M. le président. Il faut conclure !

M. Bruno Le Maire, ministre. La Première ministre et moi-même sommes prêts à mettre en œuvre ce volet de l’autonomie sur le véhicule électrique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, vous aviez déjà répondu à certaines des questions que vous avez posées. En octobre dernier, devant la Plateforme automobile, vous disiez qu’il ne fallait pas se laisser envahir et qu’il fallait réserver les aides aux véhicules produits en Europe, ce que vous a proposé le Sénat, avec un amendement diminuant de 500 millions d’euros les aides versées essentiellement aux industriels chinois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Vous ne l’avez pas retenu, alors que c’était une mesure de souveraineté qui améliorait notre déficit budgétaire ! C’est bien dommage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Jean-François Husson. Excellent !

tva pour la filière équine

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Pierre Vogel. Ma question s’adresse à Mme Olivia Grégoire.

La filière équine représente plus de 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 20 000 entreprises et 66 000 emplois directs. Présente dans 91 % des cantons, elle irrigue notre territoire, avec plus de 1 million de chevaux. L’équitation, c’est aussi 2 millions de pratiquants, dont 700 000 licenciés. Elle est la troisième fédération olympique, et il s’agit du premier sport féminin. Le monde du cheval, c’est, enfin, plus de 827 millions d’euros de recettes directes pour l’État grâce aux paris hippiques, et 295 millions d’euros par la TVA.

Alors que beaucoup de Français ont du mal à boucler leurs fins de mois, les activités équines ne sont pas un luxe, mais une force économique pour nos territoires ruraux et la passion d’un grand nombre de nos compatriotes.

Comme vous le savez, à la suite d’une décision de justice européenne, la filière se bat, depuis plus de dix ans, pour retrouver un taux de TVA conforme à son caractère agricole et lui permettant d’être compétitive.

Je rappelle qu’en Irlande, pays qui concurrence directement nos éleveurs, la TVA est de 4,1 %. Alors que le Sénat avait voté, lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, un amendement prévoyant un taux réduit pour la filière, et au lendemain de l’adoption du budget par le 49.3, la déception est grande. Le Président de la République avait pourtant obtenu, en 2022, la révision de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite directive TVA, pour permettre à la France de revenir au taux réduit antérieur. Il s’était engagé à le faire dès que possible.

Ma question est donc simple : madame la ministre, quand et par quel véhicule législatif le Gouvernement donnera-t-il à la filière équine un cadre fiscal garantissant sa pérennité et son développement, respectant ainsi sa parole ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Vogel, je vous remercie de votre question, qui est l’occasion pour moi de souligner la constance du Gouvernement sur le cadre fiscal de la filière équine. Cela a été rappelé lors des débats sur le PLF pour 2023 : la cohérence du système fiscal repose sur une application du taux réduit de TVA de 5,5 % réservée aux biens de première nécessité – denrées alimentaires, appareils et équipements pour les personnes handicapées, logement et nourriture dans les maisons de retraite.

Dans cette optique, généraliser le bénéfice du taux réduit de 5,5 % à toutes les ventes d’équidés et à l’ensemble des prestations qui leur sont liées ne serait pas justifié et poserait des difficultés d’équité à l’égard d’autres disciplines éducatives et sportives également dignes d’intérêt.

Le Gouvernement est attentif à la filière équestre, et il apporte un soutien significatif à ses différentes composantes. Je rappelle que l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) dispose d’un budget de 43 millions d’euros, ce qui témoigne de l’engagement constant et du respect de la parole donnée du Gouvernement.

Les échanges entre le Gouvernement et la filière sont approfondis et réguliers. Nous souhaitons qu’ils le demeurent, pour continuer à accompagner cette dernière dans le changement de doctrine européenne que vous avez mentionné, monsieur le sénateur, et, surtout, dans la valorisation des savoir-faire, des pratiques et des activités sportives et culturelles essentielles, sans oublier le tourisme équestre, qui compte un million de pratiquants et permet une découverte inédite du patrimoine de nos régions. Bercy se tient à votre disposition. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour la réplique.

M. Jean Pierre Vogel. Les dispositions actuelles sont insuffisantes, car le contexte économique défavorable et, surtout, la distorsion de concurrence entre pays en matière de TVA applicable à la filière équine provoquent l’annulation de courses en France faute de partants, entraînant des pertes de recettes pour le PMU, et donc pour la filière et pour le budget de l’État.

L’application d’un taux réduit de TVA conforme au caractère agricole de la filière est donc urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 18 janvier, à quinze heures.

Avant cette séance, nous réaliserons notre photographie officielle, qui n’avait pu être prise en 2020 en raison de la crise sanitaire. Aussi, je vous remercie d’être présents à quatorze heures vingt précises dans l’hémicycle, étant entendu qu’il ne sera plus possible ensuite d’y entrer par la suite.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Crise du système de santé

Débat d’actualité

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’actualité sur le thème : « La crise du système de santé ».

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.

Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous la souhaitons en masse le 1er janvier, nous trinquons, étrangement d’ailleurs, en son nom, et nous nous rendons compte encore plus de son importance depuis trois ans. Nous savons à quel point elle nous est précieuse : oui, la santé est et doit demeurer au cœur de nos politiques publiques, car elle est au cœur de nos vies.

Nous l’avons déjà dit, mais il faut toujours le répéter, et la triple épidémie à laquelle nous faisons face nous le rappelle : les professionnels de santé sont essentiels à notre pays.

Leur importance est connue de tous, mais le constat demeure alarmant : trop de Français sont sans médecin traitant, et trop de professionnels de santé sont surmenés face à un flot de patients qui ne baisse pas. Trop de nos concitoyens vont aux urgences faute d’accès à un médecin de garde, et trop de services d’urgences sont surchargés par ces arrivées qui ne devraient pas être nécessaires.

Face à cette situation inquiétante, je souhaite rappeler ici que de nombreuses mesures ont déjà été prises, dont les 19 milliards d’euros investis à travers le Ségur, avec des revalorisations allant de 180 à 400 euros par mois, l’augmentation du nombre de places ouvertes aux infirmiers et aux infirmières, la mission flash sur les urgences et soins non programmés – qui concerne pour partie les difficultés des services d’urgences –, le renforcement des champs de compétences de plusieurs de nos professionnels de santé, ou encore la montée en puissance du parcours d’infirmier en pratique avancée (IPA).

Ces mesures ont ainsi, pour un temps, pansé les plaies de notre système, mais les mouvements de grève nous montrent qu’il reste encore beaucoup à faire.

Plusieurs chantiers nous attendent. Je souhaiterais ici m’arrêter tout particulièrement sur celui de l’égal accès aux soins sur l’ensemble de notre territoire. Cela suppose de répondre à un double enjeu : permettre à chacun de nos concitoyens d’être soigné près de chez lui dès qu’il en ressent le besoin tout en répondant au surmenage de nos professionnels de santé – un travail d’équilibriste, j’en conviens.

C’est ce sujet même qui avait motivé la présentation d’un rapport, rédigé avec mon collègue Philippe Mouiller, intitulé Les collectivités à lépreuve des déserts médicaux : linnovation territoriale en action. Nous y avions proposé des pistes de réflexion pour améliorer l’accès aux soins dans les territoires avec le concours des collectivités territoriales, car elles sont évidemment centrales dans la mise en œuvre d’une politique de santé ambitieuse. Ainsi, leurs élus sont parmi les premiers à constater et à subir les inégalités géographiques dans l’accès aux soins.

En dépit des moyens limités dont elles disposent en matière de santé, les collectivités sont nombreuses à prendre des initiatives afin de répondre aux difficultés d’accès aux soins de leurs administrés : création de centres de santé ou de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), développement de la médecine ambulante et de la télémédecine. De fait, elles ne manquent pas d’imagination et de volonté pour apporter des solutions à ce problème.

Plusieurs mesures présentées par le Président de la République lors de ses vœux vont dans ce sens. Je pense ainsi à l’amélioration des conditions de vie de nos soignants, afin de renforcer l’attractivité de ces métiers dans tous nos territoires.

Je pense également à la suppression du plafond de 20 % pour les téléconsultations, car, sans être une solution universelle, ce nouveau mode de consultation est un outil indiscutable pour répondre à la pénurie de médecins, et notamment de spécialistes, dans certains de nos territoires.

Je pense enfin à l’engagement pris de permettre aux 600 000 patients atteints d’une maladie chronique d’avoir un médecin traitant attitré avant la fin de l’année.

Le Président a également annoncé vouloir travailler sur la question des rendez-vous non honorés. Je m’en félicite, car j’ai présenté des amendements allant dans ce sens lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le temps médical est précieux, et il n’est pas juste que certains de nos concitoyens le gâchent en ne respectant pas les rendez-vous pris.

Renforcer le temps médical de nos médecins implique aussi que l’on simplifie les différentes tâches administratives qui leur incombent ou encore qu’on leur apporte le soutien nécessaire.

Face à ces mesures, un enjeu d’importance perdure, et je sais qu’il concentre toute notre attention : la permanence des soins. Je crois profondément au rôle que pourront avoir les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) dans l’organisation de cette dernière. Je crois également que les professionnels de santé ont leur rôle à jouer à cet égard, en faisant en sorte de garantir à nos concitoyens, partout en France, un égal accès aux soins, chaque fois qu’ils en ont besoin.

Aucun Français ne devrait se sentir désemparé et seul lorsqu’il est question pour lui de préserver sa santé face à une pathologie ou à l’imprévu.

Des travaux sont en cours ; je pense évidemment aux nombreuses discussions qui ont pu avoir lieu au sein du Conseil national de la refondation en santé (CNR Santé) au niveau de nos territoires. Le dialogue, la coordination et la collaboration nous permettront de préparer les chantiers qui s’ouvrent à nous.

Madame la ministre, à la suite du CNR Santé et des concertations que j’ai évoquées, quelles sont les premières solutions que vous pourriez proposer pour assurer un égal accès aux soins, et plus particulièrement pour garantir la permanence des soins dans tous nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je tenais tout d’abord, à l’occasion de cette première réponse de l’année, à vous présenter mes meilleurs vœux et à vous souhaiter, comme vous l’avez fait, madame la sénatrice, une bonne santé. Ce serait en effet une très bonne chose si nous pouvions tous être en très bonne santé…

Répondre en deux minutes à la question fondamentale que vous venez de me poser me semble assez difficile, mais, puisque l’occasion me sera offerte de répondre à plusieurs autres questions, je vais tenter de le faire au fur et à mesure de ce débat.

Vous avez commencé votre propos en insistant sur la nécessaire coordination entre les collectivités, les soignants, les élus, les agences régionales de santé et l’État pour satisfaire les besoins de santé de nos concitoyens. Ainsi, nous avons vu pendant la crise sanitaire à quel point les collectivités ont su apporter l’aide nécessaire pour répondre à l’enjeu de la vaccination. Nous pensons que cette coordination est indispensable.

Je suis ministre chargée de l’organisation territoriale : lors de mes nombreux déplacements, je constate à quel point la volonté des élus locaux de participer à l’organisation des soins, de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens est forte.

Telle est d’ailleurs la nouvelle méthode souhaitée par le Président de la République : c’est avec les territoires et à partir des territoires, ensemble, que nous répondrons aux besoins de santé de nos concitoyens.

C’était aussi tout l’enjeu du Conseil national de la refondation : plus de trois cents réunions ont eu lieu, dont mon ministère est en train de faire la synthèse, puisque la dernière réunion s’est déroulée le 16 décembre dernier.

Le ministre François Braun et moi-même présenterons à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février le résultat de ces consultations, qui viendra compléter les propositions faites par le Président de la République vendredi dernier lors de ses vœux aux acteurs de la santé.

Nous parviendrons ensemble à répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, au travers à la fois de la refondation de l’hôpital et de celle de la médecine de ville, car l’un ne va pas sans l’autre. Il s’agit d’une absolue nécessité, et même si l’enjeu reste devant nous, ensemble, nous réussirons !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’imagine que, si le président et le bureau du Sénat nous ont invités à débattre d’un tel sujet aujourd’hui, c’est évidemment au regard de l’état actuel de notre système de santé.

Beaucoup de Français, beaucoup de nos compatriotes se demandent comment il est possible que, dans un pays qui consacre 55 % de ses moyens à la dépense publique, laquelle a augmenté de neuf points en vingt ans, la justice et les infrastructures ferroviaires soient dans un tel état, et que le système de santé, que nous croyions jusqu’il y a encore quelques années être le meilleur au monde, soit en train de s’effondrer, tant à l’hôpital qu’en ville.

Il faut leur fournir une réponse. Du reste, on se trompe en ne le faisant pas, car, sans cette réponse, on ne peut pas élaborer le cadre politique approprié pour agir.

À regarder de près cette dépense publique qui a progressé de neuf points en vingt ans, on s’aperçoit en fait que, ce qui s’est accru, ce sont les transferts vers les ménages et les entreprises : ils ont augmenté de dix points en vingt ans.

Le budget consacré aux services publics, quant à lui, a régressé. Et c’est là l’explication principale de l’état actuel de nos services publics : celui-ci ne représente plus qu’un tiers de la dépense publique.

Le secteur de la santé n’a que très partiellement échappé à cette évolution. Si sa part dans la dépense publique a bénéficié d’une hausse de 8 % depuis les années 1980, les plus de soixante ans, pour prendre cet exemple, cette population qui représente l’essentiel de la dépense, a quant à elle progressé de plus de 30 % dans le même temps. Nous consacrons donc, en 2022 et en 2023, moins de moyens à la santé que nous n’en consacrions à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

Intéressons-nous maintenant à la rémunération des professionnels, y compris ceux qui travaillent dans le privé – en effet, s’il y a des acteurs privés, le financement est, vous le savez très bien, essentiellement public – : sa part dans le PIB a baissé de 2 points depuis 1995.

Mes chers collègues, nous pourrons aborder tous les thèmes et engager tous les débats essentiels relatifs à la gouvernance et à la conception du système de santé, la répartition des tâches entre les uns et les autres, tous ces points qu’Alain Milon a d’ailleurs listés tout à l’heure en posant sa question d’actualité au Gouvernement, mais tant que nous resterons dans ce cadre général, nous ne ferons que gérer la pénurie.

La maison France sous-finance ses services publics depuis au moins vingt ans. Et cela n’a pas changé ces six dernières années ! Cela continue puisque nous avons adopté un budget de la sécurité sociale qui, pour la première fois depuis que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) existe, progressera moins que l’inflation. Ce sont des faits incontestables.

Malgré tout, il faut se pencher sur les différents chantiers en cours.

Aussi, j’ai entendu, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le chef de l’État.

Il y a six ans, j’étais comme un certain nombre d’entre vous à l’Élysée et j’avais applaudi à la fin du discours du Président consistant à présenter Ma santé 2022 et ses dix chantiers prioritaires.

Lors de ses vœux aux professionnels de santé la semaine dernière, j’ai constaté que les propositions du chef de l’État étaient restées les mêmes six ans plus tard : six ans de perdus !

La réforme de la tarification à l’activité, la T2A, figurait déjà dans Ma santé 2022. Elle est nécessaire, mais n’a toujours pas été menée. Et l’épidémie de covid-19 n’explique pas tout, loin de là !

Affirmer que la santé est une politique prioritaire de notre pays, que préserver le service public de santé revient à préserver un haut niveau de soins et un égal accès aux soins pour nos concitoyens constitue donc une nécessité politique. Ce n’est qu’ensuite, et ensuite seulement, que l’on pourra discuter des différents sujets et faire en sorte que cette discussion ne soit pas un simple instrument de gestion de la pénurie, mais permette d’impulser un nouvel élan à la politique de santé de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, pour tenter de répondre à votre question, je vais tout d’abord me permettre de vous rappeler deux chiffres : depuis 2017, le budget consacré à la santé a augmenté de 53 milliards d’euros, soit une hausse de 20 %, pour s’établir à plus de 240 milliards d’euros ; par ailleurs, cela fait deux projets de loi de financement de la sécurité sociale, deux années de suite donc, que nous ne faisons aucune économie sur le budget de l’hôpital.

Vous avez raison : l’enjeu est à la fois de faire en sorte que les moyens soient bien utilisés et orientés vers les bonnes personnes. Tel est le défi que nous avons à relever.

Notre objectif est de fidéliser les soignants, car nous savons très bien que, par exemple à l’hôpital, ce n’est pas parce que les moyens manquent que les lits ferment, mais parce qu’il n’y a pas assez de personnel.

Nous devons aussi rendre les métiers attractifs. Pour ce faire, nous avons notamment, chose que personne n’avait jamais faite, procédé à un rattrapage au niveau des salaires.

Vous l’avez souligné, le Ségur de la santé a contribué à une augmentation des rémunérations, dont une enveloppe de 12 milliards d’euros pour les soignants, et à débloquer 19 milliards d’euros pour les investissements.

En 2018, le Président de la République avait posé un diagnostic clair. Ce qu’il a établi vendredi dernier à Corbeil-Essonnes, ce n’est pas le diagnostic, mais la feuille de route : il a ainsi fixé un cap et un objectif ambitieux.

Enfin, monsieur le sénateur, si la réforme de la T2A n’a pas pu être menée à bien depuis le lancement du plan Ma santé 2022, c’est parce que – vous ne l’avez sans doute pas oublié –, entre-temps, nous avons fait face à une crise sanitaire et que les soignants et les personnels administratifs avaient vraisemblablement autre chose à faire qu’à réformer le système de financement de l’hôpital ! (M. Bernard Jomier hoche la tête en signe de désapprobation.)

M. Éric Jeansannetas. Trop facile !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, le Président de la République, lors de la présentation de ses vœux aux personnels de santé, a reconnu que notre système de santé connaissait une crise multifactorielle et qu’il fallait le réorganiser, mais ce sans moyens supplémentaires.

Ainsi, alors que l’hôpital est à l’agonie, que la médecine de ville est en grande difficulté, aucun financement exceptionnel ne sera dégagé par le Gouvernement.

Emmanuel Macron a acté l’épuisement des soignantes et des soignants, constaté que de nombreux patients n’ont plus de médecin traitant, déploré que de plus en plus d’étudiantes et d’étudiants infirmiers abandonnent leurs études en cours de route. Ce sont autant de problèmes que nous avons dénoncés dans cet hémicycle, sans que les ministres au banc les prennent en compte.

Et le président Macron continue dans la même veine en prescrivant les mêmes remèdes qui ont aggravé les maux de notre système de santé.

Pour répondre à la grogne des médecins libéraux, notamment à propos de la charge administrative excessive qui est la leur, il a promis de créer 10 000 postes d’assistants médicaux d’ici à la fin de 2024, sans pour autant instaurer de dispositif de régulation à l’installation. Il a également misé sur une forme de récompense pour celles et ceux qui accepteraient de prendre en charge davantage de nouveaux patients.

S’agissant des gardes de nuit et des week-ends, au lieu de revenir sur le décret Mattei qui, en 2002, a supprimé l’obligation pour tous les médecins d’y participer, il en est resté à des mesures d’incitation particulièrement inefficaces.

Je vous rappelle, madame la ministre, que notre groupe demande depuis des années le rétablissement de cette obligation pour les généralistes, ainsi que pour les spécialistes, d’assurer ces permanences.

Face aux nombreuses luttes en cours du côté des médecins libéraux et des personnels hospitaliers, aux alertes de plus en plus nombreuses en raison de la triple épidémie de covid-19, de bronchiolite et de grippe, qui renforce le désarroi et la colère des soignants, on aurait pu espérer que les réponses du Président changent radicalement la donne.

Or, alors que les différents personnels sont épuisés, que toutes et tous remettent en cause les conditions et la charge de travail, qui entraînent les départs en nombre de praticiens hospitaliers, ce seraient les 35 heures qui seraient à l’origine de la désorganisation de l’hôpital.

Mais pourquoi ne pas plutôt s’interroger, madame la ministre, sur la hausse du nombre d’embauches qui aurait dû accompagner cette baisse du temps de travail ? Pensez-vous motiver les équipes, au bout du rouleau, en leur demandant de gérer la pénurie de personnels ?

Les revendications sont sur la table depuis longtemps : revalorisation des carrières et augmentation des traitements indiciaires de la fonction publique, moratoire sur les fermetures de services, d’établissements, ainsi que sur les suppressions de lits. Depuis 2017, 21 000 lits d’hospitalisation ont été supprimés, soit 5 % des capacités d’accueil !

Mais, surtout, il y a urgence à mettre en place un plan de recrutement dans le service public hospitalier, en créant 100 000 emplois, comme le demandent les syndicats et les collectifs de défense de l’hôpital.

Parallèlement, il faut revenir sur Parcoursup, supprimer le numerus apertus et accroître les capacités de formation des universités.

En outre, pour mieux articuler soins hospitaliers et soins de ville, il convient de développer des centres de santé partout en France, en veillant à leur attribuer les moyens nécessaires.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce qui ressort des nombreuses auditions que la commission des affaires sociales a conduites, c’est la déshumanisation de l’hôpital et l’hérésie d’un « hôpital-entreprise ».

Aussi, pour redonner de l’attractivité à l’hôpital, il faut « redonner de la bientraitance institutionnelle », comme le souligne le docteur Gérald Kierzek, médecin urgentiste.

Cela passe, outre l’amélioration des conditions de travail que j’ai déjà mentionnée, par la mise en œuvre de la démocratie sanitaire.

Ainsi, la création d’un tandem administratif et médical est une mesure positive qui répond à une demande très forte des soignants hospitaliers. Il faudra l’accompagner d’autres mesures, comme la suppression des pôles au profit des services, le retour d’un conseil d’administration qui garantisse une meilleure représentation des personnels, des élus, ainsi que des usagers, et qui soit doté d’un droit de veto sur le budget et le projet d’établissement.

Alors, bien sûr, il faut rompre avec la T2A. Mais l’essentiel est d’arrêter de faire voter un budget de la sécurité sociale insuffisant chaque année, car nous en subissons les conséquences au travers de la dégradation quotidienne de l’offre de soins pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire.

En conclusion, madame la ministre, ma question est simple : allez-vous enfin garantir un financement de l’assurance maladie à la hauteur des besoins, et donc augmenter les recettes au lieu de réduire les dépenses, ce qui met à mal l’hôpital et la médecine de ville ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)