M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prenant le relais de mon collègue Albéric de Montgolfier, je veux également commencer par saluer la qualité de nos échanges avec le ministère et les autorités de supervision, ainsi que l’importance de nos travaux complémentaires sur cette proposition de loi. Nous avons entendu de nombreux acteurs, avec qui nous n’étions pas toujours en accord, même si nous poursuivions le même but : protéger davantage les épargnants.

Cet objectif est au cœur des chapitres II et III de la proposition de loi que je m’apprête à vous présenter.

Nous avons deux moyens d’agir sur les frais. Comme l’a souligné Albéric de Montgolfier, en évoquant l’article 1er, le premier consiste à interdire les frais qui nous paraissent inopportuns ou redondants. Le deuxième, indirect, mais aussi très efficace, consiste à garantir les conditions d’un choix éclairé pour les épargnants.

En assurant une transparence accrue sur la performance nette des produits, en tenant compte de tous les frais, les épargnants seront en mesure de choisir les produits les plus rentables et les mieux adaptés à leurs besoins. Quand nous parlons de ces informations, nous ne faisons pas référence à un document qui manquerait de lisibilité et que l’épargnant finirait, au mieux, par ranger dans un tiroir en rentrant chez lui. Au contraire, l’affichage du coût complet des produits doit conduire à entretenir et à stimuler la concurrence entre les acteurs et à exercer une pression à la baisse sur les frais.

L’article 3 impose tout d’abord aux distributeurs d’assurance vie et aux gestionnaires de plans d’épargne retraite (PER) de présenter, lors de la souscription d’un contrat ou d’un plan, les fonds indiciels cotés disponibles. Pourquoi ces produits en particulier ? Parce que ces fonds, le plus souvent en gestion passive, présentent un niveau de frais généralement inférieur aux fonds en gestion active, pour une performance nette en moyenne égale ou supérieure.

Or ces fonds ne sont quasiment jamais proposés à la souscription, trop peu rentables pour les distributeurs et les conseillers. Leur présentation pourrait donc entretenir une saine compétition et il est vraiment temps que les distributeurs se saisissent du sujet. À défaut, ils prennent le risque d’être dépassés par les nouveaux acteurs qui, eux, proposent des fonds indiciels cotés avec une souscription sur internet. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment mieux pour les épargnants et je préférerais que les distributeurs « traditionnels », qui ont la confiance des épargnants, s’emparent pleinement du sujet.

L’article 4 permet, quant à lui, de remédier à un obstacle que nous connaissons de longue date, à savoir l’impossibilité de disposer d’une information claire sur les frais totaux des produits financiers.

Désormais, l’ensemble des épargnants pourront accéder à une information lisible, publiée sur les sites internet des établissements. Par ailleurs, les informations communiquées aux contractants ne seront plus seulement basées sur la performance annuelle, mais sur la performance pluriannuelle des produits.

Dans le même temps, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), dans un format rappelant celui de l’Observatoire des tarifs bancaires, sera chargé de suivre les pratiques tarifaires de l’assurance vie et des plans d’épargne en actions (PEA), ouvrant la voie à une comparabilité objective des produits.

Je crois que M. le ministre partagera cet avis : cet article est capital. Il constitue une véritable avancée au service de la transparence et de la bonne information des épargnants. Les unités de compte seront classées par performance nette : c’est plus lisible pour chacun, à charge ensuite au conseiller de faire son travail pour constituer le panier de produits le plus approprié.

Comme l’ont souligné nos collègues en commission, peu de personnes peuvent comprendre ce que l’on veut dire par « valeur brute en cas de rachat » ou « plus-value potentielle ». Ce sont des informations plus concrètes dont ont besoin les épargnants.

Le chapitre III de la proposition de loi est consacré au développement et à l’adaptation des produits d’épargne. Nous pouvons ici distinguer deux types d’articles : ceux qui lèvent les contraintes pesant sur certains produits d’épargne et ceux qui tendent à encourager une véritable concurrence sur le marché de l’épargne.

Concernant les premiers, l’article 5 propose un « droit à l’erreur » sur le PEA, avec la possibilité pour l’épargnant de ne pas perdre l’avantage fiscal s’il corrige son erreur – je pense, par exemple, à l’achat de titres non éligibles au PEA. En complément, l’article 5 bis vise à assouplir légèrement le champ des titres éligibles au PEA pour favoriser l’accessibilité des produits de capital-risque, encore trop méconnus.

En ce qui concerne le développement du capital-investissement, la commission a, sur notre proposition, supprimé l’article 6 relatif au dispositif Madelin, dont nous avons eu l’occasion de débattre très récemment dans le cadre du dernier projet de loi de finances.

Preuve de notre bonne foi, monsieur le ministre, nous sommes prêts à attendre les résultats de l’évaluation de ce même dispositif avant de proposer de nouvelles mesures.

S’agissant de l’encouragement de la concurrence sur le marché de l’épargne, j’en viens à un sujet qui nous est particulièrement cher et qui ne manquera pas, j’en suis sûr, de susciter quelques débats : l’article 7 et la transférabilité des contrats d’assurance vie. Il comporte deux volets relatifs à la transférabilité interne, d’une part, et à la transférabilité externe, d’autre part.

Il s’agit d’abord de lever les obstacles au développement de la transférabilité interne, que l’assuré pourra demander à tout moment à l’assureur ou à l’intermédiaire, lequel sera tenu de réaliser le transfert dans les deux mois.

Après son examen en commission, cet article consacre désormais un droit au transfert interne, sans possibilité pour les assureurs de s’y opposer, tout en limitant les frais pouvant être imposés lors de cette opération.

Faire du transfert interne un droit vraiment opposable est un progrès indéniable. Les dispositions que nous proposons donneront pleine portée à ce que nous avions voté dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.

D’ailleurs, déjà à ce moment-là, on nous prédisait que le transfert interne allait conduire à l’écroulement du marché de l’assurance vie et à une forte instabilité financière. Tout le monde s’y était opposé ; or nous voilà unanimes, trois ans plus tard, pour renforcer la portée de ce dispositif.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Très bonne idée !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Sans surprise, nous faisons face aux mêmes cris d’orfraie au sujet de la transférabilité externe.

Le second volet de l’article 7 autorise en effet le transfert externe des contrats d’assurance vie, avec portabilité de l’antériorité fiscale. À peine proposée, cette disposition a créé de vifs débats, avant même que nous ayons eu le temps de présenter les garde-fous prévus pour l’encadrer.

Il convient d’avoir une vision nuancée des conséquences attendues de cette mesure : elle ne porterait que sur les contrats d’une durée de plus de huit ans. Surtout, elle pourrait améliorer la qualité des conseils prodigués aux épargnants. Ces derniers auraient bien moins de raisons de quitter leur intermédiaire ou leur assureur si celui-ci venait à leur proposer des produits plus appropriés et plus rentables que ceux qu’ils avaient initialement souscrits.

Prenons un exemple des contraintes qui pèsent sur les épargnants en l’absence de transférabilité. Personne n’avait entendu parler des produits verts voilà dix ans ; aujourd’hui, de plus en plus d’épargnants veulent « verdir » leur épargne et soutenir la transition écologique. Monsieur le ministre, allons-nous leur dire qu’ils sont prisonniers d’un produit souscrit il y a des années et qu’ils ne peuvent réorienter leur épargne ? Si c’est votre position, vous êtes has been ! (Sourires.)

Notre objectif est donc simple : éviter aux épargnants d’être captifs et susciter une plus grande concurrence, ce qui encouragerait, en amont, des pratiques de conseil plus actives et plus adaptées aux besoins des assurés de la part des intermédiaires et des assureurs. Il est d’ailleurs précisé que l’assureur peut proposer, en cas de rachat du contrat, des options de transfert interne.

Pour conclure, sans renforcement de la transférabilité externe, nous n’aboutirions qu’à une transférabilité interne boiteuse. Et si vous me permettez de filer la métaphore, je dirais que seule leur conjonction permettra à la liberté de choix de l’épargnant de marcher sur ses deux jambes et de s’exercer pleinement.

Dans cette même optique, la commission a introduit dans le texte l’article 7 bis, qui institue un devoir de conseil dans la durée pour les intermédiaires et les assureurs. L’enjeu est, encore une fois, d’adapter à l’évolution du profil de l’épargnant l’offre qui lui est proposée. L’article 7 ter, quant à lui, vise à prévoir expressément une obligation de respect des engagements contractuels en cours d’exécution du contrat.

Avec les deux derniers articles du chapitre III, nous abordons le sujet des plans d’épargne retraite, sans que cela doive préempter le débat que nous aurons prochainement.

Ainsi, l’article 8 proroge jusqu’en 2026 l’incitation fiscale mise en place pour encourager le transfert de l’épargne investie dans un contrat d’assurance vie vers un PER.

L’article 9, pour sa part, confie à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) la gestion d’un fonds de fonds indiciels cotés, qui serait ensuite distribué dans les PER. Il s’agit tout simplement de proposer aux épargnants un produit peu chargé en frais.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et j’espère que vous serez unanimes dans votre soutien à notre démarche qui ne vise qu’à protéger les particuliers en améliorant, en développant, en encourageant et en soutenant le marché de l’épargne en France. Le chemin est ouvert ; ne perdons pas de temps et sachons tous être au rendez-vous de la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Hervé Maurey et Georges Patient applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi de MM. Husson et de Montgolfier, un texte visant à renforcer la protection des épargnants par une série de mesures articulées autour du triptyque « information, protection, répression ».

Je veux d’ores et déjà vous dire que ce texte contient, y compris après son examen en commission, plusieurs mesures que le Gouvernement salue.

À vrai dire, le Gouvernement accueille très favorablement cette proposition de loi, qui vient compléter un certain nombre d’évolutions récentes au bénéfice des épargnants, à l’exception notable de deux articles. Peut-être m’accuserez-vous, messieurs les rapporteurs, d’être quelque peu has been en la matière, (Sourires.) mais j’aurai l’occasion, tant à cette tribune que, plus tard, au cours du débat, de vous expliquer la position du Gouvernement sur ces articles.

En matière d’information sur le contenu et les frais des produits financiers, le Gouvernement partage pleinement les objectifs des auteurs de la proposition de loi, tels qu’ils s’expriment en particulier dans les articles 1er, 3 et 4.

L’article 1er supprime les commissions de mouvement : souvent peu transparentes et restreintes à un petit nombre de produits, elles altèrent la qualité globale de l’information sur les frais de gestion figurant dans la documentation commerciale.

L’article 3 crée une obligation de présentation des ETF, les exchange traded funds, produits simples et peu chargés, proposés sur le contrat d’assurance vie ou sur le PER, ce qui permettra de développer une classe d’actifs encore peu présente et incitera les gestionnaires d’actifs français à développer leur offre. Cette mesure est absolument fondamentale, tant les ETF sont un moyen, pour les épargnants français, d’accéder à des produits dont le coût est faible, mais dont la performance suit les grands indices, garantissant un rendement au moins égal à celui des marchés d’actions.

Avec l’article 4, on poursuit les efforts de la loi Pacte pour renforcer la transparence des frais des contrats d’assurance vie et des plans d’épargne retraite. Cette transparence accrue permettra de stimuler la concurrence au sein du secteur et d’exercer une pression à la baisse sur le niveau des frais pour stimuler le rendement de l’épargne.

Par ailleurs, nous saluons la création au même article d’un observatoire de l’épargne porté par le Comité consultatif du secteur financier.

Ces mesures sont de nature à permettre au consommateur de faire un choix mieux éclairé au moment de répartir son épargne entre différents supports d’investissement.

Le présent texte encadre également certaines pratiques de manière à renforcer la protection des épargnants.

Ainsi, la création d’un mandat d’arbitrage en assurance vie, à l’article 2, offre des garanties supplémentaires à l’épargnant dans un contexte de pratiques de marché hétérogènes. Le Gouvernement partage l’objectif de MM. les rapporteurs ; il proposera seulement d’apporter à cet article des modifications concernant son champ d’application, les obligations du mandataire et la place des prestataires de services d’investissement.

Il est également proposé de renforcer significativement le dispositif de contrôle des offres de vente de biens immobiliers dans le cadre de dispositifs fiscaux.

Le Gouvernement soutient cette proposition, à l’exception de la demande d’un rapport d’évaluation sur ces dispositions. En effet, un tel rapport ne semble pas utile au vu de la transparence dont fait montre la DGCCRF sur le bilan de ces enquêtes. Par ailleurs, des évaluations de ce type en matière d’effectifs sont très régulièrement demandées par le Parlement dans le cadre des travaux afférents aux projets de loi de finances. Le Parlement a ainsi toute latitude, à droit constant, pour solliciter ces informations le moment venu.

En matière répressive, le Gouvernement se félicite du renforcement des pouvoirs d’enquête de l’Autorité des marchés financiers par l’adaptation de ses compétences aux évolutions des offres de produits financiers et aux pratiques de marché. La crédibilité de l’AMF est essentielle pour maintenir l’intégrité du marché, socle de la confiance des épargnants, dont la contribution au financement de l’économie est indispensable.

Concernant la lutte contre le blanchiment, l’article 12 renforce les obligations déclaratives en matière de financement participatif pour une fraction des acteurs qui n’était pas encore couverte : il s’agit du financement de parts sociales. Votre proposition permet de combler cette lacune.

Je veux, au nom du Gouvernement, saluer les rapporteurs pour leur écoute et pour le travail préliminaire mené conjointement avec Bruno Le Maire, travail qui a permis d’enrichir le texte et d’en renforcer l’ambition sur certains aspects.

Je pense notamment au travail fructueux mené sur les dispositions concernant la transparence des frais. Ces travaux ont contribué à renforcer l’ambition du texte, notamment par la mise en place d’un observatoire de l’épargne chargé de suivre l’évolution des frais de l’épargne assurantielle, mais aussi de ceux des PEA et PEA-PME, les plans d’épargne en actions destinés au financement des PME et ETI.

Sur le régime de contrôle des offres immobilières, je remercie aussi les rapporteurs pour la qualité de leurs échanges avec le Gouvernement et je salue les avancées contenues dans le texte adopté en commission que ce travail conjoint a rendues possibles.

Enfin, je pense à la proposition des rapporteurs visant à renforcer la protection des assurés grâce à la clarification des obligations d’exécution des obligations contractuelles en cours de contrat.

Cependant, le Gouvernement conserve une divergence d’appréciation…

M. Jean-François Husson, rapporteur. Une petite divergence !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … concernant l’article 7, qui vise, entre autres choses, à mettre en place un droit à la transférabilité externe des contrats d’assurance vie, étant entendu qu’il accueille favorablement le renforcement proposé par les rapporteurs de la transférabilité interne desdits contrats.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Il n’en voulait pas à l’époque de la loi Pacte !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. On a toujours raison trop tôt !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La mise en place de la transférabilité externe constitue un risque significatif pour la stabilité financière et le financement de l’économie.

Dans une période de remontée des taux comme celle que nous vivons actuellement, ces transferts obligeraient les assureurs à réaliser les moins-values latentes en liquidant des obligations pour servir les demandes des assurés. La transférabilité externe créerait une situation de concurrence déloyale en bénéficiant à de nouvelles entreprises entrantes capables d’investir dans des obligations aux taux plus élevés ; ces entreprises pourraient ainsi capter les épargnants des assureurs établis et mettre en danger la situation prudentielle de ces derniers.

Les épargnants seraient les premiers perdants de la transférabilité externe. Le rendement de l’épargne serait mécaniquement réduit, car l’actif des assureurs s’orienterait vers des placements liquides et des obligations à maturité plus courtes pour faire face à la demande accrue de rachat des épargnants.

L’encadrement prévu à l’article 7 est insuffisant pour limiter ces risques. La limitation de la possibilité de transferts aux contrats de huit ans et plus est insuffisante, car ces contrats représentent 70 % du total des encours d’assurance vie.

Cette mesure est d’autant plus regrettable que le même article propose la mise en place d’un droit à la transférabilité interne. La loi Pacte avait ouvert cette possibilité ; la présente proposition de loi en fait un droit. Cette évolution constitue une piste prometteuse, qui irait au bout de la logique de la loi Pacte.

Quant à l’article 9, la création d’un fonds de fonds indiciels cotés dont la gestion serait confiée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) n’apparaît pas opportune, car de tels produits sont proposés par des acteurs privés.

J’ai déjà rappelé combien il est important, à mon sens, que ces produits indiciels puissent se développer. Il est donc dans l’intérêt général que les initiatives de la CDC ne soient pas redondantes avec celles du secteur privé, afin que la Caisse garde des marges de manœuvre pour jouer un rôle contracyclique lorsque cela est nécessaire. Pour atteindre les objectifs des auteurs de ce texte, stimuler le développement d’une offre de PER aux frais contenus serait plus pertinent.

Vous l’aurez compris, ces deux articles 7 et 9 constitueront les principaux points de la discussion que le Gouvernement aura avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pendant le débat qui s’ouvre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les frais sont encore pointés du doigt. « L’accumulation de frais élevés peut dans certains cas amputer toute espérance de rendement » : ces mots, prononcés au début du mois de décembre par Jean-Paul Faugère, vice-président du collège de supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le gendarme des banques et assureurs, indiquent une fois de plus combien la question des frais reste problématique, notamment dans l’assurance vie.

M. Faugère précisait également que la mention des frais appliqués aux plans épargne retraite et assurances vie sur les sites internet des établissements, obligatoire depuis le 1er juin 2022, n’a pas contribué à leur baisse, bien au contraire, si bien qu’une nouvelle recommandation des autorités aux professionnels sur ce point est attendue courant 2023.

C’est dire si la proposition de loi présentée par Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier arrive à point nommé dans cette quête, comme une réponse à cet appel à une plus grande protection des épargnants.

On peut aisément concevoir qu’un consensus se formera autour de cette proposition de loi, qui traduit les principales recommandations législatives du rapport d’information de nos rapporteurs sur la protection des épargnants, d’autant qu’il s’agissait des conclusions d’une mission de contrôle sénatoriale transpartisane.

Les rapporteurs ont mis l’accent sur un certain nombre de problèmes qui pénalisent lourdement les épargnants français : « une concurrence entre acteurs limitée, un nombre élevé d’intermédiaires, ou encore un faible développement de la gestion passive. Cette structuration du marché de l’épargne se traduit ainsi par un niveau de frais élevé qui pèse sur la performance servie aux épargnants », concluent-ils.

Certains des acteurs auditionnés ont tenu un discours particulièrement radical sur l’état du marché de l’épargne. Je pense notamment à la pratique des commissions de mouvement, que l’article 1er vise à interdire, et qui a été vertement dénoncée par plusieurs acteurs. Les épargnants subissent une double facturation à chaque opération, avec les frais de courtage et les commissions de mouvement. Chaque année, 500 millions d’euros sont ainsi prélevés indûment par les sociétés de gestions et les intermédiaires, alors que ces pratiques sont interdites dans les autres juridictions européennes.

Les rapporteurs ont déposé en commission vingt amendements sur leur propre texte, dont tous ses articles ont été réécrits ; certains articles additionnels ont été ajoutés, signe que le dialogue des rapporteurs avec Bercy a été constructif.

Trois articles semblent néanmoins soulever des interrogations au sein de mon groupe.

La première porte sur le droit à l’erreur fiscale en cas de placement de titres non éligibles sur un PEA ou un PEA-PME, inscrit à l’article 5. Ne risque-t-on pas d’inciter l’épargnant à placer des titres non éligibles sur un PEA afin de bénéficier de ses avantages fiscaux, tout en rejetant la faute sur le gestionnaire ?

Notre deuxième interrogation porte sur l’article 7 et la transférabilité, à tout moment, de contrats d’assurance vie entre assureurs. Je doute qu’une telle mesure conduise à une réelle amélioration des tarifs des assurances vie pour les assurés. En revanche, elle pourrait s’avérer défavorable au financement de l’économie en contraignant les assureurs à préférer des placements de très court terme et sans risque afin de pouvoir clôturer à tout moment un contrat.

Enfin, est-il opportun de proposer un nouveau placement d’épargne retraite, à l’article 9, en plein débat sur la réforme des retraites, et ce même si la gestion confiée à la CDC devait être peu chargée en frais ?

Si nous saluons le travail des rapporteurs, qui dans l’ensemble va dans le sens d’une meilleure protection des épargnants, nous espérons que la qualité de nos débats permettra de lever les doutes qui subsistent sur les sujets que je viens d’évoquer.

Je ne saurais terminer mon propos sans faire mention des outre-mer. Tous leurs habitants doivent payer leurs produits financiers plus cher qu’en France métropolitaine. Une étude menée par l’association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) dévoile que le surcoût que nos compatriotes ultramarins doivent payer à leur banque en comparaison avec l’Hexagone s’élève à 10 % ! Contrairement aux tarifs bancaires, l’opacité des frais appliqués à l’épargne nous empêche encore d’avoir un état des lieux précis.

J’espère que le comparateur officiel des tarifs bancaires tenu par le Comité consultatif du secteur financier sera rapidement enrichi des données publiées pour les PER et assurances vie que je mentionnais au début de mon propos.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, sur l’initiative d’Albéric de Montgolfier et de Jean-François Husson, que je veux remercier pour le travail qu’ils ont mené au nom de notre commission des finances.

Ce texte comprend de nombreuses mesures, souvent techniques, soutenues par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’adoption d’une définition harmonisée de l’arbitrage en assurance vie est une avancée, alors qu’aujourd’hui chacun des opérateurs dispose de la sienne, dans une grande opacité pour leurs clients.

Une autre avancée à relever est l’instauration d’un devoir de conseil dans la durée, pour les intermédiaires et les assureurs, ce qui permettra d’adapter les offres proposées à l’assuré en fonction de l’évolution de son profil et de ses besoins. Cette obligation, qui s’appliquerait à l’occasion de toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative, renforce ainsi la protection des épargnants.

De manière similaire, l’article 7 ter impose aux prestataires de services bancaires ou financiers le respect de leurs engagements contractuels en cours d’exécution du contrat et l’article 13 renforce les pouvoirs du collège de l’Autorité des marchés financiers, en lui permettant d’assortir ses injonctions d’une astreinte. Nous avons toujours soutenu les mécanismes visant à assurer le bon fonctionnement des dispositions de contrôle ; celui-ci ne fera pas exception.

Il en est de même de la sécurisation du champ de compétence de l’AMF pour les offres au public de parts sociales, comme les banques mutualistes ou les sociétés coopératives.

Enfin, l’interdiction de la perception de commissions de mouvements sur le marché de l’épargne va dans le sens des mesures que nous avions défendues et fait adopter dans le cadre de notre proposition de loi sur le plafonnement des frais bancaires.

Je ne m’étendrai pas sur tous les articles du présent texte, mais je tiens à dire, au nom de mon groupe, que la plupart d’entre eux vont dans le bon sens, car ils renforcent a priori la régulation des marchés de l’épargne.

Cependant, nous avons déjà souligné en commission que nous regrettions la présence de deux mesures fiscales – en l’occurrence, des mécanismes de défiscalisation – qui changent la portée d’un texte à l’origine plus consensuel sur la protection des épargnants.

Je me félicite donc que les rapporteurs aient d’eux-mêmes proposé la suppression de l’article 6 en commission, même si c’est dans l’attente d’un rapport sur le sujet. Cela fait évoluer le regard que notre groupe porte sur l’ensemble du présent texte.

Restent néanmoins quelques éléments relevant, selon nous, non pas de la protection des épargnants, mais de la fiscalité.

Je pense à l’article 5, qui élargit l’avantage fiscal attaché aux plans d’épargne en actions. Avec le garde-fou introduit en commission, cette disposition est basée sur un mécanisme préventif et correctif qui ne devrait pas créer d’effet d’aubaine, ou très peu.

Mais c’est surtout le cas de l’article 8, qui proroge une disposition d’optimisation fiscale, introduite dans la loi Pacte, pour le transfert de sommes d’un contrat d’assurance vie vers un plan d’épargne retraite. Tandis que nous siégeons dans cet hémicycle, des manifestations se déroulent contre la réforme des retraites, avec une mobilisation très importante dans tout notre pays. Adopter un tel dispositif dans ce contexte ne nous paraît pas du tout opportun.

Nous défendrons donc un amendement de suppression de cet article. J’ai d’ailleurs bien noté l’avis favorable des auteurs du texte au retrait de ce dispositif, afin que cette proposition de loi reste centrée sur son objet : la protection des épargnants.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas opposés à ce texte qui va dans le sens des mesures déjà défendues par notre groupe sur les frais bancaires ou la capacité d’emprunt des personnes fragiles. Son adoption contribuera à faire bénéficier les Français d’un peu plus de concurrence et de transparence en matière d’assurance vie.

Nous avons bien entendu les résistances exprimées par les assureurs, notamment en matière de transférabilité externe ; cet argument a été repris, comme souvent d’ailleurs, presque mot pour mot par le Gouvernement. Cela montre bien qu’en la matière nous ne pouvons pas tout attendre de la bonne volonté des banques et des assurances ou de leur volonté de s’autoréguler. Il est donc nécessaire de légiférer pour rétablir un équilibre entre les épargnants, d’une part, et le système bancaire et assurantiel, de l’autre.

Sous réserve de la discussion des articles et des amendements, la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur l’ensemble de cette proposition de loi devrait être favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)