M. Didier Rambaud. Nous voulons maintenant renouer avec nos objectifs initiaux en matière de finances publiques, c’est-à-dire tenir nos comptes en ordre.

Nous ne pouvons désormais engager de nouvelles dépenses sans qu’elles soient financées. Nous voulons retrouver un déficit public inférieur à 3 % du PIB d’ici à 2027, afin d’honorer non seulement nos engagements européens, mais aussi, et surtout, nos engagements nationaux, parce que c’est en menant une politique crédible et viable que nous répondrons aux attentes et aux besoins des Français.

Pour réduire ce déficit, nous continuerons la stratégie d’emploi et de croissance que nous avons menée jusqu’ici. Elle est la meilleure solution pour permettre à la fois de tenir nos comptes et de soutenir le pouvoir d’achat des Français et la capacité d’investissement de nos entreprises. Je vous rappelle que la réforme de l’impôt sur les sociétés que nous avons mise en œuvre rapporte plus de recettes fiscales, avec des taux plus faibles pour les entreprises. Par ailleurs, le taux de chômage de notre pays est au plus bas depuis 2008. Cela montre ni plus ni moins l’efficacité de cette stratégie. Poursuivons-la !

La stabilisation de nos finances publiques passe également par une modernisation de celles-ci. C’est tout le travail que nous allons encore mener, dans la continuité de la loi organique issue d’une proposition déposée par les députés Saint-Martin et Woerth, première étape dans nos réformes de la gestion des finances publiques. S’adapter pour faire face aux changements et aux défis qui se dressent devant nous : telle a été notre action, telle est notre volonté et telle sera toujours notre vocation.

Ces réformes s’inscrivent dans un projet résolument européen. Il s’agit non pas de faire cavalier seul ou de s’inscrire contre les autres, mais bel et bien d’agir en partenariat avec l’Union européenne. À cet égard, la Commission a relancé récemment le débat sur la réforme des règles budgétaires de l’Union.

Les années de crise que nous avons connues resteront l’exception, et les objectifs, à compter du PLF pour 2023, sont de s’attaquer à l’assainissement de nos comptes publics, d’affronter le retour de l’inflation et de poursuivre les chantiers entamés par le Président de la République. L’avenir de notre pays en dépend !

Le groupe RDPI votera ce projet de loi de règlement du budget. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier texte budgétaire de ce nouveau quinquennat porte sur le dernier exercice du précédent quinquennat. C’est un état des lieux, une photographie de nos comptes publics. Il pose une base de travail pour les cinq prochaines années.

Ce projet de loi de règlement pour 2021 est aussi l’occasion de revenir sur les mesures prises pour faire face à une crise sans précédent. C’est l’occasion d’en dresser un bilan objectif.

Je sais les critiques qui ont été émises sur la présentation tardive du texte. Elle a au moins une vertu : nous disposons d’un recul suffisant, et l’analyse de l’année 2021 n’en sera que plus précise et lucide.

M. François Bonhomme. Attendons l’an prochain, nous aurons encore plus de recul ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Emmanuel Capus. À cet égard, deux évidences s’imposent.

La première, c’est que nos finances publiques ont été lourdement affectées par la crise sanitaire.

La seconde tient à la situation dans laquelle nous avons abordé cette crise. Malgré les efforts du Gouvernement pour maîtriser les comptes au début du précédent quinquennat, nous sommes toujours devancés par l’Allemagne, qui a remis de l’ordre dans ses comptes dès 2012. Nous avons du retard.

Notre taux d’endettement s’établit ainsi à 113 % du PIB à la fin de 2021, soit une amélioration de 2 points par rapport à 2020. Outre-Rhin, la dette publique est contenue sous la barre des 70 % du PIB et pourrait prochainement revenir dans les clous de Maastricht. Notre déficit public, à 6,4 % du PIB, reste alarmant, même s’il s’améliore nettement par rapport à 2020. Cependant, la cote d’alerte est atteinte.

Pourtant, de nombreux indicateurs nous autorisent un optimisme raisonné. La croissance avoisine les 7 %, un score digne des Trente Glorieuses. Le chômage, lui, approche les 7 %, un taux historique, au plus bas, non seulement depuis 2008, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, mais, au-delà de cette exception de 2008, depuis le début des années 1980, avant les années Mitterrand.

Ce dynamisme se ressent dans les recettes de l’État, qui ont augmenté de 37 milliards d’euros par rapport à la dernière loi de finances rectificative pour 2021. C’est une bonne nouvelle.

Mes chers collègues, nous aurions tort de faire trop de politique sur ce texte, qui est avant tout une formalité comptable. (M. Jérôme Bascher sexclame.) Cependant, nous aurions également tort de ne pas voir dans ces bons résultats les effets de la politique menée par le Gouvernement pendant la crise.

Les 34 milliards d’euros mobilisés en 2021 dans la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » ont préservé l’économie. Ils ont permis de sauvegarder les emplois et les entreprises au plus fort de la crise, mais aussi de renouer rapidement avec la croissance dès la levée des restrictions sanitaires.

Néanmoins, c’est précisément ce stop and go sanitaire mondialisé, comme vous l’avez dit à juste titre, monsieur le ministre, qui a causé, dès 2021, l’inflation dont nous subissons aujourd’hui les pleins effets. La guerre en Ukraine n’a fait en réalité qu’aggraver la situation.

Le Gouvernement a réagi rapidement, dès les prémices de cette inflation, avec le bouclier tarifaire pour contrer la hausse des prix de l’énergie et le chèque inflation.

Notre groupe a soutenu ces mesures généralisées en 2021. Elles ont, pour ainsi dire, clos l’ère du « quoi qu’il en coûte », car l’inflation a désormais pour conséquence la hausse des taux d’intérêt. Emprunter aura de nouveau un coût. Nous ne pourrons plus agir dans le futur comme nous l’avons fait en 2021. Il faudra cibler les dispositifs d’urgence sur les plus fragiles, mais j’anticipe déjà sur nos prochains débats…

Je relève simplement ce tournant, qui me semble bienvenu. J’avais proposé, avec mon groupe, lors du dernier PLFR, de conditionner le chèque inflation aux revenus du foyer. Vous me direz, monsieur le ministre, que l’on a tort quand on a raison trop tôt, mais cela, le Sénat ne le sait que trop bien.

En tout état de cause, mes chers collègues, c’est une page qui se tourne avec ce projet de loi de règlement, celle du « quoi qu’il en coûte ». Nous le voterons donc en responsabilité, d’autant qu’il ne s’agit, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, que de donner acte de la réalité de nos comptes publics.

Il faudra en revanche bientôt engager le désendettement de l’État, et nous y prendrons toute notre part. (M. Didier Rambaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, vous n’avez pas de chance : on vous a caché la réalité des comptes de la législature précédente ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. C’est trop bête !

M. Jérôme Bascher. Sur la forme, sur le fond comme sur les fonds, vous n’y êtes pas !

Sur la forme, tout d’abord. Comment voulez-vous que les Français respectent la loi lorsque le Gouvernement, excusez du peu, ne respecte pas les lois organiques ? Vous vous êtes proclamé le garant des comptes… Le garant des comptes, mais pas le garant de la loi, en tout cas, car vous ne la respectez pas. Cela ne commence pas très bien. Mais il faut bien commencer !

Est-il normal qu’un gouvernement, certes sans majorité absolue, présente le projet de loi de règlement hors des délais de rigueur ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !

M. Jérôme Bascher. La précédente loi de règlement avait prévu des reports de crédits de 36 milliards d’euros. La Cour des comptes vous avait demandé de mettre fin à cette pratique. Pourtant, en 2021, ce sont tout de même 27 milliards d’euros de reports que vous avez réalisés ; c’est certes un peu moins, mais il faut savoir que le plafond est fixé par la loi à 3,8 milliards d’euros…

On ne peut pas continuer ainsi, monsieur le ministre. La Cour des comptes vous l’a reproché et vous recommencez ! S’il y avait une vraie juridiction financière en France, le Gouvernement aurait été déféré devant son procureur pour avoir par deux fois expressément violé la loi organique, tant sur les dates que sur les plafonds.

Vous vous êtes également proclamé garant des engagements européens. Mais enfin, monsieur le ministre, à quand le programme de stabilité ? Tous les pays européens ont déjà transmis leur programme de stabilité à Bruxelles, mais, en France, point de fumée blanche… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, applaudit également.) Nous attendons la date, monsieur le ministre, et j’espère que vous nous répondrez.

Sur les comptes de concours financier, vous ne respectez pas non plus les règles de la loi organique. Vous les violez allégrement, pensant que cela passera inaperçu. Vous vous moquez de tout, mais qu’est-ce que c’est que cette attitude, monsieur le ministre ? Il faut remettre un peu d’ordre dans vos services, qui semblent avoir oublié la loi organique relative aux lois de finances, votée à l’unanimité des deux assemblées… Il serait peut-être temps de respecter la loi !

Par ailleurs, comme je vous l’ai rappelé en commission des finances, vous faites figurer pour la seconde année consécutive des suppressions d’emplois dans un projet de loi de règlement. Cela n’est pas acceptable ! Quand on supprime des emplois, on l’annonce clairement. On ne le fait pas à bas bruit.

Sur le fond et les mesures structurelles, ensuite, où en est-on ? Un déficit à 6,4 % du PIB, ce n’est tout de même pas extraordinaire ! Surtout, mes chers collègues, contrairement à ce que certains d’entre vous ont dit, la trajectoire des finances publiques avait commencé à dévier dès 2019. Lisez bien le rapport du Haut Conseil des finances publiques : il montre que la divergence s’amorce dès 2019, et c’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans cette situation.

Sur les recettes, il convient d’y regarder de plus près : 295 milliards d’euros de recettes fiscales pour 285 milliards de dettes émises. Cela signifie que 51 % de nos ressources viennent de l’impôt et 49 % de la dette. Voilà la réalité, monsieur le ministre !

J’ai dit, lors du vote de la précédente loi de règlement – on prend pourtant peu la parole à cette occasion –, que l’on allait bientôt financer à 50 % notre budget par la dette. Nous y sommes !

Enfin, vous nous avez dit que votre action s’inscrivait dans le triptyque « protéger, relancer et maîtriser l’utilisation des fonds ».

Pour ce qui est de la maîtrise, c’est raté pour la charge de la dette. On a bien compris que ce n’était pas vraiment votre fort : on est passé de 35,8 milliards d’euros en 2000 à 37,8 milliards d’euros en 2021. Mais il y a l’effet inflation et l’effet volume. Et l’augmentation de la dette avait déjà commencé, de manière sourde, avant la crise sanitaire.

Vous avez évoqué les appels en garantie, en diminution de 2,5 milliards d’euros, mais vous avez décalé les prêts garantis par l’État ! Demandez à la Banque de France, qui est en train de calculer frénétiquement pour savoir où ils en sont, car elle n’ignore pas que, en 2023, avec l’effet inflation et la suppression des marges, il y aura des défaillances d’entreprises au moment de rembourser les PGE.

Mme Nadine Bellurot. Il y en a déjà !

M. Jérôme Bascher. Aussi, monsieur le ministre, ne parlez pas trop de maîtrise !

J’en viens à votre objectif de « relancer ». Effectivement, vous avez engagé 18,8 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en 2021 dans le cadre du plan de relance. Les dépenses pilotables, elles, ont augmenté de 7,1 milliards d’euros et les autres dépenses de 18,6 milliards d’euros, c’est-à-dire autant que pour la relance. En fait, il n’y a ni relance ni maîtrise de la dépense publique, pas plus que de maîtrise dans la relance.

Enfin, vous dites vouloir « protéger » les Français. Mais de quelle façon ? Monsieur le ministre, soyons sérieux. Savez-vous que nos armées, aujourd’hui, après que nous avons, et c’est heureux, aidé l’Ukraine en lui fournissant des armes et des munitions, sont démunies en la matière ? C’est bien là le sujet.

Sans vouloir polémiquer, pouvons-nous dire que les Français sont protégés contre les incendies ? Le Sénat, via un rapport de 2019 de notre collègue Jean-Pierre Vogel pour la commission des finances, avait pourtant tiré la sonnette d’alarme. Notre collègue Bruno Belin l’a également fait plus récemment.

Protégeons-nous les Français avec un système hospitalier suffisamment armé ? Protégeons-nous les Français de l’insécurité réelle ? La loi de programmation pour la sécurité intérieure n’est toujours pas votée.

J’allais oublier les affaires étrangères. Un excellent rapport a été rédigé récemment par deux de nos collègues sur le corps diplomatique et sur les problèmes que pose sa réforme…

Monsieur le ministre, sur le régalien, sur l’hôpital, sur la santé, vous n’avez pas protégé les Français ! Les résultats sont là, et je ne puis que le regretter.

Certes, les élections vous ont reconduit aux responsabilités. Vous avez su flatter les électeurs pour cela. Mais permettez que je fasse le même reproche à votre projet de loi de règlement que celui que Spinoza adressait au régime monarchique : il condamne les Français à combattre « pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller. (M. Jacques Fernique applaudit.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi de règlement du budget, et cela pour deux raisons principales.

Tout d’abord, nous constatons que le budget 2021 a été impuissant à réduire les inégalités dans notre pays.

Monsieur le ministre, nous ne nions pas la nécessité des boucliers tarifaires et d’autres mesures venues, même tardivement, en soutien des ménages les plus modestes. Mais nous déplorons la logique de répartition des richesses de votre majorité, qui consiste à lâcher quelques chèques aux plus vulnérables et à faire des réformes fiscales structurelles au bénéfice des plus aisés.

Nous voterons contre ce texte, ensuite, car il révèle l’inefficacité de vos actions en matière de bifurcation écologique. J’y reviendrai.

Il est entendu que nous sommes là pour constater des résultats financiers et que l’exercice est censé être plus comptable que politique, mais les chiffres que vous nous demandez d’approuver aujourd’hui témoignent bien des choix politiques de votre gestion libérale.

Monsieur le ministre, je vous l’accorde, la situation des entreprises nécessitait un soutien en cette période de pandémie, en particulier pour les milliers de TPE et PME de notre pays fragilisées par les crises successives.

Seulement, les entreprises du CAC 40 ont distribué, en 2021, quelque 57,1 milliards d’euros de dividendes, en hausse de 33 %. C’est un record absolu, du jamais vu ! Avaient-elles besoin, dès lors, de recevoir des aides publiques, elles qui ont par ailleurs supprimé 27 613 emplois cette même année 2021, et dont les patrons ont augmenté de 23 % leurs rémunérations, les portant à 237 millions ?

Cela ne vous choque pas ?… Nous si, terriblement ! L’argent public versé à ces grands groupes n’a pas nourri l’emploi ; il a enrichi les actionnaires.

Les conséquences de ces choix budgétaires sont un accroissement des inégalités entre ceux qui accumulent richesses et profits et ceux dont le travail est notoirement sous-payé, qui peinent à se nourrir, à se loger, à offrir des vacances à leurs enfants, à vivre tout simplement dignement.

C’est donc un rendez-vous social manqué, mais c’est aussi un rendez-vous manqué avec l’indispensable bifurcation écologique.

Monsieur le ministre, pourquoi avoir supprimé 2 062 équivalents temps plein des effectifs du ministère chargé de l’environnement en 2021, si l’écologie est pour vous une priorité ? Par ailleurs, quand près de 12 millions de Français sont concernés par la précarité énergétique, n’est-il pas problématique que 4,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement du volet écologie du plan de relance n’aient pas été consommés ?

Quant au budget vert, présenté comme une innovation majeure, il évalue trop peu, trop mal et ferme les yeux sur certaines dépenses néfastes, comme les exonérations de taxation du kérosène ou les milliards d’euros qui financent les entreprises des secteurs polluants sans contrepartie écologique ni sociale, comme le soulignaient récemment ATD Quart Monde, le Secours catholique, Caritas France et le Réseau Action Climat.

Dans ce budget vert, qui est essentiellement de communication, 93 % des dépenses de l’État au sens large ont un impact environnemental « neutre ou non coté ». Qui peut y croire ? Il conviendrait plutôt d’appliquer la loi de 2015 sur les nouveaux indicateurs de richesse, qui, hélas, n’est plus appliquée depuis 2018.

Pour reprendre les mots de ma collègue députée Éva Sas la semaine dernière à l’Assemblée nationale, il serait intéressant de savoir quel a été « l’impact des 528 milliards d’euros de dépenses publiques de 2021 sur l’espérance de vie en bonne santé, sur le taux de décrochage scolaire, sur l’empreinte carbone de la France ou sur les inégalités de revenus ».

Pour conclure, je dirai un mot sur la dette publique et le déficit budgétaire, dont M. le ministre des finances, tout comme vous-même, monsieur le ministre, nous rappelle qu’ils ont atteint la cote d’alerte.

Une autre cote d’alerte est atteinte, c’est celle de la dette climatique. Les incendies se multiplient, sans que, malgré le dévouement de nos pompiers, notre capacité de réaction ait évolué, comme le président Larcher vient de le constater.

Les inondations sont aussi puissantes à la Roya et ailleurs que les sécheresses sont graves, persistantes et structurelles dans plusieurs dizaines de départements. Les canicules se succèdent, mettant à mal les plus fragiles d’entre nous, mais aussi les productions agricoles et l’ensemble du vivant animal et végétal : 30 % des oiseaux et 67 % des insectes ont disparu, et des milliers d’espèces sont menacées selon l’Ipbes, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

Enfin, quatre centrales nucléaires viennent d’obtenir une dérogation aux règles environnementales pour préserver leur production au détriment de la biodiversité.

Mes chers collègues, oui, la cote d’alerte est atteinte, mais pas seulement au plan financier. Nous devons ensemble franchir le cap de la transition écologique. C’est une urgence vitale pour notre société comme pour la planète. (M. Jacques Fernique applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministre du budget nous suggère de passer du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? »

« Il faut peu de mots pour exprimer l’essentiel ; il nous faut tous les mots pour le rendre réel », disait Paul Éluard. L’heure est plutôt venue de passer du « quoi qu’il en coûte pour les finances publiques » au « qui doit payer ? ». C’est ça, l’esprit de responsabilité ! L’opposition de gauche au Gouvernement et à la majorité sénatoriale s’inscrit dans une double légitimité : celle qui est tirée de l’élection et celle de la qualité de l’argumentation.

Ce projet de loi de règlement est l’occasion de montrer que vos propositions sur le pouvoir d’achat, insuffisantes au demeurant, ne sont pas financées. Le Président de la République avait brandi l’étendard de « l’économie de guerre » ; ses ministres entonnaient l’air du « trésor de guerre ». La communication était bien rodée, mais elle n’a pas résisté à l’épreuve des faits.

Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, le solde budgétaire de l’État n’est supérieur que de 2,6 milliards d’euros. Difficile d’y voir un trésor de guerre ! La vérité, c’est que les recettes fiscales ne font que revenir à leur niveau des années 2017 et 2018. Difficile, là encore, d’y voir, un trésor de guerre.

À seulement deux mois de la fin de l’exercice comptable, sans explication pour une bonne part d’entre elles, les recettes fiscales connaissent un écart de 18,2 milliards d’euros. Ce n’est toujours pas un trésor de guerre !

S’agit-il, monsieur le ministre, d’un recours électoraliste à des mécanismes strictement comptables ? Je vous pose en tout cas la question.

La taxe sur les produits énergétiques, notamment sur les carburants, a été dopée par la hausse des prix et elle est désormais reversée au budget général. Sans que rien se passe, ce sont 6,8 milliards d’euros d’augmentation des recettes fiscales.

Le dernier acompte d’impôt sur les sociétés marque un rebond de 10,1 milliards d’euros, signe que l’activité serait florissante. Mais cela vient après une récession parmi les plus importantes d’Europe, vous le savez bien. Le dernier acompte dépend du versement des précédents, estimés à partir de 2020. Si l’impôt sur les sociétés progresse en 2021, c’est parce que l’activité en berne en 2020 a minoré les premiers versements.

M. Pascal Savoldelli. Il n’y a définitivement pas de trésor de guerre !

Du côté des dépenses, les sous-consommations demeurent à des sommets : 24,6 milliards d’euros, dont un tiers n’a rien à voir avec la crise sanitaire ou le plan de relance. Autrement dit, mes chers collègues, 5,5 % des crédits que nous votons ici ne servent in fine à rien, si ce n’est à améliorer artificiellement le solde budgétaire lorsqu’ils sont reportés ou annulés.

Les principes budgétaires d’annualité et de spécialité ont été passablement bafoués lors du quinquennat précédent. La situation exceptionnelle n’en est que pour partie la cause. Monsieur le ministre, démocratie représentative et finances publiques ne sont pas incompatibles !

Les exemples sont nombreux, en recettes et en dépenses, qui me permettent d’affirmer que ceux qui veulent voir dans les résultats comptables de l’année 2021 un trésor de guerre sont insincères.

Nous tenons à rassurer la majorité sénatoriale.

M. Pascal Savoldelli. Pour le capital, il est impossible de voir en MM. Attal et Le Maire des belligérants ! Le capital peut dormir tranquille. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous passons du « quoi qu’il en coûte » au « qui doit payer ? », vous disais-je, et pour cause : les 50 milliards d’euros de baisses d’impôts de votre quinquennat, dont 15,3 milliards d’euros pour la seule année 2021, vont se répercuter inexorablement sur les recettes fiscales de l’État, alimentant un déficit structurel, et non pas conjoncturel, qui ne cesse de croître.

Il est temps de se poser les questions qui dérangent.

Comment expliquer que, avec un excédent brut d’exploitation des entreprises de 564,6 milliards d’euros en 2021, le montant brut de l’impôt sur les sociétés – 74,5 milliards d’euros – soit amputé de moitié à cause des niches fiscales et de dégrèvements en tout genre ?

Comment expliquer que, depuis le début du quinquennat, près de 40 % du produit de la TVA, impôt injuste par excellence, ne servent plus à financer les services publics de l’État, mais alimentent vos exonérations d’impôts et de cotisations en tout genre ?

Comment expliquer que les collectivités territoriales soient obligées de quémander à l’État des moyens financiers pour pouvoir administrer les services publics du quotidien et financer les investissements dans les écoles, les stades, la voirie et autres ?

Enfin, comment expliquer que vous nous rebattiez les oreilles tantôt avec le « désastre annoncé », tantôt avec la « cote d’alerte » atteinte par la dette publique, alors que, depuis trois ans, vous nous présentez lois de finances sur lois de finances aux budgets insincères ? L’envolée de la dette publique – je vous le dis avec respect – est la responsabilité de votre gouvernement.

Vous présentez un projet sur le pouvoir d’achat qui constitue une base de discussion, mais les manœuvres visant à décaler le calendrier de présentation des comptes de l’année après la séquence électorale n’y changeront rien : la dette publique financera les mesures de pouvoir d’achat consenties aux Français.

Dès lors, il est facile de comprendre les raisons pour lesquelles le renouvellement démocratique des méthodes de travail avec le Parlement n’aura pas lieu : le débat sera clos avant même de commencer !

Dans ces conditions, vous comprendrez que le groupe CRCE oppose, non pas un « non » de droite, mais un « non » de gauche à votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le marathon budgétaire de cette session extraordinaire débute avec ce projet de loi de règlement. Il débute tardivement, et on peut le regretter, même si les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont pu livrer leurs analyses.

J’observe également que nous devrons attendre la rentrée pour connaître votre vision pluriannuelle, monsieur le ministre. L’objectif des 3 % de déficit en 2027 gagnerait pourtant à être rapidement documenté… Commençons néanmoins par 2021.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année 2021 a été une année contrastée.

Ce projet de loi de règlement est d’abord le reflet d’une situation exceptionnelle, qui a justifié des efforts budgétaires immédiats et importants. Nous y sommes sensibles.

On peut en effet lire les chiffres en positif. Les recettes ont largement augmenté en 2021, à hauteur de 38,2 milliards d’euros, avec une progression des recettes fiscales de 39,8 milliards d’euros.

La poursuite des baisses d’impôts – taxe d’habitation, impôt sur les sociétés – et la baisse des impôts de production décidée dans le cadre du plan de relance sont à noter comme autant d’éléments positifs.

Les recettes fiscales ont connu une progression – hors mesures nouvelles – de 18 %, nettement plus élevée que le PIB. On peut en déduire que les baisses d’impôts sont positives pour l’activité et les recettes.

Les recettes fiscales ont été supérieures de 18,2 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances rectificative. On peut sans doute s’en réjouir, comme on peut s’interroger sur une telle prévision.

En négatif, les dépenses de l’État ont progressé très fortement en 2021, et la raison ne tient pas uniquement aux mesures d’urgence et de relance. Les dépenses ont augmenté de 90 milliards d’euros au cours des deux dernières années – 53,6 milliards d’euros en 2020 et 37,1 milliards d’euros en 2021.

Les dépenses du plan de relance – 17,5 milliards d’euros – pèsent bien sûr, comme la mise en place de l’indemnité inflation – 3,3 milliards d’euros –, le nouveau palier de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 – 2,7 milliards d’euros – et, plus inquiétant, l’accroissement des intérêts de la dette – déjà 2 milliards d’euros l’année dernière.

En négatif encore, la Cour des comptes rejoint la commission des finances pour constater plusieurs entorses aux règles budgétaires s’agissant de l’annualité des autorisations de dépense et de la spécialité des crédits. Les crédits reportés sont substantiels, puisque 36,7 milliards d’euros ont été reportés fin 2020 et 23,2 milliards d’euros fin 2021, tandis que certains crédits ont financé d’autres programmes que ceux pour lesquels ils avaient été votés. La portée des votes du Parlement s’en trouve affaiblie.

Au total, la sortie progressive de la crise du covid a justifié que le « quoi qu’il en coûte » affecte encore nos finances publiques. Sans doute fallait-il agir pour faire face aux crises, mais nous devons nous poser la question du financement de ces efforts.

Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a parlé de « cote d’alerte ». Le Premier président de la Cour des comptes a quant à lui lancé un message d’alerte la semaine dernière devant notre commission des finances – et il y a de quoi.

L’augmentation significative de la dette a porté celle-ci à plus de 2 800 milliards d’euros, à la fin de l’année 2021, en hausse de 150 milliards d’euros par rapport à 2020 et de 430 milliards d’euros par rapport à 2019. Des chiffres qui donnent le tournis…

En dépit d’une relance de l’activité économique de 6,8 % en volume, soit la plus forte que la France ait connue depuis 1969, nous ne pourrons pas fonder notre stratégie de maîtrise de la dette sur la croissance, et ce d’autant moins que celle-ci faiblit. Le rapport de la Cour des comptes lance à cet égard une alerte supplémentaire.

Ce diagnostic pose la question de la souveraineté financière de notre pays.

Telles sont les raisons qui conduiront la majorité des membres du groupe Union Centriste à s’abstenir sur ce projet de loi de règlement. D’autres votes, pour la plupart favorables, s’exprimeront également – Vincent Delahaye aura d’ailleurs tout à l’heure l’occasion de présenter sa propre analyse de la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)