Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays connaît un problème structurel de chômage de longue durée depuis quarante ans. En 2020, selon l’OCDE, les chômeurs de longue durée représentaient 36,7 % des demandeurs d’emploi en France. Un taux en chute de 8 points depuis 2017, preuve d’une politique de l’insertion efficace et volontaire.

Pour autant, et bien que la reprise économique se confirme, beaucoup d’entreprises peinent à recruter dans de nombreux secteurs, souvent en manque de main-d’œuvre avant la crise.

Comme vous, monsieur Kanner, j’affirme qu’il n’y a ni fatalité au chômage en France ni impuissance des politiques économiques. C’est l’esprit de la proposition de loi que vous avez déposée et que nous examinons aujourd’hui.

Composé de huit articles, le texte vise à garantir des emplois pour les chômeurs de longue durée dans les activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social de notre pays. Il a trois objets principaux : pérenniser l’expérimentation TZCLD ; définir un objectif de 100 000 contrats supplémentaires relevant de l’insertion par l’activité économique (IAE) d’ici à 2023 ; instituer 200 000 emplois aidés CUI-CAE ciblés sur les éco-activités.

Pour le financement, le texte s’appuie sur l’annulation de la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production, la mise en place d’un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, la suppression du prélèvement forfaitaire unique introduit en 2018 et l’augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières. Je me dois de rappeler ici que la forte baisse du chômage est en partie liée à la visibilité fiscale retrouvée par les entreprises ces cinq dernières années.

Non, le chômage n’est pas une fatalité ! J’en veux pour preuve la baisse du taux de chômage à laquelle notre majorité a contribué, lui permettant d’atteindre les 7,4 % au quatrième trimestre 2021, son plus bas niveau depuis 2008.

Et ce n’est pas tout : Emmanuel Macron a fait de l’insertion par le travail un des piliers de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Une volonté définie dans le pacte d’ambition pour l’IAE, dont l’un des objectifs était d’augmenter de 25 % le nombre de postes dans ce secteur d’ici à 2022, offrant une chance à 100 000 salariés supplémentaires.

Par ailleurs, pour répondre aux tensions de recrutement, le Gouvernement a lancé voilà cinq mois un plan ambitieux de 1,4 milliard d’euros, avec un volet inédit dédié à la formation de ce public.

Dans une logique d’« aller vers », Pôle emploi a ainsi recontacté tous les chômeurs de longue durée fin 2021, et les « packs de remobilisation » seront déployés partout d’ici au mois de juin. De plus, le plan prévoit de mobiliser 240 millions d’euros pour étendre les aides à l’embauche de 8 000 euros dans le cadre des contrats de professionnalisation, aujourd’hui réservés aux jeunes. Quelque 100 000 d’entre eux ont ainsi retrouvé un emploi entre octobre 2021 et novembre 2021. Les dispositifs en vigueur sont efficaces.

L’expérimentation TZCLD a elle aussi prouvé son efficacité. Aussi, nous avons déjà voté, dans cette assemblée, son renforcement. Souvenez-vous, c’était il y a un an : la loi de décembre 2020 a élargi le dispositif à cinquante nouveaux territoires en plus des dix initiaux. La durée de l’expérimentation a été étendue à cinq ans et son financement est assuré par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, dont le rôle est étendu également.

Parce que les dispositifs mis en place par le Gouvernement répondent déjà aux objectifs de ce texte, parce que nous sommes en désaccord avec le financement que vous proposez, parce que le coût de celui-ci n’est pas soutenable et parce que nous avons prouvé qu’on pouvait faire beaucoup mieux avec moins, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (M. Joël Guerriau applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les chiffres du chômage sont au plus bas depuis quinze ans. Fin 2021, la population active comptait 7,4 % de chômeurs, chiffre légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro, située à 7 %. La dynamique actuellement observée dessine un chemin favorable.

Pour aller plus loin, la proposition de loi que nous examinons vise à lutter contre le chômage de longue durée en instaurant une garantie d’emploi grâce à des centaines de milliers d’emplois subventionnés par l’État et financés par une réforme fiscale consistant à rétablir l’ISF et à annuler l’allégement de 10 milliards d’euros des impôts de production.

Ces moyens apparaissent en réel décalage avec la situation actuelle. Nous savons que le chômage touche principalement les moins diplômés, les moins qualifiés, les personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé, les jeunes et les seniors. Nous savons également que les difficultés d’accès au logement et à la mobilité sont parfois des freins qui éloignent les demandeurs d’emploi du marché du travail. Nous savons enfin que nombre de chefs d’entreprise connaissent des problèmes de recrutement.

Nous pouvons réduire les distorsions entre marché du travail et compétences des demandeurs d’emploi avec la formation et l’accompagnement vers l’insertion. Formation des jeunes, avec l’apprentissage, dont nous connaissons les excellents résultats, mais également avec les nouvelles mesures lancées par le Gouvernement. Je pense ainsi au contrat d’engagement jeune, qui s’inscrit dans la continuité du plan « 1 jeune, 1 solution », mis en place au mois de juillet 2020, qu’il faudra bien sûr évaluer.

Il apparaît également essentiel de renforcer le taux d’encadrement des demandeurs d’emploi par les conseillers du service public de l’emploi. La création de 1 400 nouveaux postes en 2022 va dans le bon sens. Mais nous devons aller plus loin : il existe de fortes disparités entre les territoires, certaines agences comptant un conseiller pour 350 demandeurs d’emploi. Si nous voulons mettre toutes les chances de leur côté, il faudrait augmenter ce taux de moitié.

Nous devons aussi renforcer la concertation avec les partenaires sociaux, proposer des solutions personnalisées aux problèmes de logement, de santé, de mobilité, de maîtrise de la langue française et parfois d’addictions. Une constellation de dispositifs de soutien existe. Ainsi, il serait utile de réaliser une cartographie de ces aides de l’État et des collectivités, évaluer leur efficacité, leurs modalités d’attribution et sécuriser les reprises d’activité. Retrouver du travail peut se révéler coûteux en matière de frais de transport, de garde d’enfants ou de déménagement. Il est indispensable de lever ces obstacles pour une insertion durable dans l’emploi.

Je ne suis pas contre le dispositif TZCLD, tant s’en faut, mais l’assurance de sa neutralité économique est un préalable à sa généralisation.

Je ne pense pas que le chemin du plein emploi passe par un amoncellement de dispositifs coûteux et illisibles. Ce qu’il faut, c’est une meilleure coordination entre nos politiques de l’emploi et le marché du travail. Redonnons du sens et de la valeur au service public de l’emploi en améliorant la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Enfin, profitons de l’expérience des seniors, un atout précieux pour de nombreux chômeurs de longue durée. Le développement du mentorat à tous les âges de la vie est un facteur de lien social et de réussite collective : ne le négligeons pas !

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne partage pas le projet de société qu’incarne cette proposition de loi, dans sa dimension sociale comme dans sa dimension fiscale. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Frédérique Puissat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie M. Kanner et ses collègues du groupe SER d’avoir inscrit à notre ordre du jour cette proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

Notre collègue Jean-Luc Fichet a conduit plusieurs auditions. Je le remercie de son travail.

Au-delà de nos divergences, sur lesquelles je reviendrai, le texte met en exergue la « valeur travail », dont l’importance transcende nos groupes politiques et les travées de cette assemblée. Le travail est facteur de progrès social. Il est l’axe de lutte contre les inégalités. Perdre un emploi entraîne une altération du niveau de vie et demeure un traumatisme social. Et quand la perte d’emploi dure et que les mois s’écoulent, les motivations s’affaiblissent pour laisser place à un certain désespoir, qui peut se révéler un obstacle supplémentaire au moment de postuler à des entretiens d’embauche. Nous pouvons nous accorder sur ce constat.

Cependant, comme je l’ai souligné précédemment, des divergences existent, et elles sont forcément nombreuses.

D’abord, sur le fond, je suis un peu surprise de l’article 1er de cette proposition de loi, qui pérennise le dispositif TZCLD, alors même que l’encre du projet de loi visant à prolonger son expérimentation et à étendre le dispositif est à peine sèche. Cela me permet de rappeler la proposition de loi de 2020, votée par une très grande majorité de cet hémicycle, dont les articles 4, 5 et 6 concernaient ce dispositif. Le texte rappelait que celui-ci avait, à sa création, en 2016, trois objectifs : éradiquer le chômage de longue durée dans les dix premiers territoires expérimentaux ; mesurer les effets positifs du retour à l’emploi ; vérifier l’équation financière sur lequel il repose. Les coûts directs et indirects de la privation durable d’emploi ne sont pas supérieurs au coût d’un emploi rémunéré au SMIC.

J’entends çà et là que ce dispositif serait à l’origine d’un certain nombre de réussites. Je me permets d’insister sur le fait que les évaluations sont nombreuses, coûteuses – elles atteignent quasiment 100 000 euros –, mais également contrastées. Si tel n’avait pas été le cas, nous l’aurions bien entendu inscrit définitivement dans notre paysage social. Mais, comme elles le sont, nous avons fait le choix, volontairement et ensemble, de prolonger l’expérimentation et de l’étendre à un certain nombre de territoires.

J’ai bien vu, monsieur le rapporteur, que vous aviez nuancé votre approche par rapport au texte initial, en précisant que vous souhaitiez aller au-delà des cinquante plus dix territoires, avec un cliquet que vous proposez de lever. Je rappelle tout de même que la ministre s’était engagée en commission mixte paritaire à ce qu’il n’y ait pas de limites sur les soixante territoires et que l’on puisse étudier au cas par cas la situation. Vous avez levé le décret, c’est-à-dire que vous n’avez pas poussé la refonte de l’expérimentation, contrairement à ce qui avait été annoncé préalablement. En tout état de cause, nous considérons que ce dispositif doit encore faire ses preuves. C’est pour cette raison que nous avons opté pour la prolongation de l’expérimentation.

Les articles 2 et 3 visent à amplifier les dispositifs aidés : 100 000 postes en CUI-CIE et 200 000 emplois CUI-CAE en collectivités ciblés sur les éco-activités. Nous partageons l’analyse selon laquelle les dispositifs d’accès et de retour à l’emploi sont fondamentaux, notamment lorsqu’ils s’appuient sur les structures du service public de l’emploi et les outils d’insertion professionnelle. Mais décréter que les besoins des demandeurs d’emploi nécessitent de quasiment doubler le nombre des places en SIAE et des emplois en parcours emploi compétences, c’est faire une erreur d’appréciation sur les forces humaines disponibles sur le terrain. C’est aussi refuser de s’attaquer à la racine des problèmes ; à cet égard, nos collègues Brigitte Devésa et Maryse Carrère ont souligné, entre autres points, les enjeux de formation. C’est nier, enfin, la réalité des tensions de recrutement en activités classiques que nous rencontrons dans de nombreux secteurs aujourd’hui.

J’en viens au titre II. Nous y retrouvons sans surprise les sujets de divergence classiques : une nouvelle forme d’imposition, à savoir un impôt annuel de solidarité sociale et climatique, la suppression de la flat tax, l’annulation de la baisse des impôts de production, une hausse de la taxe sur les transactions financières, le tout pour financer les 17 milliards d’euros de mesures pour le moins coûteuses. Malgré tout le respect que nous avons pour vous, chers collègues du groupe SER, nous ne nous retrouvons pas sur de telles approches.

Sur la forme, je me permets simplement d’évoquer le tweet de Laurent Grandguillaume, à qui nous devons le texte sur l’expérimentation et qui a été surpris du dépôt de cette proposition de loi. Il a sans doute manqué un brin de concertation ; certes, je crois que cela a eu lieu après.

Pour toutes ces raisons, de fond et de forme, nous confirmons la position que nous avons adoptée en commission des affaires sociales, et nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe écologiste se réjouit que la présente proposition de loi du groupe socialiste nous permette de débattre d’une autre approche en matière de lutte contre le chômage, notamment de longue durée. Cette autre approche qui prouve bien que l’on n’a pas tout essayé.

En effet, le principe de la garantie d’emploi est l’une des pièces maîtresses d’un cadre théorique élaboré par les économistes de la théorie moderne de la monnaie aux États-Unis, et plus spécifiquement par la chercheuse Pavlina Tcherneva.

M. René-Paul Savary. Qui ça ? (Rires.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ce principe rompt avec la théorie néoclassique, chère à la Commission européenne, du taux de chômage d’équilibre de long terme, taux qui se situerait à 8,2 % pour la France. En deçà, les salaires réels augmenteraient trop et provoqueraient inflation et baisse des profits. Il faut donc se résoudre à ce taux de chômage ou le faire baisser par des réformes structurelles qui affaiblissent le rapport de force au détriment des salariés. Ainsi en est-il de la réforme de l’assurance chômage.

Une autre manière de faire baisser ce taux réside dans les cadeaux fiscaux. Mais le fait de subventionner les emplois ne soutient en fait que les profits et les distributions de dividendes. Ainsi, les exonérations pour les entreprises se sont révélées hautement inefficaces en matière de création d’emplois : à peine 160 000 emplois créés en 2018, selon le comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), pour un coût cette année-là de plus de 40 milliards d’euros, soit une somme bien plus exorbitante que le dispositif présenté ici, évalué à 17 milliards d’euros.

En proposant à grande échelle, à chaque personne au chômage depuis plus d’un an qui en fait la demande une offre d’emploi effective, à temps choisi, a minima au SMIC horaire, et ce en mobilisant tous les chemins possibles de l’insertion, la proposition de loi rompt avec une pensée économique incapable de juguler le chômage et pose le premier jalon d’une nouvelle conquête sociale : la garantie à l’emploi pour tous les Français.

Le texte repose sur le postulat que personne n’est inemployable avec un accompagnement et une formation adaptés. Par ailleurs, il cible des cadres prioritaires d’activités sur les territoires qui sont la protection de l’environnement et l’aide aux personnes. Il vise en particulier à répondre à des besoins locaux non satisfaits dans la transition écologique, qui nécessite beaucoup d’emplois, des emplois porteurs de sens, au contraire des bullshit jobs, conceptualisés par l’anthropologue David Graeber.

Si la proposition de loi marque une volonté politique en rupture avec la doxa néolibérale, son ambition et sa mise en œuvre sont bien « localistes » et relèvent des territoires, via une gouvernance partagée. C’est le cas des projets de TZCLD, dont l’extension à tous les territoires prêts sera favorisée, sans exclure d’autres projets ayant leurs propres spécificités et respectant le cadre de la garantie d’emploi.

Complémentaire du revenu minimum garanti, la garantie d’emploi pour tous se justifie d’abord par l’urgence de mettre fin au chômage de longue durée, drame social absolu, principale entrée dans la grande pauvreté et l’exclusion sociale, et dont le coût est alarmant. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il serait responsable de la mort de 10 000 à 14 000 personnes par an en France. Il favorise les addictions, double le risque de suicide. De plus, il s’accompagne d’une perte massive de compétences des chômeurs, sans parler de ses conséquences sur les finances publiques. Lié à plusieurs déterminants sociaux, dont le handicap, il représente un énorme gâchis humain et mine la cohésion sociale, comme le potentiel de croissance des économies, d’après une recommandation du Conseil de l’Union européenne.

Les chômeurs de longue durée seront donc la priorité d’une telle garantie.

Parce que la garantie d’emploi entraîne l’avènement d’une société où l’emploi est conditionné non plus par les seuls besoins de rentabilité du capital, mais par les besoins communs démocratiquement définis, parce que cette garantie permet la participation de chacun à la solidarité organique chère à Durkheim, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. le rapporteur applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 1983, le taux de chômage en France n’est jamais passé en dessous de la barre des 7 %, même en période de croissance soutenue.

Depuis cette époque, les gouvernements successifs semblent avoir abandonné l’idée que leur action pourrait ramener le pays au plein emploi. On se souvient de ce cinglant aveu d’échec du président François Mitterrand, resté célèbre : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ».

Nous partageons les préoccupations des auteurs de la proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social. Il est en effet inquiétant de voir notre société s’habituer à un chômage endémique, qui mine la compétitivité économique et la cohésion sociale. Toutefois, le texte que nous examinons ce soir est une nouvelle illustration de la capacité des socialistes à aborder le problème du chômage à l’envers. (M. Patrick Kanner sexclame.)

Il s’est installé depuis longtemps un taux de chômage structurel, en réalité indépendant des fluctuations de l’activité économique ou même des interventions conjoncturelles de l’État.

L’argument selon lequel le chômage, qu’il soit de longue durée ou non, aurait pour cause l’absence de « garantie à l’emploi » participe d’une conception dont les auteurs n’ont jamais rien appris des erreurs commises depuis quarante ans.

La France accumule des politiques de l’emploi basées sur la dépense publique sans aborder les causes profondes du chômage structurel. La proposition de loi s’inscrit – hélas ! – dans cette lignée. Cette dernière se base sur une interprétation très particulière du préambule de la Constitution de 1946, selon lequel chacun a le « droit d’obtenir un emploi ». Ses auteurs en concluent qu’il faudrait rendre effective la garantie de l’emploi pour tous les Français.

Or le droit d’obtenir un emploi s’entend pour les pouvoirs publics comme une obligation non pas de résultat, mais de moyens.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelle qu’il appartient au législateur de « poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés ».

Le travail ne se décrète pas : à moins de socialiser toute l’économie privée, il n’existera jamais de garantie à l’emploi.

Le texte présuppose également que la dépense publique serait encore le meilleur moyen de remédier au chômage de longue durée.

Les articles 3 et 4 réactivent ainsi 200 000 emplois aidés CUI-CAE dans le secteur non marchand, et réservent les CUI-CIE aux emplois qualifiés de « verts » du secteur marchand. Ils ne prennent absolument pas en compte le bilan désastreux qui a été fait des emplois aidés par la Cour des comptes en 2018.

Abandonnés dans tous les pays comparables à la France, ils représentent le coût le plus onéreux de toutes les politiques de l’emploi, alors même qu’ils sont inefficaces pour la réinsertion professionnelle.

En 2020, 37 % des personnes sans emploi peuvent être considérées comme des chômeurs de longue durée. C’est autant qu’en Allemagne, moins qu’en Italie, mais plus qu’en Espagne, 32 %, qu’aux Pays-Bas, 24 %, qu’au Royaume-Uni, 20 %, sans parler des États-Unis et du Canada, avec seulement 5 %. Si l’on observe le poids de l’État dans chacun de ces pays, il est très difficile de constater un lien entre efficacité de l’action contre le chômage de longue durée et forte intervention publique.

Par ailleurs, le groupe socialiste profite de bonnes intentions écologiques et sociales pour promouvoir son idéologie fiscale, ce qui nous apparaît inacceptable. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Les 17 milliards d’euros utilisés pour financer les mesures envisagées ne feront qu’affaiblir nos entreprises et réduire le patrimoine des Français.

Augmenter les impôts de production, créer un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, en plus de l’impôt sur la fortune immobilière, et supprimer le prélèvement forfaitaire unique sur les capitaux mobiliers : voilà des mesures plus guidées par un socialisme fiscal que par une vraie volonté de réduire le chômage. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER.)

J’en viens au dispositif TZCLD ; il paraît plus sage d’attendre la fin de l’expérimentation dans deux ans que de le pérenniser dès maintenant.

Mes chers collègues, on ne mettra pas fin au chômage de longue durée en orientant une partie des chômeurs vers des emplois déconnectés de l’économie réelle, qui ne correspondent pas forcément à leurs besoins. Ceux-ci sont, de surcroît, précaires, mal rémunérés et financés in fine par des hausses d’impôt.

Au contraire, la fin du chômage de longue durée sera le fruit de réformes structurelles du fonctionnement global de l’économie : prélèvements et transferts sociaux, simplification administrative, négociations du temps de travail dans les entreprises et, surtout, politiques de l’éducation et de la formation professionnelle. C’est ainsi que l’on créera des emplois durables, dans l’industrie ou la logistique, par exemple, des emplois adaptés à l’économie et aux besoins des Français.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains n’est pas favorable à cette proposition de loi dispendieuse, qui ne répond pas aux besoins des personnes sans emploi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Ce qui nous réunit ce soir, c’est la volonté de proposer un emploi aux demandeurs d’emploi de longue durée, c’est-à-dire de plus de vingt-quatre mois.

J’ai évoqué dans mon propos liminaire le pacte de remobilisation pour les chômeurs de très longue durée, auquel le Gouvernement a dédié 1,4 milliard d’euros. Cet engagement est en train de porter ses fruits. Ce dispositif vise le même public que la proposition de loi. Nous le voyons bien, ce qui est mis en œuvre aujourd’hui fonctionne.

Tout à l’heure, Martin Lévrier disait que l’on peut sans doute faire mieux pour moins cher. L’investissement de 1,4 milliard d’euros que nous avons consenti permet déjà à plus de 170 agences de Pôle emploi de déployer ce pacte de remobilisation ; toutes les agences le feront d’ici à la fin du mois de mai. Tous ces chômeurs de très longue durée, au nombre de 800 000, seront concernés par ce pacte.

Je me suis rendu à Argenteuil et à Rouen pour participer aux séquences de formation offertes à ces demandeurs d’emploi. Ils s’y retrouvent en petits groupes pour recevoir des conseils en évolution professionnelle, avec un conseiller entreprises de Pôle emploi, mais également un psychologue du travail. En effet, nous savons tous que le demandeur de longue durée rencontre souvent des difficultés pour exprimer ses besoins. Il a besoin qu’on l’aide à reconstruire sa confiance en lui. C’est bien ce que nous faisons aujourd’hui.

Nous pouvons partager les objectifs de cette proposition de loi, mais ce ne sont ni les bons moyens ni la bonne méthode. Pour autant, je crois que nous parvenons à exaucer le souhait de ses auteurs : donner à chacun sa place dans la société au travers du travail.

Mme le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social

TITRE Ier

DISPOSITIF VISANT À CRÉER UNE GARANTIE À L’EMPLOI POUR LES CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social
Article 2

Article 1er

La loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et au dispositif “territoire zéro chômeur de longue durée” ;

2° L’intitulé du titre II est ainsi rédigé : « Dispositif territorial visant à supprimer le chômage de longue durée (Articles 9 à 11) » ;

3° L’article 9 est ainsi modifié :

a) Au II, les mots : « Pour une durée de cinq ans à » sont remplacés par le mot : « A » et les mots : « une expérimentation » par les mots : « un dispositif » ;

b) Au II, après les mots : « est mise en place, dans », sont insérés les mots : « au moins » ;

c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le nombre de territoires participant à ce dispositif est quintuplé tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur des dispositions du présent titre, sur la base du nombre minimal de territoires défini au premier alinéa du présent II. Cet accroissement est mis en œuvre dans les conditions définies à l’article 10 de la présente loi ; dans la limite des collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales volontaires ainsi que du nombre de territoires encore non couverts. » ;

d) Au quatrième alinéa, les mots : « Cette expérimentation » sont remplacés par les mots : « Ce dispositif » ;

e) Au cinquième alinéa, les mots : « L’expérimentation est mise en place » sont remplacés par les mots : « Le dispositif est mis en place » ;

f) Le III est abrogé ;

g) La première phrase du IV est ainsi rédigée : « Tous les douze mois à compter de la promulgation de cette loi, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation du dispositif afin de déterminer les axes d’amélioration possibles. » ;

h) La troisième phrase du IV est ainsi rédigée : « Elle propose le cas échéant des mesures afin d’adapter la gouvernance du dispositif, les critères d’éligibilité des personnes concernées ou les activités économiques éligibles afin de maximiser le rapport entre les résultats obtenus en termes d’insertion économique et d’externalités positives générées, et le coût induit pour les finances publiques. » ;

i) Au V, les mots : « Les rapports mentionnés aux III et IV sont adressés » sont remplacés par les mots : « Le rapport mentionné au III est adressé » ;

j) Après le VI, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« VI. – Les délais mentionnés au V sont réduits pour les personnes âgées de moins de 25 ans à 6 mois de privation d’emploi malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi, et à 3 mois de durée minimum de domiciliation dans l’un des territoires participant au dispositif. » ;

k) Au VII, les mots : « à l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « au dispositif » ;

l) Au IV, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « III » ;

m) Au V, la référence : « V » est remplacée par la référence : « IV » ;

n) Au VI, la référence : « VI » est remplacée par la référence : « V » ;

4° L’article 10 est ainsi modifié :

a) Aux premier, deuxième et cinquième alinéas, les mots : « d’expérimentation territoriale » sont remplacés par les mots : « de lutte territoriale » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « de l’expérimentation prévue » sont remplacés par les mots : « du dispositif prévu » ;

c) Au troisième alinéa, les mots : « à l’expérimentation prévue » sont remplacés par les mots : « au dispositif prévu » et les mots : « pour mener l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « pour participer au dispositif » ;

d) Au troisième alinéa, les mots : « pendant une durée de trois ans » sont supprimés.

5° L’article 11 est ainsi modifié :

a) Aux premier, septième et onzième alinéas, les mots : « d’expérimentation territoriale » sont remplacés par les mots : « de lutte territoriale » ;

b) Au I, les mots : « pour la durée de l’expérimentation mentionnée à l’article 9 » sont supprimés ;

c) Au I, après les mots : « les conditions mentionnées au » sont insérés les mots : « V et » ;

d) Aux quatrième et quinzième alinéas, les mots : « de l’expérimentation mentionnée » sont remplacés par les mots : « du dispositif mentionné » ;

e) Au cinquième alinéa, les mots : « de l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « du dispositif » ;

f) Aux onzième et quatorzième alinéas, les mots : « à l’expérimentation mentionnée » sont remplacés par les mots : « au dispositif mentionné » ;

g) Au onzième et quatorzième alinéas, les mots : « de l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « du dispositif » ;

h) Au douzième alinéa, les mots : « à l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « au dispositif » ;

i) La première phrase du V est ainsi rédigée : « Si à la suite de l’évaluation mentionnée au III de l’article 9, les conditions de mise en œuvre du dispositif mentionné au II du même article 9 sont modifiées, les entreprises conventionnées dans les conditions définies au I de l’article 11 qui deviendraient non éligibles reçoivent une notification du fonds de lutte territoriale contre le chômage de longue durée signifiant la fin de la prise en charge d’une fraction des rémunérations dans le cadre du dispositif. » ;

j) Au VI, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « III » ;

k) Au VI, après les mots : « relatives aux personnes mentionnées au », sont insérés les mots : « V et ».