M. Daniel Salmon. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Nous ne souhaitions pas cette expérimentation, pour les raisons que nous avons déjà évoquées ou que d’autres ont exposées.

Comme Pierre Ouzoulias et moi-même avons eu l’occasion de le dire en commission des lois, si c’était un sénateur qui avait proposé de prolonger l’expérimentation un an ou deux après les JO, son amendement aurait été déclaré irrecevable.

Pour nous, c’est cet article qui est irrecevable ! C’est un vrai cavalier, puisque vous voulez changer un certain nombre de nos règles de droit en matière de sécurité lors de l’examen d’un projet de loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques.

Le résultat, outre un changement de paradigme, sera très clair : dans quelques années, aucune ville, aucun pays du monde, sauf les dictatures, ne sera capable d’organiser des jeux Olympiques !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. La question du traitement des mouvements de foule dans l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques est au cœur des préoccupations du Gouvernement. L’article 7 y répond. (M. Guy Benarroche sexclame.)

Comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure, et c’est pour cela que je m’en suis remise à son avis, l’expérimentation vise, d’une part, à recueillir le maximum de données pour pouvoir faire une évaluation – à ce propos, je rappelle que le rapport sera remis six mois avant la fin de la période expérimentale – et, d’autre part, à avoir le terrain le plus large possible. C’est la raison pour laquelle on parle exclusivement des grands événements. Dans ces conditions, pour aboutir à une évaluation pertinente, il faut évidemment une durée suffisante.

L’élargissement aux manifestations culturelles et récréatives répond, quant à lui, à une demande du Conseil d’État, qui, pour permettre l’évaluation la plus claire possible, a souhaité ne pas se limiter aux manifestations sportives, comme cela avait été initialement proposé par le Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Requier, Roux et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

par leur

insérer les mots :

caractère exceptionnel ainsi que leur

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Le mécanisme que nous examinons ici n’a rien d’anodin, puisqu’il s’agit d’autoriser l’utilisation de traitements algorithmiques en matière de vidéosurveillance.

Les bouleversements qu’introduit une telle expérimentation ont déjà été soulignés. D’ailleurs, la commission des lois en a conscience, puisque le texte qu’elle nous présente a déjà intégré des mécanismes de contrôle supplémentaires.

Dans cette perspective, nous nous permettons de rappeler la prise de position de la Cnil, selon laquelle les « conditions d’application à cette nouvelle technologie des règles relatives à la protection des données et des principes protégeant les droits fondamentaux sont, en partie, incertaines ou à construire ». Aussi, face aux incertitudes, nous croyons que le dispositif doit être strictement limité et encadré.

L’article 7 introduit deux conditions retenues alternativement, pour que le dispositif puisse être engagé : l’ampleur ou les circonstances de l’événement. Cependant, comme nous ne savons pas comment seront interprétés ces critères par les administrations et les juges, peut-être serait-il raisonnable dans un premier temps de les renforcer. Aussi proposons-nous d’ajouter une troisième condition : le caractère exceptionnel de l’événement.

Avec une telle condition, les rencontres hebdomadaires des compétitions nationales de football ou de rugby seraient exclues. En revanche, des matchs exceptionnels tels que la réception au Stade de France de la finale de la Ligue des champions au mois de mai dernier auraient pu entrer dans le dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Si nous comprenons la volonté de sécuriser au maximum le dispositif – c’est d’ailleurs ce que la commission des lois a tenté de faire –, encore faut-il que ce soit opérationnel. Les événements exceptionnels ne sont pas nécessairement ceux où les risques sont les plus nombreux ; on peut penser aux marchés de Noël, aux marathons, au 14 juillet, etc. Ajouter une telle condition ne permettra pas de rendre opérant le dispositif ni de couvrir l’ensemble des événements auxquels est destinée la vidéoprotection intelligente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Comme l’a souligné Mme la rapporteure, le caractère exceptionnel ne suffit pas à rendre le risque réel. Il existe des manifestations qui se tiennent régulièrement, mais dont les caractéristiques particulières nécessitent ce type de dispositif.

Ajouter un tel critère limiterait donc le champ des possibles. (M. Guy Benarroche sexclame.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Requier, Roux et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la deuxième occurrence du mot :

ou

par le mot :

et

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Cet amendement a le même objectif que le précédent : renforcer les contours juridiques du recours aux algorithmes pour en limiter l’usage.

Pour y parvenir, nous proposons de rendre cumulatives les deux conditions d’ampleur et de circonstances qui permettent de désigner un événement. Nous le voyons bien, si ces conditions sont alternatives, les limites seront très difficiles à tracer ; on trouvera toujours une circonstance pour dire qu’il fallait activer le dispositif.

Il faut donc avancer prudemment et progressivement, et limiter tout risque d’excès en rendant cumulatives les conditions d’ampleur et de circonstances de l’événement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 60, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette expérimentation ne saurait en aucun cas préjuger d’une pérennisation de ces traitements.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Nous sommes très attachés à la notion d’héritage des JO, et nous souhaitons que l’événement laisse une trace pérenne dans notre pays. Pour autant, nous n’acceptons pas la politique du pied dans la porte, et nous ne souhaitons pas que la société de surveillance fasse partie de cet héritage.

Pour nous, il n’y a pas de nécessité absolue à déployer une telle technologie. Nous ne sommes pas dupes : il y a dans la démarche expérimentale que l’on nous propose un moyen d’habituer la population à cette nouvelle étape vers la surveillance globale.

Premier problème, le Conseil d’État et la Cnil considèrent que les traitements algorithmiques représentent une menace pour les droits fondamentaux des individus.

D’après la Cnil, ces outils constituent non une simple évolution technologique, comme on essaie de nous le vendre depuis tout à l’heure, mais une modification de la nature des dispositifs vidéo pouvant entraîner des risques importants pour les libertés individuelles et collectives et un risque de surveillance et d’analyse dans l’espace public. La Cnil précise au passage qu’il est nécessaire d’empêcher tout phénomène d’accoutumance et de banalisation de ces technologies.

Second problème, l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle est aujourd’hui dépourvue de cadre légal propre, dans le droit national comme dans le droit de l’Union européenne. Une proposition de règlement européen sur les systèmes d’intelligence artificielle est en cours d’élaboration, mais rien n’existe à l’heure actuelle.

Ne nous leurrons pas devant l’objectif à peine voilé du Gouvernement d’étendre la portée de ces dispositifs par le droit : la durée extensive de l’expérimentation dont nous venons de débattre et le contenu du texte sont autant de preuves de la volonté de pérenniser ces expérimentations.

Parce que nous refusons la banalisation de ces dispositifs sécuritaires, face au risque des dérives potentielles et dans l’attente d’une actualisation de la réglementation européenne, nous proposons d’inscrire expressément dans la loi que l’expérimentation n’a pas à être pérennisée d’office.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il faudra nécessairement une loi pour assurer la pérennisation de l’expérimentation, qui ne se fera en aucun cas de manière automatique. L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Même avis.

Le Gouvernement a opté pour le principe de l’expérimentation, qui donnera lieu à une évaluation, donc à un passage, le cas échéant, devant le Parlement pour sa pérennisation.

Je rappelle que ce texte suit les préconisations de la Cnil. Celle-ci sera informée des conditions de mise en œuvre du dispositif.

Qui plus est, sur le fondement des préconisations qu’elle a émises, le dispositif est soumis à des garanties extrêmement fortes.

D’abord, il est expérimental et utilisable uniquement pendant les grands événements.

Ensuite, des garanties sur l’utilisation du logiciel en matière d’information du public, de conservation des données, de contrôle humain, de formation des agents sont prévues. Elles ont fait l’objet d’un amendement de Mme la rapporteure adopté en commission.

En outre, les algorithmes sont soumis à des garanties au travers d’un décret pris après avis de la Cnil. De surcroît, seul l’État pourra utiliser un tel dispositif.

Enfin, c’est le préfet qui détermine, en fonction de la manifestation, du territoire géographique et d’un certain nombre d’éléments, si, oui ou non, le dispositif peut être utilisé.

Tout cela permet de cadrer le dispositif et d’avoir l’expérimentation la plus efficace possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Chat échaudé craint l’eau froide…

Mme la rapporteure devrait savoir à quoi je fais allusion : il n’est pas idiot de préciser dans la loi que l’expérimentation ne peut pas être automatiquement généralisée. En effet, un certain nombre d’expérimentations l’ont été avant toute évaluation. Je pense par exemple aux cours criminelles départementales, qui ont été généralisées avant même d’être évaluées ; d’ailleurs, si l’évaluation avait eu lieu, il n’y aurait sans doute pas eu de généralisation.

Préciser que ce n’est pas automatique me paraît donc une bonne idée. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 97, présenté par M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

entrainement

par le mot :

entraînement

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 7 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Discussion générale

10

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour une mise au point au sujet d’un vote.

M. Patrice Joly. Lors du scrutin public n° 110, portant sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, j’ai été considéré comme n’ayant pas participé au vote, alors que je souhaitais m’abstenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour une mise au point au sujet de votes.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Lors du scrutin public n° 110, mes collègues Catherine Belrhiti, Gilbert Favreau, Sylvie Goy-Chavent, Vivette Lopez, Viviane Malet, Alain Milon, Albéric de Montgolfier et Philippe Pemezec souhaitaient voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.

11

Article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Article 7

Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Nous poursuivons l’examen de l’article 7.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 3

Article 7 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Ces traitements algorithmiques sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement de réutilisable.

Les données d’apprentissage, de validation et de test et les images faisant l’objet de traitements algorithmiques ne peuvent être ni cédées ni vendues à un tiers.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis content de vous voir au banc du Gouvernement. Nous avons déjà entamé le débat sur l’article 7, et nous avons besoin de vos éclairages, car il n’y a pas eu beaucoup d’avancées sur un certain nombre de garanties que nous demandions.

Nous l’avons dit, cet article comporte un certain nombre de risques majeurs pour la vie privée et les libertés fondamentales. Nous ne souhaitons pas que de telles mesures soient instaurées, d’où notre proposition de suppression. Toutefois, si ces dispositions venaient à être introduites, il est primordial de les accompagner de garanties pour mieux protéger nos libertés fondamentales.

Dans cet esprit de concorde, nous considérons la transparence et l’accessibilité des algorithmes comme des prérequis indispensables pour le contrôle démocratique de l’utilisation faite de nos données et actes, ainsi que pour nos libertés. Il nous apparaît légitime que le code source de l’algorithme soit accessible à tous pour savoir comment celui-ci travaille et apprend. C’est la base de notre travail de contrôle.

Il est également nécessaire d’empêcher la vente et la cession des données qui seront traitées par les algorithmes. Les pays occidentaux – et la France ne fait malheureusement pas exception – ont une longue tradition de commerce, notamment en termes de matériels de sécurité, avec des régimes beaucoup moins regardants sur les droits et libertés.

Nous ne souhaitons pas que les données d’apprentissage de ces algorithmes collectées au moment des jeux Olympiques et Paralympiques, mais également de la Coupe du monde de rugby, puissent être cédées ou vendues à des acteurs publics ou privés internationaux.

C’est une précision que nous jugeons fondamentale en termes de garantie universelle des libertés publiques. Libre accès des données et garantie éthique : voilà ce que nous proposons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Si nous comprenons bien l’enjeu de rendre les algorithmes ouverts et accessibles à tous, puisque c’est un débat que nous avons eu à propos de Parcoursup, il est compliqué de le faire s’agissant d’algorithmes destinés à notre protection et à notre sécurité.

Et votre proposition d’inscrire la non-cession des données d’apprentissage est d’ores et déjà satisfaite, puisque ces dernières seront effacées en l’absence de résultats. Elles peuvent être conservées pendant un mois, mais uniquement pour s’entraîner. Cela reste sous la maîtrise de l’État. Il n’y aura pas de cession possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs…

M. Gérald Darmanin, ministre. Pardon de vous avoir manqué, monsieur le sénateur. (Sourires.) Mais ce serait inconvenant pour Mme Backès, qui – j’en suis sûr – a su tenir le rang du Gouvernement, ce dont je la remercie.

J’ajoute deux éléments à l’excellente argumentation de Mme la rapporteure.

D’une part, les algorithmes sont une propriété industrielle.

M. Gérald Darmanin, ministre. Aucune entreprise, et c’est tout à fait normal, ne candidatera si elle ne peut pas être propriétaire de son organisation technologique.

D’autre part – cet argument devrait tout de même vous frapper, monsieur le sénateur, ainsi que tous les parlementaires présents dans l’hémicycle –, si nous rendons publics les algorithmes destinés à notre sécurité, autant donner à ceux qui nous attaquent, c’est-à-dire les terroristes et, singulièrement, les cyberterroristes, les clefs du camion et leur indiquer comment l’attaquer ; cela ira beaucoup plus vite !

Il va de soi que nous n’allons pas rendre publique la façon dont les algorithmes de sécurité servent à la protection des grands événements, singulièrement les jeux Olympiques, pas plus que nous ne rendons public le travail qu’accomplissent nos forces de sécurité avec les caméras de vidéoprotection.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu sur la cession des données collectées lors de ces événements.

Vous venez de confirmer une partie des arguments que nous avons développés : les JO seront bien l’occasion, pour un certain nombre d’industries de la sécurité, d’emmagasiner des données, d’enrichir leurs algorithmes pour les revendre ensuite, y compris à l’international, aux régimes les moins regardants en termes de liberté. Je vous remercie de cette confirmation.

Sur l’ouverture des données, je rappelle que l’open source est une garantie de sécurité, y compris sur internet. C’est par l’open source et la collaboration des différents utilisateurs que nous avons renforcé un certain nombre de sécurités dans notre réseau internet.

Ouvrir ces algorithmes permettra aux parlementaires de disposer de la compréhension suffisante pour définir quelles informations sont collectées. C’est important, puisque nous avons un devoir de contrôle.

En outre, cela permettra d’enrichir les algorithmes pour les rendre plus efficaces.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Dossus, je propose de ne pas commencer le débat en faisant dire à son interlocuteur ce qu’il n’a pas dit. Je n’ai pas dit ce que vous me faites dire. (M. Thomas Dossus sexclame.)

Vous confondez les données et les algorithmes, qui ne sont pas tout à fait la même chose.

M. Thomas Dossus. Non, je ne confonds pas !

M. Gérald Darmanin, ministre. Contrairement à ce que vous avez indiqué, les entreprises ne pourront pas garder les données ni les revendre. Il n’y a aucune cession de données. Celles-ci ne seront vendues à personne, parce qu’elles seront détruites. Votre demande est donc satisfaite.

Par ailleurs, les algorithmes sont un processus industriel. (M. Thomas Dossus sexclame.) Or les entreprises ont le droit de conserver leur processus industriel.

Vous affirmez que les données seront vendues à des pays non démocratiques. D’abord, je vous remercie de faire la différence entre les pays non démocratiques et la France. Ensuite, si ce ne sont pas nos entreprises qui mettent en place en place de tels dispositifs, d’autres le feront : les Chinois, les Israéliens…

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est exactement la même chose pour les caméras de vidéoprotection, de même que pour toute technologie, monsieur le sénateur.

Voulons-nous avoir État avec une technologie forte ? Voulons-nous être propriétaires de notre technologie ? Voulons-nous avoir nos propres données ?

Au lieu de se faire imposer des cadres étrangers comme ceux des Chinois, des Israéliens, des Américains ou d’autres encore, nous préférons que ce soit une filière française, avec des capitaux français, sur lesquels les services de renseignements de l’État peuvent avoir un regard. D’ailleurs, il faut considérer qu’il s’agit d’intérêts vitaux ne pouvant par exemple pas être vendus à la découpe.

Si nous avions tenu le même raisonnement sur les moteurs de recherche, Google ne serait sans doute pas aussi monopolistique.

Idem, monsieur le sénateur écologiste, sur les panneaux solaires : si nous avions engagé plus tôt la révolution des panneaux solaires, nous n’aurions pas de panneaux solaires chinois en France.

M. Thomas Dossus. Cela n’a rien à voir !

M. Gérald Darmanin, ministre. Bien sûr que si ! Tout le monde le sait !

Accompagner la législation pour indiquer à nos industriels les finalités démocratiques de sécurité, dans un État de droit, à l’occasion de l’organisation des jeux Olympiques, nous évite de nous voir imposer des solutions différentes. Ces dernières, on le voit, ont donné lieu à un certain nombre de scandales qui, comme vous l’avez constaté, n’ont jamais concerné des entreprises françaises ; Pegasus en est un bon exemple.

Lorsqu’un dispositif est développé avec un cadre français, nous pouvons parler aux industriels, gérer en partie leurs actions, les réguler, regarder leur capital. Soyons fiers des entreprises françaises ! (M. Thomas Dossus sexclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, je précise qu’il est tout à fait possible de préserver l’intégrité technologique des algorithmes et d’en assurer le contrôle en même temps. Il suffit de nommer un tiers de confiance qui assure l’analyse de l’algorithme.

C’est ce qui se passe pour le contrôle des algorithmes des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), des réseaux sociaux. La Commission nationale de l’informatique et des libertés ne fait pas autrement.

Il faudrait mettre en place un tel régime de contrôle des algorithmes pour s’assurer de leur contenu.

Ce qui est très regrettable, monsieur le ministre, c’est que l’obligation de communication de ces algorithmes ne soit pas respectée.

Nos craintes sur les algorithmes de la vidéoprotection sont rigoureusement les mêmes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi qu’une déclaration des intérêts détenus à date et au cours des cinq dernières années

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Tout à l’heure, j’ai dit à M. le ministre : « Enfin ! » Cela ne signifiait nullement que Mme Backès n’avait pas fait du bon travail lorsqu’elle était au banc du Gouvernement. Simplement, notre préoccupation concerne la banalisation de technologies. Et comme l’article 7 est un peu sensible, il nous paraissait utile que le ministre de l’intérieur puisse nous répondre sur les garanties en matière de libertés publiques.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis là !

M. Jérôme Durain. L’amendement n° 23 rectifié tend à apporter une précaution supplémentaire au stade du développement des logiciels d’intelligence artificielle qui seront associés aux images vidéo.

Aux termes du projet de loi, ces logiciels peuvent être développés directement par l’État ou par un prestataire extérieur qu’il choisit.

Comme il s’agit de la première expérimentation du recours à l’intelligence artificielle, avec des enjeux dont on dit depuis tout à l’heure qu’ils sont extrêmement sensibles, nous pensons qu’il faut porter une attention particulière à la prévention des conflits d’intérêts.

C’est pourquoi nous proposons de renforcer les exigences auxquelles le développement du traitement doit répondre si un fournisseur externe est choisi, en prévoyant des garanties d’impartialité, en plus des garanties de compétences et de continuité d’activité déjà prévues à l’article 7.

Nous avons tenu compte des observations, comme toujours pertinentes, de Mme la rapporteure pour que la garantie d’impartialité se matérialise par une déclaration des intérêts détenus à date et au cours des cinq dernières années.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

À l’issue des échanges qui ont eu lieu en commission, il nous semble qu’il s’agit d’une garantie supplémentaire allant dans le sens du juste équilibre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?