Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au premier abord, ce second projet de loi de finances rectificative est un traditionnel collectif de fin de gestion. Pour tenir compte des crises survenues pendant l’année, les crédits sont ajustés en fin d’exercice, avec des ouvertures compensées à hauteur de 5,4 milliards d’euros : +2 milliards d’euros pour France compétences ; +500 millions d’euros pour le ministère du travail au titre de l’actualisation de la prévision sur les compensations d’exonération de cotisations sociales ; +1,1 milliard d’euros pour les forces armées françaises en raison des surcoûts opérationnels, dans le contexte de guerre que nous connaissons. Sans oublier les 450 millions d’euros prévus au titre des mesures d’indemnisation économiques liées à la conjoncture ou encore les 200 millions d’euros ouverts sur le programme du ministère de la santé et de la prévention permettant de financer l’indemnité exceptionnelle versée aux salariés, autoentrepreneurs et indépendants. Ce sont autant d’ajustements de crédits nécessaires et bienvenus face à l’ampleur de l’inflation et aux conséquences de la crise énergétique. Néanmoins, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, d’apparence traditionnelle, n’en demeure pas moins important et inédit.

Ce texte est important parce qu’il permet de financer des mesures d’urgence historiques et de reconduire certaines d’entre elles, avec pour priorité la protection de nos concitoyens face aux difficultés causées par l’inflation.

Dans la continuité du paquet pouvoir d’achat adopté l’été dernier, il permet d’ajouter au chèque énergie le versement, sans condition de revenus, d’un chèque supplémentaire exceptionnel, dont le montant ira de 100 à 200 euros ; les premiers versements sont prévus pour la fin de cette année. Le coût de cette mesure inédite, mais nécessaire pour de nombreux foyers, s’élève à 1,4 milliard d’euros.

Ce second PLFR finance également la prolongation de la remise sur le carburant, à hauteur de 460 millions d’euros. Certes, depuis hier, la remise à la pompe n’est plus que de 10 centimes, mais je tiens à rappeler deux choses : d’une part, cette remise générale se poursuit jusqu’à la fin de l’année ; d’autre part, on est en train de préparer un dispositif mieux ciblé afin d’aider en priorité les ménages les plus modestes et ceux que l’on surnomme les « gros rouleurs ».

Ce texte est également inédit par les conditions de son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, dans le contexte politique que nous connaissons tous.

Force est de constater que des amendements provenant des multiples bancs de l’opposition ont été adoptés. C’est ainsi que 8 millions d’euros viendront aider les communes qui versent des primes aux soignants des centres municipaux de santé, ou que 40 millions d’euros de crédits supplémentaires aideront les associations d’aide alimentaire à faire face à l’augmentation du nombre de leurs bénéficiaires.

Finalement, ce PLFR démontre que, lorsqu’un dialogue apaisé et constructif s’installe, le Parlement peut travailler sereinement sur un texte budgétaire et l’adopter, même en l’absence de majorité absolue.

Nos collègues députés ont débattu dans un état d’esprit constructif. J’espère, mes chers collègues, que notre assemblée en fera tout autant, si ce n’est davantage…

M. Roger Karoutchi. Comme d’habitude !

M. Antoine Lefèvre. Mieux encore !

M. Didier Rambaud. Dans cet esprit, notre groupe défendra deux amendements.

Le premier, l’amendement n° 50, vise à aménager le filet de sécurité instauré pour le bloc communal, à l’été dernier, dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022. Notre objectif est de prévenir les effets de seuil que nous connaissons tous dans nos communes, en permettant, pour celles d’entre elles dont la baisse d’épargne brute est comprise entre 20 % et 25 %, la compensation d’une fraction réduite des dépenses d’approvisionnement. Autrement dit, cet amendement vise à compléter le dispositif existant, qui se déclenche à partir du seuil de 25 % de baisse d’épargne brute, en ajoutant un second niveau de compensation pour les communes moins lourdement affectées par la hausse de leurs coûts.

Le second amendement que nous défendrons, l’amendement n° 42, tend pour sa part à élargir ce filet de sécurité aux communes engagées dans un contrat de redressement en outre-mer (Corom), communes qui ont engagé des efforts afin d’améliorer leur capacité d’épargne et que les critères existants peuvent exclure du bénéfice de la dotation.

Bien évidemment, le groupe RDPI votera sans hésiter pour ce second projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le second projet de loi de finances rectificative de cette année.

Ce texte n’est qu’un exercice de fin de gestion permettant d’actualiser nos prévisions macroéconomiques, de corriger les ouvertures de crédits et de prendre des mesures d’urgence à effet immédiat. Il se contente donc, pour sa majeure partie, de prolonger ou d’adapter des dispositifs d’aide existants, le temps de terminer l’exercice 2022.

Avant de détailler les points de divergences qui éloignent notre groupe de ce collectif budgétaire de fin d’exercice, je tiens néanmoins à dire que certaines aides prévues dans le texte vont dans le bon sens.

Je pense notamment aux aides accordées aux universités pour payer leur facture énergétique, aux armées pour le carburant, ou aux agriculteurs pour faire face aux conséquences des diverses crises qu’ils subissent. Je note aussi le doublement des moyens alloués à l’Ukraine pour acquérir de l’équipement militaire ; la première loi de finances rectificative prévoyait seulement un fonds de 100 millions d’euros, nous plaçant comme le douzième donateur de l’Union européenne, ce qui n’était pas acceptable.

Dans un contexte international porteur de guerre, au lendemain d’un événement, en Pologne, dont on ne sait rien, mais dont on imagine tout, il semble nécessaire de maintenir un rapport de force suffisant, avec toujours pour seul objectif la recherche de la paix.

Mais revenons à la France, car quelques chiffres devraient nous interpeller : un Français sur dix dépend de l’aide alimentaire ! Dans le même temps, une personne sur cinq a froid dans son logement et 12 millions de nos compatriotes subissent la précarité énergétique.

Face à cela, quelle réponse le Gouvernement apporte-t-il ? Il semblerait que le chèque énergie versé à 12 millions de foyers, dont on peut contester le caractère exceptionnel, ainsi que la ristourne de 30 centimes par litre d’essence, qui vient de tomber aujourd’hui à 10 centimes et dont le coût est estimé à 440 millions d’euros, ne suffisent pas ou ne suffisent plus.

Soyons honnêtes, monsieur le ministre : ces pansements sont appliqués sur une jambe de bois et ils ne cachent que trop mal votre absence de vision quant au nécessaire déploiement d’une politique visant à recouvrer notre souveraineté énergétique et à effectuer la bifurcation écologique tant vantée durant la COP27 en Égypte.

Avec ces chèques, vous traitez les conséquences de causes que vous vous refusez à voir. Vous réagissez, mais vous n’agissez pas, contrairement à ce que vous disiez dans votre propos liminaire !

Si vous vouliez agir, vous auriez accepté l’amendement socialiste visant à obtenir une hausse substantielle de 6 milliards d’euros pour financer les moyens nécessaires à l’engagement des travaux de rénovation énergétique que le pays attend depuis plusieurs années.

Ne me dites pas, monsieur le ministre, qu’en augmentant artificiellement le total des financements, on ne déclencherait pas automatiquement le déploiement de rénovations énergétiques efficaces, parce que, à vous croire, la filière ne serait pas dimensionnée pour cela. Depuis 2020, le Président de la République utilise cet argument pour mieux justifier son inaction en la matière, mais le temps presse : nous comptabilisons plus de 7 millions de passoires énergétiques en France.

Je rappelle que les rénovations énergétiques ont deux vertus : non seulement elles réduisent la consommation d’un logement, ce qui n’est pas superfétatoire en pleine crise des énergies, mais elles sont aussi excellentes pour la planète, qui multiplie les signes de fatigue.

Je veux dans le même esprit souligner le renforcement des crédits alloués aux associations œuvrant à l’aide alimentaire.

Grâce au travail de mes homologues socialistes à l’Assemblée nationale, 40 millions d’euros supplémentaires seront débloqués afin de permettre à ces associations de faire face à la forte hausse des dépenses énergétiques, ainsi qu’à l’accroissement du nombre des personnes qu’elles aident ; dans le contexte actuel de crise, on estime qu’entre 200 000 et 400 000 personnes supplémentaires y ont recours.

Nous sommes bien conscients que tout cela a un coût que nous n’ignorons pas. Nous pensons même que ce coût doit être supporté par tous, parmi lesquels je compte bien évidemment les profiteurs de crises qui réalisent des superprofits. Ces profits sont, en grande partie, le produit de rentes ; ils ne découlent nullement d’un quelconque génie entrepreneurial si souvent vanté pour légitimer les salaires astronomiques de certains dirigeants.

Nous considérons que cette contribution doit permettre une juste répartition de la richesse dans ce pays et nous veillerons, dans le débat sur le budget pour 2023, à ce que cette mesure d’équité économique trouve une issue favorable.

Enfin, je note une nouvelle fois, monsieur le ministre, que vous semblez découvrir en fin d’exercice près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires.

J’entends votre volonté, que nous pourrions presque louer, de ne pas faire de projections de recettes trop favorables en début d’exercice ; néanmoins, je suis dubitatif quant à l’écart constaté et la récurrence du procédé.

À mon sens, cela témoigne d’une volonté d’user d’un artifice comptable pour valoriser, en fin d’exercice, votre prétendue bonne gestion et pour valider de manière peu sincère votre théorie de la baisse d’impôt permanente.

Pourtant, les temps que nous traversons nécessitent de la sincérité, préalable indispensable à l’obtention de notre confiance.

Ce texte ne nous convainc pas ; c’est pourquoi le groupe SER s’abstiendra, du fait de mesures trop peu soucieuses de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer mon propos, je veux emprunter à François-René de Chateaubriand l’une de ses fameuses maximes : « Presque toujours, en politique, le résultat est contraire à la prévision. »

Cette citation me semble bien résumer ce projet de loi, marqué qu’il est par des modifications à la marge, dans une logique d’atténuation des effets délétères de l’inflation. Ces corrections d’aujourd’hui sont les carences – je dirais même, les erreurs – d’hier. Hier, c’est la dernière loi de finances rectificative, adoptée l’été dernier ; hier, c’est également la loi de finances initiale pour 2022.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas interprété les signaux économiques et sociaux ; vous n’avez donc pas su anticiper. Il en résulte des dépenses en hausse de 70 milliards d’euros par rapport au budget initial, dont 3,8 milliards engagés dans ce projet de loi de finances rectificative et non financés.

Vous avez été aveugle à l’inflation galopante dans le pays ; vous en estimiez le taux à 1,5 % en décembre 2021, alors qu’il culmine à 5,3 % aujourd’hui. L’été venu, vous continuiez de le minorer de 0,3 point. Ce n’est pas uniquement le fait de la guerre en Ukraine, vous le savez : le bouclier énergie avait été instauré auparavant. Ce n’est pas uniquement le fait des difficultés d’approvisionnement, vous le savez : les producteurs et les distributeurs avaient déjà commencé à augmenter leurs prix. L’inflation est de nature spéculative et a seulement été aggravée par ces phénomènes. C’est dans ce sens-là que cela s’est passé, et non l’inverse.

Or ces prévisions ont servi un discours politique visant à faire croire que les mesures à destination des personnes précaires et de nos fonctionnaires étaient suffisantes. Les aides sociales ont été revalorisées de 4 %, le point d’indice de 3,5 % : ces deux catégories de la population ont donc perdu du pouvoir d’achat. Dont acte ! Les travailleurs du secteur privé ont, eux aussi, vu fondre leur revenu au regard de l’inflation : on déplore 2,2 % de perte de pouvoir d’achat, en moyenne, pour les employés, 2,7 % pour les ouvriers, 3,6 % pour les professions intermédiaires et les cadres. Derrière ces moyennes, les ménages ne sont pas exposés de la même façon à l’augmentation de 11,2 % du prix des produits alimentaires sur l’année, ou à celle de 19,6 % du prix des produits énergétiques.

Le travail ne paye pas suffisamment dans ce pays, donc l’État pallie, il tente de préserver un semblant de cohésion sociale. Lorsque le travail ne garantit pas les moyens de subsistance, c’est la Nation qui se délite.

L’État sort donc son chéquier et tente d’alléger la facture. Tout y passe : l’électricité, les pellets de bois, les carburants, le fioul… Plus de la moitié des crédits nouveaux ouverts par ce texte sont des palliatifs de l’envolée indécente des prix de l’énergie. La politique des chèques, c’est la politique des faibles !

La présidence française de l’Union européenne constituait pourtant une occasion de prendre des mesures structurelles pour soulager les peuples et les finances publiques : blocage du prix des carburants, en entamant des négociations serrées avec les producteurs et principaux exportateurs ; abrogation des directives de 1996 et 1998 de libéralisation du marché de l’énergie ; décorrélation des prix du gaz et de l’électricité.

Cela n’ayant pas eu lieu, les finances publiques doivent assumer le coût de ces mesures. Vous procédez ainsi, monsieur le ministre, à plus de 6,8 milliards d’euros d’annulations de crédits ; surtout, vous nous resservez le discours d’une économie florissante, comme l’attesterait la hausse de 32,8 milliards d’euros des recettes fiscales par rapport à la loi de finances initiale.

Il n’y a pourtant pas de « trésor de guerre » : nous le disions lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 et nous le réaffirmons. Les 19 milliards d’euros de recettes supplémentaires de l’impôt sur les sociétés sont uniquement liés à l’augmentation des profits, qui sont stimulés par l’inflation et par l’absence du partage de la valeur. Si l’économie se porte si bien, pourquoi donc la croissance, dont vous escomptiez au début de l’année qu’elle atteindrait 4 % du PIB, plafonne-t-elle à 2,7 % ?

Le discours tenu autour du partage de la valeur m’incite à m’arrêter sur les 2 milliards d’euros alloués dans ce texte à France compétences. Je crois qu’il s’agit en vérité de « France patronat » ! Ces 2 milliards d’euros ont pour seule vocation de subventionner l’emploi d’apprentis considérés comme une main-d’œuvre à bon marché. L’apprentissage dans ces conditions de rémunération n’est pas une aubaine pour la France, c’est une aubaine pour le patronat ! Lorsqu’ils ont moins de 26 ans, ces apprentis sont payés en dessous du Smic, de sorte que les entreprises récupèrent un véritable pactole : 5 000 euros pour un mineur, 8 000 euros pour un majeur. On ne fait ainsi baisser qu’artificiellement et conjoncturellement les chiffres du chômage, car environ 50 % des apprentis ne conservent pas leur poste à l’issue de leur cursus, mais sont remplacés par d’autres laborieux.

La cohérence est de votre côté, monsieur le ministre, car il s’agit de l’« armée de réserve du patronat » chère à M. Darmanin : les étrangers sont appelés à la rescousse, les apprentis appelés au service… Il faudrait une vision de la politique menée en faveur de l’emploi qui bénéficie enfin aux créateurs de la valeur et aux travailleurs.

Certes, nous soutiendrons certaines mesures prises dans ce projet de loi de finances rectificative,…

Mme Éliane Assassi. … comme l’aide aux associations d’aide alimentaire, ou les modestes 8 millions d’euros octroyés aux soignants des centres municipaux de santé, oubliés des accords du Ségur, mais les carences sont trop importantes.

Du fait de cette absence de vision économique et budgétaire, du fait de l’absence de volonté de remédier structurellement aux maux provoqués par le libéralisme, si ce n’est par la politique des chèques, nous ne signerons pas en bas de la feuille, monsieur le ministre ! On ne signe pas un contrat lorsqu’il est défavorable aux intérêts les plus élémentaires de la population. Nous voterons donc contre ce texte, en vous donnant rendez-vous demain pour l’examen du projet de loi de finances pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Patrice Joly applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis d’un second projet de loi de finances rectificative pour 2022, comme il est d’usage en fin d’année pour régulariser les crédits ouverts en fonction de prévisions plus proches de l’exécution réelle.

C’est théoriquement le dernier texte de ce type. En effet, à partir de 2023, en raison des nouvelles règles instaurées par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) que nous avons adoptée en 2021, nous débattrons de lois de finances de fin de gestion spécifiques.

En juillet dernier, la première loi de finances rectificative pour 2022 a apporté un soutien de 44 milliards d’euros de crédits supplémentaires, dont 20 milliards consacrés à la protection du pouvoir d’achat. Le texte présenté aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement de ce paquet pouvoir d’achat, avec une rallonge de 2,5 milliards d’euros. C’est bienvenu, bien que cela s’inscrive dans un contexte budgétaire toujours dégradé.

Le Gouvernement propose 1,8 milliard d’euros pour financer un chèque énergie exceptionnel, prévoyant un versement de 100 ou de 200 euros qui sera effectué d’ici à la fin de l’année. Il aidera les 12 millions de ménages les plus fragiles à payer leurs factures énergétiques.

La prolongation de la ristourne sur le carburant, de 30 centimes par litre jusqu’à la mi-novembre, puis de 10 centimes, est aussi inscrite dans ce texte, le tout pour une enveloppe qui atteint quand même 440 millions d’euros.

Le groupe Union Centriste salue aussi le fonds de 275 millions d’euros débloqué par le Gouvernement pour aider les universités, les établissements de recherche et les Crous à faire face à la hausse des prix de l’énergie.

Dans la même logique, ce PLFR ouvre des crédits visant à couvrir les frais de carburant exceptionnels du ministère des armées, à hauteur de 200 millions d’euros ; 1,1 milliard d’euros vont aussi à la mission « Défense » afin de financer le soutien militaire que nous apportons à l’Ukraine. Permettez-moi à cette occasion de saluer, au nom de l’ensemble des sénateurs centristes, l’engagement de nos soldats dans le monde, au service de notre pays et de la paix. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Le « combat contre la vie chère », selon votre formule, monsieur le ministre, est confronté à la réalité de nos finances. Nous devons resserrer notre politique budgétaire et faire face aux difficultés de nos compatriotes tout en évitant de casser la croissance. C’est un équilibre complexe que nous nous efforçons tous d’atteindre ; nous avons en tête ces contraintes, qui relèvent parfois d’injonctions contradictoires.

En même temps, si ces dépenses avaient été affectées à l’équipement de nos compatriotes en véhicules moins énergivores ou à la rénovation thermique des logements, elles auraient permis des progrès plus durables. Nous nous trouvons face à un dilemme entre la nécessité d’affronter les réalités du moment et celle de construire l’avenir. On peut s’efforcer de le faire en même temps, mais il faudra peut-être un jour basculer vers des mesures plus durables.

Je ne peux m’empêcher à ce propos de faire remarquer que le coût total de cette ristourne – 8 milliards d’euros – aurait pu financer des primes à la rénovation pour un million de foyers ! Il faudra que l’on y réfléchisse.

La situation de l’économie française en cette fin d’année 2022 est certes incertaine, mais moins défavorable que celle d’autres pays.

Malgré un enchaînement ininterrompu de crises – crise sanitaire, crise de l’énergie, guerre en Ukraine, donc en Europe –, notre économie résiste, mais combien de temps pourra-t-elle encore tenir à ce rythme ? Nous entendons évidemment les avis du Haut Conseil des finances publiques en la matière.

Je veux alerter sur un sujet de préoccupation qui demeure dans ce projet de loi de finances rectificative : les créations de postes.

Dans l’immédiat, ce budget de fin de gestion vient ajuster des mesures utiles pour nos compatriotes et correspond à des constats de fin de gestion. Le groupe Union Centriste votera presque unanimement en faveur de ce second budget rectificatif tel qu’il sera modifié par le Sénat. Nous défendrons des amendements sur le filet de sécurité pour les collectivités en matière énergétique, sur la répartition du produit de la taxe d’aménagement et sur le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le ministre, ainsi que vous avez eu l’occasion de le rappeler lors de la présentation de ce projet de loi de finances rectificative, « ce texte traduit des choix qui n’ont pas varié ».

En effet, si ce texte prévoit – et c’est heureux – un certain nombre d’aides ponctuelles sur lesquelles je reviendrai, il exprime aussi le dogme idéologique de la baisse de l’impôt et de la réduction de la dépense publique.

Si la maîtrise de nos comptes publics est nécessaire, comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques, disposer de marges de manœuvre suffisantes pour faire face aux chocs macroéconomiques et aux besoins d’investissements publics ne peut se résumer à cette approche purement libérale, dont on mesure bien les limites et les dangers, singulièrement pour les plus modestes de nos concitoyens.

Dans un contexte de crises multiples, vous avez fait le choix de verser des aides, qui sont tout de même de moins en moins exceptionnelles, pour soutenir le portefeuille des ménages.

À défaut de politique structurelle, ce texte contient plusieurs mesures ponctuelles dont il convient de prendre acte favorablement face à l’urgence et aux difficultés de nos concitoyens.

Certains dispositifs sont d’ailleurs issus des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale. Il en va ainsi des 40 millions d’euros de crédits ouverts pour les associations d’aide alimentaire ; quand on connaît le fonctionnement de ces associations, on sait que ces crédits seront plus que nécessaires.

Nous saluons également l’intégration dans ce texte d’une disposition que nous avions défendue au Sénat, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative de cette année, disposition qui consiste à allouer des aides supplémentaires à l’enseignement supérieur et à la recherche pour permettre aux universités de faire face à la hausse du coût de l’énergie afin que les étudiants puissent poursuivre leurs études dans des conditions acceptables.

La nouvelle mouture des chèques énergies et l’aide à l’achat de carburant, même réduite, ne peuvent que contribuer à l’allégement des charges qui pèsent de plus en plus lourdement sur les ménages. Toutefois, est-ce là une réponse politique à la baisse du pouvoir d’achat des Français ?

Dès demain, l’examen du projet de loi de finances pour 2023 sera l’occasion de débattre sur le fond des réponses à apporter pour s’attaquer réellement aux inégalités sociales et revenir à un modèle de redistribution des richesses.

À l’heure où la France compte 12 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les mesures gouvernementales sont bienvenues, monsieur le ministre, mais elles ne sauraient vous exonérer de proposer des solutions pérennes permettant à nos concitoyens de vivre dignement.

Pour ce faire, il est nécessaire d’en finir avec le désarmement fiscal et de conserver des recettes à la hauteur des enjeux.

En cette fin d’exercice, nous constatons, cette année encore, des recettes fiscales supplémentaires qui s’élèvent cette fois-ci à 4,6 milliards d’euros, soit approximativement le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune.

S’il est prudent de ne pas faire de projections de recettes trop favorables en début d’exercice et si l’on peut remarquer que cette louable prudence s’est révélée un peu plus modérée qu’à l’accoutumée, ce supplément de recettes ne saurait trouver sa justification dans la baisse du taux de prélèvements obligatoires, comme l’avance le Gouvernement. Une baisse d’impôt est une baisse d’impôt : quelle que soit la manière dont on analyse les choses, ce sont bien des recettes en moins dans les caisses de l’État et, forcément, des recettes en moins pour le financement des politiques publiques et pour les services publics.

Nous prenons donc acte, monsieur le ministre, des mesures d’urgence contenues dans ce texte et nous poursuivrons les débats, dans les jours qui viennent, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en août dernier, alors que nous entamions l’examen du premier projet de loi de finances rectificatives pour 2022, je m’étais inquiété devant vous du syndrome de « l’argent magique » et d’un « quoi qu’il en coûte » qui, étant dépourvu de bornes, l’était tout autant de sagesse !

Depuis lors, les taux d’intérêt, qui étaient restés négatifs et à peu près stables depuis 2019, n’ont cessé de poursuivre leur remontée. Sauf retournement, la prévision gouvernementale pour la fin de l’année 2022, à 2,5 %, a d’ores et déjà été dépassée puisque le taux moyen des obligations assimilables du trésor (OAT) à dix ans a atteint 2,7 % dès le mois de septembre dernier. Pour rappel, ce même taux était de 1,6 % au début du mois de mai et de 2,2 % à la fin du mois de juin. Or, d’après les estimations de la Banque de France, chaque hausse d’un point des taux d’intérêt entraîne, à l’issue d’une période de dix ans, un coût annuel supplémentaire de 40 milliards d’euros pour le budget de l’État, soit l’équivalent du budget actuel de la défense.

Mes chers collègues, la politique inconsidérée de dépense publique que permettait hier de financer sous anesthésie la Banque centrale européenne aura des conséquences très réelles, dont nous ne mesurons pas encore concrètement tous les effets négatifs quant à notre déclassement économique.

L’été dernier, à l’issue de l’examen de la première loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le déficit budgétaire de l’État tutoyait les 180 milliards d’euros, en hausse de près de 25 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Le second collectif budgétaire que nous ont transmis nos collègues députés affiche, du fait d’un grand nombre de crédits reportés, un solde qui s’améliore de plus de 5 milliards d’euros. Nous pourrions certes nous en réjouir.

Le déficit budgétaire de l’État, dont on sait bien qu’il alimente une dette publique elle-même vertigineuse, reste cependant assez nettement supérieur à 170 milliards d’euros. Par égard pour les générations futures, nul ne peut vraiment s’en satisfaire.

Notre collègue Vincent Capo-Canellas a rappelé l’essentiel des mesures contenues dans ce texte. Elles sont justifiées par la protection de nos compatriotes face aux dangers que sont l’inflation élevée, la guerre en Ukraine et les aléas climatiques. Beaucoup d’entre elles sont ciblées sur les publics les plus fragiles, par souci d’équité autant que de maîtrise des comptes publics. Le groupe Union Centriste, qui en appelle depuis le début de la crise à des mesures qui soient le plus justement calibrées, s’en réjouit.

Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! Nous ne pourrons pas éternellement dépenser sans compter et faire l’économie de réformes d’envergure.

Trouver des sources d’économies nouvelles et pérennes, afin de réduire significativement notre déficit et notre endettement publics, commanderait d’engager sans délai d’importantes réformes structurelles : mise en œuvre d’une réforme des retraites plus ambitieuse que celle qu’a annoncée le Président de la République ; réformes des prestations sociales et de l’assurance chômage ; réorganisation et redéfinition du périmètre de certains services publics, tels ceux de l’enseignement scolaire ou de l’audiovisuel, avec à la clef une baisse tangible des effectifs ; report et même, dans certains cas, annulation des augmentations de crédits prévues dans le champ des politiques publiques non régaliennes ; et d’autres réformes encore.

Plus tardifs seront nos efforts, plus brutal encore sera notre réveil ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)