compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage aux victimes du séisme en Turquie et en Syrie

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lundi, aux premières heures du jour, un tremblement de terre a frappé le sud-est de la Turquie et la Syrie voisine. Il a été suivi de nombreuses et violentes répliques. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Alors que le bilan humain de cette catastrophe s’alourdit de jour en jour, nos premières pensées vont aux victimes et à leurs proches, ainsi qu’aux équipes mobilisées pour leur porter secours.

Nous serons attentifs à ce que tous les secours nécessaires parviennent aux populations touchées, où qu’elles se trouvent et sans autre critère que celui de l’urgence. Nous serons également attentifs à ce que la France apporte toute sa contribution à l’aide internationale déployée.

Au nom du Sénat tout entier, je voudrais exprimer notre solidarité aux populations de Turquie et de Syrie et les assurer de notre soutien.

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je veux à mon tour redire toute notre solidarité aux populations de Turquie et de Syrie.

Dès lundi, le Président de la République a annoncé la mobilisation de notre pays et proposé une aide d’urgence. Des sapeurs-pompiers, des sapeurs-sauveteurs et des personnels du centre de crise et de soutien sont arrivés sur place. Ils contribuent aux recherches sur le terrain. Pour aider les blessés, nous avons également proposé l’envoi d’un hôpital de campagne de la sécurité civile.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France est aux côtés des populations de Turquie et de Syrie dans cette épreuve. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat, ainsi que sur notre site internet.

Je vous appelle à veiller au cours de nos échanges au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.

concessions autoroutières (i)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, le groupe Union Centriste souhaite également exprimer toute sa solidarité avec les populations de Turquie et de Syrie et il apporte tout son soutien à nos compatriotes partis sur place pour les secourir.

Ma question a trait aux concessions d’autoroutes.

La commission d’enquête du Sénat, dont je salue les membres présents, notamment ceux du groupe Union Centriste, Anne-Catherine Loisier et Arnaud de Belenet, a mis en lumière une surrentabilité de plus de 30 milliards d’euros d’ici à la fin de ces contrats de concession. Cette surrentabilité a été confirmée par le rapport de l’inspection générale des finances (IGF), révélé par Le Canard enchaîné.

Notre commission d’enquête a permis de mettre fin au cycle infernal des prorogations accordées en contrepartie de la réalisation de travaux.

Elle a également proposé de trouver un accord sur l’équilibre économique et financier de ces contrats. M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, m’avait d’ailleurs indiqué en novembre dernier qu’un groupe de travail serait mis en place à ce sujet en début d’année. Quand le Gouvernement entend-il mettre en place ce groupe de travail ?

Par ailleurs, les tarifs des péages ont augmenté de 4,75 % le 1er février. Cette augmentation permettra aux sociétés d’autoroutes de réaliser un profit supplémentaire de 300 millions d’euros par an d’ici à la fin des contrats.

Les efforts demandés à Vinci équivalent-ils à cette somme ? Sinon, quelle part en représentent-ils ?

Pourquoi ne rien avoir demandé à Eiffage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Delahaye, je veux d’abord saluer la qualité du rapport sénatorial de septembre 2020 que vous avez cité et qui garde une grande actualité.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Vous avez également cité le rapport de l’IGF, dont certains passages ont été rendus publics par Le Canard enchaîné et qui a été transmis aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Je vous invite aussi – vous l’avez certainement fait compte tenu de votre maîtrise du sujet – à regarder le rapport de l’Autorité de régulation des transports (ART) qui est sorti il y a quelques jours. Ses conclusions diffèrent un peu : elles avalisent l’existence d’une rentabilité importante de ces concessions, mais elles n’arrivent pas au même résultat chiffré, en particulier parce que l’impact du covid-19 n’a pas été intégré à ce stade dans les taux de rentabilité interne (TRI). Cela doit nous inviter à un minimum de prudence.

Je me permets ensuite de vous indiquer que, à l’occasion de l’augmentation des tarifs qui a eu lieu le 1er février et qui était prévue dans les contrats, les péages dus par les véhicules électriques ont baissé de 5 %. Cela correspond à l’une des préconisations de votre rapport – voyez-y une forme d’hommage à votre travail !

Plus largement, nous avons remporté, le 13 janvier, devant le tribunal administratif, une bataille importante relative à l’augmentation des impôts que nous souhaitons appliquer aux sociétés concessionnaires d’autoroutes – c’est aussi un sujet qui était présent dans votre rapport d’information. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont jusqu’au 13 mars pour faire appel de cette décision validant l’alourdissement de leur fiscalité et il va de soi que nous suivons attentivement ce contentieux.

Compte tenu des rentabilités qui sont projetées d’ici à la fin des concessions et à nos besoins en termes de décarbonation, nous continuons de réfléchir aux meilleures manières d’associer ces sociétés à l’effort collectif.

Monsieur le sénateur, le rapport de la commission d’enquête insistait sur le fait qu’une meilleure contribution de ces sociétés devait être mise en place, mais vous indiquiez aussi que la renationalisation n’était pas la solution en raison des montants en jeu. Je veux saluer cette analyse.

Pour finir, je veux vous dire que nous sommes tout à fait prêts, quand cette phase contentieuse sera terminée, à travailler avec vous sur ces sujets, en particulier sur les conditions financières de la fin des concessions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.

M. Vincent Delahaye. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je dois avouer que vous ne m’avez pas appris pas grand-chose…

Surtout, vous ne répondez pas à mes questions – malheureusement !

Je voulais savoir quand nous allions pouvoir travailler ensemble sur l’équilibre économique et financier de ces contrats de concession.

Je voulais également savoir quel effort a été réellement demandé à Vinci et pourquoi rien n’a été demandé à Eiffage. Comme d’habitude sur ce sujet, il n’y a pas de transparence ; c’est un point sur lequel nous avions beaucoup insisté dans notre rapport.

Le Sénat est garant de la défense de l’intérêt général ; c’est pourquoi nous continuerons de travailler sur la question des concessions autoroutières. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SER. – M. Michel Dagbert applaudit également.)

concessions autoroutières (ii)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe CRCE apporte également tout son soutien aux populations de Turquie et de Syrie.

J’en viens à ma question. Les tarifs autoroutiers viennent d’augmenter de 4,75 %, alors que les profits des concessionnaires explosent. Depuis la privatisation, c’est le même constat : profits démesurés, péages toujours plus chers !

En revanche, ce qui est nouveau, c’est que désormais, au sein même de Bercy, ce constat interroge et même, d’une certaine façon, scandalise. La presse s’est ainsi fait l’écho d’un rapport de 2021 très instructif de l’inspection générale des finances. Il explique que ces entreprises ont une rentabilité très supérieure à celle qui était attendue et que cette rentabilité va à l’encontre du principe de rémunération raisonnable au point que ses auteurs demandent à l’État de réagir, notamment en dénonçant les conventions – ils estiment d’ailleurs que cette position est juridiquement fondée.

Les sommes en cause permettraient une réduction de près de 60 % des péages ou un prélèvement allant jusqu’à 55,4 milliards d’euros pour l’État – une paille !

L’Autorité de régulation des transports a beau contester la surrentabilité, elle constate néanmoins une hausse des bénéfices de 47 % en 2021. Un rapport sénatorial pointait déjà en 2020 « la rentabilité hors normes » de ces sociétés.

L’État ne peut plus faire l’autruche chaque fois que les parlementaires demandent des comptes ou proposent la renationalisation des autoroutes – c’est la position que défend notre groupe.

Monsieur le ministre, comment justifiez-vous que l’État ne fasse pas tout pour faire baisser les péages et mettre fin aux concessions actuelles ? Êtes-vous prêt à travailler avec le Parlement sur l’hypothèse d’une renationalisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Avant de répondre à Mme la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, je voudrais compléter en quelques mots ma réponse à M. Delahaye : le Gouvernement est prêt à travailler avec vous, monsieur le sénateur, sur l’avenir des concessions et la manière dont il convient d’en préparer la sortie, quand nous aurons clos la phase contentieuse que j’évoquais tout à l’heure, donc certainement après le mois de mars prochain.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est-il prêt à travailler à la perspective de la renationalisation des autoroutes ? Ma réponse est la même que celle que la Haute Assemblée a apportée à la proposition de loi déposée par votre groupe : non. (Ah ! sur les travées du groupe CRCE.)

La renationalisation, c’est 50 milliards d’euros ! Or nous avons la conviction que nous devons utiliser cette somme non pas au service de la route, mais plutôt au service de la décarbonation des transports – reports fluviaux, investissements dans le ferroviaire, etc.

Dépenser de l’argent pour racheter les autoroutes irait à l’encontre de la transition écologique et se traduirait à la fin par une mauvaise allocation des ressources publiques.

M. Fabien Gay. Et les dividendes ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je vous signale d’ailleurs que le fameux rapport sénatorial que vous avez vous-même cité, madame la sénatrice, a justement abouti à la conclusion que la renationalisation était une fausse bonne idée, une mauvaise piste. (Brouhaha sur les travées du groupe CRCE.)

La véritable question est de savoir comment augmenter la contribution des sociétés d’autoroutes. C’est dans cette voie que nous nous sommes engagés dans le cadre de la loi de finances pour 2020, en indexant sur l’inflation la taxe d’aménagement du territoire. Je rappelle aussi, de ce point de vue, la victoire juridique que nous avons enregistrée au début du mois de janvier et dont j’ai déjà parlé.

Nous continuons à travailler dans ce sens avec le même objectif : financer via la route une partie du report modal. D’ailleurs, nos réflexions sur l’équilibre général des contrats de concession doivent intégrer la question de la décarbonation, y compris celle des transports routiers, qui nécessite d’importants engagements.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il n’y a pas que des dépenses ; il y a aussi des recettes !

projet d’un inflation reduction act européen

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Alain Richard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Nous sommes face à un grand défi pour la France : accélérer l’innovation et la décarbonation de nos industries.

Au même moment, la loi Inflation Reduction Act a commencé à s’appliquer aux États-Unis, justement en faveur des industries et de la décarbonation, mais avec un double risque : des subventions massives attribuées de façon discriminatoire contre les vendeurs européens et une attraction potentielle des investisseurs européens vers le territoire des États-Unis.

Vous avez récemment effectué, en compagnie de votre collègue allemand, M. Habeck, une visite aux États-Unis pour dialoguer avec les autorités américaines et rétablir une concurrence normale.

En outre, le travail se poursuit à Bruxelles – j’espère qu’il va se conclure – entre la Commission européenne et les gouvernements des États membres pour enclencher un plan européen de soutien à nos industries en mutation vers le zéro carbone.

Quel bilan tirez-vous de vos discussions avec les autorités de Washington ? Quel aboutissement pensez-vous obtenir très prochainement en faveur d’un réarmement industriel européen ? Il s’agit, je le rappelle, de traiter de façon dynamique deux sujets bien connus entre Européens : les règles de concurrence interne et les aides d’État. Il reste un sérieux effort de convergence entre Européens à fournir d’ici au sommet prévu demain et après-demain, si nous voulons aboutir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Alain Richard, je tire trois conclusions simples de ce déplacement à Washington.

La première conclusion, cela ne vous surprendra pas, c’est l’efficacité du couple franco-allemand et l’alignement entre l’Allemagne et la France sur la nécessité d’accélérer nos investissements en matière de décarbonation industrielle et d’industrie verte.

De ce point de vue, et à la suite du conseil des ministres franco-allemand tenu sous la présidence du Président de la République et du chancelier Olaf Scholz, le signal que mon homologue allemand, Robert Habeck, et moi-même avons envoyé est celui d’une coopération étroite.

La deuxième conclusion, c’est que nos alliés américains sont prêts à des ouvertures. Ils en ont d’ailleurs fait pendant notre déplacement.

Ainsi, ils sont prêts à des ouvertures pour inclure un certain nombre de biens industriels européens : les voitures électriques dans le cadre du leasing et des véhicules commerciaux, ainsi que les batteries électriques et leurs composants – l’accord sur ces produits n’est pas encore définitif, mais nous poussons, avec la Commission européenne, pour l’obtenir.

Ensuite, ils sont prêts à une transparence totale sur le montant des subventions et des aides, ce qui est indispensable pour garantir une concurrence équitable, et ils sont prêts à ce que nous préservions nos investissements stratégiques.

La troisième conclusion, la plus importante, c’est que l’Europe doit aller au bout de la révolution stratégique qui a été portée par le Président de la République et la France en faveur d’une indépendance et d’une souveraineté totales.

De ce point de vue, les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens : simplification des aides, possibilité de mettre en place des crédits d’impôt pour soutenir l’industrie verte, soutien à la production, sur notre territoire, d’hydrogène, de batteries électriques et de semi-conducteurs, etc. Une clause d’alignement doit nous permettre de rivaliser à armes égales avec les États-Unis.

Je souhaite que, au prochain Conseil européen – c’est la position que défendra le Président de la République –, nous puissions mettre en œuvre sans délai le projet de la Commission européenne de façon à ce que nous soyons capables d’accélérer la réindustrialisation de l’Europe et la décarbonation de notre industrie. Il y va de notre souveraineté et de notre indépendance.

Il existe encore – vous l’avez dit – des divergences de vues entre Européens. Il faut les surmonter : c’est la condition pour que l’Europe continue de jouer les premiers rôles en matière industrielle au XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

réforme des retraites (i)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Madame la Première ministre, elle s’appelle Véronique, elle a 53 ans, je l’ai rencontrée hier lors de la manifestation contre la réforme des retraites à Paris. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Après deux années d’apprentissage en charcuterie, Véronique a commencé à travailler à l’âge de 16 ans. Pendant de longues années, elle a trimé sur les marchés, dans le froid de l’hiver, parfois jusqu’à –12 degrés, en soulevant de lourdes charges, si bien qu’à seulement 33 ans elle a dû se faire opérer de la colonne vertébrale.

Malgré cette vie de labeur, malgré la pénibilité de son travail, avec les arrêts maladie et les périodes de chômage, Véronique ne pourra partir à la retraite qu’après avoir cotisé 44 années ! (Mme la Première ministre le conteste.) C’est plus que vous et moi, qui ne subissons pas la pénibilité physique de son travail. Où est la justice ?

Votre réforme des retraites n’en est pas une, c’est un exercice de rééquilibrage financier après que vous avez grevé le budget de l’État par des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), mise en place d’une flat tax. Ces cadeaux aux grandes entreprises, c’est à toutes les Véronique de France que vous en faites payer la facture !

Aujourd’hui même, on apprend que l’entreprise Total a réalisé en 2022 des profits record : 19,1 milliards d’euros ! C’est plus que les 13,5 milliards d’euros de déficit que vous prévoyez pour le système de retraites à l’horizon de 2030.

Alors, madame la Première ministre, quand allez-vous taxer ces superprofits ?

Quand allez-vous écouter les centaines de milliers de Françaises et de Français qui étaient hier dans la rue pour dire non à la retraite à 64 ans ? Quand allez-vous retirer ce projet injuste et brutal ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur.

Vous nous avez dit que Véronique avait 53 ans et qu’elle avait commencé à travailler à l’âge de 16 ans. Il faudrait savoir si elle a commencé un peu avant 16 ans ou à 16 ans exactement, mais vous pouvez déjà lui dire qu’elle ne partira ni à 64 ans ni à 62 ans, monsieur le sénateur, mais au plus tard à 60 ans, éventuellement même à 58 ans, si elle a commencé un peu plus tôt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Vous verrez, monsieur le sénateur, que par rapport à la situation actuelle il n’est pas impossible que sa situation personnelle s’en trouve améliorée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Eh oui !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Alors, tout va bien !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous parlez de Véronique comme étant exposée à des températures extrêmes. Vous la décrivez comme étant exposée au port de charges très lourdes. Bref, vous parlez de critères de pénibilité.

Or, en matière de pénibilité, le projet de loi que vous aurez bientôt à examiner et que – je l’espère – vous voterez (Exclamations sur les travées du groupe SER.) est porteur d’avancées sociales (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) comme il n’y en a pas eu dans les précédents textes, y compris celui que j’ai été amené à voter lorsque j’étais député socialiste.

À l’époque, la gauche de gouvernement ne reniait pas les fondamentaux qui étaient les siens (Mêmes mouvements.), à savoir être capable de prendre des décisions, même difficiles, quand il fallait conforter notre modèle social, et être capable de prendre des décisions favorables à l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

Cette gauche que j’ai connue et que j’ai quittée – je dois vous dire que je n’en ai pas de regret aujourd’hui –… (Brouhaha sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Nous non plus ! (Rires.)

M. Olivier Véran, ministre délégué. … était capable de s’enthousiasmer, lorsque des entreprises créaient de la richesse et de l’emploi dans le pays.

Nous célébrions l’idée qu’un jour nous puissions inverser la courbe du chômage. Il est vrai, monsieur le sénateur, qu’il a fallu attendre 2017 pour que cette fameuse courbe s’inverse. Cela vous peine peut-être à titre personnel, mais, comme vous servez, j’en suis sûr, l’intérêt général, vous devriez avec notre majorité vous en réjouir ! (La voix de M. le ministre délégué est couverte par les exclamations.)

Enfin, monsieur le sénateur, ne me dites pas que vous confondez sciemment le bénéfice mondial d’un groupe international avec le financement d’un régime de retraite déficitaire du fait de la démographie. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Patrick Kanner. Il y a des symboles !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Vous ne me ferez pas prendre des vessies pour des lanternes : vous savez très bien que vous mélangez des carottes et des pommes de terre, que vous êtes en train de faire une bouillie. Le groupe TotalEnergies fait 20 milliards d’euros de bénéfice dans le monde, dont 500 millions en France.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Olivier Véran, ministre délégué. Sur ces 500 millions, 200 millions iront dans les caisses de l’État grâce à la taxe que nous avons mise en place. Il restera 300 millions à TotalEnergies pour faire un effort sur le prix des carburants au bénéfice des Français – cela ira dans le bon sens ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, nous n’avons pas de leçon à recevoir d’une personne qui a avoué avoir voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Qui plus est, je tiens à rappeler que la première mesure prise par M. Emmanuel Macron, lorsqu’il a été élu président, a été de supprimer des critères de pénibilité. Nous n’avons donc vraiment aucune leçon à recevoir de votre part ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Plutôt que de taxer la vie des gens, ayez le courage de revenir sur les exonérations de cotisations patronales qui sont inefficaces et coûteuses, de contraindre les entreprises à améliorer leur taux d’emploi des seniors et surtout de taxer les superprofits – taxez-les et on pourra financer les retraites ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

difficultés d’application de certains dispositifs de transition écologique

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Après l’adoption définitive, hier, du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, je souhaite alerter, une nouvelle fois, le Gouvernement sur les dysfonctionnements de certains dispositifs de transition écologique. Une nouvelle fois, car je l’avais déjà interpellé sur ce sujet en novembre dernier.

Certes, chaque collectivité, entreprise, citoyen, est acteur du changement climatique, mais l’État, par sa puissance d’impulsion et d’action, a un rôle primordial à jouer.

Aussi, il est d’autant plus dommageable de constater que des dysfonctionnements majeurs subsistent, notamment dans l’application du dispositif MaPrimeRénov’.

Je ne compte plus les alertes reçues à ce sujet – et je sais qu’il en est de même pour bon nombre de mes collègues – de la part de particuliers, d’artisans, mais aussi de maires qui font remonter les inquiétudes de leurs administrés.

Trois éléments principaux sont en cause.

D’abord, la complexité du dispositif et du site internet, y compris pour des personnes qui sont à l’aise avec l’outil informatique. Imaginez alors comment les choses peuvent se passer pour les 14 millions de Français qui souffrent d’illectronisme !

Ensuite, les délais, qui peuvent atteindre plusieurs mois, pour recevoir une subvention parfois très en deçà de ce qui avait été annoncé. Nous avons tous été sensibilisés par des particuliers qui avaient reçu des sommes bien inférieures à celles qui leur avaient été promises, et ont ainsi été dans l’obligation d’emprunter pour compenser la différence.

Enfin, les entreprises attendent parfois le versement de la prime pour faire payer le client, ce qui les met, elles aussi, dans une situation délicate. La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) indique même que certaines entreprises se trouvent confrontées à des négociations difficiles avec les banques et qu’elles sont même amenées dans certains cas à procéder à des licenciements. Or, sans ces entreprises, l’ambition du Gouvernement en matière de transition énergétique est vaine.

Aussi, j’aimerais connaître les actions engagées pour améliorer le dispositif et le rendre, enfin, pleinement opérationnel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)