Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures d’urgence qui ont été mobilisées, et continuent de l’être pour quelques secteurs et entreprises particulièrement touchés par la crise, car tel n’est pas l’objet du débat du jour.

Je concentrerai en revanche mon propos sur le plan de relance, qui a été pensé très tôt comme l’instrument nécessaire pour protéger l’investissement et relancer l’économie, dans un contexte inédit de crise sanitaire puis de crise économique.

Ce plan de relance a également été conçu comme un instrument stratégique au service des transitions environnementale et digitale, dans un souci de résilience. Il est donc le garant de notre compétitivité.

Le plan France Relance, vous le savez, s’élève à 100 milliards d’euros, dont 40 milliards seront financés par l’Union européenne. Il a été construit et déployé en un temps record, j’y reviendrai. Je remercie le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’offrir au Gouvernement l’occasion de dresser aujourd’hui un bilan de sa mise en œuvre.

Pour assurer le déploiement efficace du plan France Relance, nous avons suivi une méthode ; cette méthode privilégie le collectif et la concertation, ainsi que l’impact.

Le collectif, tout d’abord : depuis la conception du plan de relance, et tout au long de son déploiement, nous n’avons cessé de consulter les acteurs et de les associer à la construction de notre vision stratégique.

Si le plan de relance a été préparé aussi rapidement, c’est qu’il est issu de plus d’un an de travail sur le Pacte productif, associant organisations syndicales, élus du territoire, élus nationaux, filières industrielles et experts académiques. Ce sont ces éléments, pensés collectivement et sur la base d’une stratégie parfaitement pesée, qui nous ont permis d’aller si vite sur le plan de relance.

Par ailleurs, le suivi de sa mise en œuvre a été confié au comité national de suivi de la relance et, au niveau local, aux comités régionaux et départementaux de pilotage et de suivi du plan de relance, présidés notamment par les préfets.

Le suivi est par ailleurs assuré au quotidien, au gré des retours auxquels vous avez pour partie contribué, par les instances de pilotage de chacune des politiques publiques, par exemple par le Conseil national de l’industrie (CNI), structuré en dix-neuf comités stratégiques de filière.

Cette concertation et cette vision nous ont permis d’améliorer sans cesse les dispositifs. Je pense, par exemple, à la simplification du processus de dépôt des dossiers pour les aides à l’industrie en octobre 2020.

Elles nous ont également permis de procéder à des redéploiements destinés à affecter la ressource là où l’effet de relance est le plus efficace.

Le principe d’impact, ensuite : nous avons eu à cœur de mettre en œuvre un plan de relance de façon rapide, ciblée, en nous donnant un objectif très clair : augmenter la croissance potentielle de notre pays en anticipant les transformations digitales et environnementales nécessaires.

Nous avons engagé tous les volets du plan de relance dès septembre 2020. Au début de l’année 2021, Bruno Le Maire et moi-même nous étions fixés pour objectif que 70 % du plan soit engagé d’ici à la fin de cette même année 2021. C’est chose faite : le taux d’engagement du plan France Relance a atteint 72 % à la fin 2021.

Les crédits ont été ventilés de manière équilibrée entre nos trois priorités, lesquelles sont parfaitement connues et stratégiques : contrairement à ce que j’ai cru entendre ici et là, elles n’ont jamais été perdues de vue !

Trois priorités, donc : 25 milliards d’euros ont été engagés pour accélérer la transformation écologique, 20 milliards d’euros pour le renforcement de notre compétitivité et pour la reconquête industrielle, 26 milliards d’euros pour soutenir la cohésion sociale, en particulier l’emploi et la cohésion territoriale.

Après seize mois de déploiement, où en sommes-nous ? Depuis septembre 2020, nous n’avons cessé de dire que l’efficacité de France Relance serait jugée à l’aune de la croissance, de l’emploi et de la réalisation des objectifs qui ont été fixés – amélioration de l’offre française, décarbonation, qualification, compétences et cohésion sociale.

Quant aux objectifs macroéconomiques de court terme que nous avions fixés à l’été 2021, ils sont atteints. La croissance du PIB avait été initialement estimée à 5 % pour 2021 ; elle atteint, selon l’Insee, un niveau de 7 %. Nous devions retrouver un niveau d’activité d’avant-crise mi-2022, c’était chose faite dès la fin du troisième trimestre 2021. La France est d’ailleurs, je tiens à le souligner, le premier pays européen à avoir retrouvé son niveau d’activité d’avant-crise.

L’objectif du plan de relance était de faire baisser dès 2021 le niveau du chômage ; l’emploi salarié en France a dépassé son niveau d’avant-crise dès le deuxième trimestre 2021.

L’ensemble de ces données sont parfaitement documentées par l’Insee : nulle expression politique n’intervient dans ce tableau.

Un million d’emplois, je le rappelle, ont été créés durant le quinquennat. Nous avons aujourd’hui, alors que nous venons de traverser la crise sanitaire et économique la plus impactante de ce siècle, le plus haut taux d’emploi depuis cinquante ans. On peut bien considérer que ce n’est pas suffisant, mais ce constat est lui aussi tout à fait documenté.

France Relance n’est pas qu’un plan de relance conjoncturel, c’est aussi une réponse à trois défis structurels que doit relever notre économie : la décarbonation et l’accélération de la transition écologique ; l’amélioration de l’offre française et la reconquête industrielle ; l’emploi, la formation et les qualifications.

Pour ce qui est de l’accélération de la transition écologique, je prendrai pour exemple la décarbonation de l’industrie. Trois feuilles de route très claires ont été publiées l’année dernière, retraçant les stratégies respectives de décarbonation des trois filières qui sont responsables de 75 % des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie : la métallurgie, le ciment et la chimie lourde.

Deux dispositifs viennent compléter ces feuilles de route. Le premier prévoit l’accélération des investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique des procédés de production et à développer la production de chaleur par la valorisation des combustibles de récupération. Nous y consacrons une enveloppe de 1,2 milliard d’euros.

Des investissements sont prévus, deuxièmement, dans les innovations qui nous permettront d’atteindre ces objectifs – je pense notamment à l’hydrogène bas-carbone.

Les résultats sont là : à date, plus de 140 projets de décarbonation, représentant 2,8 millions de tonnes d’émissions de CO2 évitées, sont engagés, l’objectif étant d’atteindre, d’ici à la fin de ce semestre, les 3,6 millions de tonnes, chiffre auquel il était prévu d’arriver, dans le cadre de notre trajectoire carbone, en dix-huit mois ! L’objectif est réalisé, c’est un acquis, et tout ce qui sera fait en plus équivaudra à une accélération de notre trajectoire.

Deuxième défi : la reconquête industrielle. Le constat a été dressé : une situation de dépendance industrielle dans certains secteurs critiques et une désindustrialisation progressive qui est le fruit de trente années de capitulation.

Je ne reviendrai pas sur les mesures qui ont permis, depuis quatre ans maintenant, de relancer la reconquête industrielle et de recréer de l’emploi pour la première fois dans ce secteur depuis 2000.

Je me concentrerai sur l’impact du plan de relance. Dans ce cadre, 10 600 projets industriels ont été financés, tous dispositifs confondus, autour de quatre priorités très claires : la décarbonation, que j’ai mentionnée ; la modernisation des chaînes de production, au travers du guichet « industrie du futur » ; l’innovation ; un choc de relocalisation.

Pour ce qui concerne l’innovation, vous avez évoqué l’automobile et l’aéronautique, monsieur le sénateur Redon-Sarrazy. Sachez que plus de 1 000 entreprises de la sous-traitance ont été accompagnées via le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) et le Comité d’orientation pour la recherche automobile et mobilité (Coram).

Quant au choc de relocalisation, il a d’ores et déjà permis d’accompagner 750 projets de relocalisation, notamment dans des secteurs critiques tels que la santé, l’électronique, l’agroalimentaire, les intrants critiques et le nucléaire.

Ces dispositifs, je le précise, ont bénéficié à plus de 90 % à des TPE, à des PME et à des entreprises de taille intermédiaire. Ils ont permis de financer 15 milliards d’euros d’investissements et de protéger ou de créer 230 000 emplois industriels.

Le troisième défi structurel que doit permettre d’affronter France Relance est celui des compétences. Je ne m’y étendrai pas, car il me reste peu de temps. J’indique seulement que 2 millions de primes à l’embauche ou à l’apprentissage ont été versées, et que 2021 fut une année historique pour l’apprentissage, puisque 720 000 jeunes y sont entrés, alors qu’ils étaient moins de 300 000 en 2017.

Oui, France Relance est un succès, même si cela ne diminue en rien tout le travail que nous devons continuer à mener pour conforter la position de notre économie.

Je souhaite conclure en rappelant que nous sommes le pays européen le plus avancé dans le déploiement de ce plan. Sans doute cela explique-t-il le différentiel de croissance que nous observons et, partant, les chiffres de notre balance commerciale. Il est acquis que lorsqu’un pays bénéficie d’un tel différentiel de croissance sa balance commerciale « tire » de facto sur les importations. Il s’agit là d’un effet macroéconomique parfaitement explicable, a fortiori dans un contexte d’augmentation du prix des matières premières. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, je souhaite aborder le sujet de la relance dans le domaine de la culture.

Dans le rapport d’information que j’ai réalisé au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avec ma collègue Sonia de La Provôté, j’insistais sur la nécessité de convertir le plan de relance pour la création en une reprise durable et soutenable. Vous le savez, dans ce domaine, il n’y a pas eu de relance.

L’enjeu réside désormais dans la capacité à transformer le soutien apporté au secteur culturel en une relance de long terme. À défaut, les aides qui ont été débloquées ne s’apparenteraient qu’à un appui conjoncturel très éloigné de l’objectif affiché : une consolidation et une relance structurelles du secteur du spectacle vivant.

Les annonces de décembre dernier – le rétablissement des jauges, l’interdiction des concerts debout – ont une nouvelle fois fragilisé le spectacle vivant, entraînant de nombreux reports et annulations de dates et de tournées.

La filière n’avait pas besoin de ce coup d’arrêt brutal, et ce d’autant moins que, nous le savons, la reprise est timide, et le retour du public difficile.

L’effet signal de telles décisions s’avère de surcroît délétère : les lieux de culture seraient des lieux à risque et de contamination, ce qui est faux, c’est scientifiquement prouvé. Surtout, en perpétuant la politique de stop and go, on empêche la filière de se projeter.

En dépit des annonces qui ont été faites, le secteur continue de voir s’accumuler devant lui diverses contraintes.

Par exemple, l’aide Coûts fixes n’est pas ouverte aux associations, alors que celles-ci sont nombreuses dans le secteur culturel. Quant à la mise en œuvre du passe vaccinal, elle implique l’embauche de personnels supplémentaires, mais aucune aide n’est prévue à cet effet.

Ma question est très simple, madame la ministre : dans ce contexte difficile et contraint, quel soutien efficace êtes-vous prête à apporter pour accompagner durablement cette filière et préserver ainsi l’avenir de la culture dans notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Madame la sénatrice, je connais votre attachement à la culture française et aux entreprises œuvrant dans ce secteur.

Vous le savez, la culture est une priorité pour ce gouvernement. Les mesures que nous avons déployées pendant la crise sanitaire l’attestent : elles se comparent très favorablement à celles qui ont été prises dans d’autres pays, témoignant d’une priorité plus forte accordée en France à ce domaine.

Au total, ce sont près de 12 milliards d’euros qui ont été mobilisés pendant la crise sanitaire : 8,9 milliards d’euros d’aides transversales, 1,7 milliard d’euros d’aides sectorielles spécifiques et 1,3 milliard d’euros au titre de la prolongation de l’année blanche de l’intermittence.

À cela s’ajoute l’enveloppe de 2 milliards d’euros consentie dans le cadre du plan de relance, destinée à réaliser divers objectifs : soutenir le patrimoine dans les territoires, favoriser la reprise du spectacle vivant et la reconquête de notre modèle de création, consolider nos grandes filières économiques culturelles et préparer leur avenir.

À date, la quasi-totalité des chantiers de rénovation de cathédrales et de monuments historiques n’appartenant pas à l’État ont été lancés, et les mesures de soutien aux filières – cinéma, livres, musique, presse, industries culturelles et créatives – ont d’ores et déjà profité à plus de 8 000 bénéficiaires.

En outre, 600 millions d’euros supplémentaires ont été attribués à la culture au titre de France 2030, soit un total de 2,6 milliards d’euros pour relancer le secteur et préparer l’avenir post-crise.

Dans votre département d’Ille-et-Vilaine, trois projets de rénovation sont menés dans le cadre de France Relance : ceux de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes, de l’abbatiale Saint-Sauveur de Redon et de l’ancienne cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.

Pour ce qui est, enfin, de l’aide Coûts fixes, je peux vous confirmer que son bénéfice sera étendu aux associations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.

Mme Sylvie Robert. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre.

J’indiquais dans le rapport précité que l’année 2022 serait difficile, notamment pour la filière du spectacle vivant, et c’est le cas. Une relance et une reprise durables s’imposent si nous voulons préserver ce tissu auquel, je le sais, nous sommes tous attachés.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la ministre, dès le début du premier confinement, en mars 2020, le Gouvernement a fait le choix de mettre en place des dispositifs de soutien massifs afin d’atténuer le choc subi par l’activité économique en raison de la pandémie mondiale.

L’activité partielle, destinée à protéger les emplois, les prêts garantis par l’État, lancés pour soutenir nos entreprises en difficulté de trésorerie, le Fonds de solidarité pour les entreprises, indépendants, entrepreneurs : voilà autant de mesures qui ont permis à notre économie de tenir.

« Ce n’est pas assez ! », clameront les uns ; « Vous cramez la caisse ! », fustigeront les autres. La réalité contredit toutefois ces postures : la France aura non seulement été le pays d’Europe le plus protecteur durant la crise, mais elle fait aussi partie de ceux qui s’en sortent le mieux sur le plan économique, avec un taux de chômage historiquement bas et une croissance record.

Mme Pascale Gruny. Il faut les analyser, ces chiffres !

M. Xavier Iacovelli. Le plan de relance présenté en septembre 2020 constitue une deuxième réponse face à la crise. Résolument tourné vers l’avenir et doté de 100 milliards d’euros, il s’appuie sur trois piliers essentiels et indissociables pour construire la France de 2030 : écologie, compétitivité et cohésion sociale.

Les mesures efficaces qu’il contient portent déjà leurs fruits.

Je pense aux aides exceptionnelles permettant d’accompagner financièrement les employeurs qui recrutent en contrat d’apprentissage. Vous avez donné les chiffres qui viennent d’être publiés, madame la ministre : 718 000 contrats ont été signés en 2021, c’est un nouveau record.

Je pense également à l’accompagnement des entreprises qui souhaitent engager leur transformation numérique, laquelle est essentielle pour gagner en compétitivité et développer son activité.

Le « quoi qu’il en coûte » aura permis de préserver nos emplois, d’éviter les faillites d’entreprises et de relancer notre économie. Le plan de relance s’inscrit dans la continuité de cette logique.

Quand certains prônent le « c’était mieux avant, et ça sera pire demain », pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer comment le Gouvernement entend poursuivre son soutien en direction des entreprises afin de consolider la confiance dans notre économie et de construire la France de 2030 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous soulignez à juste titre que la politique du Gouvernement a reposé sur trois niveaux d’intervention.

Le premier niveau correspond aux mesures d’amortissement de la crise, qui nous ont permis de protéger notre outil de travail et nos emplois.

Ces mesures d’urgence se distinguent de celles qui avaient été prises en 2008-2009 : le coût de ces dernières avait creusé la dette publique à peu près dans les mêmes proportions, mais elles s’étaient traduites par une croissance à peu près nulle et par un rebond massif du chômage.

Grâce à l’activité partielle et au Fonds de solidarité, nous avons, cette fois, protégé l’outil de travail et les compétences. Nous ne nous sommes pas contentés de nous appuyer sur un système social certes très puissant, mais dont la vocation n’est pas de permettre le rebond économique.

Deuxième niveau : le plan de relance a permis d’accompagner la reprise de la croissance en la fondant sur l’activité des filières industrielles existantes et sur les transformations déjà engagées. Je pense à MaPrimeRénov’, aux aides à l’achat d’un véhicule électrique ou encore au soutien des filières industrielles.

Cette action a permis d’accompagner le rebond de la croissance, si bien que nos entreprises, qui sont déjà reparties à la conquête des marchés, rencontrent aujourd’hui des difficultés pour recruter, ce que nous n’aurions jamais imaginé au tout début de cette crise.

Le troisième pilier de la politique économique que nous menons en direction des entreprises, c’est le plan France 2030.

Ce plan vise à construire les filières industrielles de demain, celles qui feront notre compétitivité tout en nous permettant de décarboner notre économie – hydrogène bas-carbone, moteurs décarbonés dans l’aéronautique, maîtrise complète de la filière des batteries électriques, depuis les terres rares jusqu’à la production, dispositifs d’innovation en santé, etc.

Les retours sur investissement, dans chacun des dix chapitres ainsi déclinés, seront de nature à accroître notre croissance potentielle. Il y a là une stratégie complète, qui est reliée à l’État…

Mme la présidente. Je vous prie, madame la ministre déléguée, de veiller à respecter le temps de parole qui vous est imparti.

La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Madame la ministre, à l’heure où les milliards dopent la relance partout dans le monde, il est sain que le Parlement veille au bon emploi des deniers publics. C’est notre mission de contrôler l’action du Gouvernement, c’est aussi notre mission de voter le budget : nous sommes donc ce soir parfaitement dans notre rôle.

La façon dont est posé le débat de ce jour nous incite à aborder le problème sous un angle particulier.

En effet, pour évaluer l’efficacité et l’opportunité des aides versées dans le cadre du plan de relance, il faut d’abord se mettre d’accord sur les objectifs à atteindre et sur le délai imparti. Or c’est bien souvent là que le bât blesse et que les divergences politiques se font jour.

Dans de nombreux cas, bien sûr, l’efficacité et l’opportunité des aides ne posent pas question. Pour ce qui est des aides aux acteurs économiques, qu’il s’agisse des baisses des impôts de production, des aides attribuées pour le recrutement en apprentissage ou des prêts participatifs, il suffit de regarder les principaux indicateurs économiques.

En l’occurrence, c’est assez simple : ils sont tous au vert. La croissance a atteint 7 % en 2021, un score digne des Trente Glorieuses. Le taux d’emploi, qui est de 65 %, n’a jamais été aussi élevé depuis qu’il est mesuré. Le nombre d’apprentis a dépassé les 500 000, c’est-à-dire l’objectif déjà ambitieux fixé par le Gouvernement en début de quinquennat.

En revanche, pour évaluer l’efficacité et l’opportunité des aides allouées aux collectivités, les indicateurs de performance sont moins évidents.

Ma question est donc simple, madame la ministre : quels sont les indicateurs retenus pour évaluer les aides versées aux collectivités, et notamment les aides liées à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Malhuret, l’attribution de la part exceptionnelle de DSIL liée à la relance repose sur deux critères correspondant à deux objectifs : la sélection des projets s’opère au regard de leurs effets en matière d’accélération de la transition écologique et d’amélioration de la résilience sanitaire.

Je rappelle que les projets ont été élaborés par les collectivités locales auprès des préfectures, lesquelles les ont instruits sur la base de priorités fixées au niveau national et en tenant compte des enjeux locaux.

Concernant la part supplémentaire de DSIL destinée à financer des travaux de rénovation énergétique, les projets ont également été sélectionnés en fonction de deux critères : les gains énergétiques attendus, aisément mesurables, et l’impact qui est le leur du point de vue de la relance économique. Appliquer ce second critère revenait à établir si le calendrier de mise en œuvre du projet était concomitant avec le besoin de relance de l’économie ou, en d’autres termes, si cette mise en œuvre était réalisable dans un délai réduit. Ces deux critères ont permis de choisir entre les projets.

Ces éléments ont par ailleurs été évalués par le comité Cœuré, qui a validé le travail de sélection des dossiers.

Je rappelle de surcroît que dans le cadre de France Relance plus de 10 milliards d’euros sont alloués aux collectivités locales.

Dès 2020, l’État a compensé 2,8 milliards d’euros de pertes de recettes des collectivités locales et des autorités organisatrices de la mobilité.

En parallèle, France Relance a permis de consacrer 3,5 milliards d’euros à l’accompagnement de projets spécifiques des collectivités locales, en cohérence avec nos objectifs stratégiques : revitalisation des friches – décarbonation, mais aussi reconversion en logements ou revalorisation industrielle –, transports, très haut débit ; 2,5 milliards d’euros sont en outre dégagés pour le soutien à l’investissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary.

M. Serge Babary. Madame la ministre, le plan de relance, complétant les premières aides mises en œuvre à la suite du confinement et des fermetures administratives d’entreprises, est le dernier élément d’un continuum de soutien qui était indispensable pour que nos entreprises traversent la tempête du covid-19.

À quel prix ? C’est la question à laquelle devront répondre le prochain président de la République et son gouvernement, ainsi sans doute que leurs successeurs, compte tenu de l’ampleur de la dette.

Pour quelle efficacité ? S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact réel de ces aides sur le long terme, on a pu constater une chute conjoncturelle des défaillances d’entreprises, en quelque sorte mises sous perfusion. Cet arrêt sur image a été logiquement suivi d’une hausse des défaillances d’entreprises, évaluée à 9 % en décembre 2021, qui devrait se confirmer en 2022. Ce n’est donc qu’à moyen terme que nous pourrons distinguer l’effet des aides utiles pour notre économie.

Nous avons été maintes fois alertés par des PME et des TPE sur l’interprétation trop stricte qui était parfois faite des critères d’éligibilité à certaines aides, voire sur le caractère incompréhensible de ces critères : comment justifier, par exemple, que les exploitants d’une entreprise ayant poursuivi leur activité continuent de se voir refuser l’accès aux aides au motif qu’ils ont changé de statut ?

Ces différences de traitement ne se justifient pas, madame la ministre. Il est impératif de traiter au cas par cas et en urgence la situation d’entreprises saines et utiles à notre tissu économique, qui sont prisonnières de grilles de critères inadaptées à leur situation spécifique, alors qu’elles sont allées au bout de leur propre résistance financière.

Je déplore également le relatif manque de transparence dans l’allocation des crédits du plan de relance, dont plus de 50 milliards d’euros sont déjà engagés.

Quant à la croissance du PIB, elle a certes atteint, en France, 7 % en 2021, mais nous avions connu une récession de 8 % en 2020. Il faut donc relativiser la situation.

Notre pays doit se doter d’outils fiables pour évaluer dans le temps l’impact réel des décisions politiques sur notre économie, tant au plan macroéconomique qu’au plan microéconomique.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Babary, n’ayant pas à proprement parler entendu de question dans votre propos, j’essaierai de vous répondre sur les différents points que vous avez mentionnés.

Concernant les difficultés de trésorerie que rencontrent certaines PME et TPE qui ne rempliraient pas les critères, je rappelle qu’un dispositif de droit commun existe et qu’il a vocation à accompagner les entreprises en difficulté. Ce dispositif de droit commun, qui a d’ailleurs été simplifié, permet de revoir tout échéancier de dette sur une période de dix ans. Les dispositions que nous avons prises en fin d’année dernière prévoient qu’un tel processus peut se dérouler sous l’égide de la médiation du crédit, et ce quelle que soit la situation de l’entreprise.

Ce dispositif me paraît la réponse la plus adaptée aux situations que vous évoquez. De nombreuses entreprises sont d’ailleurs accompagnées dans ce cadre. Le premier réflexe d’un chef d’entreprise qui est en situation de trésorerie tendue doit être de contacter son interlocuteur habituel dans l’administration, qu’il s’agisse du fisc ou de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Il est alors pris en charge par l’État.

À propos de la croissance, vous indiquez des chiffres : –8 %, +7 %. Mais ce n’est pas ainsi que nous mesurons les choses ; la question était bien plutôt de savoir à quel moment nous retrouverions le niveau d’activité de 2019. Or, comme je l’ai précisé dans mon propos liminaire, nous avons retrouvé ce niveau d’activité d’avant-crise au troisième trimestre de l’année 2021 : cela ne fait aucune ambiguïté, les courbes se croisent. Notre niveau d’activité est aujourd’hui plus important qu’en 2019.

J’en viens au choix des projets et à l’affectation des crédits. L’instruction des dossiers a été réalisée, au sein des administrations, par des comités qui ont évalué leur impact, et ce de façon parfaitement transparente.

La sélection des projets industriels, par exemple, a été accomplie, dans le cadre du programme Territoires d’industrie, par des équipes issues des régions concernées et par celles de Bpifrance, qui ont travaillé main dans la main selon un « process » bien connu : on s’assure que le porteur de projet est reconnu dans son domaine, on étudie le business plan, on évalue la portée du projet – rien que de très professionnel. Nous avons eu à cœur de mettre le plus de professionnalisme possible dans le choix des projets.