M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurais pu souscrire assez largement aux propos que vient de tenir Philippe Tabarot et je n’ai pas le sentiment, en m’exprimant cet après-midi devant vous, d’être dans une opposition frontale avec le Sénat et sa majorité. Je souhaite simplement discuter et présenter, expliquer une mesure qui a certainement souffert d’un défaut de pédagogie et qui, dans les textes – peut-être moins dans la mise en œuvre –, fait précisément l’objet d’un caractère progressif, territorialisé, même si certains angles morts doivent être supprimés. C’est ce à quoi je m’emploierai dans le temps qui m’est imparti aujourd’hui.

Je veux tout d’abord revenir sur un élément : les ZFE visaient initialement non pas à concourir à la transition écologique, mais à répondre à une préoccupation relative à la pollution atmosphérique.

M. Christophe Béchu, ministre. À cet égard, je tiens à rendre hommage aux sénateurs qui ont contribué à l’élaboration du rapport de la commission d’enquête, publiée au mois de juillet 2015, sur le coût économique et financier de la pollution de l’air (M. Julien Bargeton applaudit.) – 100 milliards d’euros –,…

M. Daniel Breuiller. Tout à fait !

M. Christophe Béchu, ministre. … tout en précisant que les choses sont minorées. Ce rapport continue de faire référence et autorité aujourd’hui : il est régulièrement cité. Je salue à ce titre le sénateur Husson, qui y a pris sa part. Grâce aux bases actualisées de Santé publique France, nous savons que, en 2021, 40 000 décès étaient liés aux particules fines et 7 000 aux oxydes d’azote.

En outre, et cela revient de manière systématique, ce sont les plus fragiles qui se retrouvent en première ligne face à cette pollution : les plus âgés, les plus jeunes et ceux qui vivent dans des logements les moins bien isolés. L’objectif des ZFE n’est donc pas d’entraver la vie de nos concitoyens, c’est de les protéger.

Dans notre pays, la qualité de l’air s’est améliorée de manière progressive, mais nous devons rester vigilants. Je rappelle d’ailleurs à ceux qui considèrent que nous allons trop vite que l’État a même été condamné par le Conseil d’État, en raison de dépassements persistants de seuils dans plusieurs agglomérations. Je précise d’ailleurs que ces décisions de justice valent pour l’État, mais également pour les collectivités territoriales incapables de faire respecter ces seuils. La responsabilité, y compris judiciaire, est donc partagée pour revenir sous les seuils fixés non par le Gouvernement, mais par l’Union européenne et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), même s’il y a sans doute des choses à dire à ce sujet.

Ainsi, pour être très concret, je rappelle que la réduction des émissions de polluants s’inscrit dans le cadre d’un plan national, dont les zones à faibles émissions constituent une mesure importante.

Ces zones ne sont pas une invention française. J’ai parfois l’impression, à écouter certains discours, que nous aurions imaginé un dispositif original. À l’heure où nous parlons, quatorze pays européens ont mis en place des zones à faibles émissions et deux cent soixante-dix villes, agglomérations ou métropoles sont aujourd’hui concernées par une telle zone. Les principes retenus diffèrent parfois des nôtres, mais ils reposent presque systématiquement sur quelques invariants.

Pour mettre en place cet outil européen, nous avons adopté, dans le cadre de la loi Climat et résilience, un calendrier progressif, qui impose une mise en œuvre à compter du 1er janvier 2023 dans les dix métropoles en dépassement, tout en laissant à celles-ci le choix des modalités, y compris au travers d’innovations locales. Je pense par exemple aux motards, pour lesquels le Gouvernement n’avait pas imaginé d’obligations, mais qui font l’objet, dans certains territoires, de restrictions, sans que cela figure dans la loi ou dans ses textes d’application.

D’ici à 2025, vous l’avez dit, monsieur le sénateur Tabarot, quarante-trois agglomérations de plus de 150 000 habitants devront avoir mis en place une ZFE et le fameux décret ayant paru pendant les vacances de Noël ne fait qu’appliquer la loi Climat et résilience en précisant les conditions normales de dérogation, en effet suggérées par la Haute Assemblée. Cette mesure permettra aux agglomérations significativement au-dessous du seuil de demander une dérogation à la mise en place des ZFE. Sur les quarante-trois agglomérations, il y en a au moins une dizaine qui réunissent les critères leur permettant, si elles le souhaitent, d’obtenir cette dérogation.

Pour les agglomérations qui dépassent les seuils, le calendrier d’interdiction fixé dans la loi concerne, à partir du 1er janvier 2023, les véhicules relevant du Crit’Air 5 – les véhicules diesel de plus de 22 ans, soit 6 % du parc –, à partir du 1er janvier 2024, les véhicules relevant du Crit’Air 4 – les véhicules diesel de plus de 17 ans, soit 8 % du parc – et, à partir du 1er janvier 2025, les Crit’Air 3, qui comptent beaucoup de voitures diesel et quelques voitures à essence. Je le répète, toutes les accélérations de calendrier procèdent de décisions territoriales et ne sont en aucun cas liées à une décision que le Gouvernement aurait soutenue, accompagnée ou justifiée.

En elle-même, la ZFE ne vise pas à réduire le nombre de voitures, comme je l’entends parfois, elle vise à diminuer la circulation des modèles polluants. Que nous menions par ailleurs une politique de décarbonation des transports se traduisant par la diminution du nombre de véhicules thermiques, en particulier des voitures, au titre de la transition écologique, je l’assume pleinement, mais ce n’est pas à proprement parler le sujet de la ZFE.

Ce dispositif vise en effet au remplacement des moteurs, non à la diminution du parc. C’est ce qui explique les aides spécifiques liées à ces zones, telles que le bonus écologique, la prime à la conversion, le microcrédit ou le prêt à taux zéro…

M. François Bonhomme. Mais cela ne fonctionne pas !

M. Christophe Béchu, ministre. … et c’est ce qui expliquera le dispositif permettant, à compter du second semestre de cette année, via la réservation du leasing à 100 euros, de concrétiser la promesse de campagne du Président de la République.

À ceux qui nous ont reproché de ne pas aller plus vite, je veux opposer l’argument déjà évoqué de la souveraineté et des emplois : nous ne voulons pas mettre en œuvre une mesure de soutien massif à l’acquisition de véhicules électriques à faible prix tant que ceux-ci ne sont pas produits sur le sol européen. La cohérence de la planification écologique exige à la fois de pousser les constructeurs à construire des véhicules électriques sur notre sol et de garantir que nos aides soient orientées vers les filières européennes et françaises. La transition répond en effet à un enjeu climatique, mais ne doit se faire au détriment ni de notre souveraineté, ni du pouvoir d’achat, ni des recettes fiscales de notre pays, qui sont autant de leviers pour avancer.

Ainsi, il y a ce cadre et puis il y a le fait que les collectivités ont aujourd’hui à leur main un calendrier permettant, sauf si elles dépassent les seuils, de déterminer les modalités de mise en œuvre de la ZFE, les dérogations, les horaires, les jours, les dispositifs relatifs aux véhicules utilitaires légers des artisans ou les accompagnements logistiques. Tous ces sujets, y compris les modalités de contrôle, sont laissés à l’appréciation des collectivités, les recettes des contrôles étant d’ailleurs destinées à financer les frais de cette mise en œuvre pour les collectivités.

Il y a quelques semaines, quasiment dès mon arrivée, à la fin du mois d’octobre, j’ai pris l’initiative de réunir, pour la première fois, l’ensemble des agglomérations concernées, afin de constituer des groupes de concertation. La première réunion depuis le 22 octobre dernier aura lieu jeudi prochain et vise à mettre en place un groupe de concertation associant les maires et les patrons de ces territoires, pour proposer un certain nombre de mesures sociales et d’harmonisation. Je ne doute pas que nos échanges d’aujourd’hui nous permettront de ressortir d’ici avec quelques idées sur la manière d’améliorer ce dispositif. (MM. Bernard Buis, Joël Guerriau et Pierre Louault applaudissent.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) soulève un certain nombre de questions, notamment pour les personnes habitant dans les territoires situés autour de ces zones.

Dans les territoires peu denses, notamment dans les zones de montagne, souvent mal desservies par les transports en commun, il est impossible de renoncer à la voiture pour se déplacer et les habitants de ces territoires sont amenés à se rendre au sein des ZFE, que ce soit pour travailler, pour se soigner ou pour d’autres motifs.

En outre, cela a été rappelé à plusieurs reprises, nombre d’automobilistes n’ont pas les moyens de changer de véhicule, surtout dans le contexte actuel d’inflation. On garde rarement une vieille voiture polluante par plaisir. Mon collègue Philippe Tabarot l’a souligné, il serait injuste que ces personnes soient sanctionnées sans que leur soit proposée une solution de substitution crédible pour leurs déplacements, d’autant qu’ils font partie de ceux que vous appelez les plus fragiles.

Vous souhaitez que nous soyons constructifs et que nous proposions des idées. Une solution pourrait consister à conditionner l’activation de chaque ZFE au fait que l’agglomération considérée soit bien dotée en parkings relais à ses entrées et que ces parkings soient desservis par des transports en commun performants. Cette solution, déjà évoquée dans cette enceinte, permettrait en outre de traiter le problème récurrent de l’encombrement des entrées d’agglomération.

Je souhaite savoir si le Gouvernement compte proposer des aides financières aux collectivités pour ce type d’aménagements et si l’activation des ZFE pourrait être conditionnée à la présence de ces parkings relais.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur Savin, je partage cette idée cruciale : à aucun moment il ne faut donner à penser que la véritable raison d’être de cette mesure serait de limiter la mobilité de ceux qui vivent en milieu rural ou d’inciter ceux qui n’ont pas d’argent à ne pas se déplacer, sous prétexte que ce ne serait pas souhaitable.

Le risque existe que les zones à faibles émissions soient perçues comme le retour des octrois du Moyen Âge ou d’autres limitations semblables. J’entends ce qui se dit des ZFE et je ne considère pas comme une coïncidence le fait d’avoir à débattre après-demain, à l’Assemblée nationale, d’une proposition de suppression des ZFE dans le cadre de la niche du Rassemblement national ni le fait que la France insoumise ait demandé, la semaine dernière, la suspension de la mesure.

Je suis particulièrement attentif, depuis le premier jour, à placer au cœur de mes réflexions l’accompagnement solidaire de l’ensemble des habitants. Jean-Luc Moudenc a accepté d’animer, aux côtés de la vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, qui a mis en place une ZFE, un groupe de travail sur les mesures sociales à mettre en œuvre pour éviter les problèmes que vous décrivez.

Strasbourg est un exemple intéressant : la ville autorise son accès à toutes les motorisations vingt-quatre fois par an, indépendamment de la vignette, de manière à pallier le manque de disponibilité des véhicules autorisés et l’absence d’un marché de l’occasion assurant un reste à payer peu élevé.

La question des parkings relais est essentielle. Le fonds vert, que vous avez bien voulu adopter, consacre aux ZFE une enveloppe de 150 millions d’euros, comme Mme Lavarde a eu l’occasion de le souligner… (Mme Christine Lavarde sourit.) Dans ce cadre, les collectivités en dépassement de seuil toucheront 15 millions d’euros, celles établissant des ZFE sans dépassement obtiendront 6 millions d’euros et celles où des ZFE sont en projet percevront 1 million d’euros.

Ces fonds permettront de financer ou d’accompagner la nécessaire mise en place de parkings relais en entrée ou en sortie de ville, connectés à des transports en commun ou à d’autres types de mobilités.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse sur les crédits du fonds vert, mais il faut que l’État s’engage clairement auprès des collectivités. Ces dernières se voient dans l’obligation de mettre en œuvre la réglementation sans avoir les moyens de développer des modes de déplacement alternatifs à la voiture.

Tant que les collectivités n’auront pas mis en place de solutions de remplacement, les ZFE ne seront pas compatibles avec les territoires ruraux et de montagne. Elles entraîneront un vrai dysfonctionnement, une vraie séparation entre les collectivités, accentuant la rupture sociale. L’enjeu est important pour nos territoires. (M. Yves Bouloux approuve.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Ne regardons pas la carte de France des quarante-trois ZFE susceptibles de se déployer à terme comme si elles étaient pleinement effectives pour toutes les voitures, sauf les véhicules électriques.

La réalité du terrain est qu’une dizaine de territoires seulement ont commencé à les mettre en place et que celles-ci concernent essentiellement les Crit’Air 4 et 5. Nous sommes loin de ce que certains décrivent.

Nous en sommes encore au temps de la pédagogie et de la construction des outils d’accompagnement.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, garantir la qualité de l’air et protéger par là même notre santé est absolument essentiel, comme vous l’avez souligné. Cela implique de réduire nos émissions polluantes contribuant à la formation de particules fines.

Les réflexions que nous avons échangées dans cet hémicycle sur les zones à faibles émissions furent intenses, ce qui démontre la complexité et, surtout, la nécessité de trouver des solutions efficaces.

Depuis dix jours, une nouvelle étape est franchie avec l’entrée en vigueur des restrictions ou interdictions de circulation des véhicules Crit’Air 5 dans certaines zones. Quand pourrons-nous disposer des premiers retours d’expérience des métropoles mettant en place une zone à faibles émissions, comme en Loire-Atlantique, par exemple, département que vous connaissez bien ?

Je m’interroge plus largement sur le parc automobile français et ses évolutions. Je pense notamment à la décarbonation et à la fin de la vente de véhicules thermiques neufs prévue en 2035. La volonté de bien faire ne se heurte-t-elle pas aux réalités techniques et entrepreneuriales françaises ? Certaines études mettent en doute la consommation en carburant des véhicules hybrides rechargeables sur longue distance, dès lors qu’ils ont épuisé leur faible autonomie électrique.

Nous nous interrogeons également sur la capacité des constructeurs français à créer des voitures électriques compétitives.

Enfin, le maillage territorial des bornes de recharge électrique et des stations hydrogène est loin d’être suffisant. Quels sont les obstacles à son développement ? Quelles sont les prochaines étapes envisagées pour son déploiement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur Guerriau, je ne pense pas que les bornes de recharge soient le véritable sujet. Leur déploiement avance vite, conformément aux ambitions retenues par tous les acteurs.

On en dénombre actuellement 82 000, en augmentation de 53 % au cours des douze derniers mois. À ce rythme, nous atteindrons les 100 000 bornes ouvertes au public au cours du premier trimestre, voire du premier semestre en cas de léger ralentissement.

Nous en sommes même à 1,2 million en intégrant les points de recharge des entreprises et des parkings. De nouvelles obligations seront bientôt mises en place.

Le véritable enjeu est celui des bornes de recharge rapide pour la mobilité longue distance. Avoir la journée ou la nuit pour faire sa recharge est une chose, mais être capable de le faire au cours d’un trajet longue distance en est une autre.

L’année 2022 a consacré le lancement d’un appel à projets spécifique sur ces bornes de recharge très rapide, ce qui a permis de valider soixante-dix projets, allant de six à dix points de recharge ultrarapide, en ZFE. Le coût de ces installations ne représente qu’un tiers des 300 millions d’euros engagés dans le cadre de France 2030, sans même considérer les investissements privés susceptibles de voir le jour ailleurs.

Si ces points de recharge rapide retiennent notre vigilance, deux autres sujets essentiels touchent à l’industrie. Le premier concerne la prise de position de l’Europe sur la fin des moteurs thermiques ; le second consiste à s’assurer de l’absence de signaux contraires, afin que chacun comprenne que les efforts de recherche et développement doivent être consacrés au développement d’alternatives aux voitures thermiques. Il est indispensable de tenir ce cap en termes de discours et d’accompagnement.

Dans ce domaine, Français et Européens doivent sortir d’une sorte de naïveté. Au moment où le président Biden lance un plan qui, sous couvert de transition écologique, permet de subventionner ce qui se fabrique aux États-Unis, notre réflexion sur le soutien à l’électrification du parc automobile doit s’accompagner d’une forme de souveraineté, nationale ou européenne, en réservant une partie des aides à ce qui peut être produit sur notre territoire. C’est ce que je souhaite ; je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en reparler. (M. Joël Guerriau applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, vous avez raison d’insister sur l’essentiel : la pollution de l’air représente plus de 40 000 décès prématurés par an en France, 400 000 en Europe, et près de 500 à Strasbourg. Oui, les ZFE relèvent d’abord de l’écologie protectrice.

M. Daniel Breuiller. Exactement !

M. Jacques Fernique. Il est tout aussi essentiel de rappeler que les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) sont une réponse éprouvée en Europe, avec près de 270 zones effectives. Comme l’affirme à sa façon Bruno Bernard, à la métropole lyonnaise : « Ne pas faire un truc aussi simple qui existe dans [tant] d’autres villes européennes, c’est absurde ! »

Ce « truc » est en effet « simple », mais il suppose un engagement fort de l’État aux côtés des collectivités. Or l’implication de celui-ci ne peut être considérée comme étant à la hauteur. Vous parliez, voilà quelques instants, de défaut de pédagogie : nous avons besoin d’une forte campagne nationale valorisant l’intérêt des ZFE. Il faut s’attaquer à l’idée fausse selon laquelle l’instauration de ces zones relèverait de simples initiatives locales, disparates et hasardeuses.

Pour les aides dédiées aux modes de transport alternatifs et à l’acquisition de véhicules moins carbonés, nous avons besoin de clarté et de moyens à la hauteur : guichet unique, prêt à taux zéro garanti à 100 %… Strasbourg va incessamment décider d’abonder ses aides, déjà fortes, pour prendre en compte l’inflation. L’État doit se montrer à la hauteur.

Les ZFE seront un succès si un choc d’offre de transports collectifs vient répondre aux interdictions. Là aussi, l’État et la SNCF doivent être au rendez-vous. Depuis le 11 décembre, les Bas-Rhinois ne le ressentent pas ainsi : suppressions de trains, retards et fiasco, selon certains, du nouveau réseau express métropolitain, qui perd chaque jour en crédibilité. L’État doit peser sur la SNCF pour qu’elle réagisse rapidement.

Ce dernier n’a pas tenu son engagement d’assurer aux ZFE, en 2022, un système de contrôle-sanction automatisé. Il faut se reprendre vite et bien, en assurant le retour vers les collectivités concernées de l’essentiel du produit des amendes. Ainsi, Lyon attend un calendrier et des précisions pour l’affectation de ces recettes. Ne laissons pas se décrédibiliser nos ZFE en n’assurant pas le respect des règles nécessaires qu’elles instituent. (MMDaniel Breuiller et Gilbert-Luc Devinaz applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Pour répondre au premier point de votre question très complète, monsieur le sénateur, le deuxième trimestre de cette année sera le temps de la pédagogie et des campagnes d’information. Nous rappellerons, au travers d’une campagne nationale, la finalité des ZFE, leur objectif, leurs modalités et la valorisation des vignettes Crit’Air.

Pour le deuxième point, relatif à l’accompagnement et à l’aide de l’État, 2023 coïncide avec la mise en place du prêt à taux zéro. Il manque seulement la garantie de l’État, même si ce n’est qu’une question de jours, pour que ce système fonctionne et éviter ainsi de se retrouver confrontés à un défaut de bancarisation, malgré une mise en place théorique.

Nous avons relevé les plafonds d’aides, en faisant en sorte, tant pour la prime à la conversion que pour le bonus écologique, de les élargir à la moitié des Français – sans entrer dans les détails, ce sont globalement les cinq premiers déciles qui ont droit aux aides maximales…

La surprime ZFE de 1 000 euros constitue une nouveauté. Elle peut aller jusqu’à 3 000 euros à partir du moment où les collectivités locales apportent un coup de main. Il existe aussi un dispositif de microcrédit.

La plupart de ces aides ne sont pas éligibles seulement pour le neuf, mais aussi pour l’occasion. Une partie d’entre elles concerne également les véhicules thermiques Crit’Air 1 afin de tenir compte à la fois de la disponibilité des véhicules, pour ceux qui se plaindraient du reste à payer, et de la crédibilité de l’ensemble.

Le contrôle-sanction automatisé ne sera pas disponible avant le second semestre de l’année 2024 – je l’ai dit dès le mois d’octobre dernier aux collectivités concernées. Nous devons passer ce marché sur le plan national, avec l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai). Ce contrôle reposera a priori sur la lecture de plaques d’immatriculation, ce qui suppose de concevoir un marché, à la fois en termes de configuration, de sécurisation des données, de flux et de fléchage vers les collectivités locales, dans le cadre de l’Union des groupements d’achats publics (Ugap). Les collectivités pourront ainsi se saisir d’un projet sur étagère, à charge pour elles de déterminer le nombre des installations et une partie de leurs caractéristiques techniques.

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Mises en place depuis les années 1990 dans plusieurs pays européens, les ZFE ont été rendues obligatoires en France par deux lois récentes : celle du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et celle du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

En effet, le constat, que vous avez rappelé, est simple : l’air respiré dans les métropoles est néfaste pour la santé. Par conséquent, il est nécessaire de remplacer progressivement les véhicules les plus polluants par de plus écologiques et de faire appel à d’autres formes de mobilité, actives ou collectives, notamment avec le développement de lignes de covoiturage et de transports en commun repensés, allant des zones périurbaines aux agglomérations concernées.

Actuellement, onze métropoles ont rejoint le dispositif ; d’ici à 2025, les quarante-trois agglomérations de plus de 150 000 habitants de France métropolitaine, dont Brest, devront avoir créé leur ZFE et décidé du rythme d’interdiction des voitures en fonction de leurs vignettes Crit’Air.

Relever ce défi suppose une information claire, une coordination entre les différentes zones concernées ainsi qu’un éventail d’aides et de dispositifs dédiés à la réussite de cette politique. En ce sens, un référent interministériel sur les ZFE doit être nommé. De même, des groupes de travail doivent être mis en place, notamment sur l’harmonisation des règles des différentes ZFE pour les questions de transport et de logistique ou encore sur l’acceptabilité sociale. Le lancement, courant 2023, d’une campagne de communication à destination du grand public afin d’expliquer cette politique est également prévu.

Pourriez-vous nous préciser la composition de ces groupes de travail ainsi que leurs feuilles de route et leurs agendas ?

Pourriez-vous également revenir sur les différents dispositifs d’accompagnement des particuliers, des entreprises et des collectivités ? Quelles sont les aides à l’achat d’un véhicule à faibles émissions ? Parmi celles-ci, lesquelles rendront le « rétrofit », ou « rétrofitage », accessible au plus grand nombre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, deux groupes de travail, pilotés par la vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Mme Jean, et par le président de la métropole de Toulouse, M. Moudenc, vont être créés, conformément à la proposition de France urbaine.

Nous partageons tous l’idée qu’il n’est pas absurde que l’État demande aux élus locaux, lorsqu’il leur transfère une responsabilité, des explications sur la mise en œuvre du dispositif, sur les manques avérés et sur les manières de l’améliorer.

Ces deux groupes de travail se réuniront pour la première fois le 12 janvier, soit le jour de la nomination du coordinateur interministériel. L’objectif est de consacrer, tous les deux mois, un temps spécifique à divers sujets, en particulier l’harmonisation et l’accessibilité sociales. La fin des travaux est prévue pour juin prochain, afin d’apprécier les mesures à mettre en œuvre.

La question du niveau des aides et du type d’accompagnement dont les collectivités bénéficient, ou souhaiteraient bénéficier, sera au cœur des discussions.

En ce qui concerne les aides, vous pouvez prétendre à un prêt à taux zéro depuis le 1er janvier 2023 si vous vivez dans une ZFE. De surcroît, vous bénéficiez d’une surprime à la conversion.

En sus de ces deux dispositifs spécifiques aux ZFE, les aides classiques à l’électrification du parc valent également. Je pense à la prime à la conversion, d’un montant de 6 000 euros à la fois pour les deux premiers déciles et pour les cinq premiers déciles de la catégorie « gros rouleurs », de 4 000 euros pour les véhicules thermiques, de 1 000 euros pour les véhicules d’occasion.

Je pense également au bonus écologique, rehaussé à 7 000 euros pour les cinq premiers déciles. Une surprime est accordée aux habitants d’une commune ou d’une intercommunalité concernée par une ZFE ou à ceux qui travaillent dans une telle zone.

Je pense enfin au microcrédit, dans la limite de 8 000 euros, qui peut se cumuler avec les dispositifs que j’ai mentionnés.