compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Daniel Gremillet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 15 décembre 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Lors des scrutins nos 98, 99, 100, 101, 102, 103 et 104 portant sur la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous, M. Jean-Pierre Corbisez souhaitait voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique des scrutins concernés.

3

Démission et remplacement d’un sénateur

M. le président. M. Philippe Nachbar a fait connaître à la présidence qu’il démissionnait de son mandat de sénateur de la Meurthe-et-Moselle à compter du samedi 31 décembre 2022 à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il a été remplacé par Mme Véronique Del Fabro, dont le mandat de sénatrice a commencé le dimanche 1er janvier 2023, à zéro heure.

4

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Précision du thème d’un débat d’actualité

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents a inscrit le prochain débat d’actualité à l’ordre du jour du mercredi 11 janvier à seize heures trente.

Après concertation avec les groupes politiques, ce débat porterait, sur proposition du président du Sénat, sur le thème suivant : « La crise du système de santé », sous forme de discussion générale d’une heure.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

6

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Sur proposition du président du Sénat et en accord avec le Gouvernement et les groupes politiques, nous pourrions fixer les explications de vote et le scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes au mardi 24 janvier à quatorze heures trente, d’une part, sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 au mardi 31 janvier à quatorze heures trente, d’autre part.

En conséquence, nous pourrions prévoir la suite de l’examen de la proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses le mercredi 1er février au soir.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

7

Demande d’inscription à l’ordre du jour de deux propositions de loi

M. le président. Par courrier en date du 17 décembre dernier, M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 2 février de la proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement et de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale.

Acte est donné de cette demande.

Pour l’examen de ces deux textes, les commissions se réuniraient le mercredi 25 janvier au matin et nous pourrions fixer le délai limite de dépôt des amendements de séance au lundi 30 janvier à douze heures.

Par ailleurs, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous pourrions prévoir une discussion générale d’une durée de quarante-cinq minutes.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

8

Gestion de l’eau dans une perspective économique et écologique

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la gestion de l’eau dans une perspective économique et écologique.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que le groupe auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France.

La première victime de ce climat caniculaire, la plus discrète, mais la plus durablement touchée, c’est l’eau.

C’est un lieu commun de dire que l’eau nous est vitale, non seulement au sens biologique, mais aussi au sens économique.

C’est une évidence de constater que le réchauffement climatique tend à la raréfier et que notre utilisation tend à la souiller.

C’est donc une urgence, aujourd’hui, que de s’accorder sur des moyens efficaces de gestion de l’eau.

Cécile Cukierman, Alain Richard, Jean Sol et moi-même avons déjà mené des travaux sur ce sujet au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, dont le rapport d’information sur la quantité et la qualité de l’eau d’ici à 2050 intitulé Éviter la panne sèche – Huit questions sur lavenir de leau a paru le 24 novembre dernier.

Nos huit recommandations sur l’avenir de l’eau seront d’ailleurs présentées le 18 janvier prochain à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. À cet égard, il faut saluer l’initiative du groupe Les Républicains, qui a demandé la tenue de ce débat, ainsi que, plus largement, la mobilisation du Sénat, qui prouve ce faisant qu’il est à la hauteur du sujet.

Dans ce contexte, les perspectives économiques et écologiques de la gestion de l’eau retiennent naturellement l’attention.

En introduction à ce débat, il nous revient de rappeler les lignes de force et les principaux enjeux de ladite gestion.

En premier lieu, d’un point de vue économique, l’eau doit faire l’objet d’une politique plus ferme d’intervention et d’investissement. À l’heure actuelle, les infrastructures hydrauliques relèvent en effet largement des collectivités locales, qui sont confrontées, et ce de manière croissante, à des coûts élevés d’entretien, de rénovation, voire d’investissement dans les réseaux de distribution.

D’un côté, elles ne peuvent pas y faire face seules et leurs moyens doivent être renforcés.

D’un autre côté, leur liberté se doit d’être défendue. À cet égard, le Sénat s’est prononcé, à la quasi-unanimité, sur la nécessité de préserver la souplesse d’un transfert facultatif de la compétence eau et assainissement de la commune vers les intercommunalités, et ce pour une raison très simple : l’eau répond à une logique de bassin versant et non de périmètre intercommunal. Il est également une autre évidence : ce transfert, rendu obligatoire d’ici à 2026, a déjà engendré une augmentation significative du prix de l’eau pour l’usager.

Une première ligne de force de la gestion économique locale de l’eau apparaît ainsi : la compétence eau et assainissement devrait rester attribuée aux communes, qui doivent être dotées des moyens de l’exercer, sauf à ce qu’elles décident, volontairement, de son transfert. En particulier, la discussion sur les moyens de cette gestion locale ne saurait faire l’économie d’une réflexion précise quant aux moyens des agences de l’eau.

Celles-ci constituent les principaux relais des politiques de l’eau et des programmes pluriannuels d’intervention. Leurs ressources, d’environ 2 milliards d’euros, proviennent pour 80 % des redevances des usagers.

Le périmètre de leurs interventions s’élargit toutefois continuellement, y compris au-delà de la fourniture d’eau potable et de l’assainissement, jusqu’à divers investissements ayant trait au petit cycle comme au grand cycle de l’eau.

Lors du débat organisé sur leur financement, ici même, au Sénat, au mois de janvier dernier, le Gouvernement a pris l’engagement de présenter les grands axes de leur renforcement, après qu’elles eurent subi l’abaissement de leur plafond de recettes en 2018 et la ponction de leur budget au profit de l’Office français de la biodiversité.

Cet élargissement des actions des agences de l’eau, allié à l’écrêtement de leurs moyens, fait craindre que, contrairement au principe fondateur en vertu duquel « l’eau paie l’eau », l’eau ne paie désormais l’État.

Une deuxième ligne de force de la gestion économique locale se dégage donc à son tour : les missions et les moyens des agences de l’eau nécessitent un réajustement précis destiné à sécuriser économiquement cette filière.

Une telle sécurité économique doit par ailleurs aller de pair avec une sécurité écologique.

En second lieu, l’eau doit faire l’objet d’une gestion et d’une consommation plus vertueuses.

Parce qu’elle n’est pas une ressource infinie, elle doit être utilisée en conscience.

Il faut le rappeler clairement : l’eau est d’abord un flux, représentant un volume de 510 milliards de mètres cubes de précipitations annuelles, inégalement réparties sur le territoire et minoritairement captées par nos cours d’eau et nos nappes phréatiques ; 35 milliards de mètres cubes y sont prélevés et 5 milliards de mètres cubes sont consommés.

L’eau est ensuite un stock, naturellement contenu à hauteur de 2 000 milliards de mètres cubes et artificiellement retenu pour environ 12 milliards de mètres cubes.

Pourtant, à l’heure actuelle, tous ces chiffres sont devenus faux : le réchauffement climatique nous impose de fonder nos réflexions sur des volumes diminués, sur des débits annuels amoindris et, par conséquent, sur la perspective d’une consommation rationalisée.

C’est pourquoi il paraît désormais indispensable d’appliquer à cette ressource une lecture économique, permettant une action raisonnée, d’une part, sur la demande, d’autre part, sur l’offre.

Quant à la demande, d’abord, les objectifs de réduction de la consommation de l’eau, définis lors des assises de l’eau de 2019, doivent faire l’objet de pédagogie ainsi que de mécanismes incitatifs qui font actuellement défaut. L’agriculture, qui représente les deux tiers de la consommation, doit modifier en profondeur ses pratiques et se résoudre à un effort de sobriété, notamment en suivant des cycles d’utilisation plus vertueux grâce à l’optimisation technique de l’arrosage et à la récupération de l’évaporation.

Quant à l’offre, ensuite, la création de moyens collectifs de retenue et de stockage d’eau nécessite d’appliquer une régulation, voire une certaine discipline, au stockage individuel. Dans le même sens, le développement de l’assainissement doit permettre d’accroître les volumes d’eau susceptibles de réutilisation après traitement, voire de recharge artificielle des nappes phréatiques.

Dans tous les cas, je tiens à insister sur la nécessité d’une concertation et d’une application locale de la politique de l’eau. Seule l’association des collectivités et des communes est à même de garantir l’efficacité et l’effectivité des dispositifs de gestion de l’eau.

Force est de souligner, à cet égard, l’impérieuse nécessité de poursuivre la rédaction de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), instruments d’une sobriété localement concertée. Il y a là une condition indispensable pour que tous nos concitoyens prennent conscience de leur solidarité naturelle, laquelle doit valoir entre territoires comme entre usagers. Il s’agit également d’un critère d’équité dans la fixation du coût de l’eau, qui doit rester supportable pour tous.

Aussi, en la matière, devons-nous en appeler à la régulation et à la responsabilité de l’État.

Une troisième et dernière ligne de force se dégage ainsi, liée à la finitude et à la raréfaction de l’eau : la nécessité de penser désormais cette ressource comme un bien commun et un patrimoine commun de la Nation.

Pour faire face à la raréfaction de l’eau et en concilier l’ensemble des usages, une véritable stratégie de sobriété est donc indispensable. C’est l’option la moins coûteuse et la plus efficace pour faire face aux épisodes de sécheresse.

Parallèlement, il conviendra de déployer un véritable panel de solutions variées pour mobiliser la ressource.

L’eau est en effet la ressource la plus précieuse du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dialoguer, écouter, débattre, agir : sur le sujet de l’eau plus encore peut-être que sur tout autre sujet, il nous faut faire tout cela en même temps, alors même que l’urgence climatique bouleverse notre gestion quotidienne de l’eau.

Je salue tout d’abord cette initiative sénatoriale consistant à lancer un tel débat sur notre politique de gestion de l’eau. Ainsi l’occasion nous est-elle donnée d’échanger publiquement sur un sujet éminemment stratégique pour notre nation.

Nous avons longtemps été habitués à ce que l’eau soit partout. Dans un pays comme la France, l’eau est majoritairement tenue pour acquise, courante et peu chère.

Toutefois, si nous voulons la préserver, nous devons lui redonner sa véritable valeur et apporter le plus grand soin à la gestion de cette ressource stratégique.

Le changement climatique entraîne des bouleversements profonds du cycle de l’eau. La sécheresse que nous avons connue en 2022 a été intense et prolongée. Elle a eu un retentissement sans précédent auprès de l’opinion publique. De très nombreux Français ont ressenti ses effets dans leur quotidien, au gré des restrictions et des interdictions.

Cet épisode a fait prendre conscience à nos concitoyens à quel point l’eau était une ressource précieuse et un patrimoine commun de la Nation à préserver. Il a aussi révélé des éléments à améliorer dans notre gestion de crise. Tel est l’objet de la mission d’inspection qui a été diligentée et qui rendra ses recommandations au premier semestre de 2023.

Au-delà de la gestion de crise, il nous faut aussi engager des évolutions structurelles de la gestion de l’eau.

Pour autant, et vous en conviendrez en tant que représentants des collectivités, mesdames, messieurs les sénateurs, nous n’avons pas attendu l’été 2022 pour agir.

Depuis 1964, nous avons une politique de l’eau structurée, organisée et fortement outillée.

La France a placé les collectivités au centre de la politique de l’eau. L’organisation par bassin fait figure d’exemple sur la scène internationale et nous pouvons, collectivement, en être fiers. Nous disposons d’outils et nous sommes en mesure de trouver des solutions face aux défis qui se présentent à nous.

Je vois cette prise de conscience de l’opinion publique comme une occasion de mobiliser l’ensemble des acteurs – particuliers, industrie, agriculture, tourisme, secteur public – dans une même dynamique, sans opposition, sans accusation.

Si, aujourd’hui, nous reposons les termes d’un débat sur la ressource en eau, c’est parce que sa raréfaction rend la question du partage entre ses différents usages de plus en plus cruciale.

Nous devrons être capables d’arbitrer la question du partage de cette ressource, dans la concertation et dans un esprit de responsabilité collective.

Il nous faut aussi construire un cadre propice au déploiement de solutions dans les territoires.

Nous devons nous donner les moyens d’investir pour économiser l’eau, l’utiliser efficacement et selon une logique circulaire, préserver sa qualité et minimiser l’impact environnemental de cette utilisation.

Je sais que le Sénat est particulièrement attentif au sujet de la gestion de l’eau. Les territoires sont en première ligne face aux enjeux et défis afférents.

Je veux avoir un mot pour les collectivités, pour les services de l’État et pour les acteurs économiques qui ont été les plus confrontés à la gestion de crise, car je sais que cette année a été particulièrement éprouvante.

Le Sénat a déjà produit un rapport d’information sur la gestion de l’eau en 2016 intitulé Eau : urgence déclarée, et j’ai pris connaissance avec beaucoup d’attention du dernier rapport d’information publié par la Haute Assemblée sur ce sujet au mois de novembre 2022.

Madame la sénatrice Belrhiti, vous l’avez souligné, ce rapport d’information soulève plusieurs préoccupations partagées par un grand nombre d’acteurs de l’eau.

Vous vous demandez de quels moyens disposeront les collectivités pour agir dans la préservation du grand cycle de l’eau.

Vous vous posez la question de la mise en cohérence des échelons de gouvernance.

Vous promouvez un dialogue renforcé entre les instances de définition des politiques publiques territoriales.

Vous vous interrogez sur la possibilité de lever des freins à l’innovation, dont certains sont réglementaires, comme sur le sujet de la réutilisation des eaux usées.

Ces questions font pleinement écho aux enjeux identifiés lors du lancement du chantier sur la gestion de l’eau qui s’inscrit dans la planification écologique promue par la Première ministre.

Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même avons inauguré ce chantier, le 29 septembre dernier, avec l’objectif de coconstruire un plan d’action mobilisant l’ensemble des parties prenantes, de bâtir du consensus et de repolitiser le sujet de l’eau.

Il ne s’agissait pas de refaire les assises de l’eau ou le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique : les engagements sont pris et nous nous y tiendrons.

Nous nous sommes appuyés sur les instances de gouvernance et les compétences existantes. Nous avons ainsi mobilisé le Comité national de l’eau (CNE) pour organiser une large concertation des acteurs.

Cette concertation, nous avons souhaité qu’elle soit également déployée dans les territoires, dans les comités de bassin, car notre volonté est bien d’affirmer le principe d’une politique de l’eau décentralisée et concertée avec l’ensemble des usagers.

La phase de concertation vient tout juste de s’achever.

Le Comité national de l’eau et les présidents des comités de bassin m’ont présenté leurs contributions jeudi dernier. Je tiens à souligner la richesse des réflexions, l’important travail accompli pour construire du consensus et les propositions très concrètes qui ont été formulées.

Ce plan d’action ne sera pas le plan d’action de l’État : il sera notre plan d’action collectif. Je compte sur les collectivités que nous avons consultées pour s’associer à sa mise en œuvre.

Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même présenterons le contenu de ce plan le 26 janvier prochain, lors du carrefour des gestions locales de l’eau.

Ce plan comportera des mesures très concrètes, qui prendront effet à très court terme. Des chantiers stratégiques y seront aussi ouverts, qui permettront de préparer le long terme et se traduiront notamment dans le douzième programme des agences de l’eau.

Sans dévoiler son contenu aujourd’hui – je vous donne rendez-vous dans quinze jours, mesdames, messieurs les sénateurs ! –, je peux d’ores et déjà vous confirmer qu’il traitera des enjeux de gouvernance et de financement et qu’il déclinera un ensemble de mesures tournant autour des quatre enjeux suivants : limiter le gaspillage et promouvoir la sobriété ; opérer, dans la concertation, un partage juste de la ressource ; permettre un accès sécurisé à une ressource en eau potable de qualité ; restaurer un grand cycle de l’eau fonctionnel pour préserver les écosystèmes.

Ce plan traduit une conviction commune : la ressource en eau en France est précieuse, précieuse pour nos écosystèmes, précieuse pour notre santé, précieuse pour notre économie.

Nous devons repolitiser les enjeux territoriaux de l’eau, en particulier les questions de partage de la ressource.

Nous devons nous réunir autour d’une ambition forte pour favoriser des solutions d’adaptation dans nos territoires.

Je serai ravie de revenir au Sénat vous présenter l’ambition et le contenu de ce plan. En attendant, je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. On oppose souvent l’écologie à l’économie. Pourtant, les enjeux relatifs à l’une et à l’autre doivent être rapprochés.

En effet, le constat du réchauffement climatique ou l’annonce de milliers d’espèces disparues ou menacées nous obligent à revoir nos modes de production et de consommation.

Concernant la rareté de l’eau, la situation devient tendue. Dans nos territoires du Sud, des communes sont régulièrement ravitaillées en eau potable.

Se posent donc plusieurs questions quant à la gestion de la ressource.

Comment favoriser encore davantage le partage de l’eau dans un contexte de croissance démographique ? En trente ans, la consommation d’eau a doublé à l’échelle mondiale. Il faut donc raisonner globalement.

Pour ce qui est de la filière agricole, l’irrigation devrait s’accompagner de formations obligatoires et de quotas par production.

Quant à la consommation d’eau potable, malgré les messages de sensibilisation, elle n’est toujours pas raisonnée – songeons, par exemple, à l’utilisation d’eau potable pour laver les voitures ou alimenter les chasses d’eau. Cela est choquant, tout autant que de sacrifier des terres agricoles qui ont bénéficié de l’irrigation.

Seriez-vous favorable, madame la secrétaire d’État, à l’interdiction de la vente de terres agricoles irriguées à des fins d’urbanisation ?

D’autres solutions existent, notamment la récupération des eaux usées. L’objectif de tripler d’ici à 2025 les volumes d’eau non conventionnelle répond aux enjeux et, à cet égard, le décret du 10 mars 2022 relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées est une grande avancée.

Pourtant, comment ces solutions seront-elles concrètement déployées au sein des territoires ? Qui financera ?

Qu’en est-il de l’évaluation des expérimentations qui ont été menées dans les territoires ?

Les projets de territoire pour la gestion de l’eau sont-ils efficients partout en France ? Quel en est le bilan ?

Quid également du dossier des retenues collinaires, lesquelles répondent à deux objectifs, l’irrigation, bien sûr, mais également la limitation des crues ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le sénateur Cabanel, vous m’interrogez sur les outils mobilisables pour la bonne gestion de l’eau. J’ai reçu la semaine dernière, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, le Comité national de l’eau et les représentants des comités de bassin, qui m’ont présenté de riches contributions dans le cadre de la concertation pour la planification écologique de l’eau.

En matière de sobriété et de lutte contre les gaspillages et les fuites, nous devons aller plus loin en aménageant la ville selon une conception plus sobre que celle qui a prévalu jusqu’à présent.

Quant aux agriculteurs, mais aussi aux industriels, ils peuvent être plus performants encore qu’ils ne le sont. De nombreuses solutions existent ; le plan que je proposerai avec Christophe Béchu permettra d’accélérer leur mise en œuvre via des moyens financiers et des simplifications réglementaires – je pense notamment à la réutilisation des eaux usées traitées.

Deux axes me semblent importants.

Le premier axe est de faire de la sobriété une politique publique prioritaire. Nous informerons mieux les Français sur les bons gestes. Quant aux collectivités, elles doivent mettre en question leurs usages et proposer des solutions de substitution pour que la croissance de la population et le changement climatique – plus de besoins, moins d’eau – ne causent pas de difficultés.

Le second axe est la nécessité pour les territoires d’organiser un meilleur partage de la ressource. Cela passera par une gouvernance plus efficace et sereine. Compte tenu du nombre important d’acteurs concernés, la rédaction de projets de territoire pour la gestion de l’eau est l’une des méthodes – non la seule, évidemment – qu’il est essentiel de mobiliser.

J’aurai l’occasion d’y revenir plus précisément au cours du débat : concernant les PTGE, une instruction complémentaire à celle du 7 mai 2019 a été élaborée, intégrant les pistes d’amélioration identifiées dans le cadre du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. Elle est en cours de signature et vise surtout à accélérer, car, dans nombre de territoires, les acteurs ne s’entendent ni sur le diagnostic ni sur la nécessité à agir collectivement.

Je termine en mentionnant les retenues collinaires. Cette solution doit être étudiée au cas par cas : il n’est pas question de la généraliser en France, mais chaque projet qui respectera les critères exigeants que nous fixons pourra être validé. Nous aurons l’occasion, pendant ce débat, de revenir plus en détail sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.

M. Henri Cabanel. Madame la secrétaire d’État, je reviens sur l’irrigation agricole.

Il faudrait que les agriculteurs qui demandent de l’eau soient formés. Actuellement, lorsqu’un agriculteur dépose une demande d’autorisation d’irriguer, on la lui accorde, à condition qu’il puisse financer cette irrigation, mais il n’est pas formé à la bonne utilisation de la ressource en eau et aucun projet n’existe en ce sens. Il doit être possible d’avancer sur ce point.

En matière d’utilisation des eaux usées, des expérimentations sont en cours, mais je plaide pour que ce genre d’initiatives se développe davantage.