Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non, responsable !

M. Guy Benarroche. Nous regrettons que nos propositions tendant à renforcer l’encadrement des loyers et à rendre plus effectif le droit au logement opposable aient toutes été rejetées.

Nous saluons les dispositions de l’article 56 relatives à la métropole marseillaise : grâce à votre investissement, madame la ministre, le texte issu de la commission mixte paritaire est plus équilibré que celui qu’avait adopté le Sénat. Toutefois, il ne s’agit que d’une étape : la transformation du périmètre d’action de la métropole méridionale doit se poursuivre et il convient de mettre un terme au cumul des exécutifs.

Ce projet de loi clôt un quinquennat du renoncement : renoncement à prendre en compte l’urgence climatique et écologique, renoncement à coconstruire avec les acteurs locaux une nouvelle organisation territoriale et renoncement à introduire une différenciation dans les décisions touchant la vie quotidienne de nos concitoyens. Après ses différents passages devant le Sénat, ce texte fourre-tout ne reflète aucune vision réellement structurante et ne résoudra aucun problème d’organisation et de coordination des communes, des métropoles et des régions.

Les citoyens, toujours trop absents, continueront à ne pas pouvoir participer suffisamment à la vie de la cité et à ne pas comprendre le fonctionnement de la démocratie. C’est pourquoi, en tant que fervent défenseur d’une décentralisation à la hauteur des spécificités locales…

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. … et d’une différenciation synonyme non pas de compétition et d’inégalités, mais d’efficacité et de coopération, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas ce texte, malgré quelques avancées positives. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je le dis d’emblée : ce texte ne recueille pas l’assentiment de mon groupe – ce n’est pas une surprise. Je tiens cependant à saluer le travail mené par les rapporteurs, notamment au sein de la commission des lois.

Ce projet de loi, dont la version initiale comportait déjà une centaine d’articles, en compte aujourd’hui près de 300 : vous conviendrez que nous sommes assez éloignés de l’exigence constitutionnelle de lisibilité et de clarté de la loi.

Certes, nous avons besoin de décentralisation et de déconcentration, afin de permettre aux élus d’agir tout en sécurisant leur travail quotidien au service des populations.

Ce projet de loi demeure toutefois empreint de nombreux paradoxes. Les départements seraient renforcés par la création du schéma départemental de la solidarité territoriale, mais ce dernier ne sera pas suffisant pour faire vivre concrètement cette solidarité au quotidien. Les régions seraient elles aussi renforcées, sans qu’on leur accorde aucun levier d’action supplémentaire.

Finalement, ne confondons-nous pas transfert de compétences et transfert de responsabilité sur les élus locaux, qui n’auront pas les moyens de faire face ? On est ainsi loin d’une décentralisation renforçant le pouvoir local, placé au contact direct des citoyens et au cœur de l’exigence démocratique. De la crise des « gilets jaunes » à la crise sanitaire, les femmes et les hommes de notre pays n’ont jamais autant exprimé, pour des raisons différentes, un tel besoin de proximité. Or ce texte n’y répondra pas.

Ce projet de loi aurait pu s’intituler « en même temps territorial ». La présence des élus à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) est renforcée et, contrairement à ce qu’avait voté le Sénat, l’on refuse d’introduire la parité entre l’État et les élus locaux au sein de l’ANCT, à rebours du renforcement de la représentativité de ces derniers.

Nous nous réjouissons que la loi SRU soit pérennisée au-delà de l’année 2025, tant les enjeux de mixité sociale et de production de logements accessibles sont prégnants, et, en même temps, le dispositif est amoindri dans son application : le décompte sera désormais effectué au niveau intercommunal et le contrat de mixité territoriale fait prévaloir le contrat sur la loi. Pourtant, il existe de nombreuses pistes pour que les collectivités réussissent le défi du choc de l’offre prôné par Emmanuel Macron, mais celles-ci doivent faire face, en même temps, à la baisse des dotations, à la suppression de la part de l’État dans les aides à la pierre, à la disparition de l’aide aux maires bâtisseurs et, enfin, aux conséquences de la loi NOTRe qui, en intégrant les communes dans des communautés d’agglomération, les contraint à respecter des normes sans leur accorder les capacités foncière, environnementale et financière pour s’y conformer.

J’en viens à l’enjeu de la mobilité : les petites lignes ferroviaires garantissant un véritable maillage de proximité territoriale sont reconnues et, en même temps, les moyens correspondants font défaut. Pourtant, la solidarité nationale est indispensable pour pérenniser le service public. La même logique s’applique aux routes : est reconnue la nécessité de disposer de routes de qualité pour se déplacer au sein d’un réseau national cohérent et, en même temps, l’État demande aux régions et aux départements d’entretenir des voies laissées à l’abandon. Les gouvernements successifs préfèrent faciliter la privatisation des autoroutes, dont les conséquences pèsent fortement sur les ménages, les artisans et les petites et moyennes entreprises.

Je tiens cependant à saluer les améliorations en matière de transfert de compétence à la carte au sein des intercommunalités, notamment en ce qui concerne la voirie, le tourisme et les syndicats infracommunautaires. Nous aurions toutefois souhaité que la position du Sénat, incluant également dans cette liste les compétences eau et assainissement, soit conservée dans le texte final. Monsieur le rapporteur, je connais votre ténacité : je ne doute pas que nous examinerons de nouveau ces sujets dans les mois à venir.

Ce texte sera-t-il capable de répondre aux défis de demain ? Il améliorera la situation ici ou là et l’aggravera ici ou là. Il sera inévitablement confronté au réel. Il aura, pour certains, permis des rencontres, et, pour d’autres, des déchirures.

À l’image de la vie humaine, le temps dira la durabilité de ces équilibres parfois surprenants ; à cet égard, les associations d’élus ont exprimé unanimement leur satisfaction, tandis que les élus locaux ont manifesté des inquiétudes lors de nos discussions avec eux sur le terrain.

Qu’en sera-t-il demain de l’organisation territoriale de notre pays ? Des exigences et des heurts apparaîtront inévitablement entre les collectivités : in fine, certains seulement pourront se payer le luxe de la différenciation. Loin de consolider l’égalité territoriale de la République en renforçant le pouvoir local, ce projet de loi risque de la fragiliser. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, merci de votre ténacité sur ce texte dont l’élaboration ne fut pas un long fleuve tranquille ! Monsieur le président de la commission des lois, merci de votre confiance et de votre soutien indéfectible. Je remercie également les administrateurs du Sénat pour leur efficacité et je salue plus particulièrement mes collègues Mathieu Darnaud, Alain Milon, Dominique Estrosi Sassone et Daniel Gueret : nous avons formé une équipe, un collectif au service de l’ambition légitime du Sénat à l’égard de ce texte. J’ai aussi une pensée pour nos collègues de l’Assemblée nationale, avec lesquels nous avons entretenu un dialogue long et exigeant, parfois rugueux, mais toujours respectueux.

Madame la ministre, la France se guérira-t-elle un jour de sa verticalité, perversion de l’esprit cartésien nous conduisant toujours à produire des normes, à centraliser et à rigidifier, alors que l’époque – Mathieu Darnaud l’a souligné – est à la complexité et à l’agilité ? Quand partagerons-nous tous la conviction que la clé de l’organisation territoriale réside dans la subsidiarité, la différenciation et la confiance dans les collectivités, cette République des faiseurs et des inventeurs de solutions, partenaires d’un État certes régalien, mais aussi péréquateur ?

Madame la ministre, l’heure n’est plus aux colloques ni aux palabres : il est temps d’agir, comme ce projet de loi nous y invite modestement. C’est en responsabilité, au nom de ses avancées et bien consciente de ses timidités excessives, que je vous invite à adopter ce texte, mes chers collègues. On y retrouve le fil d’Ariane de la pensée sénatoriale, notamment les cinquante propositions du président Larcher.

Que contient-il ? Au niveau départemental, l’État sort renforcé, pour une plus grande efficacité de proximité. Les élus disposeront d’une plus grande transparence et d’une plus grande sécurité dans l’exercice de leurs missions au sein des établissements publics locaux (EPL). La présence des élus, ruraux notamment, sera renforcée dans de nombreuses commissions.

Cher Guy Benarroche, ce projet de loi reconnaît le sens des responsabilités des élus locaux et leur capacité à gérer l’aménagement de leur territoire, en définissant une organisation de l’implantation d’éoliennes ; ce sujet, souvent hystérisé, prend les maires en otage.

Le souffle sénatorial de la différenciation et de la déconcentration se reflète dans deux avancées très significatives.

Cher Guy Benarroche, les dispositions portant sur la loi SRU constituent non pas des renoncements coupables, mais responsables. Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard ont su convaincre le Gouvernement (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) qu’il ne sert à rien de taxer les communes avec des amendes : cela ne produit pas de logements sociaux. En revanche, nous devons avoir une ambition et une exigence sans aucun renoncement, mais avec réalisme : les élus doivent pouvoir récupérer le retard pris.

Je me réjouis que le Sénat ait pu imposer sa marque dans le contrat de mixité sociale, signé entre le préfet et le maire : celui-ci responsabilise chacun bien mieux que des décisions nationales imposées artificiellement. Madame la ministre, je sais que vous avez gardé cet esprit sénatorial ; sans doute avez-vous apprécié cette idée extrêmement intéressante.

Nous avons également promu une intercommunalité plus efficiente et aussi plus heureuse. Le Sénat ne mène pas un combat contre l’intercommunalité, qui constitue une réalité positive et une valeur ajoutée. Mais, tant que celle-ci sera conçue comme une entité uniforme, elle ne fonctionnera pas.

Madame la ministre, je suis heureuse que vous souscriviez désormais à la différenciation, que le Sénat défend depuis longtemps. En revanche, nous nous opposons au droit d’exception, tel que vous le proposez pour la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Bref, comme vous l’avez compris, mes chers collègues, des regrets, nous en avons ! Nous en avons s’agissant de la médecine scolaire, du transfert aux régions de la coordination du service public de l’emploi ou encore, naturellement, pour ce qui concerne l’eau et l’assainissement.

Mais enfin, madame la ministre, ce texte au titre quelque peu jargonneux – nous vous avions suggéré de l’appeler, non pas « 3DS », mais « E » comme efficacité –, c’est un souffle d’air frais ! Nous avons besoin de ce souffle, qu’il nous appartient d’entretenir afin de construire des lois qui permettent et facilitent, non plus des lois qui imposent ou interdisent.

La majorité du groupe centriste votera ce projet de loi. Nous le saluons comme une hirondelle faisant le printemps, en espérant que ce printemps soit celui des libertés locales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 9 novembre 1789, Thouret présentait sa réforme de l’administration municipale devant la jeune Assemblée nationale constituante. Voici comment il caractérisait alors le pouvoir et la fonction des communes : « Chacune a des intérêts, des droits et des moyens qui lui sont particuliers ; chacune entretient, soigne, embellit son intérieur, et pourvoit à tous ses besoins. » À chaque collectivité ses spécificités !

Qu’importent les régimes et les gouvernements successifs, ces besoins particuliers, évoqués par Thouret voilà plus de deux siècles, ne se sont jamais estompés. Ils expliquent le mouvement conduisant chaque génération à toujours vouloir adapter et ajuster le droit des administrations locales. Après la déconcentration, après la décentralisation, nous parlons donc maintenant de différenciation.

Derrière un intitulé fort et prometteur, axé sur quatre principes cardinaux, nous avions le sentiment d’un ensemble éparpillé, d’une cohérence limitée au seul fait qu’il était question d’action publique locale. En définitive, seule la dernière partie de l’intitulé du texte, celle qui évoquait « diverses mesures », guidait véritablement l’esprit du projet.

On parlait de donner à nos collectivités les moyens de se différencier les unes des autres, mais nous avions du mal à voir comment cela se mettait concrètement en œuvre. Tout cela semblait relativement confus, passant d’un sujet à un autre sans que l’on comprenne bien quelle ligne directrice le législateur devrait suivre.

Finalement, ce texte aura eu un vrai mérite : celui de nous offrir l’occasion d’aborder un nombre significatif de sujets et de préoccupations de nos territoires. Il a été le moyen de nous saisir de la problématique locale, de faire remonter toutes les demandes de terrain des élus locaux.

Parmi les demandes, nombreuses furent celles autour des conflits d’intérêts.

Comme les élus locaux que nous sommes le savent, certaines règles en la matière, aussi bénéfiques soient-elles, tournent parfois au ridicule. Pour preuve, à l’occasion du vote d’une subvention du conseil départemental des Hautes-Pyrénées au service départemental d’incendie et de secours, sur les trente-quatre élus conseillers départementaux, seuls quatre ont pu être autorisés à voter la délibération, ô combien importante.

À ce titre, je tiens à saluer la véritable avancée promue par notre assemblée à l’article 73 ter de ce texte, qui permettra une tenue plus sereine des différentes assemblées locales. Sur ce point comme sur d’autres, nos débats auront peut-être été moins médiatiques et plus austères ; ils n’en auront pas été pour autant moins riches ni moins constructifs.

L’article 2, traitant de la question du pouvoir réglementaire local, est une parfaite illustration de ce qu’aura été la navette parlementaire sur ce projet de loi : très maigre dans sa rédaction initiale, largement enrichi par notre assemblée, cet article oscille aujourd’hui entre modération et timidité.

Je ne suis pas certaine non plus que le compromis trouvé sur la compétence eau et assainissement soit, lui aussi, pleinement satisfaisant. Notre groupe avait défendu des amendements visant à supprimer le caractère obligatoire du transfert de cette compétence aux communautés de communes et d’agglomération. Un tel dispositif a été défendu, notamment, par notre collègue André Guiol.

Dès le stade de l’examen en commission, le Sénat avait suivi cette position. Hélas, celle-ci n’a pas tenu dans l’épreuve du compromis. Nous nous contenterons donc de la position d’entre-deux qui nous est proposée, sans en être franchement convaincus.

D’autres points soulèvent toujours quelques difficultés. Je pense, en particulier, à la question du transfert des routes nationales. Heureusement, le texte initial de l’article 6 du projet de loi a évolué, avec l’abandon de la priorité laissée aux métropoles au détriment des départements. Je crois qu’il fallait aller encore plus loin, et accorder cette priorité aux collectivités départementales.

Mais, surtout, demeure cet article 7, prévoyant le transfert d’une partie du domaine routier national aux régions. Sur le fond du dispositif, je rejoins ma collègue Nathalie Delattre, qui a très bien dit, lors du précédent examen, combien cette disposition soulevait d’interrogations quant à la lisibilité des compétences des collectivités en matière de voirie routière. Les départements sont effectivement connus et reconnus pour l’exploitation de leur domaine routier, alors que les régions sont loin de disposer de telles compétences.

Ces dispositions sont symptomatiques d’une tendance à laquelle la majorité des membres du RDSE s’oppose : celle qui consiste à privilégier les intercommunalités et les régions au détriment des communes et des départements.

Mme Maryse Carrère. Malgré ces quelques réserves, le groupe du RDSE mesure les avancées de ce texte et, en conséquence, votera très majoritairement en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les divergences étaient relativement nombreuses, au point de différer la tenue de la commission mixte paritaire, les deux assemblées sont parvenues à un compromis – « quoi qu’il en coûte » – dont chacune des majorités peut tirer profit.

Le résultat, le voici : un texte utile sous certains aspects, mais d’un intérêt trop réduit, marqué par son hypertrophie et son hétérogénéité. Pour paraphraser Pascal, je dirai que le projet de loi 3DS est un texte dont le centre est partout et la circonférence nulle part.

Parce qu’il fallait une commission mixte paritaire conclusive sans deuxième lecture, la rédaction finale a exclusivement relevé des rapporteurs, qui ont beaucoup travaillé sur le texte. Nous considérons néanmoins que cette façon de faire la loi est défaillante : sur un projet aussi complexe, une deuxième lecture aurait de toute évidence été utile.

On aboutit à 270 articles et, malgré tous les efforts fournis, il ne me semble pas exclu que, demain, nous retrouvions des irritants, précisément en raison de la manière dont ce texte aura été façonné. Nous le regrettons.

Qu’en est-il, alors, de ce projet de loi ?

Le Président de la République avait promis une « nouvelle donne ». L’avis des associations d’élus locaux est plutôt en demi-teinte, même si celles-ci se félicitent de certaines mesures.

Ce texte donne une étrange impression de collage et de superposition. D’ailleurs, le « S » de 3DS est un peu devenu celui de « supérette ». En effet, chacun peut trouver dans le texte des motifs de satisfaction ; chacun peut également, d’une certaine façon, le lire à sa manière.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain trouve lui aussi quelques motifs de satisfaction : les tentatives de détricotage de l’intercommunalité, quoi qu’en dise Françoise Gatel, ont été endiguées ; les compétences facultatives à la carte – et non l’intercommunalité à la carte – que nous avons défendues permettront d’introduire une nécessaire souplesse ; les mesures de régression sociale de la majorité sénatoriale sont heureusement supprimées, s’agissant du contrôle des bénéficiaires du RSA ; la lutte contre le non-recours aux droits est inscrite dans la loi, même si elle l’est à notre sens trop timidement ; un compromis a été trouvé sur les routes, en espérant que la rédaction sera opérationnelle au profit des départements en dernier ressort.

Nous avons également des regrets.

Le caractère trop cosmétique de la différenciation territoriale, qui devait être le cœur du texte, nous contrarie. Nous sommes effectivement certains que l’uniformité engendre l’inégalité, alors que la différenciation est justement à même de la traiter.

La suppression du transfert de compétences aux régions en matière d’emploi, d’apprentissage et de formation nous semble regrettable, tout comme les trop nombreuses concessions de la majorité présidentielle sur la loi SRU, s’agissant notamment des sanctions financières à l’encontre des communes récalcitrantes. Cela s’inscrit probablement dans la philosophie du quinquennat, qui a fait 15 milliards d’euros d’économie sur le logement.

Les élus locaux sont aux avant-postes de la crise sanitaire, mais la coprésidence de l’ARS leur a été refusée.

Les collectivités demeurent par ailleurs une variable d’ajustement budgétaire. Ainsi, l’actualisation du coût des transferts de compétence tous les cinq ans a été supprimée.

Nous regrettons également le non-renforcement du pouvoir du Conseil national d’évaluation des normes – curieux, du point de vue de la simplification ! Nous aurions pu aller beaucoup plus loin.

Enfin, il faut dénoncer une absence, celle du « D » de la démocratie. La progression structurelle de l’abstention à toutes les élections locales montre que nos concitoyens attendent de participer différemment, d’être inclus dans le fonctionnement local, non pas seulement au moment des élections, mais également pendant les mandatures. Ce volet démocratique manquant est, pour moi, l’un des plus grands regrets : au moment où il faut impliquer les citoyens, ce n’est pas cette loi qui leur donnera de nouvelles latitudes !

Malgré tout cela, nous voterons ce texte « à l’insu de notre plein gré », car, d’une certaine façon, le résultat aurait pu être pire.

Le projet de loi comporte des correctifs utiles, quelques améliorations bienvenues et rien de vraiment rédhibitoire, mais il reste un texte d’attente, aux ambitions trop réduites et dont la portée décentralisatrice n’est pas assez marquée. Disons que c’est un petit début, avec un petit « d » ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Alain Richard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme d’autres, je vais annoncer que mon groupe votera ce projet de loi,…

M. Laurent Burgoa. Quelle surprise !

M. Alain Richard. … mais mon expression risque de vous paraître terne !

En effet, la plupart de ceux qui se sont déclarés disposés à soutenir ce texte ont assorti leurs propos d’une multitude de critiques, de manière à alléger le poids sur leur conscience d’un texte qui ne les satisfait pas. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour notre part, je vais être obligé de faire une déclaration uniquement positive, ce qui est toujours un peu ennuyeux.

Ce texte, si j’essaie d’en faire la synthèse, d’en exprimer la signification, vise à adapter nos outils d’action locale en se fondant sur l’expérience.

Les périodes politiques antérieures ont vu se succéder au moins trois vagues de réformes centrées sur les structures et compétences des collectivités territoriales, réformes que nous appliquons. Mais, si la majorité d’aujourd’hui a fait le choix de ne pas y revenir, les multiples débats organisés durant cette période ont permis l’expression de difficultés, de manques ou de besoins supplémentaires en termes d’efficacité – le grand débat national, de ce point de vue, a été un moment démocratique tout à fait révélateur. Nos hémicycles parlementaires ont aussi été très souvent occupés par l’examen de projets ponctuels d’amélioration de la décentralisation.

Ce projet de loi est la réponse à tout cela. Plus précisément, il apporte des réponses calculées, débattues, issues de l’expérience et du débat concret, face aux différentes exigences. C’est une bonne raison, me semble-t-il, de le soutenir.

Je ne tenterai pas de résumer les 270 articles en trois minutes. Mais je voudrais tout de même souligner quelques points saillants et positifs.

Je mentionnerai d’abord l’optimisation de la gestion du réseau routier, système circulatoire du territoire français, avec une décentralisation effective vers les départements, qui détiennent la pleine capacité, mais assortie d’une possibilité de convention spécifique avec les régions pour l’aménagement et la gestion des grandes voies restées nationales, notamment à l’abord des grandes agglomérations, dans le but de progresser dans la gestion des flux, laquelle, convenons-en, peut tout à fait être améliorée.

Je citerai également une solution constructive proposée aux régions, reposant sur le seul volontariat, pour la maintenance des petites lignes ferrées. C’était un vrai sujet, un véritable défi financier pour chacun des acteurs concernés.

S’agissant de la santé, notons le fait que les agences régionales de santé seront désormais cogérées ; des outils supplémentaires sont confiés aux collectivités pour lutter contre les déserts médicaux, notamment avec la faculté donnée aux départements de recruter directement du personnel médical pour mutualiser la réponse aux besoins ou les clarifications en matière de financement par les collectivités locales d’équipements destinés à améliorer le système hospitalier local.

Je veux aussi souligner la création d’outils nouveaux ou complémentaires pour le réaménagement du territoire et son attractivité : outils améliorés de restructuration commerciale ; reprise des biens fonciers à l’abandon ; harmonisation des ouvertures commerciales ou encore protection des chemins ruraux. Ce dernier sujet, d’ailleurs, nous permet de constater que ce projet de loi contient une collection de mesures tirées de propositions de loi souvent restées en attente – celle qui concerne les chemins ruraux remonte, dans mon souvenir, à six ou sept ans au moins.

Je tiens à évoquer un dernier point, l’adaptation de la loi SRU,…

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. Alain Richard. …avec, pour ce qui constitue une composante essentielle du droit au logement, le maintien des obligations, mais à travers le système du contrat, l’étalement, l’adaptation des programmes communaux, sous la responsabilité principale de la municipalité, mais aussi – nous sommes nombreux à y être sensibles – l’élargissement des moyens offerts aux collectivités pour l’attribution des logements.

Enfin, comme Mme Maryse Carrère, je veux souligner que ce projet offre l’occasion d’apporter une solution au difficile débat concernant la prise illégale d’intérêts, qui a été un facteur de paralysie de l’action de nombre d’élus. Il me semble que nous sommes arrivés, là aussi après bien des tentatives, à une solution satisfaisante.

Cet accord, longuement négocié, présente donc de nombreux points positifs. Le mérite en revient très largement, je tiens à le dire, aux rapporteurs des deux assemblées, qui ont réalisé un travail très important. Mais quelle occasion, aussi, de saluer le travail considérable, patient, conduit avec amabilité et compétence par la ministre Jacqueline Gourault ! Ce texte reste son grand œuvre.

Ainsi, nous avons la possibilité de rassembler largement autour de ce projet de loi, en dépit des divergences politiques. Le travail pourra par ailleurs se poursuivre, comme plusieurs intervenants l’ont observé, par la concertation et au travers de nouveaux rendez-vous législatifs – je pense, à cet égard, au canal d’expression formelle offert aux collectivités territoriales, qui pourront désormais faire directement des propositions de modifications législatives.

Le Sénat est donc pleinement dans le périmètre de ses missions : élaborer une législation concrète et débattue sereinement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme le rapporteur applaudit également.)