Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Vous pouvez compter sur nous, madame Delattre, madame le rapporteur.

Je vais veiller, avec M. le garde des sceaux, à ce que l’un des groupes de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale assume la présentation de ce texte, à l’occasion, par exemple, d’une niche parlementaire, afin que cette proposition de loi suive son parcours législatif. Comptez sur nous !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Cela a été rappelé par de nombreux collègues, nous vivons dans une société nerveuse et agressive, où toute personne porteuse d’une autorité peut être à un moment attaquée. Il en est ainsi des élus et, comme chacun, j’ai une pensée particulière pour les élus locaux. Je remercie de nouveau Nathalie Delattre et ses collègues de nous permettre d’aller au-delà de ce que nous avons fait dans la loi Engagement et proximité.

Je me souviens du jour où nous avons appris le décès du maire de Signes : quel choc violent que de nous rendre compte soudain qu’un élu pouvait mourir dans l’exercice normal de ses fonctions, un jour ordinaire !

Je voudrais, monsieur le garde des sceaux, vous rendre hommage. À la suite de la loi Engagement et proximité, il y a eu un silence, même si un changement de gouvernement était intervenu. Or, s’il est important de voter la loi, il est tout aussi important de s’assurer de son suivi. Il se trouve que, à l’époque, je vous ai écrit, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, pour savoir ce que devenait la loi que nous avions votée. Vous avez répondu en adressant des circulaires aux procureurs.

Je vous avais également invité à présenter devant la délégation le bilan de votre action. Mes chers collègues, je vous invite à demander au garde des sceaux ce qui a été fait pour chacun de vos départements, car il avait fourni une fiche à chaque membre de la délégation.

Je salue ce qui a été décidé dans cette proposition de loi pour améliorer le rendu de justice à la suite de l’agression d’un élu. En outre, je souligne tout ce que vous avez fait, monsieur le garde des sceaux, pour qu’il y ait aujourd’hui, dans de nombreux territoires, un dialogue normal et naturel entre les procureurs et les maires, alors que les premiers ignoraient les seconds et que ceux-ci avaient parfois peur des procureurs.

Vous avez également évoqué l’ensemble des moyens que vous avez mis à disposition, auxquels s’ajoute la mobilisation des associations d’élus pour la formation.

C’est terrible et tragique, mais aujourd’hui, les élus doivent être préparés à vivre des situations difficiles et à se retrouver confrontés à des agressions fortes.

Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Françoise Gatel. Je remercie encore une fois nos collègues pour cette proposition de loi. Je vous remercie également, monsieur le garde des sceaux, et je vous invite à continuer de nous fournir des fiches de suivi, car celles-ci sont très précieuses.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je souhaite à mon tour remercier Nathalie Delattre et me réjouir des progrès accomplis depuis les tragédies de 2018-2019 grâce au rapport de Philippe Bas, à la loi Engagement de proximité et à vos engagements – Françoise Gatel les rappelait à l’instant –, monsieur le garde des sceaux.

S’il convient d’œuvrer dans la durée auprès des élus, on ne réglera véritablement ces difficultés qu’en luttant contre les actes de violence et de délinquance, et contre les incivilités en général.

Il est également nécessaire de mener un travail de prévention auprès des maires, qui sont les élus de proximité dans nos territoires. Nous sommes très attachés à nos édiles et je crois que ce qui s’est passé ce soir dans cet hémicycle est de nature à les rassurer sur l’accompagnement dont ils bénéficient, de la part non seulement des parlementaires, mais aussi du Gouvernement, pour la poursuite sereine du mandat qu’ils exercent.

Nous avons besoin de nos maires : ils assurent le maillage de la France, et ils sont le premier échelon de la démocratie.

Depuis plusieurs années, grâce à l’investissement de Françoise Gatel, de Philippe Bas et à votre engagement, monsieur le garde des sceaux, j’estime que nous avons fait du très bon travail et que celui-ci est utile à l’exercice serein d’une mission indispensable pour la République.

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.

M. Dany Wattebled. Chacun connaît l’adage : « Nécessité fait loi ». Malheureusement, cette proposition de loi se révèle nécessaire.

Je tiens donc à remercier notre collègue Nathalie Delattre, auteure de ce texte, ainsi que le groupe RDSE, qui l’a inscrit à l’ordre du jour dans le cadre de sa niche.

Je tiens également à saluer l’avancée de la commission ouvrant la possibilité pour les assemblées parlementaires, le Parlement européen et les collectivités territoriales de se porter partie civile en cas d’agression d’un de leurs membres ou de ses proches. Face à ce fléau intolérable, chacun doit pouvoir prendre sa part.

Les chiffres ahurissants de la recrudescence des violences à l’endroit des élus ont été rappelés. L’écrasante majorité des agressions sont perpétrées à l’encontre de maires et d’adjoints au maire. Ces derniers sont en première ligne face au déchaînement de colère de certains de leurs concitoyens. Leur courage et leur pugnacité invitent tout un chacun au respect.

Puisque le sentiment d’impunité contribue à augmenter la violence verbale et physique, la question des délais d’instruction et de la traduction des prévenus est centrale. Face à ces violences, les élus s’inquiètent et appréhendent d’exercer leurs pouvoirs de police avec le peu de moyens dont ils disposent.

Il est de notre devoir de les soutenir non seulement en cas d’agression, mais également au quotidien, avant que le pire se produise. C’est pourquoi, avec mon collègue du Nord Jean-Pierre Decool, nous proposons depuis plusieurs mois, dans tous les arrondissements de notre département, des réunions visant à aider les élus locaux à se saisir des moyens qui existent pour réagir face aux incivilités et aux comportements violents.

Ces réunions sont organisées en coopération avec les préfectures, les procureurs de la République, les gendarmeries et les commissariats.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Je remercie à mon tour Nathalie Delattre, dont je salue l’initiative.

Toutefois, mes chers collègues, la plus belle des lois ne produira aucun effet si on ne lui en donne pas les moyens.

Le Sénat et le Gouvernement ont travaillé de concert pour parvenir à ce résultat. Il appartient désormais au Gouvernement de poursuivre dans cette voie.

Monsieur le garde des sceaux, vous évoquiez précédemment l’exemple d’un maire du secteur de Dijon qui ne connaissait pas le procureur. Je puis témoigner que de nombreux maires sont dans le même cas.

Les procureurs sont souvent très occupés et ils n’ont pas le temps de prendre attache avec les maires. Je forme le vœu que demain, maires et procureurs puissent échanger plus souvent.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Cette proposition de loi visant à soutenir les édiles victimes d’agression est nécessaire, utile et salutaire. Prétendre le contraire reviendrait à se voiler la face.

Dans notre société de plus en plus violente, la bienveillance et le respect des êtres humains – cela vaut non seulement dans le cas des élus, mais aussi dans celui des migrants et de l’accueil qui leur est fait – deviennent aléatoires, voire surprenants. Cette évolution est en partie imputable aux réseaux sociaux – nous l’avons évoqué.

Dans ce contexte, toute avancée permettant de venir en aide aux personnes qui sont victimes de violences et d’agressions ne peut être que salutaire.

J’ai fait part de nos réserves sur la méthode. Celles-ci tiennent à une sorte d’ultra-spécialisation de la justice qui consiste à adapter les règles en fonction des victimes ou d’une catégorie de victimes. Le mot « corporatisme » que j’ai employé est peut-être un peu fort, mais il exprime notre refus que des processus ou des règlements soient adaptés spécifiquement à une catégorie de personnes, fût-elle particulièrement visée.

Néanmoins, nous comprenons la nécessité de protéger les élus et les représentants de la Nation et de les aider dans leurs démarches, comme le prévoit ce texte.

Pour cette raison, et parce que nous souhaitons que cette proposition de loi soit adoptée à l’unanimité, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires la votera.

Je me permets de revenir sur une dernière réserve : l’élargissement du périmètre à toutes les personnes vivant sous le même toit nous paraît excessivement aléatoire.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi, dont le Sénat a rédigé ainsi l’intitulé : proposition de loi visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 344

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité. (Applaudissements.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Magnifique !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression
 

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Dossier législatif : proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises
Discussion générale (suite)

ModalitÉs d’incarcération ou de libération à la suite d’une décision de cour d’assises

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d’incarcération ou de libération à la suite d’une décision de cour d’assises, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 647, texte de la commission n° 110, rapport n° 109).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises
Article 1er

M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je le dis sans détour : cette proposition de loi a tout d’un texte aride, strictement juridique et procédural. Elle ne soulèvera sûrement pas les foules. (Sourires.)

Cependant, elle tend à réparer un rouage non négligeable de notre institution judiciaire, puisqu’elle modifie l’article 367 du code de procédure pénale afin de clarifier les conditions dans lesquelles l’arrêt rendu par la cour d’assises peut valoir titre de détention.

En effet, cet article a fait l’objet d’une réécriture il y a un an par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, plus spécifiquement par son article 6 comportant diverses dispositions relatives à la cour d’assises.

L’une de ces dispositions prévoit d’abandonner l’obligation, pour la cour, de décerner un mandat de dépôt à l’encontre de l’accusé ayant comparu libre, lorsque celui-ci est condamné à une peine d’emprisonnement supérieure à dix ans.

À défaut de cette obligation, la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit que si l’accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle, l’arrêt de la cour d’assises vaut titre de détention sans qu’il faille décerner un mandat de dépôt spécialement motivé.

Pour obtenir ce résultat, il a fallu réécrire l’article 367 du code de procédure pénale. En toute transparence, cet article est difficile à lire, et il l’est encore plus pour qui n’est pas juriste. Toutefois, c’est dans sa réécriture que se trouve le nœud du problème. Je m’efforcerai donc d’être le plus synthétique possible, mes chers collègues.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 367 prévoit d’abord qu’une personne condamnée à une autre peine que la prison n’est évidemment pas incarcérée, non plus qu’une personne condamnée à une peine de prison déjà couverte par la durée de sa détention provisoire.

Cet article prévoit ensuite qu’une personne condamnée à plus de dix ans de prison, c’est-à-dire à une peine de réclusion criminelle, se verra immédiatement incarcérée à la suite du jugement, qu’elle soit détenue au moment de la décision ou non.

Il prévoit enfin qu’une personne condamnée à moins de dix ans de prison, si elle n’est pas détenue au moment du jugement, pourra se voir délivrer un mandat de dépôt directement par la cour d’assises, et ainsi être incarcérée dès le jour du jugement.

Tels sont les trois seuls cas visés par le texte. Or un autre a été oublié : celui d’une personne détenue au jour du jugement et condamnée à une peine de prison de moins de dix ans.

Ce détail a échappé aux députés, aux sénateurs, aux membres du Gouvernement et à l’ensemble de nos collaborateurs. Et comme – vous vous en doutez – je ne lis pas chaque matin les revues d’actualité juridique de droit pénal, c’est un article d’un journal satirique paraissant le mercredi, que le général de Gaulle appelait « Le Volatile », à savoir Le Canard enchaîné, en date du 27 avril 2022, qui m’a mis la puce à l’oreille. (Sourires.)

Quelle est la conséquence d’un tel oubli légistique ? Elle peut être radicale, puisqu’elle peut entraîner la libération d’une personne condamnée à une peine de détention. Le groupe du RDSE est certes favorable à la liberté, mais il y a des cas où celle-ci n’est, hélas ! plus possible. (Sourires.)

Le Gouvernement a remédié à cette bévue en prenant le décret du 25 février 2022 portant application de l’article 367 du code de procédure pénale. Ce décret règle la difficulté en autorisant expressément la cour d’assises à délivrer un mandat de dépôt lorsqu’une personne est condamnée à moins de dix ans de prison, quelle que soit sa situation au jour de la condamnation.

Cependant, je n’apprendrai à personne la teneur de l’article 34 de la Constitution : « la loi fixe les règles concernant […] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ».

On ne peut donc pas remédier à cette carence de la loi par un décret, sauf à prendre le risque que celui-ci soit déclaré inconstitutionnel et légitimement annulé par le juge administratif.

La détermination des conditions dans lesquelles l’arrêt rendu par la cour d’assises peut valoir titre de détention relève du domaine législatif.

Le groupe du RDSE étant attaché à ce que la lettre de la Constitution soit respectée, je vous propose d’adopter cette proposition de loi, que notre rapporteure Maryse Carrère a améliorée en simplifiant encore sa rédaction pour que notre droit soit lisible et efficace.

Avant de lui laisser la parole, je souhaite dire un dernier mot sur la cause réelle et profonde qui justifie que nous examinions ce texte. Au-delà des questions de mandat de dépôt, de comparution et de réclusion criminelle, l’autre sujet en jeu est celui de l’inflation législative et de la surcharge du calendrier parlementaire.

Nous indiquons souvent dans cet hémicycle qu’il est de plus en plus difficile de bien écrire la loi. Les procédures accélérées n’ont plus rien d’exceptionnel. Pour ne prendre qu’un exemple, qui se souvient encore que le délai normal entre l’examen d’un texte en commission et en séance publique est, non pas d’une semaine comme c’est désormais toujours le cas, mais bien de deux semaines ? La dérogation est devenue la règle.

Dans ces conditions, les amendements sont rédigés trop rapidement et les articles examinés sans repos. Voilà comment, dans un texte comprenant soixante articles, une telle erreur a pu être commise. Elle est peut-être due à un défaut de vigilance de notre part, mais elle est certainement aussi la conséquence d’une tendance qui jusqu’au mois de juin dernier, était particulièrement flagrante.

Nous examinons trop de textes, ces derniers sont trop longs et ils sont traités dans des délais toujours trop courts. C’est aussi de cela qu’il est question au travers de cette proposition de loi.

J’espère que nous l’adopterons et je forme le souhait que nous n’ayons pas à nous réunir trop souvent pour apporter ce type de correction. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER. – Mme Marie Mercier et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le président Jean-Claude Requier et plusieurs membres du groupe du RDSE porte sur un sujet assez technique puisqu’elle concerne les règles d’incarcération d’un accusé condamné par la cour d’assises, tant que l’arrêt n’est pas définitif, dans l’attente d’un appel ou d’un pourvoi en cassation.

Cette proposition de loi vise plus précisément à corriger une malfaçon législative figurant à l’article 367 du code de procédure pénale dans un souci de sécurité juridique.

Cette malfaçon s’est produite à l’occasion de l’examen, l’année dernière, du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. L’Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté comme rédactionnel, qui est à l’origine de la difficulté que je vous exposerai dans un instant.

Lors de l’examen du texte au Sénat, nous n’avons pas bien mesuré la portée de cet amendement, passé relativement inaperçu au milieu de dispositions plus substantielles que contenait le projet de loi.

Depuis 2011, l’article 367 du code de procédure pénale prévoit que l’arrêt de la cour d’assises condamnant l’accusé à une peine privative de liberté vaut titre de détention. S’il est condamné, l’accusé est donc incarcéré à l’issue de l’audience sans qu’il soit nécessaire de décerner un mandat de dépôt, à moins bien sûr que la durée de la peine soit déjà couverte par la détention provisoire.

La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a assoupli le principe selon lequel l’arrêt de la cour d’assises vaut titre de détention afin de tenir compte de la situation des personnes qui comparaissent libres devant la cour d’assises et qui ne sont finalement condamnées qu’à une peine correctionnelle.

Pour ces personnes, une incarcération systématique à l’issue de l’audience n’apparaît pas forcément nécessaire. Dans cette hypothèse, la loi a donc prévu que l’incarcération ne serait plus automatique et elle a laissé le soin à la cour d’assises de décerner un mandat de dépôt si celle-ci estime que les éléments du dossier justifient une mesure particulière de sûreté.

Dans l’hypothèse où l’accusé comparaît détenu, il était en revanche envisagé de maintenir le principe selon lequel l’arrêt vaut titre de détention. Si l’accusé a été placé en détention provisoire, il paraît en effet logique de l’incarcérer à l’issue de l’audience s’il est condamné à une peine privative de liberté.

Le problème tient à la modification introduite par l’Assemblée nationale, qui a restreint l’application de ce principe à l’hypothèse d’une condamnation à une peine de réclusion criminelle. Plus rien n’est prévu, en revanche, dans le cas où l’accusé qui comparaissait détenu est condamné à une peine d’emprisonnement de nature correctionnelle, c’est-à-dire à une peine inférieure à dix ans d’emprisonnement.

Une lecture littérale de l’article 367 du code de procédure pénale pourrait conduire à libérer l’accusé qui était jusqu’alors placé en détention provisoire, alors que celui-ci vient d’être condamné à une peine de prison ferme. Une telle solution n’est ni cohérente ni conforme à l’intention du législateur.

D’après les informations que j’ai recueillies au cours des auditions, cette malfaçon législative n’a pas entraîné à ce jour de conséquence fâcheuse. Aucune libération inopportune n’est à déplorer, et aucun contentieux contestant une mesure d’incarcération n’a été recensé.

Le 25 février dernier, le Gouvernement a pris un décret qui a clarifié les règles applicables, en rappelant que l’accusé qui est détenu au moment où l’arrêt est rendu et qui est condamné à une peine d’emprisonnement ferme doit être incarcéré.

Cette disposition est cependant fragile juridiquement, puisque la procédure pénale relève en principe du domaine de la loi.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à adopter la proposition de loi que nous examinons ce soir, en espérant que celle-ci sera inscrite rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

J’indique pour terminer que la commission des lois a adopté, en accord avec l’auteur de la proposition de loi, deux amendements.

Le premier vise à proposer une rédaction plus concise du texte. Les auteurs de la proposition de loi s’étaient inspirés de la rédaction du décret, qui énumère de manière très pédagogique toutes les hypothèses pouvant être rencontrées. Il nous a semblé préférable d’apporter une correction plus ponctuelle afin d’éviter que la loi ne soit redondante avec le décret.

Le second amendement tend à encadrer l’application du texte outre-mer.

Sous des dehors techniques, vous aurez compris, mes chers collègues, que ce texte a un objectif concret, puisqu’il s’agit d’éviter que des personnes condamnées, potentiellement dangereuses, ne soient remises en liberté de manière intempestive.

Je ne doute pas qu’il recevra pour cette raison un large soutien sur toutes les travées de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Agnès Canayer et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la procédure de jugement des crimes par la cour d’assises présente – nous le savons tous – une importance toute particulière en raison non seulement de la gravité des faits sur lesquels la cour doit se prononcer, mais également des conséquences de cette décision pour les justiciables, qu’ils soient accusés ou victimes.

Cette procédure doit donc être aussi satisfaisante et juste que possible.

C’est la raison pour laquelle la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, que j’ai eu l’honneur de porter dans un esprit de coconstruction avec le Sénat et votre commission des lois, monsieur le président François-Noël Buffet, a modifié en profondeur les règles relatives au jugement des crimes par la cour d’assises.

L’objectif était de rendre ces règles plus cohérentes, d’assouplir les modalités de composition de la cour d’assises, de simplifier le déroulement des audiences, de renforcer le rôle du jury populaire et d’accroître les possibilités d’individualisation des sanctions prononcées.

Par ma profession, mon expérience et mes convictions – vous le savez –, je suis extrêmement attaché au respect de la souveraineté populaire du jury.

C’est également grâce à cette loi que le président de la cour d’assises, à l’occasion de son rapport introductif à l’ouverture des débats, expose désormais les éléments à charge et à décharge, non pas tels qu’ils sont mentionnés dans la décision de renvoi, mais tels qu’ils résultent de l’information.

C’est enfin grâce à cette loi qu’ont été modifiées les règles relatives à l’incarcération à l’audience de l’accusé condamné, prévues par l’article 367 du code de procédure pénale, afin de renforcer l’individualisation des décisions rendues par la cour.

Auparavant, l’incarcération d’une personne qui comparaissait libre était automatique, y compris lorsqu’elle était condamnée à une peine inférieure à dix années d’emprisonnement, et alors même que l’accusé pouvait faire appel de la décision, ou, en appel, former un pourvoi en cassation.

Désormais, si l’accusé est libre au moment où l’arrêt est rendu et qu’il est condamné à une peine d’emprisonnement, par exemple, pour une durée d’un ou deux ans, la cour doit, par décision spéciale et motivée, décider ou non – c’est là tout l’intérêt de cette évolution – de décerner un mandat de dépôt.

La cour doit donc se pencher spécifiquement sur la question de savoir si l’incarcération automatique de l’accusé, alors qu’il comparaît libre à l’audience, laquelle se tient souvent plusieurs années après les faits, est nécessaire. Cela peut être, par exemple, dans le cas où l’accusé a respecté à la lettre son contrôle judiciaire.

Cette évolution renforce l’œuvre de justice, en donnant les moyens à la cour d’apprécier au cas par cas si l’incarcération immédiate du condamné est nécessaire, si elle permet de le sanctionner à la juste hauteur et si elle permet de favoriser sa réinsertion, car – je le rappelle – la peine doit impérativement répondre à ces objectifs.

Toutefois, à la suite de modifications apportées lors de la discussion parlementaire, le texte définitivement adopté comportait une ambiguïté puisqu’il ne traitait pas de la question des accusés détenus, condamnés pour crime ou délit à une peine d’emprisonnement.

J’ai complété la partie réglementaire du code de procédure pénale par un décret du 25 février 2022, qui a levé cette ambiguïté en indiquant que pour les accusés détenus, il n’était pas nécessaire de décerner un titre de détention. Ainsi, si l’accusé comparaissant détenu devant la cour est condamné à une peine d’emprisonnement, l’arrêt de la cour d’assises vaut titre de détention.

Toutefois, il est pertinent que cette ambiguïté soit aussi levée par la loi, comme le prévoit le présent texte du président Requier – je supposais qu’il avait été alerté du problème par des praticiens de la cour d’assises, mais en réalité il l’a été grâce à un hebdomadaire que nous sommes très nombreux à lire. (Sourires.)

L’article 1er de cette proposition de loi modifie ainsi l’article 367 du code de procédure pénale afin de clarifier l’hypothèse de l’accusé détenu, condamné à une peine d’emprisonnement par la cour d’assises. Il prévoit que ce dernier doit demeurer détenu après sa condamnation – tel est d’ailleurs l’esprit du texte.

Le Gouvernement est d’accord avec l’évolution normative que vous proposez. Je tiens donc à remercier chaleureusement le président Requier de sa vigilance, ainsi que l’ensemble du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Pour conclure, je tiens également à saluer le travail d’amélioration rédactionnelle mené par Mme la rapporteure Carrère sur cette disposition, qui permet d’aboutir à un texte plus concis, mettant davantage en valeur la modification apportée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Agnès Canayer et M. Marc Laménie applaudissent également.)