la destruction de la faune et de la flore, ainsi que le développement du tourisme rural.

Les différentes mesures proposées sont globales et vont dans la bonne direction : l’interdiction des clôtures ne laissant pas passer la faune et n’utilisant pas des matériaux naturels est au cœur de ce texte. Il s’agit finalement de redonner de l’air à nos campagnes et à nos forêts, sans priver les propriétaires de leur bien.

Je proposerai d’ailleurs, par voie d’amendement, d’aller encore un peu plus loin en interdisant les merlons de terre longeant nos routes. Ces derniers sont apparus voilà quelques années, derrière les grillages. Ils sont longs de plusieurs kilomètres et hauts de deux mètres ; des lignes de tir permettent de tirer vers la route ! Après quelques années, la végétation envahit ces merlons, et l’on n’y voit plus rien.

Malgré l’avis défavorable émis par la commission, j’espère que mon amendement sera adopté, le sujet étant d’importance. En effet, ces merlons ont les mêmes conséquences néfastes pour la faune, pour le patrimoine naturel et pour le paysage que les clôtures que nous interdisons.

L’abaissement des clôtures postérieures à 2005 permet de contourner le phénomène d’opportunité, que l’on a pu constater, visant à engrillager rapidement, par peur de la nouvelle réglementation. Les exceptions prévues et recalibrées par le rapporteur étaient aussi importantes.

Les mesures d’accompagnement que sont l’utilisation de l’écocontribution pour financer les continuités écologiques, le délai de mise en conformité de sept ans et la contravention de violation de propriété permettent d’équilibrer le texte et les mesures d’interdiction précédentes. Ces compensations doivent créer les conditions d’acceptabilité de ce texte pour les propriétaires.

Enfin, les apports de la commission des affaires économiques concernant les contrôles de l’intérieur des enclos par les agents de l’OFB, l’Office français de la biodiversité, et des clôtures par les agents assermentés des fédérations me semblent également aller dans le bon sens.

En conclusion, vous l’aurez compris, je soutiens pleinement le texte de cette proposition de loi, et le groupe Union Centriste votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir rappelé que la gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats relève de l’intérêt général, l’article L. 420-1 du code de l’environnement prévoit que « les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité ».

Or une pratique de la chasse contraire à ces principes se répand et s’aggrave ces dernières années : des milliers de kilomètres de clôtures sont érigés dans les milieux naturels, empêchant la libre circulation des animaux sauvages et méconnaissant les dispositions relatives à la continuité écologique. En Sologne, le territoire se trouve morcelé, en pleine zone Natura 2000, la plus importante par sa taille au niveau européen, et l’attractivité du territoire s’en voit affectée.

Dans certains domaines privés de chasse, on trouve des animaux provenant d’élevages à forte concentration. Il n’y a donc plus, pour le chasseur, de recherche du gibier, plus d’acte de chasse à proprement parler.

Le président de la Fédération nationale des chasseurs a même évoqué le massacre de 300 sangliers et cervidés en trois heures dans un enclos. Je suis chasseur, mais je ne me retrouve pas dans ces pratiques. Ce carnage va à l’encontre non seulement de toute éthique, mais aussi de la gestion adaptative des espèces, ce qui entrave le brassage génétique des populations.

Une telle situation est encouragée par un droit de la chasse dérogatoire qui s’applique dans les enclos cynégétiques, permettant de chasser le gibier à poil sans limitation du nombre de prélèvements et à tous moments.

S’il est légitime d’ériger des clôtures autour d’une habitation pour protéger la propriété privée, l’extension du « privilège de l’enclos » sur des terrains de plus en plus vastes, qui bénéficie aux chasses commerciales, est inacceptable. Il s’agit d’une forme de confiscation des animaux sauvages, res nullius, lesquels, par essence, n’appartiennent à personne.

Le législateur ne peut pas fermer les yeux sur ce massacre de la faune et du paysage. Pour quelles raisons ces enclos, qui mettent en péril la faune, devraient-ils bénéficier d’un droit supérieur à celui des autres chasseurs ? Outre cette inégalité de traitement, l’éthique de la chasse en prend un coup.

Aussi, je salue l’initiative de notre collègue Jean-Noël Cardoux et, surtout, la concertation menée en Sologne, qui a révélé la volonté de la très grande majorité des acteurs de mettre fin à l’engrillagement.

Avec son Sraddet, son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le Centre-Val de Loire a tenté, en 2018, de faire cesser ce développement anarchique, en encadrant la hauteur et les caractéristiques des clôtures. Si cela peut contribuer à freiner l’apparition de nouvelles clôtures, celles qui existent et le « privilège de l’enclos » ne peuvent être remises en cause sans une modification de la loi.

Certains proposent d’aller plus loin et d’interdire toute chasse en enclos. Pourquoi pas ? Toutefois, le texte qui nous est proposé permet déjà d’assurer la régression de l’engrillagement.

Les motifs d’intérêt général justifient que l’on puisse revenir sur des situations déjà constituées, avec une rétroactivité de la loi limitée et proportionnée. L’article 4 du texte permet d’accompagner financièrement le remplacement des clôtures par des haies.

Les enclos antérieurs au 23 février 2005 auraient pu être concernés par la mise en conformité à des normes les rendant compatibles avec la protection de l’environnement et des paysages. Néanmoins, dans un premier temps, la démarche de l’auteur de la proposition de loi me semble aller dans le sens d’une meilleure sécurité juridique. À ce stade, il est préférable d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité. Surtout, nous pourrons ainsi avancer sur ce sujet dans un climat apaisé.

Nous avons connaissance d’initiatives parlementaires concurrentes à l’Assemblée nationale, et j’invite nos collègues députés à se saisir de ce texte sans attendre, afin que ces mesures puissent s’appliquer au plus vite. En effet, un délai de sept ans est d’ores et déjà prévu pour la mise en conformité.

J’avais déposé un amendement visant à limiter ce délai à cinq ans. Je vous l’annonce, mes chers collègues, je le retirerai, parce que j’ai compris que le fragile équilibre issu de la négociation ne doit pas être remis en cause. Permettez-moi néanmoins de former un vœu : que ce délai de sept années soit remplacé par la date butoir de 2029, afin d’éviter que les changements visés ne s’étalent sur dix ans.

Le groupe du RDSE votera bien sûr ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi est clair : faire face au développement inquiétant des clôtures grillagées en forêt, tout en protégeant mieux la propriété privée.

Trop souvent, cet engrillagement résulte de la création d’enclos de chasse, qui constituent un frein à la circulation de la faune sauvage. C’est assez simple à comprendre : si vous empêchez le gibier de sortir d’un espace, vous l’empêchez également d’y entrer, donc de s’y alimenter et de s’y reproduire.

Nous connaissions la problématique de l’artificialisation des sols, nous devons désormais prendre note du développement croissant de cet engrillagement.

On pourrait me rétorquer que ces enclos sont rarement efficaces à 100 % et qu’ils ont très souvent des failles qui permettent, du moins à certaines espèces, de circuler. Or une telle situation est tout aussi inquiétante ! En effet, des lâchers ont lieu au sein de ces enclos. Dans l’hypothèse que je viens d’évoquer, ils pourraient provoquer une prolifération excessive de certaines espèces. Or, n’en déplaise à certains, nous avons un réel besoin de régulation.

Notons par ailleurs que ces parcs de chasse à caractère commercial ne participent pas aux remboursements des dégâts causés aux agriculteurs. Le développement de cette activité, au détriment des fédérations de chasse, pourrait nuire à ce budget si important pour nos cultivateurs, mais aussi pour les chasseurs attachés à préserver le sens même de leur passion, à savoir la régulation.

Notons aussi que ces parcs bénéficient aujourd’hui d’une exemption de plan de chasse. En effet, ils peuvent ne pas respecter les dates d’ouverture et de fermeture, ce qui ne correspond pas à l’idée que je me fais de cette pratique, qui doit rester populaire et connectée à son environnement.

Vous l’aurez compris, je salue ici la volonté du texte de supprimer ces dérogations, afin de garantir une chasse responsable.

Enfin, il arrive cependant que cet engrillagement soit une réponse au non-respect de la propriété privée. En effet, certains néoruraux oublient qu’un espace forestier peut être une propriété privée et qu’il n’existe pas un droit à s’y promener en dehors des chemins ruraux.

On observait autrefois une large tolérance. Hélas, de plus en plus de tensions naissent. Le développement de certaines pratiques, comme le quad ou le passage répété de vététistes, nuit aux différentes espèces et aux plantations, dégradant la propriété elle-même.

Cette proposition de loi entend rappeler que le droit de propriété a valeur constitutionnelle. Elle crée ainsi une amende de 1 500 euros pour le fait de pénétrer sans autorisation dans une propriété rurale ou forestière.

Il est important de le rappeler, mes chers collègues, car ces clôtures, lorsqu’elles sont installées par des particuliers, le sont non pas par plaisir, mais par nécessité. Elles ont un coût important, dénaturent souvent les paysages et, surtout, peuvent freiner l’avancée des pompiers en cas de feu de forêt. Je pense ici bien sûr à mon département du Gard, mais aussi aux autres départements du sud de la France.

De fait, je crois utile de le préciser, pour ce qui concerne les clôtures existantes, les propriétaires auront sept ans pour se mettre en conformité avec les dispositions du texte. Les clôtures d’intérêt public, par exemple autour des chemins de fer et des aéroports, ou encore les clôtures agricoles, resteront autorisées.

Précisons également que l’écocontribution pourra être utilisée pour effacer les clôtures et les remplacer par des haies.

Cette proposition de loi est donc un juste équilibre entre préservation de la continuité écologique et respect du droit de propriété, lequel est parfois méconnu, avec une confusion entre droit à proprement parler et tolérance. Au travers de ce texte, nous faisons toute la lumière sur cette notion, ce qui ne semble pas inutile, afin d’apaiser certaines relations dans le monde rural.

Je tiens à saluer ici le travail de notre collègue rapporteur, Laurent Somon, qui a su préserver un consensus, tout en apportant des précisions utiles, afin de nous assurer la bonne application du texte.

Enfin, je veux remercier chaleureusement notre collègue Jean-Noël Cardoux d’avoir pris à bras-le-corps cette problématique et d’avoir su conjuguer mesure, sens de l’écoute et détermination.

Mes chers collègues, c’est donc sans hésitation que je voterai, ainsi que les autres membres du groupe Les Républicains, en faveur de ce texte. Vous le savez, notre groupe est favorable à la chasse et à son éthique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le 2° du II de l’article L. 371-1 est complété par six phrases ainsi rédigées : « Hors celles posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public, les clôtures implantées dans ces espaces naturels permettent en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Elles sont posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, leur hauteur est limitée à 1,20 mètre et elles ne peuvent être ni vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune. Ces clôtures sont en matériaux naturels ou traditionnels tels que définis par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales ou du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse prévu aux articles L. 4424-9 à L. 4424-15-1 du même code, ou du schéma d’aménagement régional pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion prévu à l’article L. 4433-7 dudit code ou du schéma directeur de la région Île-de-France prévu à l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme. Les clôtures existantes au 1er janvier 2021 sont mises en conformité au cours des sept années suivant la publication de la loi n° … du … visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux clôtures réalisées avant la date de publication de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il appartient au propriétaire d’apporter par tous moyens la preuve de l’antériorité de la construction de la clôture avant la date de publication de la même loi, y compris par une attestation administrative ; »

2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 371-2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À l’exception des clôtures posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public et afin d’assurer le maintien, ou la remise en bon état, des continuités écologiques, l’implantation des clôtures dans le milieu naturel est soumise à déclaration, sous réserve que leur hauteur soit inférieure ou égale à 1,20 mètre, qu’elles soient posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol et qu’elles ne soient ni vulnérantes ni qu’elles constituent des pièges pour la faune. Ces clôtures sont édifiées avec des matériaux naturels ou traditionnels tels que prévus par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales.

« Par ailleurs, les habitations situées en milieu naturel peuvent être entourées d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation. » ;

3° L’article L. 371-3 est ainsi modifié :

a) Le II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la limitation de l’implantation de clôtures portant atteinte au bon état des continuités écologiques, à l’exception de celles posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public. » ;

b) Le d du III est complété par les mots : « notamment par la limitation de l’implantation de clôtures dans le milieu naturel » ;

4° (Supprimé)