M. Gabriel Attal, ministre délégué. Et vous parlez d’Europe en disant cela ?

M. Thierry Cozic. … auxquelles vous vous êtes originellement opposés.

Accepter cette surtaxation, c’est devenir – enfin ! – force de proposition au lieu de rester un éternel suiveur, perpétuellement à rebours de l’époque.

Mme le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Au mois d’août dernier, nous étions déçus que notre proposition ne puisse pas aboutir. Mais, depuis, nous avons eu la satisfaction de voir que l’Europe s’était inspirée de notre amendement.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Rien que cela ?

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président de la commission, regardez la chronologie !

Dans notre amendement du mois d’août, nous proposions une « contribution exceptionnelle de solidarité ». Ces termes ont été repris par l’Union européenne et le ministre la reprend aussi à son compte : très bien.

Le mode de calcul des superprofits, en particulier le seuil de 20 % au-dessus de la moyenne, figurait dans notre amendement. Il a été repris : tant mieux. À l’évidence, un consensus se dessine en la matière.

À présent, est-ce bien ou n’est-ce pas bien ? Pour notre part, nous ne sommes guère favorables à l’impôt de manière générale. Selon nous, il atteint aujourd’hui un niveau trop élevé en France, du fait de l’augmentation de la dépense publique.

Cela étant, nous avons connu des années de crise, qui ne sont d’ailleurs pas finies, au cours desquelles on a maintenu le pouvoir d’achat à crédit en dépensant des centaines de milliards d’euros.

On a maintenu l’activité à crédit et beaucoup d’acteurs ont bénéficié de cette politique, de façon directe ou indirecte : tant mieux pour eux. Simplement, que disons-nous ? On a dépensé à tout-va au nom du « quoi qu’il en coûte ». Pendant cette période, certains ont bien vécu. Aujourd’hui, il n’y a pas de raison qu’ils ne participent pas un peu à l’effort national – nous ne confisquons pas non plus tous les profits supérieurs à la barre des 20 %.

C’est une mesure de justice envers l’ensemble de nos concitoyens. On leur dit que la situation est difficile ; je crains pour ma part qu’elle ne s’aggrave encore.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est probable.

M. Vincent Delahaye. Dès lors, il faut que tout le monde participe. Ceux qui ont bien vécu doivent apporter leur obole : c’est l’objet de notre amendement.

Mme le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. Mes chers collègues, personne ne peut taxer les centristes de ne pas aimer l’entreprise…

M. Fabien Genet. Pour ce qui est de taxer… (Sourires.)

Mme Nassimah Dindar. Nous aussi, nous voulons aider les secteurs aérien et maritime. Nous en sommes conscients : les sociétés dont il s’agit ont besoin de l’aide de l’État. En effet, elles doivent investir dans de grands projets, dont nous, ultramarins, mesurons toute l’importance, car nous en avons particulièrement besoin.

Cela étant, il n’y a pas de politique sans symbole. Sans remonter à la nuit du 4 août, souvenons-nous qu’un ministre a sauté pour une langouste trop rouge et trop belle. Pourquoi ? Pour le symbole.

Vous connaissez bien mieux que moi, nouvelle venue dans cette assemblée, la vie politique et ses tumultes : vous ne me contredirez certainement pas quand j’observe qu’en politique le symbole compte.

Il en va de même dans la vie culturelle. Quand Notre-Dame de Paris brûle, ce symbole doit évidemment être défendu : c’est pourquoi l’on mobilise tant d’aides, qu’elles soient publiques ou privées.

Nos concitoyens ont besoin de symboles pour lire la politique. Quant à nous, nous sommes les représentants du peuple. Dans la période de crise que nous connaissons, il serait malvenu d’écarter toute solidarité contributive de la part de ceux qui ont gagné et gagnent encore beaucoup d’argent.

Cela ne signifie en aucun cas que les parlementaires ou le Gouvernement sont contre les entreprises ou contre le fait de gagner de l’argent, bien au contraire.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Nassimah Dindar. Pour ma part, je suis toujours très heureuse de voir rayonner les entreprises françaises : je suis toujours ravie de les retrouver lors de mes voyages à travers le monde.

Voilà pourquoi je voterai ces différents amendements. Le peuple ne comprendrait absolument pas que les inégalités continuent de se creuser…

Mme le président. Merci, chère collègue.

Mme Nassimah Dindar. … entre les plus modestes et les plus riches.

Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je tiens à réagir aux propos de M. le ministre, qui, dans sa doxa habituelle, emballe un certain nombre de contre-vérités.

Selon lui, cette mesure pourrait frapper des entreprises qui se remettent tout juste de la crise du covid-19. Mais notre amendement tend précisément à exclure cette période : nous parlons du chiffre d’affaires des trois années précédant le covid-19. Ce n’est donc pas vrai.

De même, il évoque le cas des entreprises moyennes ; mais nous visons les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros : c’est tout de même une somme coquette !

M. le ministre cite le cas d’entreprises qui attendent un juste retour sur investissement. Parlons de Sanofi, qui n’a même pas réussi à trouver un vaccin pendant la crise sanitaire, qui a licencié 1 700 personnes dans le secteur de la recherche et développement, dont 1 000 en France, et qui, malgré cela, affiche un profit en hausse de 338 %. C’est cela, le génie français que l’on récompense ? Je ne comprends pas.

De même, je tiens à revenir sur l’exemple de CMA. Si cette entreprise engrange des superprofits, c’est parce qu’elle dispose des bateaux et des infrastructures ; c’est parce qu’elle se trouve au bon endroit au bon moment, quand l’économie redémarre. Mais, si la demande explose, c’est parce que l’économie est restée en panne pendant deux ans.

D’ailleurs, le Gouvernement a fini par comprendre que certains énergéticiens saignaient tout le monde au blanc et qu’ils devaient rendre de l’argent.

Enfin, on nous dit qu’il faut être fier des drapeaux français flottant au fronton des grandes entreprises ; pour ma part, je ne suis pas fier de l’activité de Total, qui reste complice de criminels de guerre et continue de vouloir saloper l’Ouganda avec ses projets d’exploitation. (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Malgré ces nombreuses explications, je n’ai toujours pas bien compris ce que sont les superprofits…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Le ministre l’a compris, lui !

M. Philippe Dominati. J’ai compris que l’on considérait une période de quatre ans et que, si l’entreprise présentait un résultat exceptionnel sur la moyenne de ces quatre années, elle serait taxée. Au passage, c’est le cas de la SNCF ou encore de nombre d’agriculteurs, du fait de l’augmentation du prix du blé, qui atteint aujourd’hui 210 euros la tonne.

Autrement dit, on nous propose une contribution exceptionnelle conjoncturelle, qui peut frapper n’importe qui, n’importe quand, dans n’importe quel territoire. On pourrait ainsi l’appliquer au site des jeux Olympiques, qui donneront lieu à des profits exceptionnels. On pourrait aussi la mettre en œuvre de manière cyclique. Par exemple, la conjoncture internationale impose d’importants achats à notre armée : il est probable que notre industrie en tire des superprofits dans les deux années qui viennent. Je n’arrive toujours pas à comprendre…

Mes chers collègues, on vante souvent la stabilité fiscale en relevant qu’elle est nécessaire à la croissance, au développement et à la compétitivité. Mais ce soir, au gré de la conjoncture, on estime que telle ou telle entreprise dégage des superprofits. Vincent Delahaye déclare : elles ont bien vécu, donc elles doivent payer. J’en déduis qu’il faut mal vivre pour être épargné, raisonnement pour le moins curieux.

M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas cela !

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, puisque nous en sommes aux symboles, ne pourrait-on pas créer une taxe sur les entreprises qui n’ont pas dégagé les superprofits qu’elles auraient dû faire ? Je pense par exemple à EDF : si EDF avait été au rendez-vous, si elle s’était réveillée à temps, elle aurait fait des superprofits.

La SNCF, quant à elle, a fait des superprofits au cours de l’année dernière : en 2021, elle a dégagé 3 milliards d’euros, alors même qu’elle avait perdu 3 milliards d’euros l’année précédente et 300 millions d’euros en 2019…

M. Franck Montaugé. C’est incroyable de dire cela !

M. Philippe Dominati. Au nom des symboles, peut-être faudrait-il également taxer ceux qui ne font pas bien leur boulot.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.

M. Hervé Marseille. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté nos échanges de ce soir, comme j’avais suivi nos débats dédiés au PLFR.

Au sujet de la contribution demandée aux entreprises, j’ai entendu beaucoup d’arguments techniques. Bien sûr, on peut débattre du nombre d’années considérées ou du taux d’imposition proposé. On peut parler de tout ce que l’on veut : le problème n’est pas technique, mais politique.

Considère-t-on que des profits exceptionnels ont été perçus à un moment donné ? À l’évidence, oui : on les taxe même à l’échelle européenne. C’est donc qu’on les reconnaît, qu’ils soient nationaux ou européens. Mais on préfère se planquer derrière nos voisins qui, dès le mois de juillet dernier, ont créé des contributions nationales. Je pense non seulement aux Allemands, mais aussi aux Espagnols. L’Italie de M. Draghi en a fait de même, comme l’Angleterre de Boris Johnson : à ma connaissance, ce ne sont pas des marxistes-léninistes.

Ils ont organisé cela dès le mois de juillet.

La question est de savoir si nous laissons les entreprises décider sur les sujets de fiscalité et de redistribution, auquel cas ils ne seraient plus une compétence de l’État. Pourquoi pas ? Mais alors il faudra demander aux entreprises de garantir le pouvoir d’achat des Français – ce que l’on a entendu lors de nos débats en juillet dernier. Or le seul pouvoir d’achat qui a véritablement augmenté, c’est celui de Patrick Pouyanné et de Carlos Tavares, dont le salaire s’élèverait à 66 millions d’euros depuis la création de Stellantis.

Le problème est d’exemplarité, comme l’a dit ma collègue Nassimah Dindar. Il ne s’agit pas du montant – que la taxe rapporte un peu, beaucoup ou pas du tout ; tout est question de symbole politique.

Si l’on dit que c’est à l’État de gérer la fiscalité et de garantir la redistribution, il est normal que celui-ci mette en place une contribution exceptionnelle : encore une fois, cela participe d’une symbolique.

Dès lors que l’on commence à considérer la variabilité des profits des entreprises – pourquoi pas ? –, il faut que ce critère devienne une référence.

Si, l’on décide qu’il revient aux entreprises de choisir ce qu’elles doivent faire de leurs profits, à un moment ou à un autre,…

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Hervé Marseille. … eh bien, nous verrons ce que cela donnera ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, et sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Soyons plus pragmatiques et moins dans l’idéologie.

Tout d’abord, nous ne pouvons pas aborder ce type de question hors du cadre européen. Force est de constater que si, à l’échelle nationale, nous n’avons pas pu prendre les mêmes mesures que d’autres États, c’est parce que, comme l’a rappelé M. le ministre, notre taux de prélèvements obligatoires est substantiellement plus élevé que la moyenne européenne.

Je me réjouis qu’une contribution temporaire de solidarité sur les énergéticiens ait pu être mise en place par l’Union européenne dans l’ensemble des pays membres, d’autant plus que son produit rapportera, M. le ministre l’a rappelé, plus de 11 milliards d’euros aux caisses de l’État.

D’autres sujets mériteraient eux aussi une approche pragmatique à l’échelle européenne – j’y reviendrai plus tard, car ce n’est pas l’objet de notre débat –, tel que celui du prix de l’énergie. Si la France pouvait bénéficier du tarif ibérique, cela nous permettrait de faire bien des économies budgétaires.

Je veux ensuite insister sur le cas de la SNCF, déjà évoqué par Philippe Dominati. Le président Farandou nous a expliqué, lors d’une audition que j’ai menée en tant que rapporteur spécial des programmes relatifs aux transports, qu’une telle mesure taxerait très fortement Geodis, filiale de la SNCF, qui a fait de gros profits au cours de ces dernières années – presque autant que le logisticien CMA CGM, dont le rayonnement est mondial.

Au-delà de sa filiale Geodis, la SNCF a fait des profits exceptionnels durant l’exercice 2022. Je préfère qu’elle puisse les réinvestir, notamment dans les réseaux – ils en ont bien besoin ! – plutôt que de devoir contribuer à un effort national, dont nous ne connaissons pas les tenants et aboutissants en matière budgétaire.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, hier, vous nous avez invités à juste titre, en réponse à la présentation d’un amendement de notre groupe Union Centriste, à faire extrêmement attention au message que nous envoyions aux Français, au moment où nombre d’entre eux traversent une période difficile. Je vous retourne cet argument tout à fait justifié.

Ne nous y trompons pas : cette contribution exceptionnelle sur les superprofits, au-delà d’offrir une recette exceptionnelle afin de compenser les dépenses considérables engagées pour protéger les Français – et nous les soutenons –, est aussi un message fort adressé aux Français !

Refuser de la voter reviendrait à envoyer un mauvais signal à nos concitoyens, compte tenu de la situation actuelle. Voilà ce que je voulais vous rappeler, à la suite de nos débats d’hier.

Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Parmi les arguments que nous entendons dans ce débat, beaucoup sont faux.

Mon cher collègue Dominati, vous avez dit que toutes les entreprises seraient concernées par cette contribution ; c’est faux. Toutes les entreprises – et encore moins les agriculteurs – ne font pas 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Monsieur le ministre, vous rappelez, d’un côté, que l’attractivité de la France est très importante, grâce à la forte trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, et vous dites, de l’autre, que nous avons la deuxième pression fiscale la plus élevée au monde : en somme, l’un n’empêche pas l’autre.

Quant à « aimer ou non l’entreprise », si la baisse de l’impôt sur les sociétés en est le référentiel, celle-ci a été décidée sous le quinquennat de François Hollande, comme le président de la commission des finances Claude Raynal l’a rappelé. Par conséquent, les socialistes aiment l’entreprise.

En réalité, l’ensemble de ceux qui refusent la taxe sur les superprofits sont sur la défensive, que ce soit le Gouvernement, le rapporteur général, dont nombre d’arguments auraient pu conduire à instaurer un tel mécanisme, même modeste, même symbolique, ou les entreprises. Sous la pression de ce débat, CMA CGM, a mis en place un fonds énergies et Patrick Pouyanné a annoncé – je regardais LCI pendant qu’Éric Bocquet lisait Les Échos – que TotalEnergies allait « payer l’impôt sur les sociétés » en France, pour éviter « d’autres polémiques ». Eh bien, la polémique aura au moins été utile ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’espère que l’un de ces amendements sera voté ; si ce n’est pas le cas, nous aurons tout de même fait œuvre utile grâce à ce débat relatif à la contribution sur les superprofits. Il ne s’agit pas d’une amende ; les impôts sont prélevés dans l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Mes chers collègues, le groupe Union Centriste, Thierry Cozic l’a rappelé, est animé par le souci d’être constant.

Durant la pandémie, lorsque la situation est devenue difficile dans notre pays, tout le monde – nous les premiers – s’est alors tourné vers l’État, en lui demandant d’aider absolument l’ensemble de nos concitoyens et des acteurs économiques ; le Gouvernement a répondu présent.

Plus récemment, la guerre en Ukraine a entraîné une crise de l’énergie, et, là encore, nous nous sommes tournés légitimement vers l’État pour qu’il prenne des mesures d’accompagnement, en direction des entreprises et des particuliers.

En contrepartie, il est normal que nous nous préoccupions de solliciter ceux qui profitent de cette situation pour aider les personnes qui sont le plus en difficulté.

Nous demandons simplement que les entreprises ayant fait plus de 10 millions d’euros de profits, pour un total supérieur d’au moins 20 % en 2022 à la moyenne des quatre dernières années, contribuent – à hauteur d’une petite part seulement de leurs bénéfices – à l’effort de solidarité nationale.

Mes chers collègues, le groupe Union Centriste partage également la conviction que la solidarité ne doit pas toujours aller dans le même sens. Autrement dit, nous ne pouvons pas nous contenter d’autoriser les dépenses de l’État, mais nous devons également nous préoccuper de ses recettes. Nous souhaitons, pour notre part, réduire le plus possible le déficit. En conséquence, lorsque nous autorisons des dépenses, nous devons prélever des recettes en contrepartie.

À situation exceptionnelle, contribution exceptionnelle : il n’y a rien d’anormal à cela. Tout le monde doit participer, c’est une question de solidarité vis-à-vis de nos concitoyens qui sont le plus en difficulté ; ils souffrent, ne l’oublions pas !

Mme le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Cela devient grotesque !

M. Vincent Capo-Canellas. Premièrement, le dividende n’est pas l’ennemi : il rémunère l’actionnaire, qui prend des risques en investissant.

Deuxièmement, le secteur de l’énergie n’est pas le seul à avoir fait des profits importants durant cette période. Il n’est donc pas illégitime de se demander comment le coût de la crise est réparti entre les acteurs économiques. Toutes les crises ont un coût – la crise énergétique, la crise de la chaîne d’approvisionnement, la crise du covid-19, etc.

Qui paie ce coût ? Il n’y a pas trente-six solutions.

Quand c’est l’État, le coût de la crise se traduit par de la dette : il est alors supporté par les générations futures.

Quand ce sont les ménages, ils le font soit à travers une baisse du pouvoir d’achat, soit à travers une hausse d’impôt ; ce qui peut se produire dès demain, si nos finances ne sont pas bien gérées, si les taux d’intérêt montent trop vite et si les marchés s’affolent. En somme, ceux qui paient le coût de la crise, c’est l’État – donc les générations futures – ou les ménages – donc le pouvoir d’achat et les impôts.

Pourquoi alors ne pas demander aux entreprises de prendre leur part ?

Lors du débat précédent, on nous a dit qu’il ne fallait pas toucher au crédit d’impôt recherche et qu’il fallait diminuer les impôts de production. Certes, nous croyons aux vertus des baisses d’impôt, mais la situation économique nous impose de trouver de nouvelles recettes.

Alors, comment répartir cette recherche de nouvelles recettes ? Il faut couper dans les dépenses publiques, mais il faut aussi regarder si d’autres mesures sont possibles. Rien n’empêche de discuter les modalités de cette contribution, mais nous ne pouvons pas la rejeter au nom du principe selon lequel ce n’est pas le rôle des entreprises.

Nous ne résoudrons pas le problème ainsi, car le coût de la crise retombera sur l’État – la dette se creusera – et sur les ménages. Il faut trouver une voie intermédiaire, qui peut être, comme l’a très bien dit Nassimah Dindar, un symbole montrant que l’effort de solidarité est réparti entre tous. Voilà ce à quoi, me semble-t-il, nous devons viser. (M. Michel Canévet applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Je ne comprends vraiment pas le message que vous souhaitez envoyer au travers de cette contribution. Vous semblez ignorer que le solde de notre balance commerciale, déjà négatif, se dégrade d’année en année. Votre seule réponse est d’instaurer une taxe supplémentaire sur quelques entreprises.

D’ailleurs, si TotalEnergies s’apprête à payer l’impôt sur les sociétés en France, l’année prochaine, c’est parce que – notre collègue a omis de le préciser – les raffineries, à la faveur de la hausse des prix du carburant, sont devenues rentables.

M. Loïc Hervé. Quelle ironie !

M. Vincent Segouin. Il faut prendre en compte tous les paramètres pour développer une analyse juste.

« En France, vous paierez un impôt supplémentaire si vous gagnez de l’argent », est-ce bien là le message que vous voulez adresser aux entreprises ? (Protestations sur les travées du groupe UC.) En somme, vous souhaiteriez, ni plus ni moins, que TotalEnergies délocalise son siège social à l’étranger. Alors même que nous aurons toujours autant besoin de carburant, nous ne pourrons plus du tout, dans cette hypothèse, prélever de taxe sur ses activités.

La France détient le record absolu du taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises. Je n’arrive pas à comprendre le message que le groupe Union Centriste souhaite envoyer.

Vous voudriez que la France garde la tête du classement des pays qui prélèvent le plus d’impôt, est-ce bien cela ? Eh bien, soit, allons-y… Mais à considérer le déficit de notre balance commerciale, qui atteint déjà 200 milliards d’euros, nous courons à la catastrophe !

M. Vincent Capo-Canellas. Et la dette ? Et les ménages ?

M. Vincent Segouin. Franchement, c’est un mauvais signal envoyé aux entrepreneurs.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’essaierai d’être bref.

Monsieur Féraud, avec votre collègue, vous nous avez reproché de mentir,…

M. Rémi Féraud. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … parce que nous n’aurions pas mentionné le seuil minimum de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. En réalité, j’ai commencé mon intervention en disant qu’il y avait plusieurs amendements et plusieurs critères.

Pardonnez-moi de répondre aussi sur les amendements présentés par d’autres groupes que le vôtre et de ne pas me concentrer uniquement sur ceux du groupe socialiste ! Je pense que tous les amendements sont dignes d’intérêt. Il est donc normal que je me prononce sur tous, y compris ceux du groupe UC.

En l’occurrence, monsieur Féraud, votre amendement soulève un gros problème, contrairement à celui des élus du groupe UC. En effet, dans leur amendement, le montant du prélèvement, et c’est son point positif, est déduit de la contribution européenne, alors qu’avec votre dispositif, c’est la double peine ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) Concrètement, EDF et Engie seraient imposées deux fois, d’une part dans le cadre de la contribution européenne, que le Gouvernement propose de transposer dans le PLF, d’autre part dans le cadre de la mesure qui fait l’objet de votre amendement. Au moins – pour ainsi dire –, le groupe UC a envisagé la possibilité d’une complémentarité entre les deux taxes. Voilà ma réponse sur votre amendement, qui soulève un gros problème.

Monsieur Marseille, vous avez dressé un benchmark international, en rappelant que l’Allemagne a envisagé l’été dernier de mettre à contribution de nombreux secteurs. Toutefois, cette proposition n’a pas été retenue par la coalition au pouvoir. Le Royaume-Uni a instauré une taxe exceptionnelle sur les bénéfices des compagnies pétrolières et gazières, tirés de l’extraction d’hydrocarbures en mer du Nord. La France n’a pas de pétrole, mais nous avons des idées… de taxe ! (Sourires.) L’Italie a annoncé une surtaxe sur les entreprises à partir de 25 % de leur chiffre d’affaires. Or non seulement cette disposition entraîne énormément de contentieux, mais en plus elle ne rapporte rien. D’ailleurs, la nouvelle présidente du Conseil, Mme Meloni, vient d’annoncer qu’elle retirait cette taxe, préférant repartir de zéro. Quant à l’Espagne, à la différence des autres États, elle a mis en place une contribution exceptionnelle sur les bénéfices, notamment ceux des énergéticiens et des banques, qui ressemble malgré tout au dispositif européen que nous transposons.

Finalement, tout le monde a cherché une solution pour mettre à contribution les secteurs ou les entreprises qui ont fait des profits, avec une volonté d’établir des critères pour les cibler de manière juste.

Je le répète, il est justifié de mettre à contribution les entreprises qui ont fait des profits grâce à la spéculation sur les marchés de l’énergie, en prélevant la rente de situation qui en résulte ; c’est ce que permet le mécanisme européen, qui rapportera 11 milliards d’euros à l’État.

Monsieur Dominati, vous m’avez interrogé sur l’opportunité de mettre à contribution EDF : or c’est déjà le cas puisque, en relevant le plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), nous avons en quelque sorte taxé EDF.

Monsieur Delcros, en effet, les messages politiques sont importants, comme je vous l’avais dit, hier, au sujet de l’un de vos amendements.

Je ne souhaite pas que ces amendements soient adoptés, mais j’espère que lorsque nous examinerons celui visant à mettre en place une contribution européenne des secteurs de l’énergie, dont le produit rapportera tout de même 11 milliards d’euros à l’État, vous pourrez saluer sur toutes les travées le progrès que cela représente par rapport à l’été dernier.

Enfin, monsieur Delahaye, ce mécanisme européen s’inspire en effet dans une certaine mesure de celui que vous aviez défendu cet été. La véritable différence, c’est que nous voulons mettre à contribution uniquement les secteurs de l’énergie qui se sont indûment enrichis du fait de la crise, alors que vous proposiez de le faire pour tous les secteurs – je ne reviens pas sur ce débat.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-856.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-434 rectifié et I-845.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)