Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Je dois dire que nous ressentons un certain malaise.

M. Roger Karoutchi. Et nous, alors ? (M. Michel Canévet renchérit.)

M. Pascal Savoldelli. À l’instant même où le Sénat s’apprête à débattre, le 49.3 dégainé à l’Assemblée nationale clôt complètement la discussion du projet de loi de finances pour nos collègues députés. (Et alors ? sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Cela peut bien soulever, ici, l’enthousiasme de certains, mais vous savez ce que cela veut dire, monsieur Karoutchi : l’exécutif va choisir et déconstruire des amendements qui ont été votés, y compris dans vos rangs. Nous nous trouvons quand même dans une situation un peu ubuesque : au moment où le Sénat va débattre du projet de loi de programmation des finances publiques, qui définit la trajectoire des finances de notre pays pour les cinq années à venir, l’utilisation du 49.3 clôt définitivement les discussions à l’Assemblée nationale, permettant au passage le détricotage d’amendements émanant de différentes sensibilités.

Pendant la discussion générale, vous réclamiez de l’aide, invoquant l’esprit de responsabilité ; mais dans quelles conditions ? On nous a même parlé de courage politique… Êtes-vous des incompris ? Si vous étiez compris, monsieur le ministre, vous n’utiliseriez pas la batterie des 49.3 !

Les conditions dans lesquelles nous débattons nous paraissent extrêmement précaires, ce qui pose des questions de sincérité politique. (MM. Emmanuel Capus et Claude Malhuret ironisent.) À bon entendeur…

Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. J’ai déjà eu l’occasion de m’en expliquer en présentant notre motion tendant à opposer la question préalable.

En préambule, monsieur le ministre, laissez-moi vous dire que, lorsqu’on s’adresse aux oppositions, il faut prendre garde à ne jamais les traiter d’irresponsables : le désaccord n’est jamais un problème d’irresponsabilité. Notre groupe a travaillé, comme les autres groupes de cette assemblée, et déposé 24 amendements, ce qui est bien le signe de son esprit de responsabilité.

Cela étant dit, je vais plutôt m’adresser à M. le rapporteur général, qui a décidé de laisser passer cet article, à notre grande stupéfaction. Je le cite : « les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles [est fondé] le projet de loi de programmation […] sont trop optimistes » – nous sommes d’accord. « Dans ce contexte, continue-t-il, il pourrait être justifié de réviser le rapport annexé ainsi que l’ensemble du scénario macroéconomique sous-jacent. »

Pourtant, « le rapporteur ne souhaite pas aller dans cette direction », car une « telle révision du scénario nuirait à la clarté du débat entre le Gouvernement et le Parlement ».

Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, en adoptant cette position, vous avez empêché un débat libre et éclairé. Vous modifiez les trajectoires des soldes des administrations publiques à l’article 2, mais vous ne vous positionnez pas sur les agrégats économiques qui vous paraissent infondés – j’espère d’ailleurs que vous allez nous l’expliquer.

J’aimerais savoir si la droite sénatoriale soutient l’ensemble des réformes dites structurelles du Gouvernement. Si tel est le cas, dont acte ! Respect, pas de problème…

La seule intention qui a été la vôtre en commission a consisté à durcir la prévision de solde structurel pour la ramener à -1,7 % du PIB en 2027, contre -2,9 % dans le projet initial du Gouvernement. Pour que tous nos collègues puissent saisir ce que cela implique, j’avance une définition : le solde budgétaire structurel ou sous-jacent est la différence entre les recettes et les dépenses publiques corrigée des effets imputables aux cycles économiques et aux événements ponctuels. Cet indicateur vise à faire ressortir les tendances structurelles afin de déterminer si la politique budgétaire d’un pays est expansionniste, neutre ou restrictive pour une période donnée.

Cet indicateur est pour le moins controversé, mes chers collègues, et vous le savez ! Le déficit structurel qui serait celui de la France en 2027 est ainsi estimé à 2,8 % du PIB par la Commission européenne et à 2,2 % par le Gouvernement. (Manifestations dimpatience sur les travées du groupe UC.)

Aussi demandons-nous la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. J’émets un avis défavorable sur cet amendement, ce qui ne surprendra pas notre collègue Pascal Savoldelli.

J’ai bien expliqué notre démarche : tout en contestant la copie du Gouvernement, notre idée est d’avancer, donc de partir de cette copie comme d’un point d’entrée et de référence, pour ensuite, au fil des débats et des articles, apporter notre éclairage et proposer une nouvelle trajectoire. Il s’agit non pas d’approuver le scénario du Gouvernement, mais de s’en servir comme d’une base de discussion.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable également.

Cet article 1er ne prévoit que l’approbation du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques. Sa suppression entraînerait de facto l’inconstitutionnalité de la loi, ce qui est souhaité, me semble-t-il, par très peu de sénateurs. Votre groupe ayant présenté une motion tendant à opposer la question préalable sur ce texte, monsieur Savoldelli, vous tenez certes votre position de rejet avec une certaine cohérence, mais je ne peux que répéter que nous y sommes défavorables.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour vous répondre sur le 49.3. La décision de le déclencher sur la seconde partie du PLF à l’Assemblée nationale ne remet aucunement en cause l’utilité ou la qualité des débats que nous avons et aurons ici, au Sénat. Un texte sera bel et bien adopté à l’Assemblée nationale, sauf si une motion de censure était votée dans les 48 heures ; vous en serez saisis.

Pourquoi le 49.3 a-t-il été déclenché ? Parce qu’avant-hier les oppositions se sont entendues pour supprimer, ou presque, le bouclier tarifaire, qui permet de protéger les Français face à l’envolée des prix.

À défaut de bouclier tarifaire en 2023, la facture d’électricité et de gaz augmenterait de 120 % ! (M. Fabien Gay proteste.)

Les oppositions avaient voté une disposition consistant à prendre tout l’argent du bouclier tarifaire pour l’affecter à la rénovation énergétique des bâtiments en 2023. Or on sait très bien qu’il sera impossible de multiplier par sept en un an les rénovations énergétiques, ne serait-ce que pour des raisons de capacités opérationnelles de nos artisans et de la filière BTP. Surtout, cela signifierait 600 euros d’augmentation de la facture d’électricité pour les Français l’an prochain.

M. Fabien Gay. C’est faux !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. En responsabilité, nous avons réaffirmé notre souhait de protéger le pouvoir d’achat des Français l’an prochain, via le bouclier tarifaire, en déclenchant le 49.3. Mais je ne doute pas que nous aurons bientôt, ici même, des débats nourris sur le PLF.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Sur l’amendement lui-même, je partage pleinement l’avis du rapporteur général, mais j’en profite pour dire à M. le ministre qu’il a beau essayer de trouver toutes les justifications possibles à l’utilisation du 49.3, la seule réponse est constitutionnelle. Ne vous cassez pas la tête ! (Rires.)

Vous n’avez pas de majorité, c’est comme ça ! J’ai appartenu à un gouvernement, qui, en cinq ans, n’a jamais utilisé cet alinéa 3 de l’article 49. À défaut de majorité, vous avancez un motif pour le déclencher ; la prochaine fois, vous trouverez autre chose… Mais c’est ainsi ! C’est la règle constitutionnelle ! Je suis désolé pour notre collègue Savoldelli, mais la Constitution prévoit bien une telle procédure. En 2008, nous avons restreint son utilisation aux textes budgétaires et à un autre texte par session. Encore le travail du Sénat – c’est heureux – n’est-il pas directement lié au travail de l’Assemblée nationale. Des commissions mixtes paritaires suivront ; nous verrons…

Le travail du Sénat, de la commission des finances, de l’ensemble des sénateurs, est de prendre un texte, qu’il plaise ou non, de l’amender, de le transformer, de l’améliorer, et de lui donner une majorité. Il se peut d’ailleurs, in fine, que cette majorité ne soit pas favorable au Gouvernement et que ce texte lui déplaise. Il n’y a pas de 49.3 au Sénat ! Je sais bien que le dernier mot revient à l’Assemblée nationale, mais, monsieur Savoldelli, c’est le cas pour tous les textes depuis plus de soixante ans, et rien n’a changé à cet égard.

On peut certes faire une réforme constitutionnelle. Pour ma part, je serais favorable à ce que, sur certains textes, il n’y ait pas de dernier mot de l’Assemblée nationale. Nous n’en sommes pas là… En tout état de cause, appliquons la Constitution et faisons notre travail convenablement, correctement, en recherchant une majorité sur ce projet de loi.

Si nous votions cet amendement, les débats cesseraient aussitôt : sans article 1er, il ne nous resterait qu’à aller prendre un thé à la buvette. (Sourires.) Mais le 49.3 ne nous oblige à rien dans l’immédiat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Dans le droit fil des propos de Roger Karoutchi, je dis un mot sur la question de savoir quelles mesures le Gouvernement va retenir à l’issue du 49.3 : en matière de réforme des retraites, j’ai bien du mal à voir, très honnêtement, ce qui est intégré. Pour ce que nous en savons à ce stade, les éléments chiffrés relatifs à cette réforme ne me paraissent ni aussi précis ni aussi aboutis que ne le dit le Gouvernement.

Pour autant, nous sommes dans un régime bicaméral, et le Sénat, particulièrement la majorité sénatoriale, a fait le choix d’examiner ce projet de loi de programmation des finances publiques. J’ai entendu les déclarations de bonnes intentions des deux ministres. Ce qui importe, c’est la copie qui sortira du Sénat et le sort qui lui sera réservé ensuite.

Nous sommes, ce soir, dans un temps de travail, celui de l’élaboration de la loi et du dialogue parlementaire, républicain. Et le Gouvernement a l’ardente obligation d’entendre ce qui se dit sur l’ensemble des travées de notre assemblée. La démocratie française ne peut pas se permettre des situations de blocage : notre pays doit avancer.

Vous avez évoqué la réduction des déficits ; mais d’autres pays se fixent l’objectif de passer sous les 3 % du PIB en 2025 ! À cet égard, il me semble que deux ans de plus c’est deux ans de trop… Je n’ai pas retenu votre formule magique…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Plus tard, c’est trop tard ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson, rapporteur. Voilà ! Nous verrons bien si c’est trop tard ; en tout état de cause, j’alerte le Gouvernement sur l’ardente obligation qu’il a de tenir compte des travaux du Sénat et d’entendre les débats que nous avons en ce moment même.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement, car nous souhaitons que les débats se poursuivent sur ce projet de loi de programmation.

J’en profite pour faire trois rectifications.

Tout d’abord, monsieur le ministre, en tant que nouveau sénateur, je me permets de vous reprendre sur la prononciation de mon nom, tout en faisant une annonce publique : mon patronyme se prononce comme le verbe « manger ». (Sourires.)

Plus sérieusement, concernant le vote de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), monsieur le ministre, il faut que les choses soient dites dans cette enceinte. La Nupes a demandé l’augmentation considérable des aides à la rénovation thermique. Sur ce sujet qui intéresse beaucoup les sénateurs, j’espère qu’un consensus très large se dégagera au Sénat pour donner une nouvelle ampleur au dispositif MaPrimRénov’, dont tout le monde admet qu’il est insuffisant. Il ne faut pas reprocher à nos collègues d’avoir voulu supprimer le bouclier énergétique quand une telle mesure relative aux crédits de la rénovation thermique n’est recevable que gagée ! Vous l’avez bien compris, il s’agissait simplement de demander des moyens pour ce dispositif, sachant qu’on ne pouvait compter sur aucune recette supplémentaire : qu’il s’agisse du rétablissement de la CVAE ou de toute mesure analogue, vous dites « non » à chaque fois… Je voulais rétablir la vérité sur ce point.

J’ajoute, et vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, que les écologistes étaient sortis de la majorité de François Hollande lorsque ont été décidées les baisses de dotations aux collectivités que vous avez mentionnées. De surcroît, j’étais maire à cette époque, ce qui me permet d’avoir la conscience très tranquille à cet égard.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mon intervention perd un peu de sa portée après celle de notre collègue Daniel Breuiller… Monsieur le ministre, nous sommes au Sénat, pas devant la presse ou le grand public. Ne nous faites pas le coup du gage ! Vous savez parfaitement ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale.

Sans défendre qui que ce soit, je rappelle que la volonté qui s’y est exprimée consistait à afficher 12 milliards d’euros en faveur de l’isolation thermique. En tant que président de la commission des finances, je suis responsable, au Sénat, du respect de la recevabilité des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution, qui s’applique aussi bien à l’Assemblée nationale ; je suis donc bien placé pour savoir qu’il fallait gager cette mesure. Les signataires de l’amendement incriminé avaient d’ailleurs signalé qu’ils ne souhaitaient pas toucher aux crédits du bouclier tarifaire… Il s’agissait donc seulement d’appeler MM. les ministres à prendre en compte cette demande de 12 milliards d’euros en débloquant les crédits nécessaires.

Je ne vous apprends rien, monsieur le ministre ; de grâce, évitons ces effets de manche ! Non, personne n’a voulu supprimer le bouclier tarifaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je verse au débat un petit élément de clarification : mon propos n’était pas de mettre en cause la possibilité pour le Gouvernement d’activer le 49.3. C’est tout à fait constitutionnel ; il n’y a pas de problème !

Reconnaissez cependant qu’il s’agit d’un choix, d’une volonté politique.

M. Roger Karoutchi. Ils n’ont pas de majorité !

M. Pascal Savoldelli. Je trouve un peu « limite », et pour tout dire pas très sérieux, de justifier un 49.3 par un amendement, d’où qu’il vienne. On ne limite pas le débat parlementaire au motif que tel ou tel amendement mettrait l’exécutif en difficulté.

Monsieur le ministre, vous avez parlé des oppositions. Avec beaucoup de respect et de façon très apaisée, je veux vous dire que vous n’avez pas à choisir vos oppositions : elles sont plurielles et légitimes. Ne vous amusez pas trop sur ce terrain-là ! À cause du 49.3, nous allons recevoir un texte dont les amendements seront passés sous la loupe de l’exécutif. C’est pour cette raison que je parle pour le Sénat d’une forme de 49.3 qui s’annonce, même si, je le sais bien, cette procédure ne s’applique pas ici. J’y insiste, nous allons nous retrouver avec un texte issu des arbitrages réalisés par le Gouvernement eu égard aux majorités qu’il n’a pas et à des oppositions qu’il veut choisir. Qu’il recherche une majorité, c’est bien normal – mais sait-il seulement laquelle ? En revanche, attention, on ne choisit pas ses oppositions – le risque est de regarder dans la mauvaise direction…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Toujours au chapitre des suppressions, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10 du rapport annexé.

Sans m’étendre trop longuement, je peux dire qu’il y a là un sujet sur lequel notre groupe est en total désaccord avec le Gouvernement et avec la majorité sénatoriale : l’analyse de la réforme des retraites.

Une trajectoire est proposée et, en la matière, les arbitrages dépassent de loin nos débats de ce soir, j’en ai bien conscience. Je suis comme tous les citoyens français : j’écoute le Président de la République, j’écoute les ministres, leurs arguments sur le vieillissement, sur l’indexation des prestations de retraite sur l’inflation, etc. Franchement, de ce point de vue, votre réforme n’est pas viable. Quand je regarde le solde prévisionnel des régimes de retraite, il serait majoré de 0,5 point de PIB à l’horizon 2035, pour ensuite tomber à un point de moins que le coût des retraites actuel en 2070. Voyez où l’on va !

Nous nous opposons fermement à cette trajectoire. Nous demandons un vrai débat sur la question des retraites, avec de vrais arguments ; après quoi nous trancherons, mais pas dans ces conditions, pas dans le cadre de ce projet de loi de programmation !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles que j’ai exposées à propos de l’amendement précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable également. Je saisis cette occasion pour répondre à certains points précédemment évoqués.

M. le rapporteur général de la commission des finances m’a interrogé sur les économies prévues dans la trajectoire liées à la réforme des retraites. Je peux vous répondre très concrètement et en toute transparence. Nous avons intégré dans cette trajectoire l’engagement de campagne du Président de la République, c’est-à-dire un recul de l’âge légal de départ de quatre mois par an à compter de l’été 2023. Cette réforme produirait une économie budgétaire brute de 8 milliards d’euros à l’horizon 2027, sans compter les recettes supplémentaires induites par l’amélioration du taux d’emploi qui en résulterait – la dernière estimation de la direction générale du Trésor fait état de recettes fiscales et sociales supplémentaires situées dans une fourchette de 15 milliards à 20 milliards d’euros à l’horizon 2027. Cela me permet de répondre aussi aux interrogations du sénateur Savoldelli.

Monsieur Breuiller, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir écorché votre nom. Ensuite, je sais bien ce qu’est un gage, et je sais surtout qu’un gage, loin d’être simplement cosmétique, montre qu’il faut faire des choix. Nous n’avons pas été poussés au 49.3 par un amendement isolé, et ce n’est surtout pas par amusement que nous nous sommes résolus à l’utiliser. Seulement, quand le débat budgétaire dérive à coups de quinzaines de milliards d’euros non financés, « les conditions d’un dialogue constructif ne sont plus réunies », pour reprendre les mots employés à l’Assemblée nationale par Mme la Première ministre, au moment d’annoncer le recours au 49.3. Je m’inscris tout à fait dans cette déclaration.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. M. le ministre a répondu par anticipation à la question que j’allais lui poser : j’avais cru comprendre que la trajectoire reposait sur une économie de 8 milliards d’euros, et je voulais savoir comment elle avait été calculée.

Je vous remercie pour toutes ces précisions. Pour avoir travaillé sur ces thèmes, je confirme que l’emploi supplémentaire induit par un décalage de l’âge de départ entraînerait des surplus de cotisations sociales et fiscales qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros.

En revanche, où sont ces milliards d’euros dans la trajectoire dont nous débattons ? Pourquoi ne les affichez-vous pas clairement ? Sans être un spécialiste de la question, d’autant que je n’ai pas lu tous les documents présentés, il ne m’a pas semblé, ni à moi ni à plusieurs de mes collègues, que ces chiffres apparaissaient clairement dans les propositions de trajectoire budgétaire que vous faites. Soyez transparents dès le départ ! Nous aurions un peu plus confiance dans les chiffres annoncés…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous avons quelques questions sérieuses à poser au sujet du tableau annexé figurant à cet alinéa : nous n’avons pas bien compris les chiffres exposés.

Par exemple, combien coûte la baisse des impôts de production en 2023 ? Nous pensions que c’était 10 milliards d’euros, comme depuis deux ans. Eh non ! À lire le tableau annexé, on comprend que la baisse va rapporter 100 millions d’euros. (M. le ministre délégué manifeste son incompréhension.) Lisez le document que vous nous avez vous-même fourni, monsieur le ministre ! Comment une baisse de 10 milliards d’euros peut-elle nous rapporter 100 millions d’euros ?

Par ailleurs, combien coûte la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33 % à 25 % ? Vous estimez ce coût, toujours dans le tableau, à 400 millions d’euros. Nous avons procédé à un petit calcul : comme les recettes totales de l’IS s’élèvent à 54 milliards d’euros environ, nous pensons que le coût d’une telle réforme est plutôt de 4,4 milliards d’euros que de 400 millions… Il y a certainement une explication, mais vous allez pouvoir nous la donner, monsieur le ministre.

Quant à l’effet de retour sur l’IS de la suppression des impôts de production, on constate qu’il est négatif : au lieu de nous rapporter, cela nous coûte 600 millions d’euros !

Dans ce tableau annexé figurent donc, à notre avis, trois erreurs qui faussent le résultat, vous en conviendrez, à supposer qu’il s’agisse du bon document.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne vais pas répondre aux questions qui sont adressées à M. le ministre (Sourires.) ; malgré tout, je sollicite le retrait de cet amendement.

Ce tableau annexé présente la synthèse du coût des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires. Le solde positif s’explique par la ligne « Traitement en recettes des gains sur charges de service public de l’électricité ».

Je vous rappelle que l’État verse aux producteurs d’énergies renouvelables des subventions égales à la différence entre le prix contractuel et le prix de marché.

Actuellement, et pour la première fois depuis longtemps, ces prix de marché sont supérieurs aux prix contractuels. En conséquence, l’État ne verse plus de subventions, mais perçoit des recettes qui, en comptabilité nationale, vont tout de même s’élever à 9,6 milliards d’euros en 2023. Ces montants sont traités comme des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, mesures qui, sur le plan comptable, compensent les pertes de recettes dues à d’autres réformes, comme la suppression de la contribution à l’audiovisuel public ou celle de la taxe d’habitation pour les résidences principales.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je me suis plongé dans le rapport annexé pour apporter une réponse à M. Gay. J’ai découvert à cette occasion que ses pages n’étaient pas numérotées, ce qui complique quelque peu la tâche…

J’imagine, monsieur le sénateur, que votre amendement porte sur le tableau intitulé : « Principales mesures nouvelles en prélèvements obligatoires en 2023 ». (M. Fabien Gay le confirme.)

Je vous confirme que la suppression de la CVAE coûte bien 4,1 milliards d’euros. Quant à la recette supplémentaire de 0,1 milliard d’euros associée à la baisse des impôts de production, elle découle en réalité des baisses accomplies les années précédentes : c’est en quelque sorte la « queue de comète » de ces mesures, un petit ajustement final comme il y en a toujours en pareil cas, du fait du versement d’acomptes.

Il en est de même pour les effets de la baisse du taux de l’IS de 33 % à 25 % : le coût n’est évidemment pas de 400 millions d’euros pour l’ensemble de cette baisse, ce qui serait bien faible. Là aussi, il ne s’agit que de l’achèvement – encore une « queue de comète » – de la baisse amorcée en 2017 et poursuivie progressivement chaque année depuis lors. En 2023, cette baisse concerne désormais toutes les entreprises ; ces 400 millions d’euros ne représentent que le coût de cette dernière étape.

Oui, dans un premier temps, la baisse des impôts de production a un coût, budgétairement parlant, mais, à moyen et long terme, elle nous rapportera, grâce à ses effets sur l’activité économique : c’est là toute la logique de cette réforme. (M. Fabien Gay sesclaffe.)

Avant que nous engagions cette baisse, les impôts de production en France étaient sept fois supérieurs à ceux de l’Allemagne ! Mettez-vous à la place d’un investisseur qui souhaite s’implanter en Europe : qu’il compare deux pays et constate que les impôts de production sont sept fois supérieurs d’un côté de la frontière, et il ira plutôt de l’autre !

Bruno Le Maire pourrait vous l’expliquer mieux que moi, car il s’est rendu à Crolles, en Isère, sur le site où STMicroelectronics a annoncé un investissement massif, de plusieurs milliards d’euros, au cours des prochaines années : si les dirigeants de cette entreprise ont pris une telle décision, c’est notamment parce qu’ils savent que les impôts de production vont continuer à baisser dans les années à venir. Oui, cette baisse permet d’attirer l’activité économique sur notre sol !

Voilà quelques jours, Bruno Le Maire faisait référence à l’Inflation Reduction Act états-unien : le dumping ainsi organisé représente un vrai risque pour l’industrie française et européenne. Je pense que nous avons raison, dans ce contexte, de faire baisser la pression fiscale qui pèse sur les entreprises, afin qu’elles installent des sites industriels dans notre pays.

Avis défavorable.