M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte a changé de nature. Il traduit maintenant le programme politique des Républicains, avec le consentement du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Un programme qu’ils auraient dû lancer lorsqu’ils étaient au pouvoir pour disposer de nouveaux réacteurs opérationnels aujourd’hui ! Si tant est que l’EPR démarre un jour…

« Ce projet de loi n’est pas une loi de programmation », avez-vous insisté madame la ministre, tout au long du parcours de ce texte au Sénat. Il n’était pas censé préempter les décisions qui seraient prises sur l’avenir du mix énergétique français.

Pourtant, au détour d’un amendement, dont l’objet très vague tendait à la diversification du mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables (EnR), vous avez acté, in fine, le renoncement à l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Nous regrettons profondément ce recul conséquent et grave pour l’avenir énergétique de notre pays.

Le nucléaire demande une stabilité à toute épreuve, alors que le monde vit, et vivra, des décennies de grandes turbulences, climatiques et géopolitiques.

Ce choix dogmatique nous engage de manière irréversible pour le siècle à venir, au mépris du processus démocratique et des concertations en cours, alors qu’il est crucial que les citoyens décident eux-mêmes de leur avenir s’agissant de cet enjeu majeur.

D’ailleurs, le président de la commission particulière en charge de l’animation du débat public sur le projet de construction de deux réacteurs nucléaires EPR 2 sur le site de Penly, Michel Badré, et la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno – une démocrate –, se désolent également de ce procédé complètement antidémocratique, qui revient à « considérer comme sans intérêt […] les interrogations, les remarques et les propositions faites » par nos concitoyens. Cela a l’air de contenter certains…

La suppression de l’objectif de 50 %, remplacé par la définition d’une part de nucléaire dans la production électrique fixée à plus de 50 % à l’horizon 2050, a modifié le code de l’énergie. Nous passons ainsi du principe d’un plafond à celui d’un plancher, ce qui change tout !

Ce changement de paradigme nous engage dans un avenir particulièrement incertain.

Cette mesure s’accompagne d’une palette de dispositifs en faveur d’une relance maximaliste du nucléaire, sans la moindre nuance : suppression du plafond de 63,2 gigawatts de capacité nucléaire installée ; révision du décret prévoyant la fermeture de douze réacteurs, en plus de celui de Fessenheim ; prolongation de la durée d’application du texte, initialement prévue jusqu’à 2038, jusqu’à 2050 ; qualification de projets d’intérêt général, par un décret en Conseil d’État, des projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires ; ou encore, durcissement des peines sanctionnant les intrusions au sein de centrales nucléaires.

Plutôt que de renforcer la sécurité des centrales, on préfère s’en prendre aux lanceurs d’alerte ! Les militants de Greenpeace, à travers ces actions, dénoncent justement les problèmes de sécurité des sites nucléaires.

M. Daniel Salmon. Casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre du malade !

En résumé, des mesures situées strictement à l’opposé de nos recommandations. Rappelons les objectifs de ce texte : un projet de loi visant à gagner du temps en simplifiant les procédures administratives – jusqu’à cinquante-six mois, dites-vous –, même si le Conseil d’État, lui-même, n’est pas véritablement d’accord.

Or, encore une fois, ce ne sont pas les procédures environnementales qui ont fait prendre du retard à la filière. Le problème du nucléaire est bien plus profond et relève notamment d’un problème de compétences, mis en évidence par le fiasco de l’EPR de Flamanville.

Clairement, nous ne cernons toujours pas l’intérêt de ce texte face à l’urgence climatique. En effet, avec de premiers réacteurs opérationnels en 2040, il sera déjà bien trop tard ! Prendre des mesures pour gagner quelques mois ne sert absolument à rien.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne cesse de marteler que les principaux investissements dans la transition énergétique doivent être réalisés dans les dix ans.

Pourquoi n’entendez-vous toujours pas cet argument rationnel et scientifique ?

Nous avançons à l’aveugle s’agissant de ce choix de construire plusieurs EPR, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements. Cet argent, nous en avons besoin, maintenant, pour développer les installations d’énergies renouvelables et pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique, afin d’agir concrètement pour la planète et pour améliorer le portefeuille des Français.

Les énergies renouvelables deviennent très compétitives, et cela en incluant le coût des capacités de flexibilité et de stockage. Chaque année, elles deviennent moins chères. À l’inverse, le nucléaire devient, quant à lui, de plus en plus coûteux, sans parler des dettes laissées aux générations futures, en termes de déchets et de démantèlement. L’avenir n’est pas dans les paris technologiques qui risquent de mettre gravement à mal notre économie.

Si quelques apports positifs sont adoptés, ils demeurent très à la marge. Nous notons, tout de même, à l’article 9 bis, l’ajout du rapporteur en faveur d’une meilleure intégration de la cybersécurité dans la sécurité nucléaire et d’une meilleure prise en compte de la résilience des réacteurs au changement climatique, lors de la demande d’autorisation de création et du réexamen décennal.

Cependant, le risque de l’étude de vulnérabilité ainsi prévue est qu’elle ne porte que sur un temps très court et ne prend pas en compte l’échelle de vie du réacteur.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), elle-même, estime que le pas décennal n’est pas adapté à l’anticipation des effets du réchauffement climatique. Il faut se projeter jusqu’à la fin du siècle.

Seul réel motif de satisfaction : l’unique amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires adopté, tendant à renforcer notre sécurité collective, en empêchant la construction de nouvelles centrales nucléaires sur des zones littorales vulnérables aux inondations. Cette mesure de bon sens doit être absolument maintenue !

La problématique de l’eau a des effets aussi bien sur les anciennes centrales que sur le nouveau nucléaire. Le risque d’inondation ou de submersion marine comme la baisse d’étiage des fleuves dans les années à venir, largement démontrés par plusieurs rapports, sont des sujets centraux pour la sûreté et pour la protection des milieux naturels. Ce texte n’anticipe pas suffisamment ces problèmes qui se poseront de plus en plus. Nous constaterons alors que le nucléaire est de plus en plus intermittent.

Pour conclure, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose tant à l’objectif qu’aux modalités de ce texte, largement aggravé par son passage au Sénat : la modification de notre mix énergétique, et donc de notre PPE, s’ajoute au détricotage du code de l’urbanisme et du droit de l’environnement, pour de nouveaux réacteurs dont le Parlement n’a pas même encore validé le principe.

Nous sommes clairement en Absurdie et sommes atterrés par tant de dogmatisme et d’aveuglement.

En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte, qui reléguera encore davantage au second plan l’indispensable déploiement des énergies renouvelables et les investissements dans la rénovation thermique, seuls capables de répondre aux enjeux climatiques et de souveraineté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 18 janvier, dans la nuit de mardi à mercredi, après un peu plus de sept heures de débats, nous avons achevé l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles centrales nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

Certains collègues ont considéré que ces débats n’étaient pas assez nourris. Pourtant, ces échanges ont surtout révélé une certaine convergence de vues entre nous sur ce texte, première pierre d’un immense chantier pour la relance du nucléaire en France.

Cependant, ce projet de loi de simplification des procédures est technique – très technique – ce qui a limité l’inflation d’amendements et ce qui devait, a priori, éviter de longs débats de fond portant sur ce que nous voulons en matière de mix énergétique ; débats que nous aurions dû avoir et que nous aurons l’été prochain lors de l’examen du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. J’y reviendrai.

Alors, que retenir du projet de loi à la suite de son examen par le Sénat ? Quelques désaccords sur le fond, qui risquent d’amoindrir la portée des articles, et une véritable divergence s’agissant de l’angle programmatique ajouté.

C’est donc sans sourciller que la majorité sénatoriale supprime l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035, tout en imposant la révision du décret prévoyant la fermeture de douze réacteurs.

C’est sans trembler que la majorité sénatoriale supprime le plafond autorisé d’électricité nucléaire, fixé à 63,2 gigawatts, dans le code de l’énergie.

Mes chers collègues, la question n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre la relance du nucléaire. À titre personnel, j’y suis très favorable. Au fond, il me semble qu’il s’agit plutôt de comprendre pourquoi vouloir balayer d’un revers de main les consultations en cours. Peut-être par impatience, afin de marquer un positionnement assumé, profitant ainsi de ce véhicule législatif pour envoyer un signal fort.

Reconnaissons que, soucieux d’écouter la majorité sénatoriale, le Gouvernement a fait un geste en défendant un amendement visant à un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ; un amendement d’appel qui ne précise en rien le rapport de cet équilibre.

En effet, une fois encore, ce projet de loi n’est pas un texte programmatique ; l’équilibre de ce mix énergétique n’est pas – et ne sera pas – l’objet de ce texte d’accélération des procédures.

Deux consultations publiques sont en cours. L’une, menée par le Gouvernement, dans le cadre d’une vaste consultation publique, s’est achevée le 18 janvier et compte, à ce jour, 31 355 contributions.

Cette concertation s’est poursuivie sous la forme d’un forum des jeunesses à Paris, réunissant 200 jeunes, âgés de 18 à 35 ans, sélectionnés par tirage au sort dans toute la France.

L’autre consultation, animée par la Commission nationale du débat public, doit débattre de l’avenir du nucléaire de demain. Elle a débuté le 27 octobre et doit se poursuivre jusqu’au 27 février prochain.

Ne pas attendre la fin de ces consultations n’est respectueux ni des contributions ni des citoyens, qui ont légitimement cru que leurs paroles pouvaient être prises en compte avant la tenue du débat parlementaire.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas exact !

M. Bernard Buis. D’ailleurs, sur ce point, la CNDP a été très claire, en considérant que cette anticipation de la programmation pluriannuelle de l’énergie revenait « à considérer comme sans intérêt les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours pour définir la stratégie énergétique ».

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Buis. Nous attendons de la navette parlementaire qu’elle revienne sur ces dispositions, afin de respecter ce temps démocratique nécessaire à l’acceptation de notre nouvelle stratégie énergétique.

Aussi regrettons-nous que le Sénat ait mis un peu de plomb dans l’aile aux objectifs de simplification du texte.

Je pense, par exemple, à l’article 3 concernant la dispense d’autorisation d’urbanisme. Les précisions apportées au décret en Conseil d’État créent désormais quasiment un nouveau régime d’autorisation contre-productif.

Je pense à l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, dans le cadre de la délivrance de l’autorisation environnementale, dont l’apport semble peu pertinent pour les aspects préparatoires au chantier.

Je pense aux dispositions visant à soumettre à autorisation les ouvrages de raccordement. Ces procédures retarderaient l’autorisation de nouvelles installations électronucléaires.

Finalement, ce sont dix points d’alerte, susceptibles d’être contraires aux objectifs de simplification de la loi, que nous avons signalés à la majorité sénatoriale, avec pour résultat, le rejet de dix amendements. Nous en prenons acte. Nous espérons, là encore, que l’Assemblée nationale sera plus réceptive à nos contributions.

Ces remarques étant faites, nous voterons toutefois, en responsabilité, le texte émanant du Sénat, car nous partageons plus d’objectifs que nous n’avons de divergences. Notre groupe souhaite reprendre la grande aventure du nucléaire civil, objectif partagé par beaucoup d’entre vous.

Ce sera d’abord Penly en Seine-Maritime, pour une première mise en service envisagée entre 2035 et 2037, puis Gravelines, et ensuite, dans la vallée du Rhône. À ce sujet, je réaffirme mon souhait d’accueillir de nouveaux EPR à Tricastin, où tout un bassin d’emploi est prêt à se retrousser les manches pour participer à cette nouvelle aventure nucléaire.

Nous en prenons conscience, les besoins en main-d’œuvre qualifiée sont immenses pour rénover le parc existant comme pour mener à bien les projets de nouveaux réacteurs. Il est question de recruter, de 2023 à 2030, 10 000 à 15 000 personnes minimum par an, au lieu des 5 000 personnes embauchées chaque année entre 2019 et 2022.

S’agissant des ressources humaines, l’enjeu est considérable. Depuis 2020, 200 millions d’euros ont été consacrés à la formation dans cette filière.

Dans notre région, nous anticipons aussi ces bouleversements. Un centre de formation aux métiers du nucléaire ouvrira ses portes en septembre 2023 à la Voulte-sur-Rhône, en Ardèche, en bordure de la Drôme. Je fais ici un clin d’œil à mes collègues ardéchois, Mathieu Darnaud et Anne Ventalon.

Ce centre devrait accueillir quatre-vingts élèves chaque année. Il leur permettra de se former aux différents métiers dont a besoin l’industrie nucléaire, comme la chaudronnerie, la soudure, l’usinage ou encore l’électricité. Un centre de formation d’autant plus nécessaire que ces métiers de techniciens et d’opérateurs ne sont pas suffisamment pourvus dans la filière, contrairement aux postes d’ingénieurs.

Pour conclure mes chers collègues, en attendant de nous exprimer sur notre trajectoire énergétique, ce projet de loi sera essentiel pour accélérer, actualiser et dépoussiérer des procédures qui, pour certaines d’entre elles, datent de cinquante ans.

Alors, mes chers collègues, votons ce projet de loi, rien que ce projet de loi, tout ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Fabien Gay applaudissent également.)

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je voudrais ici rappeler le contexte et les objectifs qui étaient les nôtres lors de la discussion de ce texte visant à accélérer la construction d’installations nucléaires sur des sites existants ou à leur proximité.

Le contexte, c’est celui de cinq années de désintérêt, de tergiversations au plus haut niveau de l’État, débouchant en février 2022 sur une décision de commande ferme de six EPR 2 et de mise à l’étude de huit unités supplémentaires, avec l’espoir d’une hypothétique mise en service, dans le meilleur des cas, en 2035, et sans avoir lancé de débat ou de consultation, un tant soit peu démocratiques, avec les premiers concernés : nos compatriotes.

Pendant des années, nous avons sollicité, sans cesse, les gouvernements, les uns après les autres, afin d’engager ce débat avec les Français et, au Parlement, avec vous.

Nous vous avons interpellée, madame la ministre, au sujet de la nécessité de prendre le temps d’avoir un débat approfondi sur le mix énergétique, qui doit évoluer au regard de l’indispensable sortie des énergies fossiles.

Sans cesse, nous avons rappelé la situation alarmante d’EDF et attiré l’attention sur la crise de l’énergie que nous voyions se développer bien avant la crise géopolitique européenne actuelle.

S’agissant des objectifs, quelle organisation adoptée pour l’énergéticien français, qui sera bientôt, peut-être, 100 % public ? Après le projet Hercule rebaptisé Grand EDF, nous n’avons toujours aucun échange, sur le fond, avec vous, qui représentez l’État.

Dans le cadre de quelle stratégie sommes-nous ? Avec quels moyens financiers ? Pour servir quels objectifs de souveraineté industrielle, dans l’intérêt premier des consommateurs aussi bien particuliers, professionnels qu’industriels ? Sur la base de quelles propositions françaises de réforme du marché européen ? Un marché qui a démontré son inadéquation avec les intérêts stratégiques des États membres et de l’Union européenne.

Lors de la discussion générale, j’indiquais que nous ne voulions pas que ce projet de loi soit le prétexte à la tenue d’un pseudo-débat d’affichage sur une partie, fût-elle importante, du mix énergétique dont la France a besoin, de toute urgence, pour répondre aux enjeux climatiques.

Sans débat de fond entre nous, portant sur ce que pourrait ou devrait être le mix énergétique, la majorité sénatoriale a élargi le périmètre du projet de loi initialement consacré à la simplification des procédures de délivrance des autorisations.

Nous nous sommes opposés à ce changement de périmètre. Pourquoi ? Parce que ce débat ne peut pas être traité à la légère, au Parlement, au détour – et en quelques heures de discussion – d’un texte qui ne lui est pas entièrement consacré et qui n’a pas été préparé dans ce but.

À tout le moins, convenez-en, une solide étude d’impact, s’appuyant notamment sur les études robustes de Réseau de transport d’électricité (RTE) ou de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), est nécessaire.

Or s’agissant du seuil des 50 % comme de celui des 63,2 gigawatts, nous n’avons rien ! Nous ne sommes plus dans les années 1960 ou 1970 ; ce débat intéresse et concerne l’ensemble des Français !

En outre, comme le prévoit la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, les Français ont à connaître et doivent pouvoir discuter des politiques énergétiques comme climatiques qui conditionneront la durabilité, si ce n’est la viabilité, du monde de demain.

A contrario du trop peu de considération – c’est un euphémisme – accordée à la Convention citoyenne pour le climat, nous devons respecter les débats en cours, animés par la CNDP, portant sur l’avenir énergétique du pays et sur la composition de notre futur mix énergétique, ainsi que les consultations sur les nouveaux EPR 2.

Respecter la dimension consultative ou participative de notre démocratie ne nous permet pas d’anticiper le contenu de la future loi quinquennale, examinée par le Parlement en 2023.

Le mix devra résulter d’un optimum combinant les différents modes de production disponibles, tout en tenant compte de leurs divers effets spécifiques. Nous n’écartons a priori aucun moyen de production décarboné.

Dans une perspective d’emplois et de souveraineté nationale, nous devrons nous donner l’objectif de disposer de filières industrielles implantées dans nos territoires. La formation et la reconnaissance des métiers devront être notre priorité ; cela pour chaque mode de production.

Sur le plan technique, les possibilités de prolongation des réacteurs pèseront lourdement sur le mix retenu. Elles ne sont actuellement pas connues ; l’ASN ne les a pas encore instruites.

Au moment où nous parlons, de nombreuses incertitudes technologiques restent aussi à lever.

En considérant ces différents aspects, soyons réalistes et rationnels afin d’adopter une position politique éclairée, dont les effets seront majeurs à long terme. C’est la position de principe du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Quant au débat, l’ensemble de nos amendements tendant au rétablissement du périmètre initial ont été rejetés.

Nous avons aussi voulu porter le débat sur des points de vigilance qui méritent l’attention. Il s’agit de ceux qui sont relatifs à la nécessaire prise en compte des aléas climatiques extrêmes – ressource en eau, trait de côte, inondations, etc. –, autant de sujets qui, avec d’autres, conditionneront la performance et la sécurité du parc de production nucléaire dans les décennies à venir.

Sur ce point, notre groupe a obtenu que soient confortés les moyens humains de l’ASN et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour maîtriser à la fois l’emploi du nucléaire et les nouvelles contraintes liées aux changements climatiques, nécessitant des expertises supplémentaires.

Enfin, à propos des conséquences des procédures dérogatoires instaurées par ce texte, je soulignerai deux avancées issues de nos propositions.

La première, c’est le renforcement du dialogue avec les exécutifs locaux en amont de la mise en œuvre des procédures dérogatoires de mise en compatibilité des documents d’urbanisme.

La deuxième, c’est la possibilité de s’assurer que la consultation du public se déroulera dans les meilleures conditions possible pour tous les citoyens, notamment en offrant la possibilité de consulter à la mairie un dossier imprimé.

En définitive, le texte soumis à notre vote est hybride : d’un côté, il détaille diverses procédures ; de l’autre, il aborde, sans la traiter correctement – il s’en faut ! –, la question centrale du mix énergétique.

Enfin, sa portée, pour être réelle et utile, est à relativiser. Ce texte permettra de gagner une année, deux au mieux, alors que le pays en a perdu cinq pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus.

En conséquence, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra.

Madame la ministre, nous vous demandons d’engager sans tarder le processus de révision du mix énergétique national, en travaillant dès maintenant de façon approfondie avec le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dès l’ouverture de la discussion générale sur ce texte, nous avons émis un certain nombre de réserves.

Nos réserves sont d’abord de forme : nous regrettons, madame la ministre, que rien ne change dans votre méthode.

Le constat est clair : nous vivons une crise sans précédent, qui exige une réponse globale.

Aujourd’hui, c’est le système concurrentiel qui s’effondre. Il n’a d’ailleurs jamais tenu par lui-même, puisqu’il a toujours fallu intervenir pour faire émerger un semblant de concurrence.

Et quelle concurrence ! Les fournisseurs alternatifs sont dopés aux aides d’État indirectes et propulsés par l’assèchement organisé de l’opérateur historique, EDF. Au sein du marché européen de l’électricité, les traders et la spéculation se sont invités, la fraude est massive. Les valeurs marchandes n’ont pas de réalité concrète, les échanges sont sans stock et les factures sans lien avec les mix électriques nationaux.

C’est un fiasco pour les usagers, pour l’innovation, pour l’investissement et pour le développement des énergies décarbonées !

Cette situation, personne ne peut l’ignorer tant la crise l’a rendue visible ; les collectivités, les entreprises, les artisans, les commerçants, les particuliers, nul n’est épargné.

Mais un choc n’est jamais une fatalité. Lorsque l’on prend la mesure de ce qui se produit et que l’on accepte qu’il faille changer de logiciel, alors il est possible de rebâtir quelque chose, pour régler le problème efficacement et durablement.

Ce n’est toutefois pas l’approche que vous avez retenue, madame la ministre.

Vous continuez de penser qu’il est possible de traiter partiellement les enjeux relatifs au secteur de l’énergie, texte après texte, projet de loi après projet de loi, sans remettre en question le cadre global.

Ce n’est pas possible ! L’ensemble des groupes de notre assemblée vous l’a dit, du reste ; les sensibilités politiques sont loin d’être les mêmes, mais tous vous ont reproché la méthode avec laquelle vous avez abordé le sujet.

Près de six mois avant la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, vous nous présentez un texte visant à réduire les délais administratifs propres au nucléaire. C’est en réalité symptomatique du rôle du Parlement aux yeux de votre gouvernement. Selon vous, c’est une chambre d’enregistrement où vous faites voter des textes parce que la Constitution vous y oblige. Le débat, cela ne vous intéresse pas ! D’ailleurs, pour vous, le mieux serait de ne pas amender.

Madame la ministre, la filière nucléaire a souffert non pas des délais administratifs, mais des atermoiements des gouvernements successifs et de la volonté de mettre fin à cette filière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Quant à nous, communistes, nous soutenons le développement du nucléaire comme celui des énergies renouvelables, mais à deux conditions : démocratie et sécurité.

Faire voter un texte alors que le débat public sur le nucléaire n’est pas fini, ce n’est pas sérieux !

Pis, la réduction des délais administratifs risque de provoquer colère et incompréhension, alors que ces projets de réacteurs vont s’étendre sur un siècle. Il faut prendre le temps de la concertation et de l’acceptabilité.

Vous pourriez rencontrer un autre problème, madame la ministre, dans l’hypothèse où le Parlement déciderait de retenir dans la PPE le scénario du mix 100 % renouvelable établi par RTE. Tel n’est pas notre souhait, mais imaginons… Nous aurions passé du temps à bavarder pour rien !

D’ailleurs, vous avez passé huit des onze minutes de votre intervention générale, au début de l’examen du texte, à nous expliquer ce dont il ne fallait pas parler, à savoir l’essentiel et l’important. À vous en croire, pour ce projet de loi, il aurait fallu s’en tenir au secondaire et au superficiel.

Madame la ministre, si l’on ose amender, ou si votre gouvernement se trouve minoritaire au Parlement, alors il répond par la procédure accélérée, par le « 49.3 » à l’Assemblée nationale ou, comme c’est actuellement le cas pour la réforme des retraites, par l’article 47-1 de la Constitution.

Venons-en maintenant au fond. Le financement du nucléaire ? Il est interdit d’en parler ! Pourtant, c’est une chose de modifier un article du code de l’urbanisme, c’en est une autre de savoir comment financer huit nouveaux EPR, qui coûtent plusieurs dizaines de milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Avec EDF, nous aurions une maîtrise publique via un groupe renationalisé, mais nous voulons d’abord savoir quelle sera la nouvelle architecture du groupe. Là aussi, il est interdit d’en parler ; cela ne serait pas à l’ordre du jour !

Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que les parlementaires, sur toutes ces travées, sont en droit de s’interroger sur les capacités d’investissement d’un groupe qui a déjà 60 milliards d’euros de dettes, dont une large part est due à l’Arenh. Mais non : passez votre chemin, le Gouvernement s’occupe de tout…

Et quelle sera la régulation de ce nouveau nucléaire après 2025, avec l’Arenh 2.0 ? Là encore, il est interdit d’en parler ! Vous nous objectez que les négociations ont commencé, mais nous ne savons même pas avec qui !

Pourtant, c’est un sujet sur lequel il est impensable de faire l’économie d’une réflexion, tant ce système est absurde et insupportable.

Aussi, je poserai trois questions. D’abord, allez-vous continuer de ruiner EDF avec un système comme l’Arenh ? (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Comptez-vous nous faire voter pour la construction d’installations nucléaires qu’EDF n’aura pas les moyens d’entretenir ? Le service public va-t-il continuellement être racketté au profit d’acteurs alternatifs privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)