M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie tous ceux qui ont pris la parole pour soutenir cette proposition de loi, et reprends à mon compte les propos d’Hussein Bourgi, de Michelle Meunier et d’Olivier Cadic, auxquels je souscris complètement.

Pardonnez-moi d’évoquer ce point alors que la discussion est relativement cordiale, mais je veux revenir sur le mépris que certains orateurs ont manifesté en parlant d’« affichage » ou de « proposition du cœur »…

Or il s’agit, au contraire, d’une proposition de loi de raison. Je le dis en m’appuyant sur l’argumentaire de la rapporteure, qui a dressé la liste des travaux sur le sujet, qu’il s’agisse d’auditions et de rapports, lesquels – je le rappelle – n’ont pas valeur de loi. Le nombre de ces travaux montre que nous avons besoin de réfléchir de façon coordonnée et transversale.

Point n’est donc besoin de faire preuve de mépris…

M. Philippe Bonnecarrère. Il n’y a aucun mépris !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est insupportable !

M. Xavier Iacovelli. … et de dénaturer les travaux et les initiatives parlementaires. Mais peut-être est-ce de votre part, mes chers collègues, une façon d’afficher votre malaise, ce que je peux comprendre…

J’ai aussi entendu évoquer, dans cet hémicycle et dans les couloirs du Sénat, l’argument de la temporalité, sous la forme suivante : « On ne va tout de même pas créer une délégation à neuf mois du renouvellement sénatorial… »

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Qui a dit ça ?

M. Xavier Iacovelli. Car figurez-vous que l’on pourrait s’en servir alors même qu’elle est portée par l’opposition sénatoriale !

Pourquoi ne pas prendre ici l’engagement de créer cette délégation, même si cela ne doit prendre effet qu’en septembre ou octobre 2023 ? Je n’y vois, pour ma part, aucun inconvénient tant que je suis assuré que cette création sera effective. Mais nous ne devons pas être freinés par un problème de calendrier : nous parlons là de droits de l’enfant et non pas d’une question électorale et partisane ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER et CRCE.)

Notre collègue Bernard Bonne, qui a malheureusement quitté l’hémicycle, disait lors de son intervention que l’on pourrait créer un groupe d’études dans le cadre de la commission des affaires sociales. Très bien ! Mais j’avais fait cette demande en 2020, et cela m’avait été refusé !

On peut toujours avoir ce débat de façon répétée, mais si chacune de nos propositions se heurte à un refus, il ne faut pas s’étonner que l’on recoure ensuite à la voie législative pour tenter de les faire aboutir.

J’espère que les consignes de vote seront respectées, car j’ai reçu de nombreuses marques de soutien, en provenance de tous les groupes – y compris ceux de la majorité sénatoriale –, et je remercie ceux qui me les ont adressées. Je comprends qu’il soit difficile pour certains d’entre nous d’être présents dans l’hémicycle, mais j’insiste sur le fait que nombre de nos collègues soutiennent la proposition de loi.

J’invite donc tous les sénateurs présents et tous ceux qui ont reçu des délégations à voter pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Mme la rapporteure et les représentants du groupe Les Républicains nous ont invités à parler non pas des droits de l’enfant, mais du fonctionnement du Sénat. C’est donc de ce sujet que je vais vous parler, m’étant suffisamment exprimée sur la proposition de création d’une délégation aux droits de l’enfant.

À la fin de la discussion générale sur ce texte, nous étions trente-quatre sénateurs en séance. Sur ce nombre, vingt-neuf sont favorables à cette proposition de loi, et trois ou quatre y sont hostiles.

Sur les huit groupes du Sénat, six sont favorables à cette proposition de loi, un groupe est partagé, et un groupe y est majoritairement défavorable.

Or, du fait des modalités du vote par scrutin public, et en dépit des chiffres que je viens de donner, il est possible que cette proposition de loi soit rejetée dans quelques instants !

Puisque vous voulez parler du fonctionnement du Sénat, je vous suggère de réfléchir à ce beau sujet : le respect du vote au Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. Je voterai pour cette proposition de loi, à laquelle je suis très favorable.

En effet, les départements eux-mêmes attendent que nous travaillions sur ce sujet.

À La Réunion, l’université vient d’organiser, en collaboration avec le conseil départemental et des représentants des associations de la zone de l’océan Indien, notamment de Mayotte, un grand colloque sur les droits de l’enfant, lors duquel des chiffres très alarmants – en particulier sur la scolarité des enfants, sur les méconnaissances des mères et sur les grossesses précoces – ont été communiqués. Vous comprendrez donc que je sois favorable, à titre personnel, à ce texte.

Mais, pour avoir parlé avec bon nombre de mes collègues du groupe centriste, je veux dire à mon ami Xavier Iacovelli qu’il n’y a pas de mépris de leur part. Ce qu’ils critiquent dans ce texte, lorsqu’ils ont prévu de voter contre ou de s’abstenir, c’est sa forme plus que le fond. Je tenais à me faire l’écho de ces échanges. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je remercie Mme Dindar, dont le propos correspond à peu près à ce que je voulais dire.

Lorsque l’on parle de mépris manifesté par la majorité sénatoriale…

M. Xavier Iacovelli. Non, par les orateurs de la majorité sénatoriale !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. C’est ce que vous avez dit ! Or, cela, on ne peut pas l’entendre, pas plus que l’argument selon lequel, la forme cachant le fond, nous nous désintéresserions de la protection des enfants…

M. Xavier Iacovelli. Je parlais des orateurs ! (Mme le rapporteur proteste.)

Mme Laurence Rossignol. Et en plus, vous n’étiez pas présent dans l’hémicycle !

M. Xavier Iacovelli. Écoutez les discours, c’était bien du mépris !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je n’étais pas présent dans l’hémicycle en début de séance, et je m’en excuse. Mais il a été dit, ici, que la forme cachait le fond…

Mme Laurence Rossignol. C’est moi qui l’ai dit, et je le maintiens !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … et on a laissé entendre par ailleurs que les sénateurs de la majorité sénatoriale se fichaient – pour faire court – de l’intérêt des enfants.

Mme Laurence Rossignol. Regardez les travées de la majorité !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Or le nombre de travaux consacrés par le Sénat à ce sujet a été rappelé. Le dernier d’entre eux, relatif aux agressions sexuelles sur mineurs, a fait l’objet d’un travail très important de la commission des lois, laquelle a réfléchi à l’amélioration des droits de la défense des enfants, ce qui est une bonne chose.

Mme Laurence Rossignol. Pourquoi êtes-vous sur la défensive ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je ne suis pas sur la défensive, madame la ministre Rossignol,…

Mme Laurence Rossignol. Je ne suis plus ministre !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … mais je n’aime pas les procès d’intention ! (M. Laurent Burgoa acquiesce.)

Mme Laurence Rossignol. Regardez vos travées !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. On peut avoir des divergences, mais les procès d’intention sont selon moi inacceptables ; c’était simplement ce que je voulais vous dire. Cela vaut pour ce débat comme pour d’autres.

Ce texte n’est peut-être pas le bon véhicule législatif, l’on peut en discuter, mais la discussion est ouverte sur le fond.

M. Xavier Iacovelli. Prenez un engagement !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 97 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 153
Contre 178

Le Sénat n’a pas adopté. (Les sénateurs des groupes RDPI, SER et CRCE protestent, car les résultats annoncés oralement par le président de séance ne sont pas ceux qui sont affichés sur les écrans situés dans lhémicycle.)

Mes chers collègues, concernant les résultats du scrutin, ce sont ceux que je viens d’annoncer qui font foi !

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant
 

5

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, lors du scrutin n° 97 de ce jour, portant sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant, ma collègue Mme Denise Saint-Pé et moi-même souhaitions nous abstenir, et non pas voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation
Discussion générale (suite)

Lutte contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation

Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (proposition n° 379 [2021-2022], texte de la commission n° 172, rapport n° 171).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure où je m’exprime devant vous, ce sont 430 000 élèves en situation de handicap qui sont scolarisés à l’école de la République dans des classes dites « ordinaires ». Leurs effectifs connaissent une croissance de 6 % à 10 % par an.

C’est, avant toute chose, une grande source de satisfaction, pour ces enfants d’abord, qui sont bien à la place qui est la leur, c’est-à-dire sur les bancs d’une école, mais aussi pour celles et ceux qui les accompagnent et travaillent avec eux à construire leur autonomie.

Et c’est, ensuite, une réussite due à la mobilisation de tous, en particulier de l’État depuis plus de dix-sept ans, soit depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il s’agit bel et bien d’une école inclusive, telle qu’elle a été voulue par le Président de la République et mise en place lors de son premier quinquennat.

Le Gouvernement engage aujourd’hui des moyens importants et croissants pour accueillir les élèves en situation de handicap dans de bonnes conditions.

Il mobilise plus de 132 000 accompagnants d’élève en situation de handicap, les fameux AESH. À la rentrée 2022, 4 000 nouveaux AESH ont été recrutés, et 4 000 de plus sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2023.

Le nombre de ces accompagnants est ainsi en augmentation constante. Il a augmenté de 50 % entre 2017 et 2022. Il y a aujourd’hui un AESH pour huit enseignants, ce qui fait que ce métier est devenu, en quelques années, le deuxième métier de l’éducation nationale en termes d’effectifs. Il faut prendre la mesure de ce que signifie une telle évolution.

C’est précisément la philosophie de la proposition de loi discutée aujourd’hui, qui vise à contribuer à l’amélioration du système d’inclusion scolaire en renforçant la stabilité professionnelle des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap.

L’enjeu de ce texte est simple, madame la rapporteure : il s’agit de rendre ce métier plus attractif en faisant en sorte qu’il ne soit plus un métier précaire. Je vous le dis sans détour : je partage avec vous cette ambition.

Avant d’en venir à votre proposition de loi, je tiens à rappeler que cette préoccupation s’est traduite dans les actes depuis 2017. De nombreuses mesures ont été mises en place pour améliorer l’attractivité du métier d’AESH et ses conditions d’exercice : le recrutement en contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée minimale de trois ans ; l’accès au contrat à durée indéterminée (CDI) au bout de six ans d’exercice ; la mise en place d’une formation de prise de poste de soixante heures ; l’accès au droit à la formation professionnelle et aux prestations d’action sociale ; la création d’une grille indiciaire, afin d’automatiser leur avancement ; enfin, la création de la fonction de « référent AESH », afin d’appuyer leur exercice professionnel par des pairs expérimentés.

Le Gouvernement entend aujourd’hui poursuivre cette politique continue de consolidation de ces emplois, en prenant des mesures fortes sur leur rémunération.

Ainsi, dans le cadre des crédits de la mission « Enseignement scolaire », que vous avez adoptés la semaine dernière, le Gouvernement a soutenu des amendements qui permettront une augmentation salariale nette de 10 % de tous les AESH, dès le 1er septembre 2023. Une enveloppe supplémentaire de 80 millions d’euros sera ainsi consacrée à cette revalorisation en 2023.

Cette revalorisation s’ajoutera à l’extension aux AESH et aux assistants d’éducation (AED) des primes REP (réseau d’éducation prioritaire) et REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé), prévue par le projet de loi de finances et qui correspond à une enveloppe de 74 millions d’euros.

Si ces mesures sont adoptées définitivement, nous serons également en capacité de renforcer notablement l’investissement de l’État dans la formation de ces personnels, sujet auquel le Sénat est particulièrement attentif.

Les dispositions prévues dans votre proposition de loi permettent d’avancer sur deux points importants.

Le premier est la situation sociale des AESH, qui s’améliorera : le CDI présente l’avantage de sécuriser les personnes dans leur emploi. Grâce à cette proposition, les AESH auront désormais accès au CDI après un contrat de trois ans, contre six ans actuellement, ce qui était effectivement trop long pour la perspective de stabilité que nous leur devons.

Second point : cette amélioration des conditions d’emploi rendra ce métier plus attractif. C’est déterminant à un moment où nous rencontrons des difficultés à recruter et à fidéliser dans ce métier essentiel à l’autonomie des élèves en situation de handicap.

Ce progrès est réel, concret, applicable rapidement sur le terrain, et surtout attendu par les personnes concernées.

Par ailleurs, je tiens à apporter une précision supplémentaire, concernant les dispositions prévues initialement pour lutter contre la précarité des assistants d’éducation, et maintenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Je veux vous dire qu’elles sont d’ores et déjà satisfaites.

En effet, la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire prévoit déjà un CDI obligatoire pour les AED au bout de six ans, et le décret qui en prévoit les modalités a été publié le 9 août 2022. Compte tenu de sa date de publication, il n’a pas pu encore produire tous ses effets au moment de la rentrée 2022, mais ce sera bien le cas à la prochaine rentrée. En outre, les primes REP et REP+ leur sont également accordées dans le projet de loi de finances.

Je veux, pour conclure, revenir sur la question des modes d’accompagnement des élèves en situation de handicap à l’école, pour rappeler que l’aide humaine qu’apportent les AESH doit être inscrite dans un cadre plus large.

Les élèves en situation de handicap doivent être scolarisés. C’est un droit, ce n’est pas une option. Et nous devons leur fournir les moyens d’accompagnement adéquats pour que notre école soit pleinement inclusive. Les AESH sont à cet égard des personnels essentiels, irremplaçables pour notre école pour tous. Nous entendons bien l’affirmer haut et fort en travaillant à l’amélioration de leurs conditions d’exercice de ce métier.

Mais il faut rappeler aussi l’esprit de la loi de 2005, avec cette idée cardinale de l’adaptation à chaque situation de handicap. Or tous les élèves n’ont pas besoin du même type d’aide pour apprendre et progresser vers l’autonomie. En outre, parmi celles et ceux qui en ont besoin, tous n’ont pas besoin d’un accompagnement individuel.

Par conséquent, la croissance continue du nombre d’AESH ne peut pas et ne doit pas être la seule réponse aux besoins d’accompagnement des élèves à l’école.

Il est nécessaire de progresser sur les autres moyens d’accompagner efficacement les élèves en fonction de leurs besoins, notamment par l’usage d’outils numériques et à travers l’évolution des méthodes pédagogiques et la formation des enseignants. Il faut aussi que nous avancions sur l’organisation administrative pertinente pour conduire cette politique.

C’est dans cette optique que s’est ouverte, dans la foulée du comité interministériel du handicap (CIH) du 6 octobre dernier, une phase de concertation et de réflexion avec les acteurs de l’école inclusive.

Cette réflexion associe les départements et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), car il est nécessaire de repenser l’ensemble du processus d’évaluation des besoins des élèves et de notification des aides nécessaires. Cette concertation, à laquelle des parlementaires sont associés, aboutira dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH) que le Président de la République convoquera au printemps 2023.

Je veux redire, pour conclure, que la stabilité professionnelle des AESH, ainsi que leurs conditions de revenus, sont déterminantes pour la qualité et l’effectivité de la scolarisation des enfants en situation de handicap. De cela dépendent aussi l’attractivité de leur métier et, donc, sa pérennité. Agir est essentiel pour le bien-être de ces personnels, mais aussi pour celui des élèves.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre Monier, rapporteure de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la deuxième fois en quelques mois que notre commission se penche sur la situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap, personnels qui sont les chevilles ouvrières de l’école inclusive.

En février dernier, mes collègues Annick Billon, Max Brisson et moi-même, dans le cadre de la mission d’information que nous avons menée sur le bilan des mesures éducatives du précédent quinquennat, lancions une première alerte sur leurs conditions d’emploi et de travail.

Aujourd’hui, l’examen de cette proposition de loi, dont je salue l’auteure, l’ancienne députée Michèle Victory, nous offre l’opportunité de tirer une seconde fois la sonnette d’alarme, mais aussi et surtout de faire avancer la législation.

Reconnaissons d’emblée que la situation des 132 000 AESH, dont 93 % sont des femmes, n’est ni acceptable ni digne de l’école de la République. Un mot suffit à la caractériser : précarité. Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, notre collègue Max Brisson a très justement qualifié cette précarité d’« institutionnalisée ».

Les causes et les manifestations de cette précarité sont nombreuses.

Il y a, d’abord, les conditions de recrutement : plus de 80 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDD, contre moins de 20 % en CDI.

Il faut citer, ensuite, les conditions d’emploi : seulement 2 % des AESH disposent d’un emploi à temps complet, la quotité de travail moyenne n’étant que de 62 %. Ce temps incomplet subi contraint les AESH à cumuler d’autres « petits » contrats pour prétendre à un niveau de revenus plus décent.

J’en viens aux conditions de rémunération : sous l’effet cumulatif du temps incomplet imposé et d’une grille indiciaire concentrée à des niveaux proches du Smic, la rémunération mensuelle moyenne d’un AESH n’est que de 850 euros net. L’État rémunère donc en deçà du seuil de pauvreté ses professionnels de l’école inclusive.

Il y a enfin les conditions de formation, dont les lacunes, tant lors de la prise de poste qu’en cours d’exercice, laissent souvent les AESH démunis, lorsqu’ils ne sont pas contraints de s’autoformer !

À ce cumul de précarités viennent s’ajouter des conditions de travail qui, de l’avis unanime non seulement des AESH, mais aussi d’autres acteurs de l’école inclusive, n’ont cessé de se dégrader depuis quelques années.

La généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) a assurément marqué un tournant dans leur aggravation.

Au regard du premier bilan que j’en dresse dans mon rapport, trois correctifs me paraissent devoir rapidement être apportés : mettre un terme aux dérives d’une gestion de la ressource humaine basée sur la flexibilité ; replacer la qualité de l’accompagnement au cœur du dispositif ; renforcer le cadrage national pour assurer plus d’harmonisation entre les territoires.

Aujourd’hui, être AESH dans le cadre d’un Pial, c’est être soumis à une très grande flexibilité : affectation dans plusieurs établissements, ce qui entraîne de nombreux déplacements dont les frais ne sont pas toujours pris en charge ; changements fréquents et non concertés d’emploi du temps et d’affectation ; prise en charge simultanée de plusieurs enfants ; accomplissement de tâches ne faisant pas partie des missions ; droits à la pause méridienne et au fractionnement des jours de congé non respectés.

Je me dois d’illustrer ce tableau, pour le moins édifiant, par les mots des intéressés eux-mêmes : « Des conditions de travail déshumanisées » ; « Sentiment d’être du sous-personnel » ; « AESH sous-payés et corvéables » ; « AESH toujours relégués en dernier ».

Malgré l’absence de reconnaissance et la perte de sens que ces professionnels dénoncent, nombre d’entre eux ont le courage de continuer. Qu’est-ce qui les fait tenir ? La réponse tient en ces deux citations : « AESH, c’est un beau métier » et « Sans AESH, il n’y a pas d’école inclusive », nous ont-ils dit.

Alors que le métier d’AESH n’a jamais été aussi peu attractif, le paradoxe veut que, dans le même temps, les besoins d’accompagnement des élèves en situation de handicap croissent à une vitesse très soutenue.

Depuis 2017, les notifications d’aide humaine des MDPH augmentent de 11 % par an, soit un rythme près de deux fois supérieur à celui des notifications de reconnaissance du handicap. Cette tendance à la systématisation de l’aide humaine est un sujet qui appelle une réflexion conjointe de l’éducation nationale et des départements. Plus largement, nos échanges en commission ont montré que la prise en charge de l’enfant dans sa globalité, à la fois sur le temps scolaire et sur le temps périscolaire, pose la question du partage des responsabilités. Notre commission entend bien l’approfondir dans le cadre de ses prochains travaux de contrôle.

Bien que les effectifs d’AESH aient progressé de 35 % sur les cinq dernières années et qu’ils continuent d’augmenter, l’école inclusive n’est pas encore une réalité pour tous les élèves en situation de handicap : certains s’étant vu notifier une aide humaine ne sont toujours pas accompagnés ; d’autres pâtissent d’un nombre d’heures d’accompagnement inférieur à celui qui leur a été notifié ; d’autres encore voient leurs besoins non couverts par la quotité fixée.

Cette carence de l’éducation nationale explique que certaines familles en arrivent à rechercher par elles-mêmes, ou par le biais d’associations, des AESH dits « privés ». Un nouveau marché de l’accompagnement privé est en train de se développer, même s’il est encore difficilement quantifiable. Cette évolution provoque une rupture d’égalité dans l’accompagnement du handicap, et renforce les inégalités sociales.

J’en viens, en quelques mots, à la situation des 65 000 assistants d’éducation, également confrontés à des conditions d’emploi et de travail précaires. Au moment de la création de cette fonction, l’idée était d’en faire un tremplin pour une éventuelle future carrière dans l’éducation nationale, par le biais des concours de conseiller principal d’éducation ou de professeur. Force est cependant de constater qu’aujourd’hui le taux de réussite des AED à ces concours n’est que de 15 % et que les étudiants représentent 30 % des effectifs, alors que les premiers étaient censés être majoritaires.

Se pose dès lors la question du devenir professionnel des AED. Faut-il professionnaliser cette fonction pour permettre à ceux qui le souhaitent de continuer à l’exercer et d’en faire un véritable métier ? Ou faut-il conserver sa nature première et mieux garantir ses débouchés vers d’autres emplois ?

Ce débat de fond mériterait, madame la ministre, un travail de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. En attendant, nous ne pouvons que constater et déplorer la grande précarité qui caractérise aussi les conditions d’emploi et de travail des AED : rémunération au niveau du Smic ; grille indiciaire inexistante ; pluralité d’affectations ; absence de formation et de perspective professionnelle.

Face à l’ampleur des enjeux que je viens de décrire, pour partie communs à ces deux catégories d’agents, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui se veut comme une première étape, nécessairement modeste, vers une amélioration de leurs conditions d’emploi et une reconnaissance du service qu’ils rendent à l’école inclusive.

Son article 1er ouvre la possibilité de recruter en CDI les AESH ayant exercé pendant trois à six ans, soit potentiellement à l’issue d’un seul CDD contre deux actuellement exigés par la loi pour une école de la confiance.

Alors que la très grande majorité des AESH enchaînent aujourd’hui les contrats courts, synonymes d’instabilité, d’incertitude et de précarité, cette accélération de la possibilité de « CDIsation » est gage de stabilité de l’emploi, de sécurisation du parcours professionnel et de reconnaissance professionnelle. Elle est aussi une étape importante dans la professionnalisation du métier d’AESH et dans la construction de son attractivité.

Notre commission a eu un débat sur la durée de la condition d’exercice exigée pour pouvoir prétendre à une « CDIsation ». Où placer le curseur ? À trois ans, comme l’a proposé l’Assemblée nationale, ce qui, selon certains collègues, laisserait le temps d’évaluer les compétences professionnelles et permettrait de ne pas rigidifier le système ? Pourquoi pas plus tôt, dans la mesure où il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation qui permettrait aux AESH ayant fait leurs preuves au bout d’un an de se projeter plus rapidement dans une carrière stable ?

Nous nous sommes en tout cas tous retrouvés sur la nécessité de garantir l’effectivité de la formation initiale des AESH, condition sine qua non de leur montée en compétences et de leur professionnalisation. Notre commission a par ailleurs pleinement conscience que si la « CDIsation » accélérée constitue une première avancée pour les AESH, le chemin qu’il reste à parcourir pour améliorer leur statut et leurs conditions de travail est encore long.

C’est pourquoi nous appelons collectivement le Gouvernement à lancer sans plus tarder une réforme structurelle des conditions d’emploi des AESH dans le cadre de « l’acte II de l’école inclusive ».

Nous estimons que plusieurs sujets, relevant principalement du niveau réglementaire, nécessitent d’être travaillés : la quotité de travail dans le but de permettre aux AESH qui le souhaitent de travailler à temps complet ; l’articulation entre le temps scolaire et le temps périscolaire ; l’augmentation du niveau de rémunération qui passe impérativement par une revalorisation de la grille indiciaire ; l’application effective de la réglementation de l’éducation nationale en matière de remboursement des frais de transport ; le renforcement de la formation et sa prise en charge financière ; la révision du fonctionnement des Pial afin de remédier aux dérives constatées et d’harmoniser les pratiques entre les territoires.

J’en viens à l’article 2 de la proposition de loi. Celui-ci ouvre aux AED ayant exercé pendant six ans en CDD le bénéfice du recrutement en CDI en cas de poursuite de leur mission.

Cette disposition, votée par l’Assemblée nationale le 20 janvier dernier, a entre-temps été satisfaite par l’article 10 de la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire. Elle y a été introduite par le Sénat, lors de l’examen du texte en première lecture, à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par notre collègue Toine Bourrat.

Pour éviter une redondance inutile, il conviendrait de la supprimer, ce que, sur ma proposition, la commission n’a pas souhaité faire. En effet, des remontées de terrain font état de réticences de la part de rectorats et de chefs d’établissement à « CDIser » les AED après six ans de service. Sur la cible de 5 000 « CDIsations » visées, seules 1 000 seraient effectives.

Même si le décret d’application, publié le 9 août dernier, ne présente pas d’ambiguïté, une circulaire ministérielle serait peut-être nécessaire pour inciter les rectorats et les chefs d’établissement à se saisir de cette disposition.

Nous attendons donc, madame la ministre, une réaffirmation du principe posé par la loi du 2 mars dernier et un engagement de la part du Gouvernement à veiller à son application effective sur le terrain.

Tel est le contenu des deux articles qui composent cette proposition de loi, que notre commission a adoptée à l’unanimité sans modification.

J’émets le souhait que nos débats permettent de confirmer notre consensus autour de ce premier pas en faveur des AESH, mais qu’ils ouvrent aussi la voie à des avancées supplémentaires dans un avenir très proche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et LR.)