compte rendu intégral

Présidence de Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser le président du Sénat, en déplacement à l’étranger.

Je rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

cyberattaque du centre hospitalier de versailles (i)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Martin Lévrier. Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, samedi, à vingt et une heures, le centre hospitalier André-Mignot de Versailles a été victime d’une cyberattaque. Une partie des ordinateurs a été bloquée et un message des cybercriminels s’est affiché sur les écrans : « Tous vos dossiers importants ont été dérobés et cryptés. Suivez nos instructions. »

Cette attaque a paralysé les systèmes informatiques, reportant les actes médicaux, perturbant le suivi des malades, arrêtant ou faisant dysfonctionner les appareils les plus pointus. Ces barbares mettent en danger la vie des patients.

Elle n’est pas sans rappeler celle qui avait touché le centre hospitalier de Corbeil-Essonnes au mois d’août.

Je voudrais saluer, en notre nom à tous, le sang-froid des équipes de l’hôpital André-Mignot qui, comme l’ensemble du personnel soignant en France, étaient déjà largement éprouvées par la pandémie et les difficultés de l’hôpital public. Aujourd’hui, elles ne peuvent compter que sur leurs crayons, leurs papiers et leurs jambes pour prendre en charge un maximum de patients. Tous les membres du personnel sont à leur poste. Je les remercie.

Je voudrais également saluer la coordination qui s’est immédiatement mise en place entre la direction du centre hospitalier, l’agence régionale de santé (ARS), l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Samu et tout particulièrement les hôpitaux publics et les cliniques privées du département, qui se mobilisent et travaillent en bonne intelligence.

L’intégration de l’établissement dans le parcours de cybersécurité a participé à la réactivité sans pareil de l’équipe de l’hôpital qui, en coupant rapidement les communications, connexions internet et services d’interconnexion avec le Samu, a évité la propagation de cette attaque. Ce parcours de cybersécurité a été renforcé à l’automne avec une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment ces crédits supplémentaires aideront nos infrastructures sensibles à renforcer leur sécurité informatique pour se prémunir de ces attaques de plus en plus fréquentes et virulentes ? Quel sera le support technique apporté par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Lévrier, comme vous, je condamne le plus fermement possible cette cyberattaque contre l’hôpital André-Mignot. Jamais nous ne céderons face à ces actes odieux et à ces criminels qui tentent de prendre en otage la santé des Français.

Je veux moi aussi saluer le sang-froid dont ont fait preuve les professionnels de santé et l’administration de l’hôpital. Je me suis rendu sur place dimanche avec mon collègue Jean-Noël Barrot et nous avons pu constater le calme qui régnait malgré les circonstances et le fait que la sécurité et la continuité de la prise en charge des patients étaient assurées en dépit des grandes difficultés.

L’ensemble des services de l’État sont mobilisés aux côtés du personnel de l’établissement. Je pense notamment à l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, à l’ARS, ainsi qu’à l’AP-HP et aux hôpitaux du secteur qui ont coordonné avec le Samu local et le Samu zonal la prise en charge des patients pour qu’elle soit la meilleure possible.

Nous devons renforcer notre capacité collective à faire face aux attaques cyber. C’est le sens du plan de 350 millions d’euros annoncé par mon ministère en février 2021 pour renforcer les protections cyber et surtout le diagnostic des systèmes des établissements.

Cet été, à la suite de la cyberattaque de l’hôpital de Corbeil-Essonnes, j’ai annoncé un complément de financement de 20 millions d’euros pour soutenir cette démarche. Ce complément vise à renforcer le déploiement du plan et de nos capacités de cyberdéfense ; il s’agit surtout de passer du diagnostic à la phase opérationnelle, c’est-à-dire à des actions précises et concrètes.

Avant la fin de l’année, Gérald Darmanin, Jean-Noël Barrot et moi-même allons réunir une nouvelle fois l’ensemble des parties prenantes, en particulier les fédérations hospitalières, l’Anssi et les ARS, pour renforcer notre stratégie.

Enfin, je tiens aussi à signaler que chaque attaque nous permet de nous renforcer, en particulier en ce qui concerne les actions immédiates à mettre en œuvre dans de telles circonstances – le personnel de l’hôpital André-Mignot a d’ailleurs, comme vous l’avez dit, réagi très vite. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

saturation du 115

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, il s’en est fallu de peu que vous supprimiez 14 000 places d’hébergement d’urgence dans le projet de loi de finances pour 2023. C’est seulement sous la pression des associations et des élus que vous avez reculé.

Maintenant, le froid s’installe et les journaux regorgent d’articles relatant les situations de femmes avec de très jeunes enfants, de femmes enceintes et de mineurs laissés dehors, alors que le 115 ne sait plus où donner de la tête.

Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ont été fragilisés par les plans d’économie mis en œuvre ces dernières années. La hausse des crédits de cette année ne suffira pas à les remettre d’aplomb.

La réduction de loyer de solidarité mise en place en 2018 a mis un coup de frein à la construction de logements sociaux par les bailleurs sociaux.

Selon la Cour des comptes, près de 300 000 personnes se trouvaient en France, avant même la crise sanitaire, sans domicile – un chiffre qui a plus que doublé depuis la dernière enquête statistique de 2012.

Le département de Seine-Saint-Denis est emblématique : ainsi, faute de place, aucun des 739 appels traités par le 115 le 28 novembre n’a abouti à un hébergement d’urgence ! Mais la crise concerne aussi Lyon, Rennes, Grenoble, Strasbourg, Toulouse et beaucoup d’autres communes.

Il y a, d’un côté, les inscriptions budgétaires et, de l’autre, la terrible réalité que nous rapporte la presse tous les jours et que nous avons de toute façon sous nos yeux.

Quelles nouvelles mesures allez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Lubin, je tiens tout d’abord à redire ici ma confiance et mon admiration pour l’ensemble des personnels des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). Ils agissent au quotidien pour écouter et accompagner les personnes les plus fragiles ; ils ont été la clé de voûte du premier plan Logement d’abord.

Vous le savez, un deuxième plan Logement d’abord sera annoncé dans les semaines qui viennent. C’est le souhait du Président de la République et de la Première ministre.

Comme vous l’avez rappelé, le Gouvernement a souhaité, non pas sous la pression, mais devant la réalité de l’urgence sociale, maintenir près de 200 000 places d’hébergement d’urgence et nous avons pour cela proposé d’ajouter 40 millions d’euros au PLF pour 2023.

Je vous rappelle que ce niveau d’hébergement d’urgence n’avait jamais été atteint dans notre pays. En 2017, il y avait 140 000 places d’hébergement d’urgence ; il y en a 198 000 aujourd’hui.

Oui, nous vivons une situation difficile à laquelle, chaque soir, les écoutants du 115 essayent de répondre. C’est d’ailleurs pour cela que Mme la Première ministre a souhaité que nous mettions en place une prime pour les écoutants du 115 et je peux vous dire que nous y travaillons d’arrache-pied.

Pour ce qui est de la situation, le Gouvernement est également à l’écoute, que ce soit Jean-Christophe Combe, Charlotte Caubel ou moi-même, et nous portons une attention toute particulière aux familles avec enfants qui sont à la rue. Je réunirai de nouveau les préfets et les représentants des associations – ce sont nos partenaires – pour évoquer cette situation dramatique.

Une cellule de crise se réunit régulièrement sous l’égide de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) pour trouver une solution dans chaque cas.

Rien n’est impossible, mais tout est difficile ! Le contexte géopolitique ajoute évidemment son lot de complexité. En Île-de-France, 45 000 personnes dans une situation de grande urgence sont mises à l’abri chaque soir. Nous continuerons de répondre à ces situations dramatiques. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les accompagnants du Samu social et la confiance que vous leur portez, mais c’est le Ségur de la santé qu’ils attendent. La confiance, c’est bien ; le Ségur de la santé, c’est mieux !

Vous avez aussi évoqué le nombre de personnes qui attendent une solution et nous sommes d’accord avec vous sur ce point.

Nous savons que le nombre de places a augmenté depuis quelques années, mais nous savons aussi que la situation s’aggrave pour des raisons que je n’énumère pas ici et que tout le monde connaît.

Au-delà des chiffres et des annonces, il est impératif d’ouvrir dans les semaines et même dans les jours qui viennent de nouvelles places d’hébergement.

Comment comprendre que, dans notre pays, des femmes enceintes et des enfants dorment dehors la nuit ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

aides énergétiques pour les régies exploitantes de domaines skiables et de stations thermales

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. J’y associe ma collègue sénatrice des Hautes-Pyrénées Viviane Artigalas.

Madame la ministre, depuis désormais trois ans, notre pays traverse de nombreuses crises qui mettent à mal notre économie. Ainsi, après la crise sanitaire dont les collectivités locales et notre économie subissent encore les conséquences, la crise énergétique vient obscurcir le ciel de la reprise au moment de l’année où les besoins en énergie vont être les plus importants.

L’intervention de l’État est une fois de plus nécessaire afin de permettre à notre pays de continuer à avancer. Ainsi, le 14 septembre, le Gouvernement a annoncé le maintien du bouclier tarifaire ; le 27 octobre, il a présenté le dispositif de l’amortisseur.

Or, comme cela s’était déjà produit durant la crise du covid-19, il semblerait que les régies publiques exploitant notamment des domaines skiables ou des établissements thermaux ne soient pas éligibles à ces nouveaux dispositifs, alors qu’elles ont déjà optimisé leur consommation au-delà du soutenable.

Les stations de ski verront leurs dépenses tripler, ce qui sera évidemment insupportable pour leurs exploitants.

Les régies publiques avaient déjà dû faire entendre leur voix durant la crise sanitaire pour être intégrées dans les mécanismes gouvernementaux de soutien à l’économie. Il ne serait pas envisageable que cet oubli se répète !

Aussi, ma question sera simple : puisque la hausse des tarifs énergétiques a un impact sur l’intégralité des consommateurs, le Gouvernement a-t-il bien prévu d’intégrer, dans les dispositifs de bouclier énergétique, les régies publiques dans leur intégralité, notamment les régies exploitant des remontées mécaniques ou des établissements thermaux ? On ne saurait imaginer que ces régies soient de nouveau écartées de la solidarité nationale du fait de leur statut. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Viviane Artigalas ainsi que MM. Jean-Michel Arnaud et Alain Cazabonne applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Carrère, vous évoquez à juste titre la situation des stations de ski et des stations thermales.

Je sais qu’elles sont, comme de nombreux acteurs économiques, directement touchées par la crise énergétique. C’est une situation que je prends très au sérieux et que je suis au jour le jour avec mon cabinet. Je ne suis donc pas étonnée que vous me posiez cette question. Sachez que les députés sont également très préoccupés.

Je veux d’abord saluer les efforts de tous en faveur de la sobriété, notamment les stations thermales et les stations de ski – on ne le dit pas assez, mais elles ont fait beaucoup d’efforts.

Face à la hausse des prix de l’énergie, le Gouvernement a mis en place un ensemble d’aides. Nous devons largement partager les informations en la matière et toutes les structures qui se posent des questions doivent savoir qu’elles peuvent appeler leur chambre consulaire – chambre de commerce et d’industrie ou chambre de métiers et de l’artisanat – ou leur conseiller départemental à la sortie de crise – il y en a un dans chaque préfecture – pour les accompagner.

Votre question, madame la sénatrice, porte plus spécifiquement sur les aides aux exploitants de remontées mécaniques et de stations thermales.

Il est prévu que le dispositif d’amortisseur, qui va protéger nos petites et moyennes entreprises et nos collectivités locales à compter de 2023, sera également ouvert aux régies qui ont la même taille qu’une PME, c’est-à-dire moins de 250 salariés. Je peux totalement vous rassurer sur ce point.

Je tiens aussi à vous dire que les collectivités locales bénéficient d’un soutien important avec le dispositif de filet de sécurité qui vient compenser 70 % de la hausse des dépenses d’énergie pour les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats qui subissent une hausse importante des prix.

Les dépenses des régies peuvent être prises en charge dans le cadre de ce filet de sécurité. Si certaines situations s’avéraient mal couvertes, je suis à votre disposition pour les étudier, au cas par cas.

Pour finir sur une note optimiste – il y en a peu, ne nous en privons pas ! –, le taux prévisionnel d’occupation des stations de montagne pour cet hiver s’annonce supérieur de 7 % à celui des saisons précédentes. Les chiffres des vacances de la Toussaint et les prévisions de Noël nous confirment que nos compatriotes font le choix de la destination France, ce qui est une bonne nouvelle.

Le Gouvernement a toujours été présent pendant la crise sanitaire pour les stations de ski et les stations thermales. Je vous garantis, madame la sénatrice, que nous continuerons de l’être. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour la réplique.

Mme Maryse Carrère. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, qui est de nature à rassurer les responsables des stations de sports d’hiver, notamment dans les Hautes-Pyrénées. Ils ont en effet bondi à la vue de leurs factures énergétiques qui ont été multipliées par trois : 60 euros le mégawattheure en 2021, 170 euros au mois de mars 2022 et 590 euros prévus au renouvellement de leur contrat ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

réforme de l’assurance chômage

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Après une concertation de pure forme des partenaires sociaux, vous annonciez récemment une énième réforme de l’assurance chômage avec une réduction de la durée d’indemnisation de 25 % en période dite favorable.

La période défavorable, qui permettrait de rester aux conditions actuelles d’indemnisation, suppose un taux de chômage à 9 %, soit un taux que la France n’a pas connu depuis des années.

Sous le prétexte de la cyclicité, cette réforme dégrade dès aujourd’hui les conditions d’assurance. Revenir à 9 % supposerait la survenue d’une crise économique majeure.

Vous annoncez votre confiance dans l’atteinte d’un taux de chômage de 5 % en 2027 ; en conséquence, vous devriez au moins fixer le seuil au niveau actuel du chômage, soit 7 %.

La réalité, c’est que les prévisions ne valident pas la poursuite de la baisse du chômage et que c’est un leurre de croire que la réduction de l’assurance est un levier pour cela, même en poussant les chômeurs vers des emplois de plus en plus précaires.

Pour masquer le véritable objectif de la réforme qui vise à baisser les dépenses et réaliser 4 milliards d’euros d’économies, vous affirmez que la contracyclicité permettra le retour à l’emploi de 150 000 chômeurs. Quand bien même cela serait exact, convenons que cela ne justifie pas les dizaines de milliers d’assurés qui perdront leurs droits.

Ma question porte sur cette estimation de 150 000 retours à l’emploi que vous nous vendez avec votre réforme. D’où vient ce chiffre ? De quelle étude ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de reprendre les termes de votre question. Vous avez dit que, pour revenir au niveau d’indemnisation précédent, il faudrait atteindre un taux de chômage de 9 % que la France n’a pas connu depuis des années.

Vous avez raison : la France ne l’a pas connu depuis cinq ans, c’est-à-dire depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Nous sommes passés de 9,4 % à 7,3 % de chômage.

Vous avez aussi raison de souligner que la politique pour l’emploi que nous menons est efficace. Elle s’est traduite par la création de 1,7 million d’emplois depuis 2017. Au troisième trimestre de l’année 2022, l’économie française – les entreprises françaises – a créé 84 000 emplois.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Olivier Dussopt, ministre. J’imagine que vous allez me rétorquer qu’il s’agit de « mauvais » emplois. Sachez que c’est la première fois depuis vingt ans que plus de la moitié des embauches se fait en contrat à durée indéterminée – c’est le cas depuis le début de l’année 2022 – et que plus de la moitié des emplois dans notre pays sont des CDI.

M. Marc-Philippe Daubresse. Vos chiffres sont faux ! C’était déjà le cas en 2006 !

M. Olivier Dussopt, ministre. Non seulement l’économie française crée de l’emploi, mais elle crée de l’emploi stable et de meilleure qualité qu’il y a quelques années. C’est aussi le résultat de la politique de lutte contre les contrats courts que nous menons depuis 2019.

Comme vous l’avez dit, nous avons présenté une réforme de l’assurance chômage. Elle a été adoptée par les deux assemblées sans recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution – je le précise. Elle prévoit l’application du principe de contracyclicité. Qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit de faire en sorte que le régime d’assurance chômage soit plus protecteur, quand les choses vont mal, et plus incitatif, quand les choses vont bien.

J’ajoute que c’est le Sénat qui a introduit la notion de conjoncture économique comme critère de modulation des règles de l’assurance chômage.

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Olivier Dussopt, ministre. Cette loi et les décrets que nous allons bientôt prendre vont permettre de réduire une part – et simplement une part – des tensions de recrutement. Toutes les études convergent pour dire que, pour l’année 2023, cela peut permettre d’accélérer le retour à l’emploi de 100 000 à 150 000 personnes.

C’est une bonne nouvelle et vous devriez vous en féliciter, comme vous devriez vous féliciter du fait que, depuis octobre 2021, grâce aux politiques de formation et d’emploi, nous avons permis le retour à l’emploi de 300 000 chômeurs de longue durée, dont 156 000 de très longue durée.

Vous oubliez les bonnes nouvelles, madame la sénatrice. Vous préférez faire peur et c’est bien dommage. Réjouissez-vous avec nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Alain Cazabonne applaudit également. – Huées sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. Philippe Pemezec. C’est vous qui jouez à faire peur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, ce n’est pas sous le quinquennat d’Emmanuel Macron que les chiffres du chômage que vous évoquez ont été atteints. Vous les avez trouvés, en arrivant au pouvoir en 2017 ! (Protestations sur les travées du groupe RDPI.)

En plus, vous ne regardez que les chômeurs de catégorie A, pas les autres.

En tout cas, le seul chiffre qui soit exact et documenté, c’est celui de l’Unédic : votre réforme aboutit à 4 milliards d’euros d’économies pris sur le dos des demandeurs d’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et SER.)

influenza aviaire et filière palmipède

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ma question concerne l’influenza aviaire, qui continue de sévir dans notre pays, et ses conséquences sur les filières des palmipèdes.

Cette année, d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la faune sauvage est victime de ce virus de manière endémique. Alors que les migrations ont à peine débuté, la façade ouest de notre pays est particulièrement touchée malgré de nouvelles mesures de surveillance inédites.

Pensez-vous mettre en place, monsieur le ministre, un autre plan, plus protecteur ?

En raison des abattages massifs, la filière évolue aujourd’hui à 30 % de ses capacités et les acteurs éprouvent de grandes difficultés d’approvisionnement même dans les zones indemnes.

À la veille des fêtes de Noël, tout un secteur économique est plongé dans un profond désarroi. Les aides, comme le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, s’avèrent insuffisantes et inadaptées à une crise d’une telle ampleur.

Abattage ou non, isolement ou non, valorisation ou non, le débat est complexe et la seule lueur d’espoir semble venir de la vaccination. Or le vaccin, malgré des essais encourageants des laboratoires Ceva Santé Animale et Boehringer Ingelheim, n’est toujours pas prêt. Les laboratoires semblent un peu réticents à investir massivement dans une filière réputée de plus en plus fragile.

Monsieur le ministre, pensez-vous mener une action forte en faveur de la mise en place de ce programme de vaccination ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Très bonne question !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Médevielle, vous m’interrogez sur la question de la grippe aviaire, qui est un sujet de préoccupation et de détresse pour nombre de producteurs compte tenu de l’arrivée d’une nouvelle vague épidémique puissante, la seconde cette année.

Vous l’avez rappelé, nous avons pris des mesures pour gérer cette crise, en particulier dans l’ouest de la France particulièrement touché par cette situation sanitaire dégradée. Ces mesures ont été décidées et sont ajustées chaque semaine en concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière – je souhaite d’ailleurs les en remercier. Quand nous avons besoin de les renforcer ou de les alléger, nous le faisons, je le redis, après concertation.

En ce qui concerne les indemnisations – je serai peut-être en désaccord avec vous sur ce point –, elles se sont élevées à 1,1 milliard d’euros en 2022 pour un chiffre d’affaires global de la filière de 6,7 milliards. Ce sont donc des mesures très puissantes et, si elles n’avaient pas été décidées, je crois que beaucoup de filières auraient tout simplement disparu.

Il est vrai que nous sommes encore en mode dégradé et que plusieurs repeuplements n’ont pas pu avoir lieu, parce que des lieux d’accouvage ont disparu.

Enfin, vous m’interrogez sur la question de la vaccination.

Je veux d’abord vous dire que c’est parce que la France a agi que nous avons obtenu le lancement d’une expérimentation. Celle-ci concerne cinq pays. Nous avons obtenu l’autorisation en juin et lancé effectivement l’expérimentation en août – en France, elle porte en particulier sur les palmipèdes. Nous attendons la qualification de la vaccination cet hiver, en décembre ou janvier.

Sans attendre les résultats précis de cette expérimentation, nous travaillons déjà à un plan de vaccination pour redonner une perspective à nos éleveurs et mettre les laboratoires en situation de produire ces vaccins dans des délais raisonnables, mais ce sera uniquement à partir de la saison 2023.

Vous le voyez, d’un côté, nous gérons l’urgence, de l’autre, nous réfléchissons sur le moyen et long terme, notamment sur la vaccination, mais ce n’est pas le seul outil dont nous disposons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)