Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Si, à titre personnel, j’y suis favorable, la commission demande le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Je partage la position de M. le sénateur Gontard, mais on peut reconnaître que ces crédits ont augmenté de 16 % depuis 2017.

Pour 2023, nous proposons de stabiliser ce budget, considérant qu’un effort très important a d’ores et déjà été fait.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-764.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-100, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental

 

192 000

 

192 000

dont titre 2

192 000

192 000

Protection des droits et libertés

192 000

 

192 000

 

dont titre 2

192 000

192 000

TOTAL

192 000

192 000

192 000

192 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. En général, quand on présente ce type d’amendements, on ne regarde que la ligne que l’on veut abonder et on oublie d’où viennent les crédits ! Or, en l’occurrence, les deux ont de l’importance.

D’une part, il est important de donner quelques moyens complémentaires au Défenseur des droits, compte tenu de l’élargissement de son périmètre d’intervention à la défense des lanceurs d’alerte par la loi de mars 2022, mais aussi de l’augmentation du nombre de réclamations, qui sont de plus en plus difficiles à traiter. Il est important, en particulier, de renforcer les pôles régionaux du Défenseur des droits, raison pour laquelle nous proposons la création de 3 ETP.

D’autre part, et je rejoins en partie notre collègue Michel Canévet sur l’inutilité d’un certain nombre de comités Théodule, il est vrai qu’au Sénat rares sont les soutiens du Conseil national de la refondation. Or, avec le Haut-Commissariat au plan, le CNR consomme, au sein de cette mission, 20 ETP – 20 ETP de trop, en effet.

Nous proposons donc de prendre 3 ETP au Conseil national de la refondation pour les donner au Défenseur des droits, qui en a besoin. Ce serait une contribution à la rationalisation des moyens.

Monsieur le ministre, vous savez ce que le Sénat pense du Conseil national de la refondation ! Vous savez aussi que le Gouvernement nous a proposé, voilà quelques années, une réforme du Conseil économique, social et environnemental, à laquelle il ne semble pas croire lui-même : alors que la loi que nous avons votée devait faire du Cese le carrefour des consultations citoyennes, vous financez désormais le CNR sur cette même mission.

Nous proposons donc de retirer quelques ETP au CNR, dont nous considérons qu’il ne sert à rien et qu’il constitue un doublon avec le Conseil économique, social et environnemental, pour doter un peu davantage le Défenseur des droits, qui en a bien besoin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Je ne vais pas entrer dans un débat avec M. le sénateur Leconte sur le caractère opportun ou non de la création du CNR.

Nous considérons que le CNR est très complémentaire du Cese et que cet outil permet à de nombreuses parties prenantes, dans leur diversité, de poser des diagnostics partagés et de réfléchir à un certain nombre de sujets.

On demande depuis longtemps, à juste titre, qu’il y ait plus de dialogue – plus de dialogue transversal, plus de dialogue horizontal. Le CNR n’enlève rien au Cese ni, évidemment, au Parlement : c’est en échangeant, en discutant, en partageant que nous parviendrons à mieux résoudre les problèmes de nos concitoyens.

En ce qui concerne spécifiquement le Défenseur des droits, qui est l’objet de votre amendement, monsieur Leconte, je rappelle que nous proposons dans ce projet de budget une augmentation de 12 % des moyens qui lui sont octroyés, après une première hausse de 6 % en 2022. Comme vous l’avez rappelé, cette augmentation est aussi liée à ses missions nouvelles. Le nombre d’agents augmente lui aussi, avec 2 ETP supplémentaires.

Cet équilibre, établi après dialogue avec le Défenseur des droits, nous semble le plus raisonnable. En fonction de la mise en œuvre concrète des nouvelles missions que j’évoquais, il sera temps, pour 2024, de réajuster ce budget à la hausse, si le besoin s’en fait sentir.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous ne pouvons vraiment pas souscrire à vos arguments sur le Conseil national de la refondation.

Voilà une institution dont les missions sont mal définies, pour ne pas dire indéfinies, et empiètent sur celles du Parlement, voire s’y superposent, sans même parler du Conseil économique, social et environnemental.

Monsieur le ministre, quelle est la mission qui reviendrait à cette instance et qui ne relève pas de la compétence des assemblées parlementaires ? Dites-le-nous, et nous pourrons en débattre.

On voit bien que le CNR est quelque chose de très mal défini. On ne sait même pas qui en sera membre, qui y participera ! Il s’agit de créer une sorte de brouillard insusceptible de faire avancer les choses.

Cela a été dit par tant de responsables de toute nature dans le monde social et politique que je ne comprends pas que vous vous obstiniez à donner un semblant de crédibilité à cet appareil – ce dispositif, cette instance, que sais-je – qui n’en a aucune.

Cet amendement est donc vraiment très justifié, et M. Leconte a eu grandement raison de nous le présenter

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, on peut soutenir les amendements ou s’y opposer sans donner de leçons !

En l’espèce, nous voterons très volontiers l’amendement de M. Leconte, qui est absolument de bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. J’étais prêt à soutenir cet amendement s’il s’était réduit à sa première moitié, qui vise à réduire les effectifs du CNR.

Qu’est-ce que le CNR, sinon un ectoplasme ? On cherche toujours… D’ailleurs, on n’entend plus vraiment parler de cette créature électorale, née de l’élection présidentielle, sauf lorsque ses promoteurs essaient de la faire vivre à grand renfort d’effets d’annonce.

Vous avez fait l’analogie avec le Cese. On se demande parfois dans quelle mesure la parole et le diagnostic répété à l’envi, jusqu’à la nausée, ne tiennent pas lieu de politique en ce domaine : il s’agit en quelque sorte de tenir en haleine le peuple qui attend des réformes qui ne viennent pas.

Il faut parler clair : le CNR est déjà mort ! On essaie à tout prix de le faire vivre, y compris par des crédits budgétaires.

Malgré tout, mes chers collègues, je suis réservé quant à l’affectation d’une partie de ces ETP au Défenseur des droits. Lisez ses rapports : je peux vous dire que vous allez être édifiés…

Je ne m’y appesantirai pas, mais je rappelle que cette autorité administrative indépendante dispose de 26 millions d’euros de budget et de 250 juristes.

Mme Éliane Assassi. Ils sont bénévoles !

M. François Bonhomme. Pas du tout ! Regardez son budget !

Quand on voit comment les maires sont mis en cause pour tout et n’importe quoi et combien les chefs d’établissement sont sollicités à propos des règlements supposément discriminatoires régissant les tenues scolaires, on s’interroge sur le bon fonctionnement du Défenseur des droits, qui, au demeurant, alimente lui-même son activité, puisqu’il dispose d’un droit d’autosaisine. Ainsi n’a-t-il pas de mal à justifier en permanence sa légitimité, mais aussi ses besoins nouveaux de crédits.

Mme Éliane Assassi. C’est la personne qui vous gêne, pas l’institution !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Notre groupe va soutenir, bien entendu, l’amendement de M. Leconte.

Qu’est-ce que le CNR ? C’est panem et circenses, « du pain et des jeux » ! C’est un nouveau bousin créé par Emmanuel Macron et son gouvernement…

On en a connu d’autres, depuis cinq ans, de ces organismes créés de toutes pièces, dont on ne connaît ni la légitimité, ni le périmètre, ni les missions, et qui entretiennent le peuple dans une certaine illusion de consultation alors qu’ils se substituent aux instances légitimes, le Parlement ou le Cese, par exemple. Ainsi en est-il allé, par exemple, dans le cadre de la gestion du covid-19.

Je soutiendrai évidemment cet amendement et suis y compris favorable à ce que ces crédits aillent au Défenseur des droits, qui a vocation, comme son nom l’indique, à défendre les droits, tous les droits, quels que soient les droits – il peut lui arriver de jouer le rôle de poil à gratter, mais c’est pour la bonne cause.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je comprends M. le ministre : sa position n’est pas facile à défendre ! En tant que ministre des relations avec le Parlement, il nous a évidemment à la bonne. (M. Michel Canévet sesclaffe.) Et voilà qu’il est obligé de défendre un machin, ainsi que l’ont qualifié certains de mes collègues, parce que telle est la volonté présidentielle… (Rires.) Monsieur le ministre, je comprends votre gêne et je la partage ! Ce sont les inconvénients de la fonction…

J’ai évidemment moi aussi beaucoup de sympathie pour la première partie de l’amendement de notre cher collègue Leconte ; mais la seconde emporte également mes suffrages. En vérité, renforcer les moyens du Défenseur des droits ne me paraît pas forcément scandaleux en soi, à condition qu’il ne se transforme pas en Défenseur de l’abus de droit. Or c’est parfois ce qui arrive. Il est certes difficile, quand on confond la fonction et la passion, de garder la pondération et la neutralité qui siéent à l’autorité, et dont par ailleurs vous donnez l’exemple, monsieur le ministre…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-100.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-910, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

I. - Créer le programme :

Création d’un ministère des risques

II. - Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental

dont titre 2

 1

 

 1

Protection des droits et libertés

dont titre 2

 

 

Création d’un ministère des risques

1

1

TOTAL

 1

 1

SOLDE

 0

0

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Je veux tout d’abord rassurer mes chers collègues de droite : l’adoption de cet amendement n’a aucune chance de grever le budget, puisque, bonne nouvelle, il ne coûte que 1 euro ! (Sourires.)

M. François Bonhomme. Ce n’est pas rien ! (Nouveaux sourires.)

M. Daniel Salmon. Cet amendement d’appel a pour objet d’encourager le Gouvernement à agir de façon plus globale et transversale face aux risques mondiaux actuels et à venir, par la création d’un ministère des risques.

M. Jérôme Bascher. Il faudrait supprimer tous les autres…

M. Daniel Salmon. Nous faisons face à de nombreux risques interconnectés, que nous devons anticiper dans nos politiques publiques. Ces risques sont environnementaux, sociaux, sanitaires, démocratiques ; nous devons les prévenir et apprendre à mieux y parer.

Je parle de la crise du covid-19, qui a démontré la faiblesse de nos réponses sanitaires dans une économie mondialisée capitaliste.

Je parle du réchauffement climatique, qui est déjà là, 2022 étant l’année la plus chaude jamais mesurée en France et de terribles incendies ayant défiguré le pays cet été.

Je parle de l’augmentation du nombre d’affections de longue durée, des maladies que l’on soigne au lieu de prévenir et qui sont dues à nos modes de travail, sédentaires et productivistes, à la mauvaise qualité de l’air ainsi qu’à nos habitudes de consommation – je pense notamment aux aliments ultratransformés que nous ingérons.

Je parle aussi de la guerre en Ukraine et de ses répercussions sur le coût de l’énergie et sur notre pouvoir d’achat, ou encore des dangers réels de bombardements de centrales nucléaires.

Tous ces faits témoignent de ce que les risques environnementaux et sociaux s’enchevêtrent chaque jour davantage ; aussi avons-nous besoin de mesures concrètes et de long terme, prises dans une vue d’ensemble, pour assurer une réelle transition écologique et améliorer la prévention et la gestion des risques.

Cette tâche pourrait être confiée à un ministère des risques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Je trouve l’explication de mon collègue Salmon convaincante et suis favorable à son amendement.

Pour sa part, la commission sollicite le retrait de cet amendement d’appel.

M. Jérôme Bascher. L’amendement est inconstitutionnel !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Il s’agit en effet d’un amendement d’appel.

M. le sénateur Salmon a raison : nous devons investir davantage dans l’évaluation, la prévention et l’anticipation des risques.

C’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire, en redoublant d’efforts.

Regardez la préparation de la loi de programmation militaire, mesdames, messieurs les sénateurs ! Regardez ce que fait le SGDSN pour lutter contre les cyberattaques – il en a été question tout à l’heure. Regardez le PLFSS : François Braun a souhaité que des moyens considérables soient investis dans la prévention en matière de santé.

Regardez ce que nous faisons en matière de prévention des risques dans le cadre de la transition écologique : en plus du fonds vert destiné aux collectivités territoriales, doté de 2 milliards d’euros, nous mobilisons 1,2 milliard d’euros sous forme de prêts que pourront obtenir les élus auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour financer leurs investissements de prévention des risques en matière climatique ou écologique.

Je ne peux donc que souscrire à votre souhait d’investir davantage dans la prévention des risques ; mais c’est à chaque ministère de s’impliquer dans cet effort ; c’est précisément ce que nous essayons de faire.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-910.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
État C

budget annexe : publications officielles et information administrative

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.

Budget annexe : Publications officielles et information administrative
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Outre-mer

ÉTAT C

(En euros)

Mission/Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Publications officielles et information administrative

152 668 748

152 596 351

Édition et diffusion

45 873 717

46 891 320

Pilotage et ressources humaines

106 795 031

105 705 031

 Dont titre 2

65 315 475

65 315 475

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

État C
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
État B

Outre-mer

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 44 quater, 44 quinquies et 44 sexies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Outre-mer » est l’occasion de faire le point sur la situation des outre-mer et, de manière récurrente, voire récursive, d’encourager le Gouvernement à intensifier les efforts budgétaires en faveur du rattrapage des écarts forts et persistants qui demeurent entre les territoires d’outre-mer et la France métropolitaine dans les domaines socio-économiques.

Il faut saluer l’effort budgétaire de nouveau consacré à nos collectivités ultramarines par le Gouvernement de la République, en dépit de la sous-consommation chronique de certaines lignes de crédits. Si la progression des crédits du programme 138 reste relative et tend à être neutralisée par l’inflation, cette hausse est incontestable sur le programme 123, du fait du développement de dispositifs de soutien exceptionnel aux collectivités, avec une augmentation de 7,19 % en autorisations d’engagement et de 6,25 % en crédits de paiement, soit +43,4 millions d’euros.

Ces efforts sont importants, mais la tâche reste immense au lendemain de la crise sanitaire ayant touché brutalement les économies de nos territoires éloignés. Globalement, et de manière plus marquée dans certains territoires, les écarts avec la métropole ont eu tendance à s’accroître, en dépit des efforts de tous pour juguler la crise.

Ainsi, le PIB par habitant enregistre, en moyenne, une légère diminution en outre-mer entre 2019 et 2021, alors qu’il enregistre une hausse de plus de 5 % en métropole. En Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, le PIB par habitant a diminué entre 2019 et 2021. Dans les autres territoires d’outre-mer, il enregistre une progression comprise entre 1,93 % et 3,78 %, contre 5,22 % en métropole.

Les évolutions démographiques sont contrastées entre les différents bassins océaniques ; elles font naître des besoins nouveaux qui diffèrent selon le profil de la pyramide des âges, tantôt jeune et croissante – en Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française –, tantôt en baisse et vieillissante, notamment dans les Antilles.

Sur le plan des infrastructures publiques, l’équipement de nos territoires d’outre-mer reste souvent insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins de la population. Il est pour partie défaillant ou présente pour l’usager des coûts bien supérieurs à ceux que l’on observe en métropole, malgré le déploiement, depuis de nombreuses années, d’outils d’aide à l’investissement, qu’il nous faut objectivement saluer.

Notons, en matière de santé, l’inscription de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour la Polynésie française, afin d’améliorer la prise en charge des patients en favorisant l’accès des populations des îles éloignées à des soins de qualité – acquisition de nouveaux équipements pour les centres de soins, développement de la télémédecine, soutien de la filière oncologie.

À cette situation difficile sur le plan des équipements s’ajoutent des situations également contrastées face au fléau mondial que constitue l’inflation, la Guyane et la Polynésie française étant plus durement touchées que la métropole. Les habitants de nos collectivités ultramarines sont bien affectés par l’inflation, qui enregistre une hausse notable malgré l’existence du bouclier qualité-prix mis en place en 2012.

Or cette inflation s’ajoute à un coût de la vie déjà structurellement supérieur dans les territoires d’outre-mer, renchérissant encore l’approvisionnement des ménages, des entreprises et des collectivités ultramarines. Si des annonces ont pu être faites par le Gouvernement au banc de l’Assemblée nationale, nous restons attentifs à toute initiative visant à limiter l’inflation en outre-mer et à protéger le pouvoir d’achat des citoyens français ultramarins, en particulier sur le plan des produits alimentaires.

Il résulte de ce contexte économique que la situation financière des collectivités d’outre-mer se détériore. Certaines d’entre elles n’ont plus les moyens de leurs investissements, pourtant si nécessaires. Cette dégradation structurelle de leur situation financière explique d’ailleurs en partie les problèmes de sous-consommation régulièrement constatés sur la mission.

Il reste indispensable de soutenir les collectivités ultramarines ; ce soutien doit même être renforcé en cette période de crise économique. Face aux écarts de développement et à une pauvreté qui peine à se résorber, le contexte de tension sociale a conduit à faire entendre plus fortement, en mai 2022, la voix des élus des outre-mer. Si cet appel au changement des politiques d’aide au développement dans les territoires d’outre-mer a donc été entendu, la réponse attendue ne saurait se limiter à sa seule dimension financière. Sur ce plan particulier, néanmoins, l’effort doit certes passer par les crédits de la mission – c’est le cas –, mais également par les crédits des autres missions du budget de l’État et par les dépenses fiscales.

À ce propos, les dépenses fiscales rattachées à la mission enregistrent, en 2023, une nouvelle hausse : elles passent de 6,916 milliards d’euros à 7,090 milliards d’euros. Nous saluons d’ailleurs la prolongation jusqu’en 2029 de nombreux dispositifs fiscaux qui devaient s’éteindre en 2025. Le Sénat y a contribué en incluant dans cette vague de prolongation les collectivités d’outre-mer qui n’y avaient pas été intégrées. Il faut s’en féliciter et rappeler que cette mesure donnera de la visibilité aux différents acteurs économiques d’outre-mer.

Nous avons conscience des critiques récurrentes que suscitent ces dépenses fiscales, mais nous soulignons que des évaluations ont récemment été menées et que d’autres sont prévues pour 2023. Ces évaluations demeurent un exercice complexe, à la fiabilité relative, mais elles représentent un préalable nécessaire à une réflexion plus large sur les dépenses fiscales et à un maintien légitimé des dispositifs de défiscalisation.

De surcroît, en complément des dépenses fiscales, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général, qui sont retracés dans le document de politique transversale « outre-mer ».

Ces crédits proviennent de 101 programmes budgétaires relevant de 32 missions, dont 48 programmes ayant trait à l’emploi, à l’égalité des chances, aux conditions de vie, à l’aménagement durable, aux dotations aux collectivités territoriales et à la relance économique. Ces crédits permettent aussi de financer cinq plans thématiques outre-mer : le plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement (plan Eau-DOM) ; le plan Séisme Antilles ; le plan Sargasses II ; le plan Logement outre-mer (Plom) ; le plan Chlordécone.

Enfin, parmi ces contributions figurent plus particulièrement les crédits du plan de relance. Nous notons que, en juin 2022, 1,4 milliard d’euros ont été ouverts en autorisations d’engagement pour l’outre-mer dans le cadre du plan de relance. À la même date, 38,6 % des autorisations d’engagement et 10,1 % des crédits de paiement ont été consommés.

Ces taux sont décevants et doivent nous conduire, à l’avenir, à nous montrer vigilants, notamment pour éviter des redéploiements en cas d’absence de consommation. Toutefois, les crédits du plan de relance ont eu un effet de levier important sur le financement des collectivités : ils ont permis de financer des projets indispensables aux territoires d’outre-mer et de renforcer des dispositifs existants, comme les contrats de convergence ou la ligne budgétaire unique (LBU). À cet égard, il est important de souligner que, lorsqu’ils ont été orientés sur des dispositifs existants, les crédits ont été intégralement consommés.

Ainsi, le montant total des contributions budgétaires s’élèvera, en 2023, à 20 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à près de 22 milliards d’euros en crédits de paiement.

Depuis 2018, l’effort total de l’État en faveur des outre-mer a augmenté de 3,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 5,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Cet effort est remarquable et doit être encouragé en vue des exercices à venir.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ». (M. Gérard Poadja applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » a pour principal objectif le rattrapage des écarts persistants entre l’outre-mer et la métropole et la convergence des niveaux de vie dans le domaine socio-économique.

Ces crédits sont essentiels pour les territoires ultramarins en ce qu’ils représentent des aides exceptionnelles ou complémentaires aux dotations de fonctionnement et d’investissement classiques allouées à l’ensemble des collectivités.

À périmètre constant, les crédits de la mission, même corrigés de l’inflation, enregistrent une hausse de 187,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 181,6 millions d’euros en crédits de paiement. Nous saluons cet effort, d’autant que quelques mesures nouvelles, pour un montant total de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23 millions d’euros en crédits de paiement, sont intégrées dans la mission « Outre-mer » du PLF pour 2023. Ces nouveaux crédits permettront notamment de financer le renforcement de l’assistance technique aux collectivités, le développement de l’alimentation en eau potable en Guadeloupe, le soutien aux dispositifs de lutte contre le changement climatique dans le Pacifique, les efforts entrepris en matière de diversification agricole et, enfin, la réforme de la fonction publique territoriale dans les îles Wallis et Futuna.

Si l’on peut se réjouir de ces augmentations de crédits, d’autres points plus préoccupants méritent d’être soulignés.

Les crédits ouverts au titre de la ligne budgétaire unique ne permettent pas de répondre aux besoins dans ce domaine, notamment concernant la résorption de l’habitat insalubre. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement visant à augmenter de 4 millions d’euros les crédits alloués à cette résorption. Cette ouverture se justifie d’autant plus que les crédits ouverts les dernières années ont été intégralement consommés.

De surcroît, le montant des crédits demandés pour les contrats de redressement en outre-mer, les fameux Corom, restait stable dans le texte initial. Il a été augmenté de 30 millions d’euros à l’Assemblée nationale. Cependant, dans un contexte économique qui accentue la dégradation de la situation financière des collectivités d’outre-mer, nous estimons que ce dispositif doit être encore renforcé pour s’étendre à un nombre plus important de collectivités. Or les ouvertures de crédits adoptées à l’Assemblée nationale et retenues dans le texte du Gouvernement seraient fléchées, à hauteur de 20 millions d’euros, vers le syndicat de l’eau de Guadeloupe. Il nous paraît donc indispensable d’ouvrir 20 millions d’euros de crédits supplémentaires pour abonder le budget des Corom. Tel est le sens de l’amendement que présentera la commission.

Quant à la consommation des crédits des contrats de convergence et de transformation, elle continue de nous interpeller. Gageons que leur prolongation d’une année permettra d’engager le plus de crédits possible.

Concernant le programme 138, « Emploi outre-mer », on enregistre, en 2023, une baisse apparente de 15,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 11,2 millions d’euros en crédits de paiement, en raison d’une mesure de périmètre.

Toutefois, les crédits alloués aux exonérations de charges enregistrent, à périmètre constant, une hausse de plus de 202,7 millions d’euros. Dans un contexte économique incertain, il est délicat, à ce stade, d’établir une prévision fine de ce que pourrait être le besoin réel en 2023, du fait des conséquences éventuelles de l’inflation sur l’emploi et les salaires. Nous nous montrerons donc attentifs, en cours d’année, au niveau de consommation de ces crédits.

Par ailleurs, les crédits alloués au service militaire adapté (SMA) enregistrent une hausse de 45 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 50 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2022. Cette hausse s’explique par la création de deux nouvelles compagnies, en Polynésie et à Mayotte, et par le déploiement dans tous les territoires du SMA 2025+, qui a notamment pour objectif d’ouvrir le service militaire adapté à de nouveaux publics.

Ce dispositif a démontré son efficacité, et son extension à des mineurs et à des mères célibataires permettra, sans aucun doute, une meilleure professionnalisation et une meilleure intégration de ces personnes. Nous devrons toutefois être vigilants sur les taux d’insertion qui seront enregistrés ces prochaines années, dans un contexte économique difficile.

Enfin, les crédits destinés au financement de l’économie, c’est-à-dire les microcrédits, l’aide au fret et le prêt de développement outre-mer, restent stables, à 24 millions d’euros. Cette stabilité, bien que louable, pourrait cependant se révéler insuffisante pour couvrir les besoins réels en 2023. En effet, dans le contexte économique actuel, la situation des entreprises pourrait se détériorer et le recours au microcrédit ou au prêt de développement outre-mer connaître une hausse par rapport à l’année 2021, voire par rapport à 2022. Or, pour rappel, en 2020, année de crise sanitaire, ces crédits avaient été surexécutés de 8 millions d’euros. Afin d’anticiper ce besoin, nous vous proposerons un amendement visant à ouvrir 5 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Les crédits alloués à l’outre-mer augmentent ; dans un contexte de crise économique liée à l’inflation, cet effort doit être salué. Il reste toutefois beaucoup à faire et nous devons œuvrer de concert pour une consommation accrue de ces crédits. Je pense sincèrement que les Corom sont une des solutions pour améliorer la situation financière des collectivités, leur capacité à investir et le niveau de consommation des crédits de la mission.

Malgré les réserves évoquées, nous vous proposerons de voter les crédits de la mission « Outre-mer ». (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)