M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Mme le rapporteur l’a rappelé : le texte soumis à notre examen, visant à la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge de malades chroniques de la covid-19, a suscité au sein de la commission des affaires sociales des débats, des interrogations et même des réserves, y compris de ma part, je l’avoue.

Pourtant, aujourd’hui, j’interviendrai en faveur de ce texte – en toute lucidité, rassurez-vous ! (Sourires.)

Je fais miennes la plupart des objections émises en commission. Je redoute notamment que cette plateforme ne vienne parasiter le parcours de soins des patients, lequel doit demeurer lisible et cohérent.

Toutefois, la contraction du temps parlementaire limite la discussion et les possibilités d’améliorer ce texte, dont chacun s’accorde à reconnaître, à certains égards, les insuffisances. En parallèle, un certain nombre de questions se posent quant à la protection des données elles-mêmes.

Personnellement, je continue à plaider pour que cette plateforme ne se substitue en aucune façon à notre système de santé actuel, pour qu’elle ne se construise pas par défiance envers lui. Ce serait une grave erreur ! (Mme le rapporteur approuve.)

Ces observations liminaires étant faites, d’autres arguments plaident en faveur de cette proposition de loi, et nous devons les prendre en considération. On ne peut occulter ni la prégnance de ce virus dans notre société, depuis maintenant un peu plus de 700 jours, ni ses mutations et ses incidences fluctuantes, erratiques, certes, mais quasi permanentes.

Face à ce covid, dont on ne sait d’ailleurs s’il est masculin ou féminin, le doute lexical exprimant la difficulté à le cerner et donc à l’enrayer (Sourires.), force est de le constater : l’existence d’un référentiel unique et commun peut, à moyen terme, présenter un intérêt réel.

La rapidité de sa propagation, dès l’origine, la diversité des réactions et la durée de certains symptômes nous interpellent. Ces covid dits « longs », également appelés « symptômes prolongés » et « symptômes persistants », relèvent-ils vraiment d’une chronicité ? Là encore, la diversité des termes témoigne des errements de la science face à ces situations. (Mme la ministre acquiesce.)

Sans minimiser les avancées accomplies par la Haute Autorité de santé (HAS), les ARS et plus largement l’ensemble du corps médical, on ne saurait le nier, il demeure un certain nombre de zones d’ombre, auxquelles la science n’est pour l’instant pas en mesure de répondre.

Des malades, souvent jeunes et fréquemment atteints de formes dites « légères », continuent à souffrir de symptômes gênants, voire invalidants, et surtout extrêmement stressants faute de réponses précises, de diagnostics et de thérapies probants.

Dans ce contexte, rassembler moult informations sur une plateforme présente certains intérêts.

Je pense tout d’abord aux scientifiques et aux médecins. Le recensement de données éparses centralisées sur un site unique et accessible permet la création d’un référentiel, donc le partage d’informations par les professionnels de santé. Les médecins de ville pourront notamment y recourir avec profit pour affiner leur diagnostic, voire leur traitement, par comparaison avec des situations similaires. Ainsi, paradoxalement, cet outil peut renforcer le rôle central du médecin traitant et de la médecine de ville dans l’accompagnement et la prise en charge des patients atteints de symptômes post-covid.

Je pense aussi aux patients eux-mêmes. Sur la majorité du territoire, qui n’est pas en zone blanche, ils pourront recourir à cette plateforme sans se déplacer. Sa seule existence permet aux uns et aux autres de savoir qu’ils ne sont pas seuls à souffrir de ces symptômes. D’une part, ils s’en trouveront rassurés ; de l’autre, la conjonction des données leur ouvrira l’espoir d’une prise en charge optimale, grâce à une connaissance plus fine des séquelles dont il s’agit.

Cette plateforme est-elle la panacée ? Certainement pas. Mais elle constitue une avancée qui devra être complétée, notamment par les décrets à venir. Il s’agira de clarifier certaines dispositions et d’assurer une mise en œuvre cohérente avec l’organisation de notre système de soins.

Elle présente l’avantage d’offrir une réponse unique et visible, avec des propositions concrètes de prise en charge tant médicales que financières pour les patients. À défaut de promettre une grande loi, ce texte est pétri d’humanité, de volonté d’écoute et d’espérance.

Pour conclure, mon cher collègue, permettez-moi de citer Albert Camus : « Je voudrais bien l’an prochain réduire ma vie à l’essentiel, autant que possible, et vous êtes dans cet essentiel. »

C’est peut-être en partie le sens de ce texte, le message envoyé à toutes celles et à tous ceux qui souffrent aujourd’hui de symptômes qu’ils ne savent pas comment surmonter : ils sont essentiels, tout comme nos soignants et nos chercheurs. C’est pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la branche européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus de 50 % des Européens pourraient être touchés par le variant omicron d’ici à deux mois.

En parallèle, la Haute Autorité de santé indique que « plus de la moitié des patients présentent encore au moins un des symptômes initiaux de la covid-19 quatre semaines après le début de la maladie, et plus de 10 % à six mois ».

Maux de tête, perte de goût et d’odorat, essoufflement rapide à l’effort, fatigue qualifiée parfois de « terrassante » : les symptômes persistants sont nombreux.

Les patients atteints des formes persistantes de la covid-19 se rassemblent dans des groupes de soutien ou des collectifs plus structurés pour faire reconnaître leurs pathologies. Leur demande est légitime : ils veulent que les formes longues et chroniques de cette pathologie soient reconnues et prises en charge efficacement par notre système de soins. Ils veulent que cesse l’errance médicale des malades.

Le décret du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à cette infection est un premier pas, mais les critères établis par ce texte ouvrent aux seuls soignants ayant développé des formes très sévères de coronavirus la reconnaissance en maladie professionnelle.

À ce jour, les autres doivent encore accomplir un véritable parcours du combattant,…

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. Ça…

Mme Raymonde Poncet Monge. … qui aboutit rarement, alors même que nombre de salariés sont concernés, notamment ceux des métiers dits « essentiels », qui ont été extrêmement exposés dès le début de la pandémie. D’ailleurs, à cet égard, leur situation n’a pas changé.

L’ampleur de cet enjeu de santé publique appelle donc une réponse structurelle et ambitieuse. Tel est le contexte dans lequel intervient cette nécessaire proposition de loi, et nous remercions nos collègues du groupe Union Centriste de l’avoir inscrite à l’ordre du jour.

Nous l’avons vu : ce texte s’articule en deux articles. Le premier vise à créer une plateforme de référencement et de suivi des malades chroniques de la covid-19 ; le second porte sur les modalités de prise en charge de ces malades chroniques.

Pour notre part, nous nous inquiétons des difficultés d’accès à la plateforme pour les malades éloignés du numérique. Nos interlocuteurs insistent sur ce point : le médecin généraliste doit pouvoir procéder au référencement en ligne. C’est indispensable pour garantir l’accessibilité du dispositif aux personnes souffrant d’illectronisme.

De plus, il faut ouvrir rapidement le dossier de la reconnaissance du syndrome post-covid comme affection de longue durée exonérante au sens de l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l’étude du post-covid et du covid long doit permettre une meilleure reconnaissance comme maladie professionnelle. Il faut aller au-delà du décret actuel, prenant en compte le syndrome post-covid selon des exigences manifestement trop restrictives. J’y insiste, les professions exposées ne sauraient se limiter au secteur de la santé : nombre de métiers ont été mobilisés en première ligne, notamment lors des confinements.

En conclusion, cette proposition de loi répond partiellement au besoin de reconnaissance, y compris symbolique, exprimé par les malades. Néanmoins, elle ne marque pas de réelle avancée vers la prise en charge coordonnée du malade par une équipe pluridisciplinaire, médicale et paramédicale. Surtout, elle n’assure pas la reconnaissance en ALD ou en maladie professionnelle, que j’ai évoquée.

Notre débat devrait permettre de tracer quelques pistes d’amélioration ; quoi qu’il en soit, nous voterons ce texte. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Monique Lubin, MM. Jean-Claude Requier et Martin Lévrier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que notre pays fait face à une cinquième vague de la pandémie de covid-19, d’une ampleur sans précédent – le variant omicron contamine près d’un million de personnes chaque jour –, il est impératif d’assurer une prise en charge des malades qui conservent des symptômes durablement.

Je remercie nos collègues du groupe Union Centriste de nous permettre, avec cette proposition de loi, de débattre de la situation de centaines de milliers de nos concitoyennes et concitoyens atteints de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le covid long.

L’Organisation mondiale de la santé est parvenue récemment à une définition internationale du covid long, dont les symptômes seraient présents chez une personne contaminée sur dix après douze mois. Néanmoins, les scientifiques n’ont pas encore pu atteindre un consensus quant aux mécanismes qui en sont à l’origine.

En attendant, les contaminations explosent et laissent présumer une augmentation tendancielle du nombre de malades touchés par les symptômes longs. Or les conséquences peuvent être graves : certains symptômes peuvent être particulièrement incapacitants, au point parfois d’empêcher la reprise du travail, ce qui entraîne de lourdes difficultés financières. (Mme le rapporteur le confirme.)

Le présent texte propose donc de recenser les cas de covid long par le biais d’une plateforme et de prendre en charge ces malades.

Le référencement des malades et la création d’un protocole de soins apporteraient certes une amélioration pour ces patients, actuellement très démunis. Néanmoins, ce texte manque d’ambition, et certaines de ses dispositions inspirent des réserves.

Je pense tout d’abord au référencement et au dispositif de suivi prévu sur une plateforme en ligne. Cette solution exclusivement numérique laisse de côté toutes les personnes qui n’ont pas accès à internet faute de moyens, par illectronisme ou parce que leur lieu de vie n’est pas couvert par ces technologies.

Je rappelle que, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la fracture numérique concerne 17 % de la population et, en premier lieu, les publics les plus précaires.

Aussi, nous regrettons que ce texte ne permette pas aux médecins généralistes ou aux caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de se charger de l’entrée dans le dispositif.

À cet égard, nous rejoignons notre rapporteur, que je remercie de son travail. Elle souligne la nécessité d’autoriser l’accès au parcours de soins des malades, y compris celles et ceux qui n’ont pas été référencés préalablement sur la plateforme.

Je pense ensuite à la gestion et à la sécurité des données de santé de la plateforme. Les nombreuses attaques de sites internet d’hôpitaux menées ces derniers mois illustrent à la fois l’attrait que suscitent ces données et les risques existants pour la sécurité des données personnelles, en particulier par suite de potentielles violations du secret médical.

De plus, nous nous interrogeons quant à la faisabilité de cette proposition de loi, qui confie la gestion des données aux hôpitaux de proximité.

Comment ces établissements, qui subissent déjà des pénuries de personnel, pourront-ils gérer et financer le référencement des covid longs dans les territoires ? Pourquoi ne pas avoir envisagé de confier ce référencement à Santé publique France, dont l’observation épidémiologique et la surveillance de l’état de santé des populations figurent déjà parmi les missions ?

À notre sens, si la gestion des données doit relever des hôpitaux de proximité, il est nécessaire de prévoir une enveloppe financière dédiée.

Par ailleurs, nous regrettons que le covid long ne soit pas reconnu au titre des affections de longue durée, ce qui garantirait une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale. À l’inverse, on préfère maintenir un reste à charge pour celles et ceux qui font partie des 3,8 millions de Françaises et de Français sans complémentaire.

Enfin – c’est là le principal écueil du texte –, cette proposition de loi néglige la reconnaissance du covid-19 comme maladie professionnelle.

Au regard du nombre important de travailleuses et de travailleurs qui ont contracté le covid-19 sur leur lieu de travail, notamment du fait de la pénurie d’équipement de protection au début de cette pandémie, le covid long devrait être reconnu comme une maladie professionnelle.

Malgré ces réserves, les élus du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront ce texte. En effet, il s’agit d’un premier pas pour les patients souffrant de covid long, qui avaient jusqu’alors l’impression d’être totalement abandonnés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Colette Mélot et M. Alain Milon applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer le travail de notre collègue député Michel Zumkeller, auteur de cette proposition de loi visant à la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge de malades chroniques de la covid-19, aujourd’hui soumise à notre examen.

Je remercie également notre collègue rapporteur, Mme Nadia Sollogoub, de la qualité de son rapport, qui éclaire avec précision les enjeux de ce texte.

Tout d’abord, j’insisterai sur la nécessaire reconnaissance du covid long. Il semble à présent certain qu’il ne s’agit pas, en soi, de l’une de ces maladies dites « imaginaires ».

De multiples symptômes, que l’on associe souvent à tort à des douleurs post-traumatiques ou dépressives, affectent durablement de nombreuses personnes. Fatigue extrême, troubles cognitifs, essoufflement, angoisses, insomnies : ces symptômes, qui pourraient durer plus d’un an, fragilisent les malades et détériorent leur quotidien, notamment du fait de leurs répercussions sociales et professionnelles.

Force est de constater que, deux ans après l’apparition de la pandémie, le covid long est un objet encore mal connu et reconnu. Sa définition n’est toujours pas établie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, qui le nomme aussi « syndrome post-covid », il s’agit de symptômes qui sont encore présents trois mois après l’infection de covid-19 et qui persistent au moins deux mois.

Les résultats d’une étude américaine montrent que le virus peut provoquer une infection disséminée et persister dans l’organisme pendant des mois. Publiée le 20 décembre 2021 sur la plateforme du groupe Nature, cette analyse repose sur l’autopsie de patients décédés de la covid-19.

Le contexte est donc dominé par d’immenses incertitudes. Il nous reste beaucoup à apprendre, qu’il s’agisse des délais, des symptômes, de l’attribution ou des critères.

Faute d’informations et de formations spécifiques, les médecins peinent à établir des diagnostics et à offrir à ces patients une prise en charge adéquate, si bien qu’ils peuvent demeurer dans une errance thérapeutique difficile à vivre. Les symptômes dont ils sont affectés peuvent être cycliques, c’est-à-dire disparaître, puis se déclarer à nouveau, avec une intensité variable.

Selon une étude du Bureau national des statistiques du Royaume-Uni, au 6 décembre 2021, quelque 1,3 million de Britanniques souffraient du covid long. Quant au nombre de Français atteints d’un covid long, il est encore inconnu. On estime que 10 % des patients ayant eu le covid souffrent de symptômes persistants. Il s’agit là d’un réel enjeu de santé publique, qui mérite incontestablement notre attention.

N’importe quelle personne – enfant ou adulte, jeune ou âgée, en bonne santé ou fragile – peut être touchée par le covid long. Il n’existe pas de lien de cause à effet entre la sévérité de la maladie et la persistance des symptômes. La gravité des symptômes peut évoluer d’un jour à l’autre, et la personne souffrant de covid long alterne des phases de récupération, marquées par la disparition des symptômes, et d’aggravation de son état.

Par ailleurs, le séjour en réanimation met le corps à rude épreuve, par suite d’une longue immobilisation, de la sédation et de l’intubation. Le ressenti peut relever, soit du covid long, soit des conséquences d’une hospitalisation prolongée, et le parcours de soins doit être adapté à la situation de chacun.

Tous les experts attestent de la nécessité de reconnaître les symptômes persistants et d’assurer le maillage territorial d’un parcours de soins spécifique à l’échelle nationale.

Il est urgent de coordonner les actions pour soigner les patients qui souffrent de cette forme persistante de la covid-19. Il est urgent que cette maladie soit clairement répertoriée et donc plus efficacement prise en charge.

Les sénateurs du groupe Union Centriste saluent la création rapide d’une plateforme spécifiquement dédiée aux malades « post-covid-19 ».

Ce dispositif témoigne de la véritable prise en considération d’un problème de santé nouveau et assurera un meilleur accompagnement des patients. Il permettra à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitent de se faire référencer comme souffrant ou ayant souffert de symptômes post-covid.

La mise en place d’une telle plateforme présente d’indéniables intérêts, au premier rang desquels l’information du patient, l’aide au diagnostic et le développement de la recherche. Elle permettrait d’identifier ces personnes, de recueillir des informations relatives aux pathologies que ces malades auraient en commun, à la durée de leurs symptômes et à leurs traitements. Ces données pourraient contribuer à l’avancée des recherches d’ores et déjà engagées partout dans le monde sur ce phénomène post-viral encore trop peu connu.

Néanmoins, nous abondons dans le sens de notre collègue rapporteur : ce texte ne doit pas laisser à penser qu’un traitement différencié serait applicable aux patients selon qu’ils soient référencés sur cette plateforme ou non.

Sans doute serait-il nécessaire de rappeler que cette plateforme doit être conçue de façon et à ne pas retarder l’accès du patient à un professionnel de santé, à ne pas détourner le patient de son médecin traitant. (Mme le rapporteur acquiesce.)

Il me semble opportun d’évoquer le rôle central du médecin traitant dans l’accompagnement et la prise en charge des patients atteints de symptômes post-covid depuis le début de la crise sanitaire.

Sur le fond, cette proposition de loi n’a que très peu évolué dans sa rédaction depuis son dépôt en octobre 2020, et les sénateurs du groupe Union Centriste le regrettent profondément. En effet, on peut reprocher au présent texte un décalage entre les intentions de son auteur et la rédaction retenue.

Néanmoins, les quelques dispositions qui s’y trouvent nous semblent de bon sens. Il s’agit de l’orientation du malade, soit vers un suivi personnalisé par le médecin traitant, en vertu d’un protocole déterminé, soit vers un parcours de soins adapté par une unité de soins post-covid dans un établissement hospitalier de proximité, pour les pathologies les plus lourdes.

Je salue également le déploiement rapide de ces unités de soins par les agences régionales de santé, ainsi que la prise en charge à 100 % des analyses et soins par l’assurance maladie et les complémentaires de santé.

Malgré les quelques réserves qu’inspire sa portée opérationnelle, ce texte assure la première reconnaissance d’une pathologie mal identifiée et un meilleur suivi des patients atteints de covid long, dont le quotidien est un combat permanent.

Nous souhaitons créer du lien et mettre fin au sentiment d’invisibilité dont souffrent ces malades. C’est pourquoi les membres du groupe Union Centriste voteront le présent texte. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis deux ans, l’humanité doit faire face à une pandémie qui a touché près de 300 millions de personnes et fait plus de 5,5 millions de morts sur la planète ; et ce bilan, déjà particulièrement lourd, serait, selon certaines études, malheureusement sous-estimé.

Cette maladie est un défi pour le milieu médical. Si la recherche a progressé, notamment grâce à l’exceptionnelle mobilisation des chercheurs pour mettre au point des vaccins et des médicaments antiviraux, force est de constater que ce virus présente encore beaucoup d’inconnues. C’est le cas de ce que l’on appelle communément le covid long.

Si, dans la plupart des cas, les symptômes de la covid-19 disparaissent au bout de quelques jours, un grand nombre de patients se plaignent de symptômes multisystémiques fluctuants, qui persistent pendant des mois : perte de goût et d’odorat, maux de tête, fatigue terrassante, « brouillard mental », douleurs musculaires, péricardites, etc.

Parfois très invalidants, ces symptômes peuvent bouleverser le quotidien des personnes malades. La littérature scientifique estime que 10 % à 30 % des patients ayant été infectés par la covid, y compris sous une forme légère, souffrent de covid long, ce qui représente au moins 700 000 personnes. Mais, en réalité, nous ne disposons d’aucun décompte officiel, si bien que les intéressés sont certainement plus nombreux.

Du fait de la grande hétérogénéité des symptômes, il est difficile d’obtenir des chiffres fiables. Face à ces malades, la communauté médicale est démunie, pour ne pas dire impuissante.

Certes, la Haute Autorité de santé a élaboré, en février 2021, des fiches à destination des professionnels de santé pour les accompagner dans la prise en charge et l’orientation de ces patients. Les agences régionales de santé ont par ailleurs déployé des cellules de coordination post-covid sur l’ensemble du territoire, afin d’organiser la prise en charge des patients tout en fournissant une assistance aux malades et aux médecins traitants, notamment pour la prise en charge des pathologies complexes.

Pour autant, de nombreux médecins ignorent encore la variété des symptômes du covid long et l’existence des dispositifs mis en place par les autorités sanitaires. L’absence de compréhension et de reconnaissance de ce syndrome post-infectieux nuit fortement aux patients, qui, réduits à une véritable errance médicale, sont plongés dans une profonde détresse.

Face à ce problème de santé publique, nos collègues députés ont adopté à l’unanimité, le 26 novembre dernier, une proposition de loi visant à créer une plateforme de référencement et de prise en charge de ces malades chroniques.

Comme l’a rappelé Mme le rapporteur, il aurait été possible d’améliorer ce texte pour lui donner davantage de portée opérationnelle. Mais, en raison d’un calendrier législatif contraint jusqu’à la suspension des travaux parlementaires, elle nous propose de l’adopter conforme pour une mise en œuvre rapide.

Je puis comprendre la position de certains de nos collègues, qui rejettent l’idée de voter conforme un texte nécessitant un certain nombre d’améliorations. Vous le savez, les membres du RDSE sont très attachés au bicamérisme ; le temps sénatorial n’est-il pas celui de la réflexion, pour reprendre les mots de Clemenceau ?

Pour autant, il ne faudrait pas priver les médecins et leurs patients d’un outil supplémentaire. Les chercheurs sont unanimes : pour faire avancer les connaissances, la communauté médicale a besoin de la parole et de l’expérience de ces malades. Elle a besoin de données pour comprendre ce qui se passe et ce qu’il faut mettre en place.

Cette plateforme permettra de recenser les cas et de recueillir de précieuses informations au sujet de cette pathologie encore méconnue. C’est pourquoi, malgré quelques réserves, les élus du RDSE soutiendront cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours des deux derniers jours, nous avons débattu dans cet hémicycle des outils de gestion de la crise sanitaire ; nos échanges ont été largement nourris par la nécessité d’adapter notre organisation commune à un virus en constante mutation, qui, malgré nous, s’inscrit dans la durée.

Entre autres évolutions de l’épidémie, on constate qu’une frange des personnes contaminées par le covid-19 est victime de symptômes prolongés et persistants. La part que représentent ces cas de covid long n’est pas encore établie à ce jour. Mme la ministre nous a donné un certain nombre de chiffres. Ces données ne sont toujours pas stabilisées, mais elles n’en sont pas moins intéressantes.

En tout état de cause, il s’agit d’un sujet important, car nombre de nos concitoyens souffrent de cette chronicité. Nous devons nous donner les moyens de les accompagner et de les prendre en charge de la manière la plus efficace.

La question que pose ce texte est la suivante : le dispositif proposé est-il pertinent au regard de ce qui existe déjà dans nos territoires et de l’état des connaissances sur la pathologie ? On peut regretter, sur ce dernier point, que le texte soit resté presque inchangé depuis son dépôt en 2020, tandis que la situation, elle, a apporté de nouvelles réponses sur le traitement de ces formes chroniques.

En tout état de cause, nous regrettons que ce texte soit si peu fourni, alors qu’il s’ajoute à une organisation territoriale de santé déjà compétente en théorie pour assurer une telle mission. Nous regrettons ce que l’on peut qualifier « d’inflation normative ».

Les personnes concernées ont avant tout besoin d’un parcours de soins accessible et attentif. Les acteurs de santé s’organisent et disposent déjà de certains outils permettant de traiter ces cas et de prendre en charge ces personnes à l’échelle territoriale.

Par exemple, le projet régional de santé, et même le projet territorial de santé, a pour objectif de coordonner les différents professionnels de soin au bénéfice d’une problématique de santé publique, telle que la prise en charge de pathologies chroniques comme le covid long.

Par ailleurs, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) disposent de missions similaires à celle que met en place cette proposition de loi. Obligatoires, ils sont dotés d’un projet médical partagé, ils sont composés d’un très grand nombre d’acteurs de la santé et du médico-social et ils définissent des priorités de santé publique.

Les groupements de coopération sanitaire (GCS), sont eux aussi compétents pour organiser leurs activités au profit d’une problématique de santé publique.

Ce tableau n’est pas exhaustif, mais l’on voit bien que des moyens concrets préexistent pour ce type de prise en charge, moyens qui sont déjà conventionnés et coordonnés par les ARS.

Je le répète, le covid long est un sujet important et je remercie le rapporteur de la qualité du travail effectué. Son rapport, d’une exceptionnelle qualité, a conduit la commission des affaires sociales à émettre des réserves sur ce texte tel qu’il nous était présenté.

Au fond, ne faudrait-il pas plutôt se concentrer sur les structures existantes dotées de véritables moyens financiers, humains et techniques et qui ont pour mission exacte de répondre à ce type de problématique ? Faut-il créer de nouveaux outils ?

Sur le terrain, les dispositifs existants font déjà leurs preuves pour prendre en charge les patients atteints de covid long. À Nantes, par exemple, une plateforme d’accompagnement et d’écoute des patients et des usagers, en lien avec les instances territoriales, a été mise en place ; en Occitanie, l’agence régionale de santé a travaillé à un parcours de soins et labellisé six centres pour accueillir des patients souffrant de covid long et présentant des situations de prise en charge complexes.

En complément, dix-huit centres de soins de suite et réadaptation sont désormais labellisés dans toute la région, pour aider les patients concernés à retrouver leur autonomie. En outre, chaque département dispose d’une plateforme d’appel, qui centralise les demandes par un numéro d’appel unique orientant les patients vers le centre ou la consultation la plus proche.

Cette proposition de loi, pour intéressante qu’elle soit, n’est-elle pas déjà satisfaite, par ailleurs, par un dispositif du ministère des solidarités et de la santé : le réseau territorial de cellules de coordination post-covid ?

J’en cite la raison d’être : ces cellules « viennent en appui des médecins traitants, soit pour structurer une prise en charge globale du patient, soit pour accompagner directement ce dernier dans son parcours de soins et l’orienter vers les spécialistes les plus adaptés à sa situation. Les cellules de coordination post-covid sont portées prioritairement par les dispositifs d’appui à la coordination, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou tout autre acteur qui permet l’animation d’un réseau d’acteurs pluri professionnel au service du patient. »

Vous l’avez compris, ce texte empathique – c’est très important, et nous le soutenons –, nous semble n’apporter qu’une faible valeur ajoutée à l’objectif, par ailleurs légitime, d’une amélioration de la prise en charge de ces patients présentant une forme longue du covid.

C’est pourquoi nous avons proposé des amendements qui visent, à tout le moins, à s’assurer de la parfaite accessibilité de cette plateforme, à se prémunir de toute discrimination vis-à-vis de celles et de ceux qui n’auront pu s’y référencer et à attribuer un rôle clair aux ARS.

Notre groupe s’abstiendra probablement – nous en jugerons à l’issue du débat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)