M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Vallet, mardi prochain, avec Olivier Klein et Dominique Faure, je recevrai toutes les associations d’élus pour discuter avec elles de la décentralisation du logement, au sens large.

Ensemble, conformément aux souhaits du Président de la République et de la Première ministre, nous pourrons débattre de plusieurs questions : nous examinerons si les zones tendues doivent continuer d’être déterminées à l’échelle nationale par les ministères, ou encore si des expérimentations telles que le « Pinel breton » peuvent être déclinées plus largement sur le territoire national.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous aurons aussi des échanges sur la rénovation, nous chercherons à savoir si davantage de proximité ne permettrait pas, parfois, de mieux tenir compte des difficultés rencontrées, mais nous discuterons aussi, plus largement, des freins à la construction et de l’accompagnement de celles et de ceux qui rencontrent des difficultés pour se loger.

Au milieu de tout cela, évidemment, la question des plateformes sera posée. Vous savez que, aujourd’hui, en fonction de la façon dont une commune est classée, les instruments qui sont à la disposition de ses élus ne sont pas les mêmes. Certaines communes touristiques, telles que La Baule ou Bayonne, ont pris des réglementations particulièrement restrictives sur la base du droit existant, avec un succès réel ; d’autres cherchent le chemin qu’elles peuvent emprunter. Les outils juridiques existants offrent déjà beaucoup de capacité à agir, mais il subsiste sans doute quelques trous dans la raquette sur lesquels il convient d’être vigilant.

Cela étant dit, nous pensons que c’est avec les associations d’élus, en examinant les moyens qu’on pourrait leur donner à l’échelle locale, que l’on tiendra compte de l’hétérogénéité des situations. Là aussi, notre conviction est qu’il faut trouver un chemin qui s’appuie sur les territoires, en collaboration avec eux, parce que toutes les situations ne sont pas comparables.

Vous avez cité à cet égard, monsieur le sénateur, des exemples qui sont inspirants, mais qui méritent d’être déclinés en offrant aux élus les outils qui leur permettront d’agir au plus près du terrain. C’est très exactement le sens de cette première réunion que mes collègues ministres et moi-même aurons la semaine prochaine. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça ne change rien !

directive européenne ayant des effets sur l’étiquetage des modes d’élevage des volailles

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains.

M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, les labels de qualité de la volaille française, que nous connaissons tous, comme le « Label rouge » ou la mention « AB », vont-ils disparaître ?

Depuis des années, les filières avicoles françaises ont œuvré pour produire des volailles qui répondent aux normes de production, aux exigences du bien-être animal et aux attentes des consommateurs.

Ces normes, identifiées par un étiquetage clair et simple, ont permis à la production française de trouver une place sur le marché dans des conditions de concurrence équitables.

Mais voilà que la Commission européenne a décidé, à la fin de 2022, d’accorder à tous types d’élevage pleine liberté d’utiliser des labels sans fondement et sans aucun contrôle !

Nous risquons ainsi de voir apparaître des mentions fantaisistes, comme « poulet de plein vent » ou « poulet des champs », qui tromperont le consommateur.

Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour sauver ces labels et nos filières avicoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Segouin, merci de votre question, qui me permet d’exposer clairement devant vous la position de la France, qui a déjà été exprimée à plusieurs reprises par voie écrite et orale, et lors de conseils européens.

Vous avez raison, l’inquiétude règne quant à la réforme des normes de commercialisation qui a été lancée par la Commission européenne et soumise aux États membres, pour avis uniquement. Là est bien la difficulté, dans le travail que nous avons à accomplir avec la Commission. Dès le début de cette négociation, la France a indiqué son désaccord sur différents points, en particulier sur la révision des dispositions relatives aux mentions valorisantes, réservées ou facultatives, c’est-à-dire aux normes de commercialisation.

Vous avez très bien décrit les risques que fait courir ce projet de réforme. Le premier, c’est un risque de tromperie du consommateur, par l’introduction d’une notion trop vague pour que l’on puisse valoriser un certain nombre de nos productions. Le deuxième, c’est un risque pour nos filières, en particulier celles de plein air – Label rouge et autres – ; on court le danger de ne plus pouvoir les valoriser comme elles le sont en ce moment.

J’ai écrit au commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, j’ai discuté avec lui ; nous travaillons avec la Commission pour que la proposition qui sera examinée le 22 février prochain par le comité d’experts soit telle que nous puissions continuer de respecter les règles qui ont été édictées dans les années 1990 et sont de nature à rassurer le consommateur, à lui donner une vision claire de ce qu’il achète, et qui permettent à nos producteurs de valoriser leur production dans des conditions satisfaisantes.

C’est bien ce qui est en jeu, dans votre département de l’Orne, où je sais que vous êtes très attaché à cette filière, comme dans tous les départements d’élevage de volaille. Nous continuons à travailler au maintien de ces mentions valorisantes, mais aussi, plus globalement, au soutien d’une filière qui est déjà – je le rappelle, mais vous le savez aussi bien que moi – en grand risque du fait de la crise sanitaire qu’elle traverse, en raison de l’influenza aviaire. Sur ce sujet aussi, nous sommes au chevet de ces filières, nous travaillons avec elles pour trouver des solutions de court et de long terme, grâce notamment à la vaccination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.

M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre, au Sénat, nous saisissons toutes les occasions, sur le commerce extérieur, hier encore, ou sur la ferme France, pour vous alerter sur le déclin économique subi par la France du fait du poids des charges et des normes.

Vous nous répondez que les éleveurs français doivent monter en gamme pour trouver des marchés avec des marges plus élevées, selon les objectifs de la stratégie Farm to Fork ou du Green Deal. Le bilan de cette approche, c’est que, dans la filière avicole, la ferme France a perdu la bataille face aux importations pour la restauration collective ou les plats préparés.

Alors, il nous reste le poulet du dimanche, le poulet labélisé. Mais si vous ne défendez pas ces labels qui nous sont chers, tant pour les producteurs que pour les consommateurs, nous perdrons cette ultime bataille !

Nous constatons tous les jours que les normes et les surtranspositions s’appliquent aux agriculteurs français ; notre administration se développe toujours plus pour contrôler nos productions plutôt que les produits qui sont importés. En conséquence, nos fermes ne sont plus reprises par les jeunes. Vous vous étiez engagé à faire respecter les clauses miroirs ; nous attendons des suites ! Vous acceptez au contraire une nouvelle concurrence déloyale qui se révélera fatale pour nos productions et, probablement, pour les 15 000 emplois ruraux qui dépendent de ces labels.

Monsieur le ministre, la ferme France brûle, mais nous regardons ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

négociations sur l’hydrogène bas-carbone

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique ; elle porte sur l’état des négociations européennes au sujet de l’hydrogène bas-carbone. À l’heure actuelle, ces négociations patinent, puisque le trilogue prévu hier pour examiner le projet de révision de la directive relative aux énergies renouvelables a été annulé et reporté au 6 mars.

Ce texte fixe des objectifs ambitieux d’emploi de l’hydrogène dans l’industrie, ce dont on peut se réjouir, mais il prévoit que cet hydrogène devra être produit à partir d’électricité renouvelable, sans dire un mot de l’électricité produite à partir d’énergie nucléaire.

Or, si elle ne peut pas utiliser ses réacteurs nucléaires pour produire de l’hydrogène, la France va avoir beaucoup de mal à atteindre les objectifs européens. L’Union européenne avait déjà tenté sans succès d’exclure le nucléaire de sa taxonomie verte. Prohiber le nucléaire en matière d’hydrogène bas-carbone permet aujourd’hui d’attaquer indirectement cette source d’énergie.

Madame la ministre, vous avez vivement réagi en qualifiant cette exclusion de « climaticide » et d’absurde. Nous ne pouvons que vous en féliciter, car le nucléaire est l’énergie la moins carbonée dont nous disposons. Je note par ailleurs que la France est loin d’être le seul État membre frustré par le contenu actuel du texte.

Aussi, je voudrais savoir comment se présentent les négociations sur ce sujet. Enfin, si la France n’obtient pas gain de cause, serez-vous prête à bloquer ce projet de directive sur les énergies renouvelables pour défendre notre filière nucléaire et hydrogène ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la sénatrice Saint-Pé, je l’affirme nettement : les négociations autour de la directive sur les énergies renouvelables, dite RED III, ne prennent pas une tournure satisfaisante sur la question de l’hydrogène.

L’engagement de la France pour les énergies renouvelables est sans ambiguïté. C’est le Président de la République qui a poussé le Green Deal en décembre 2021, c’est moi, en tant que présidente du conseil Énergie, qui ai fait adopter le paquet Climat européen faisant une large place aux énergies renouvelables et c’est vous qui avez adopté hier, à une très large majorité, un projet d’accélération des énergies renouvelables.

Je suis d’accord avec vous : il ne faut pas se tromper de combat. Le nôtre, c’est la décarbonation et la défossilisation. Compte tenu de l’ambition de ce combat, nous devons utiliser tous les leviers à notre disposition. Cela implique de reconnaître que le nucléaire est une énergie émettant moins de carbone que les énergies éoliennes et photovoltaïques. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. François Bonhomme. Il était temps !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour cette raison, empêcher le recours au nucléaire constitue une position climaticide. (Mêmes mouvements.) Or les discussions à Bruxelles risquent d’aboutir sur la fixation d’objectifs d’énergies renouvelables ne tenant pas compte de la réalité suivante : nous sommes neuf États membres à avoir décarboné une partie de notre énergie grâce au nucléaire. Il n’est plus question de confondre les moyens – les énergies renouvelables – avec l’objectif final – la décarbonation, la défossilisation.

Ces dernières semaines, nous avons signé des accords avec l’Allemagne et l’Espagne, qui reconnaissent le rôle que peut jouer l’hydrogène nucléaire dans notre politique climatique. J’attends de ces deux partenaires qu’ils respectent leurs engagements. Soyez sûre, madame la sénatrice, que je ne laisserai pas adopter un texte contraire à l’intérêt des Européens, des Français, de nos industries. Avec huit pays derrière nous, nous disposons d’une minorité de blocage. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, chaque nouvelle évaluation du niveau des élèves scolarisés en France révèle un peu plus les carences de notre système éducatif.

Ainsi, selon une étude récente, à l’entrée en classe de sixième, 27 % des élèves n’ont pas le niveau requis en français et un élève sur trois ne maîtrise pas les fondamentaux en mathématiques.

Prenant conscience, semble-t-il, un peu tardivement de cette triste réalité, vous avez annoncé le 4 janvier une énième réforme – ou plutôt une mesurette cosmétique – consistant à ajouter une heure de renforcement dans ces deux disciplines, sans que l’on sache très bien qui assurera ces heures de soutien, sans aucune considération pour l’école primaire, où se créent les décrochages, et avec pour effet collatéral surprise la suppression de l’enseignement de la technologie.

Monsieur le ministre, pouvez-vous révéler à la représentation nationale la méthode de concertation et la stratégie, que j’imagine profonde, vous ayant conduit à prendre une telle décision ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Piednoir, vous l’avez dit, les évaluations de sixième ne sont pas satisfaisantes pour un quart des élèves en français et pour un tiers d’entre eux en mathématiques. Cela nous oblige à réfléchir à cette classe de transition, dont les études montrent qu’elle est décisive pour l’avenir des élèves et leur bonne continuité scolaire tout au long du collège et au-delà.

Toutefois, nous réfléchissons à cette question non pas de manière isolée, mais sur l’ensemble du cycle III. J’ai ainsi annoncé une série de mesures pour les classes de CM1 et CM2, ainsi que pour celles de sixième. S’agissant des classes de cours moyen, nous mettons l’accent sur l’enseignement du français et des mathématiques, en particulier sur l’écriture.

Un rapport récent de l’inspection générale a révélé que les élèves consacrent 7 % de leur temps hebdomadaire à l’écriture. Il est nécessaire d’insister sur cette discipline, qui recouvre non seulement la dictée, mais les travaux d’écriture, les rédactions – le terme est peut-être ancien,…

M. François Bonhomme. Ça nous va !

M. Pap Ndiaye, ministre. … mais l’exercice est essentiel – en recourant notamment aux « cahiers d’écrivain ». En somme, tout ce qui fait écrire les élèves plutôt que de remplir des phrases à trous, comme c’est souvent le cas.

De même, l’inspection générale de mathématiques nous a montré que le calcul mental était essentiel en cours moyen, aussi insistons-nous également sur ce point – des circulaires ont été envoyées à cet effet. Nous suivrons de près ce qui se fera en cours moyen.

S’agissant de la classe de sixième, une heure supplémentaire sera consacrée au français et aux mathématiques : nous travaillons sur la situation existante, c’est-à-dire avec des professeurs des écoles. Nous suivons en cela l’expérimentation de la « sixième tremplin », qui a donné de bons résultats dans l’académie d’Amiens.

En parallèle, nous rendons obligatoire le dispositif « devoirs faits », qui permet aux élèves de travailler sous la conduite des professeurs au sein du collège.

Comme vous pouvez le voir, monsieur le sénateur, il s’agit d’un dispositif global s’attaquant à la question essentielle des savoirs fondamentaux. Pour ce qui concerne l’enseignement de la technologie, il est renforcé de la cinquième à la troisième. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, à l’épreuve du grand oral de bac instaurée par votre prédécesseur, votre prestation du jour serait sans doute sévèrement évaluée… (Protestations sur les travées du groupe RDPI.) Aucune thèse dans votre propos, par conséquent pas d’antithèse et encore moins de synthèse !

En réalité, l’éducation nationale prend l’eau de toutes parts et vous écopez à la petite cuillère, dans une forme d’improvisation permanente dont les cobayes sont les élèves eux-mêmes !

De leur côté, les enseignants sont lassés des annonces ministérielles à répétition ne remettant jamais à plat l’ensemble du système éducatif. Il est grand temps de prendre conscience de l’incurie des concepteurs de nos programmes scolaires, qui fabriquent des générations certes sensibilisées à un tas d’enjeux sociétaux tous plus importants les uns que les autres, mais incapables de calculer un pourcentage et prenant un alexandrin pour un habitant d’Alexandrie. Si vous pensez vraiment qu’il faut changer cela, proposez autre chose que de l’enfumage d’hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

action de l’état pour les familles sans abri

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Le projet d’union sacrée autour du logement entre les associations et le Gouvernement peine à faire ses preuves. Dans une interview donnée au journal Libération le 4 février, vous dénonciez, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, « l’outrance » d’associations comme Utopia 56 ou la Fondation Abbé Pierre, que vous accusez de « jouer avec la misère des gens » au travers d’actions chocs de sensibilisation.

Pourtant, ces associations ne se contentent pas d’alerter : elles produisent surtout un travail de fond chiffré et documenté – et elles sont les seules à le faire !

Le même jour, plus de vingt maires de gauche ont interpellé le Président de la République sur la situation du mal-logement en proposant sept mesures visant à répondre aux besoins des différents publics en situation de grande exclusion.

Monsieur le ministre, ma question est très simple : quelle réponse allez-vous leur faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa et M. Daniel Breuiller applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Harribey, vous avez raison, le sans-abrisme est une question qui nous préoccupe tous et sur laquelle le Gouvernement agit de manière historique.

Hier soir encore, plus de 200 000 places d’hébergement d’urgence étaient ouvertes dans le pays. Ce chiffre n’avait jamais été atteint, tous gouvernements confondus. Quelque 5,7 millions d’euros sont dépensés chaque soir pour héberger les plus fragiles – et ce n’est que justice.

Le Gouvernement a lancé le plan Logement d’abord I, dont les résultats sont sans précédent : 440 000 personnes ont quitté la rue et l’hébergement d’urgence pour avoir un toit. D’ailleurs, plus de la moitié des maires qui nous ont interpellés dans le journal il y a quelques jours administrent des territoires d’accélération de ce plan. Je les réunis très régulièrement pour préparer le plan Logement d’abord II et leur ai proposé de les recevoir dès demain pour continuer à travailler avec eux, car nous avons déjà discuté de leurs propositions dans ce cadre.

Notre priorité, avec ce plan, est de poursuivre l’accélération des mises à l’abri. Pour cela, nous continuerons de construire des pensions de famille (Mme Sophie Primas sexclame.) et des résidences sociales, car il faut accompagner les familles avant, pendant et après leur relogement – cela fait partie des éléments forts du plan Logement d’abord.

Bien évidemment, la préoccupation exprimée par ces maires est partagée par tous les maires et élus présents dans cet hémicycle, moi le premier. Jamais nous n’accepterons qu’une famille avec un enfant soit à la rue. Jamais nous n’accepterons – du moins, je l’espère – que cet enfant ne soit pas scolarisé. Cela fera également partie de nos priorités. Nous continuerons de travailler ensemble à cet effet, et j’en parlerai dès demain avec l’ensemble de ces maires ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. J’entends votre réponse, monsieur le ministre, et je ne remets pas en cause votre volonté personnelle ni votre expérience d’élu local sur cette question. En revanche, je déplore le fait qu’une politique globale du logement ne pourra être menée tant que vous verrez le logement comme une variable d’ajustement budgétaire.

La tribune des vingt maires en question appelle à déployer en urgence un plan stratégique national et transversal qui répondrait à un diagnostic clair et transparent. Le Gouvernement a tout intérêt à produire rapidement celui-ci : cela vous éviterait de contester les seuls chiffres qui existent.

Pour l’heure, il n’existe pas de stratégie globale et la vérité n’appartient à personne. La question est de savoir si nous voulons travailler tous ensemble, car ce n’est pas dans un seul atelier du Conseil national de la refondation (CNR) qu’une solution sera trouvée.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que « les associations sont mal inspirées quand elles tombent dans l’outrance » ; j’ai la modestie et l’humilité de vous dire qu’un gouvernement est mal inspiré quand il tombe dans la suffisance.

Mme Laurence Harribey. Ce n’est certainement pas le meilleur moyen de coconstruire. Pour notre part, nous sommes prêts, avec ces vingt maires, à le faire.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Laurence Harribey. Notre groupe déposera bientôt une proposition de loi en ce sens : ce sera l’occasion de constater qui a la volonté de coconstruire.

attractivité du métier d’enseignant

M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Toine Bourrat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, en France, de moins en moins d’adultes aspirent à se retrouver devant une classe d’enfants pour les instruire, ou plutôt devrais-je dire de tenter de les instruire… Professeur : « le plus beau métier du monde, après le métier de parent », a écrit Charles Péguy. Comme cette affirmation semble d’un autre temps !

Car oui, notre pays vit une crise des vocations sans précédent. Pour certaines matières comme les mathématiques, il y a moins de candidats que de postes à pourvoir. À peine plus de 6 % des enseignants français se sentent considérés par la société – l’un des pires scores de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Oui, le climat scolaire s’est dégradé au sein de l’école de la République. Dans un contexte de recrutement difficile, plus de 1 600 enseignants ont démissionné en 2021. Le taux de professeurs démissionnaires est même en hausse constante depuis dix ans.

Oui, le respect des règles et de l’autorité fait défaut dans nos établissements scolaires : la France est le pays d’Europe où sont dénombrés le plus de problèmes de discipline en classe – parmi les pays de l’OCDE, seuls le Brésil et l’Argentine font moins bien.

Monsieur le ministre, voilà la réalité implacable que décrit le rapport de la Cour des comptes paru la semaine dernière sur le recrutement et la formation initiale des enseignants et qui m’amène à vous poser la question suivante : que comptez-vous faire pour réhabiliter enfin la vocation d’enseignant et garantir à nos élèves la transmission d’un savoir sans lequel la promesse républicaine ne tient plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Bourrat, comme vous le savez, le budget du ministère de l’éducation nationale augmente de 6,5 % pour l’année 2023. Il s’agit d’une augmentation inédite et considérable, qui permettra de mieux rémunérer les enseignants et, ce faisant, d’améliorer l’attractivité du métier.

Par ailleurs, ce problème d’attractivité se pose dans presque tous les pays européens – deux font figure d’exceptions – et dans la plupart des pays du monde.

Nous devons bien sûr nous y attaquer, ce que nous faisons en augmentant les rémunérations de tous les enseignants. Nous négocions ainsi une revalorisation dite socle avec les organisations syndicales, conformément à l’engagement du Président de la République d’augmenter de 10 % en moyenne la rémunération des enseignants.

En parallèle, une augmentation supplémentaire sera attribuée aux enseignants qui accepteront de nouvelles missions, dont les remplacements de courte durée dans le secondaire. Nous perdons chaque année 15 millions d’heures dans l’enseignement secondaire à cause des remplacements de courte durée – moins de quinze jours – qui ne sont pas assurés. Grâce à ces nouvelles missions, nous pourrons assurer ceux-ci et mettre en place des heures de soutien et d’approfondissement en français et en mathématiques en classe de sixième. Cet ensemble de mesures est également négocié avec les organisations syndicales.

Par ailleurs, la question de l’attractivité du métier ne se résume pas à la seule rémunération.

Mme Guylène Pantel. Tout à fait !

M. Pap Ndiaye, ministre. Nous devons penser en termes de carrières : les jeunes ne s’engagent plus dans le métier comme le faisaient jadis leurs aînés. Certains souhaitent désormais enseigner pendant dix ans, puis faire autre chose. Nous devons imaginer des portes d’entrée et de sortie. Voilà le périmètre de notre réflexion pour faire en sorte que le métier d’enseignant retrouve toute sa centralité et toute son attractivité dans la société française.

M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat, pour la réplique.

Mme Toine Bourrat. Monsieur le ministre, le mal-être dont souffre le monde éducatif est connu de longue date. En quelques années, le plus beau métier du monde a été transformé en une mission impossible. Votre mission, monsieur le ministre, puisque vous l’avez acceptée, est de refaire de notre école le temple de la connaissance et du respect ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

déserts médicaux