M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Monsieur le ministre, je n’ai aucune leçon d’équilibre des comptes publics à recevoir d’un gouvernement qui a à ce point détérioré les comptes, mis le déficit de la balance commerciale au zénith et qui maintenant met le budget de chaque Français dans une grande difficulté.

Nous avons toujours dit qu’il fallait chercher à mieux équilibrer le régime des retraites. Le problème, et c’est le cœur de notre discussion, c’est que vous écartez toutes les pistes relatives aux cotisations. Vous utilisez donc forcément le levier le plus injuste – le report de deux ans de l’âge légal de la retraite –, celui qui pénalise les plus modestes et les travailleurs qui sont dans les situations les plus pénibles.

Il ne faut pas attenter à la compétitivité économique des entreprises, nous alerte Mme la rapporteure générale. Oui, mais certaines exonérations n’ont aucun impact sur l’emploi, comme l’a relevé le Conseil d’analyse économique. Pourtant, quand on propose de les supprimer, vous ne le voulez pas non plus. Pourquoi ?

Quatre entreprises françaises ont, à elles seules, fait l’année dernière 64 milliards d’euros de bénéfice ! Nous avons proposé de regarder comment les mettre à contribution, sans – je vous rassure ! – les plonger dans un déficit abyssal. Vous refusez aussi !

C’est votre ligne idéologique, et elle est respectable. Vous ne voulez pas toucher aux cotisations, à ce que payent les entreprises. À partir de là, pour équilibrer les comptes, vous utilisez des leviers qui ne pèsent que sur les salariés, notamment les plus modestes. C’est injuste.

Nous soutiendrons ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Chers collègues de droite, je vois que vous êtes tentés de réagir et de répondre, ce qui est normal, car la confrontation entre nous est bien réelle sur votre vision des retraites.

Madame la rapporteure générale, vous parlez en permanence de charges. C’est insupportable ! Ce ne sont pas des charges, et j’ai d’ailleurs relevé que même le ministre employait le mot de cotisations, et non celui de charges. Ce sont des cotisations qui participent à notre système de protection sociale, pour protéger les gens contre les accidents de la vie ; c’est du salaire différé. Encore une fois, ce ne sont pas des charges. Commencez par employer les bons mots et parlez de cotisations !

M. Jean-François Husson. Pas de leçon ! On se calme !

M. Yan Chantrel. Vous pourrez intervenir, mon cher collègue !

Monsieur le ministre, comme cela a été très bien rappelé par Bernard Jomier, vous utilisez la variable la plus injuste : celle du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite.

En revanche, vous avez au moins une ligne cohérente, que vous suivez avec obstination depuis six ans : vous ne souhaitez pas que les plus fortunés, ceux qui possèdent le plus, participent à la solidarité nationale. C’est d’ailleurs pour cela que nous soutiendrons ces amendements, car la solidarité doit peser sur ceux qui ont le plus.

Depuis six ans, vous ne faites que diminuer les cotisations, ainsi que les impôts des plus fortunés. Il y a de quoi enrager, de quoi mettre en colère les Français et les Françaises ! Ils vous le diront de nouveau massivement demain dans la rue pour que vous retiriez cette réforme profondément injuste et brutale vis-à-vis des plus démunis de ce pays. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous sommes en train de débattre d’un sujet extrêmement sérieux et nous devrions le faire de manière approfondie. Notre pays refuse absolument de travailler deux ans de plus.

M. Laurent Duplomb. De travailler tout court !

Mme Céline Brulin. Il va le redire avec force et encore plus massivement demain.

Monsieur le ministre, si vous vous entêtez à aller dans cette voie, je ne sais pas où cela nous conduira, car tout a montré que vous aviez beau défendre ce projet de loi et argumenter en faveur de la réforme, cela mettait toujours plus de monde dans la rue et plus de monde en colère. Pour notre part, nous élargissons le débat à d’autres possibilités de financer la retraite.

Je vous trouve d’une mauvaise foi caractérisée. Nous n’avons jamais dit qu’il n’y avait pas de problème de financement, nous n’avons fait que redire ce que relève le COR lui-même : il n’y a pas de dérapage incontrôlé qui mettrait le pays en péril dans les toutes prochaines années.

En revanche, il faut bien sûr trouver des sources de financement, parce que, réforme après réforme, c’est le niveau de pension de nos concitoyens qui a baissé et qui risque de diminuer encore considérablement. Si nous voulons assurer à chacun une retraite digne, il va falloir chercher des sources de financement.

Nous disons aussi qu’il faut tenter de retourner vers la retraite à 60 ans. Quand on voit le taux d’emploi actuel entre 60 et 62 ans, on ne peut que constater que certains ne peuvent plus travailler à cet âge-là. Il faudra donc chercher des sources de financement.

Aux propositions diverses que nous faisons, notamment sur les cotisations, vous opposez, de manière obsessionnelle, exonérations de cotisations et recul de l’âge. Nous demandons à ouvrir le débat. Nous le devons aux Français.

M. le président. Il faut conclure, mes chers collègues !

Mme Céline Brulin. Ils nous attendent sur le sujet. Ce débat de société aurait un très grand intérêt pour chacun. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Michelle Meunier applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, vous évoquez le déséquilibre. Nous ne nions pas qu’il existe un problème de recettes et nous faisons même de nombreuses propositions, mais vous refusez, avec un peu d’entêtement il faut le dire, d’envisager cet aspect de l’équation.

Vous cheminez toujours dans la même direction : pour vous, les cotisations, ce n’est pas une bonne piste. D’autres possibilités sont d’ailleurs envisageables : le Fonds de réserve pour les retraites pourrait, par exemple, être alimenté par une partie des 56,9 milliards d’euros de dividendes versés l’année dernière – record d’Europe détenu par notre pays.

Face à cette nécessité de trouver des recettes, mes collègues communistes ont, dans un souci très détaillé de trouver un compromis, cherché des points d’équilibre possibles et acceptables par notre assemblée. Vous refusez la solution qu’ils proposent, mais vous en choisissez une autre, celle qui consiste à prendre deux ans de la vie de nos concitoyens.

Vous êtes jeune, vous ne voyez sans doute pas la valeur du temps qu’il reste à vivre pour les gens plus âgés. Permettez cependant à un jeune sénateur, comme vous l’avez souligné (Sourires.), dont la ligne d’arrivée est cependant sans doute plus proche que la vôtre, de vous dire que les gens doivent avoir du temps pour vivre, aimer, s’occuper de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

Leur prendre deux ans, c’est l’injustice la plus grande que nous puissions faire. Ces millions de personnes qui, demain, seront dans la rue vous le diront et vous le répéteront. Notre pays a besoin d’eux pour la vie associative, pour l’aide aux enfants et aux parents dépendants… il faut aussi simplement leur permettre de vivre, car on a aussi le droit de ne rien faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je reviendrai sur deux arguments avancés par le ministre.

Prendre deux ans de la vie des gens (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas la prison, c’est le travail !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Grâce à Mme Touraine !

M. David Assouline. … c’est prendre deux ans de vie ailleurs qu’au travail à ceux qui ont trimé toute leur vie…

M. Laurent Duplomb. Ce sont ceux qui en parlent le plus…

M. David Assouline. … pour parvenir à ce moment où ils pourront faire autre chose.

Monsieur le ministre, vous considérez cela comme un coût, comme une régression. Vous nous donnez l’exemple de Lionel Jospin : quand il a institué des exonérations, c’était pour soulager l’économie et compenser la création d’un progrès social historique pour les travailleurs : les 35 heures.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Un vrai progrès…

M. David Assouline. Vous présentez votre réforme comme si elle était à coût nul, mais le cœur de ce que vous proposez, les deux ans de recul de l’âge légal de la retraite, constitue une régression sociale historique !

Le COR évoque une situation maîtrisée ; il ne dit pas qu’il n’y aura pas de problème de financement des retraites, à terme, avec la démographie actuelle. M. Véran nous annonce aujourd’hui qu’il voulait dire que le Gouvernement avait d’autres urgences que la réforme des retraites.

Au moment où les gens n’arrivent plus à vivre – pas seulement ceux qui étaient déjà pauvres, mais aussi les classes moyennes qui basculent – et où la stagnation des salaires et l’inflation font régresser le pouvoir d’achat, pourquoi s’attaquer, avec cette réforme précipitée, encore davantage aux mêmes ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Lors de sa campagne électorale, le Président de la République a affirmé son ambition de nous faire travailler plus longtemps pour préserver l’équilibre des comptes publics, au détriment d’une certaine idée de notre protection sociale.

Le débat parlementaire doit évidemment s’intéresser au financement du système, tout en répondant à l’urgence du moment, alors que les inquiétudes suscitées par le projet de loi sont fortes.

Monsieur le ministre, vous demandez un effort aux Françaises et aux Français, alors que nous vivons une crise aiguë en matière d’accès aux soins. Que donnez-vous en retour ? Rien du tout !

La rupture d’égalité est permanente et l’injustice, vertigineuse. Le prix du litre d’essence a de nouveau atteint près de 2 euros. Les étudiants sont de plus en plus nombreux à faire la queue aux banques alimentaires. Malgré la hausse du coût de la vie, vous demandez aux Français de sacrifier deux années supplémentaires, comme l’ont souligné avec force mes collègues.

Pendant ce temps, les écarts de salaire entre les mieux payés et les moins bien payés progressent en France. La rémunération moyenne annuelle des dirigeants du CAC 40 est de 239 Smic, soit environ 4,6 millions d’euros en 2021. Elle culmine même à 1070 Smic pour Bernard Charlès, le PDG de Dassault Systèmes, ce qui n’est tout de même pas mal !

Ces écarts dépassent la raison, et les inégalités sont tellement fortes entre le bas de l’échelle de l’entreprise et les dirigeants qu’il est indispensable d’agir des deux côtés : en augmentant bien évidemment le Smic et les salaires les plus bas, en mettant à contribution plus fortement les hauts salaires par une surcotisation pour rétablir la justice. C’est ce que nous vous demandons !

Chaque année, les communistes vous demandent au moment de l’examen du budget de la sécurité sociale de faire entrer des recettes. En effet, si les caisses de la sécurité sociale et des retraites sont asséchées, c’est à cause de vous, non pas par des dépenses supplémentaires, mais par des recettes en moins à cause des exonérations.

Entendez-nous une bonne fois pour toutes ! Demain, dans la rue, des millions de gens vont manifester et mettre le pays à l’arrêt. Nous serons avec eux parce que c’est ce qu’il faut faire pour que vous les entendiez ! (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. À l’occasion de ce débat, une vérité émerge pour financer les retraites : monsieur le ministre, ce sont les salaires qu’il faut augmenter et non l’âge de départ à la retraite !

Inlassablement, nous dénonçons cette manipulation qui consiste à affirmer que notre système de retraite serait en danger. Il est vrai qu’il peut l’être du fait des choix libéraux et thatchériens (M. Gérard Longuet sexclame.) que vous voulez imposer à notre pays en livrant au secteur privé la gestion de nos fins de vie.

Objectivement, le système n’est pas en danger, car des moyens de financement existent. Vous faites peur à notre peuple et aux salariés. Vous les inquiétez pour jeter dans les bras de la capitalisation ceux qui, demain, en auront les moyens.

Des solutions existent, nous ne cessons de vous le répéter : mettre à contribution les dividendes, assurer l’égalité salariale entre hommes et femmes. Pourquoi refusez-vous de faire participer le capital au redressement de la protection sociale ? Vous faites un choix politique qui ne va pas dans le sens de l’intérêt général.

Nous le voyons bien au travers de ce débat, nous opposons projet contre projet. Pourquoi ne parlez-vous pas des chiffres suivants : une augmentation de 5 % des salaires dans le privé rapporterait 9 milliards d’euros de cotisations supplémentaires à la branche retraite. Dès lors, quelles mesures le Gouvernement prend-il pour augmenter les salaires ? La question des salaires est également au cœur de ce débat, parce que, nous le savons tous, à petit salaire, petites retraites. Pourquoi ne bougez-vous pas sur le Smic ? Nous continuerons à en débattre jusqu’à ce que vous apportiez des réponses à ces questions qui nous semblent essentielles.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Mes chers collègues, nous sommes dans un affrontement entre gauche et droite.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. On y revient !

M. Fabien Gay. M. le ministre a raison : soit on prend deux années de retraite – les deux plus belles – à des millions de travailleurs et travailleuses, soit on trouve de nouvelles pistes de financement. Voilà la réalité !

Notre groupe propose donc d’élargir l’assiette d’imposition des hauts revenus, ceux qui sont supérieurs à 3 667 euros. D’autres moyens de financement sont possibles, nous l’avons indiqué : par exemple, atteindre enfin l’égalité salariale, ce qui représenterait 6 milliards d’euros immédiats de cotisations sociales supplémentaires, ou gagner la bataille de l’emploi, puisque mettre 1 million de travailleurs et travailleuses de plus en activité rapporterait tout de suite 10 milliards d’euros. Mieux encore, faire cotiser les revenus du capital au même titre que ceux du travail ferait entrer 26 milliards d’euros !

Chers collègues, vous le voyez, nous vous présentons une palette de pistes de financement : décidons et tranchons entre nous ! La majorité du peuple français vous le répétera demain avec une grande force : personne ne veut travailler deux ans de plus. Si le travail peut être source d’épanouissement et de lien social, pour beaucoup de travailleurs et travailleuses, ceux qui sont utiles et essentiels dans ce pays, il est aussi une source de souffrance psychique et physique.

Nous ne voulons pas que leur soient volées ces deux plus belles années. Nous pensons qu’il faut qu’une vraie discussion ait lieu. Arrêtez votre obstruction silencieuse et débattez avec nous ! Avec quoi êtes-vous d’accord ?

Vous ne voulez pas élargir l’assiette d’imposition pour les hauts revenus, soit, mais dites-nous alors ce que vous proposez ! Il faut trouver 10 milliards d’euros d’ici à vingt ou trente ans. C’est une perspective lointaine qui nous laisse le temps de débattre. Cherchons ensemble comment y parvenir, allons-y ! Je suis sûr que vous avez aussi de belles propositions. Nous sommes prêts à vous entendre et à nous mettre d’accord sur un compromis.

Les trois quarts des Français ne veulent pas de la réforme actuelle et soutiennent la grève reconductible qui commencera demain. Nous devrions tout de même pouvoir l’entendre tous ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Il n’y a pas de hasard. Pourquoi ce projet de loi est-il si impopulaire ? Pourquoi six Français sur dix sont-ils opposés à cette réforme ? Parce qu’elle touche exclusivement les ménages, notamment les plus modestes. Il existe d’autres possibilités de financement, comme l’affirment certains économistes, par exemple Michaël Zemmour.

Nous sommes nombreux ici à défendre les propositions du groupe CRCE, car il est possible de trouver un autre mode de financement que ponctionner les ménages les plus modestes. Face à cette injustice, les amendements visent le même objectif : rétablir de la justice sociale là où elle est à l’heure actuelle absente. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Il est une question sur laquelle nous ne débattons pas, peut-être parce que nous avons peur de l’aborder : la retraite a-t-elle, oui ou non, une utilité sociale dans notre pays ? Ce temps de vie, que la langue française a qualifié de troisième puis de quatrième âge, correspond-il à un besoin qu’il faudrait satisfaire ? Avons-nous collectivement besoin de ces femmes et de ces hommes que nous rencontrons tous – je ne ferai offense à personne ! – au quotidien ?

Nous les connaissons tous, ceux que nous rencontrons plus régulièrement le vendredi soir, le samedi après-midi et le dimanche matin, qui, parce qu’ils bénéficient d’un système leur permettant de partir à la retraite en bonne santé, sont élus locaux ou animent nos associations. Si, à la fin de chaque assemblée générale, nous faisons le constat qu’il faudrait un renouvellement de génération, nous sommes satisfaits que ces jeunes retraités dynamiques soient encore là pour faire vivre ce fameux vivre-ensemble que nous appelons de nos vœux et qu’ils incarnent au quotidien.

Vous les connaissez tous et toutes, ces femmes et ces hommes qui, devant les sorties d’école, sont là pour soulager les parents et raccompagner les enfants.

M. Michel Canévet. Il n’y a pas qu’eux ! Il y a des actifs aussi !

Mme Cécile Cukierman. Nous l’affirmons alors : nous voterons en faveur de ces différents amendements.

M. Fabien Gay. Demandez à intervenir, monsieur Canévet !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lassurance vieillesse. Chaque sénateur a le droit de prendre la parole. Si mes collègues ne jugent pas utile de s’exprimer, il faut peut-être se poser des questions…

La répétition provoquée par la succession d’amendements similaires visant à modifier légèrement le pourcentage de cotisations supplémentaires est un dévoiement du débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Chers collègues des travées de gauche, vous ne présentez pas vos amendements : vous profitez de la tribune pour faire des effets de tribune, parce que vous savez que l’on vous regarde. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

Il faut dire aux gens la vérité. Ils ne prennent pas deux ans de travail supplémentaire à cause de cette réforme. La durée supplémentaire de travail qu’ils subissent obéit à un mécanisme que vous connaissez bien. Pour notre part, nous assumons nos responsabilités. En effet, le décalage d’âge que nous préconisons est lié à l’augmentation de la durée de cotisation à 43 ans.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Qui a augmenté cette durée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous ne préconisons pas d’ajouter 2 annuités à ces 43 ans. Dans la plupart des cas, les gens ont déjà subi l’augmentation de durée. Assumez-le ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme Cécile Cukierman. Nous avons voté contre !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Mille excuses alors.

C’est facile de prendre des réformes qui seront appliquées par ses successeurs !

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. René-Paul Savary, rapporteur. La réforme Touraine commence seulement à s’appliquer et à produire ses effets : dites-le dans les manifestations ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Dites aux Français qu’ils travaillent plus longtemps à cause de vous ! Si vous voulez jouer sur ce terrain, nous sommes preneurs !

Un sénateur du groupe SER. Chiche !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Dans ce cas, il faut relever les effets positifs et les effets négatifs de la réforme sur l’ensemble des thématiques.

Vous lisez volontiers dans le rapport du COR une justification de votre positionnement, mais vous oubliez de préciser que tous les scénarios, même les plus optimistes, conduisent à une dégradation des comptes des retraites, entraînant une pension plus faible pour les retraités.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Le pouvoir d’achat des retraités sera en baisse, avec un niveau de vie qui passerait à 85 % du salaire moyen à l’horizon de la période 2030-2040, contre 103 % actuellement. Dites à vos amis que vous êtes favorables à une telle baisse du niveau de vie ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Mensonge !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Ce sera dire la vérité !

Face à cela, sur les travées opposées, nous sommes responsables et nous prenons les décisions qui s’imposent. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Nous ne voulons pas que nos enfants aient à travailler jusqu’à 65 ans.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous ne voulons pas que nos enfants aient à travailler plus de 43 ans, jusqu’à 45 ou 46 ans. Ne pas prendre ses responsabilités équivaut à laisser en héritage à ses successeurs une dégradation du système, qui rendra les réformes encore plus brutales. Plus on tarde à prendre les décisions, plus ce sera le cas.

M. Laurent Duplomb. Pourquoi ne fait-on pas travailler ceux qui ne font rien ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, vous qui êtes sensibles à la prise en compte des mères de famille,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Des femmes en général !

M. René-Paul Savary, rapporteur. … d’attendre les articles qui permettront de prendre des mesures tout à fait significatives pour elles.

Sur nos travées, nous ne parlons pas : nous faisons des propositions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Monique Lubin. Vous étiez donc impatients…

Puisque nous commençons à nous parler franchement, revenons en arrière.

Jusqu’en 1981 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – ce n’est pas si vieux ! –, les ouvriers de ce pays commençaient à travailler à 14 ans, finissaient à 65 ans et mouraient après avoir profité de quelques mois de retraite seulement. Qui est immédiatement revenu sur nos mesures sociales ? Qui a mis en place, en 1993, le calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années pour faire baisser le niveau des retraites ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-François Husson. Sur quel amendement porte l’explication de vote ?

Mme Monique Lubin. Qui, en 2010, a fait passer l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans ? Malgré tout, il a fallu faire encore des réformes, ce qui prouve bien que celles que vous aviez mises en place étaient mauvaises pour les salariés, pour le régime de retraite et pour son équilibre. (Protestations sur les mêmes travées.) Voilà la réalité !

Comme j’ai eu l’occasion de le dire hier, certes, la réforme Touraine a fixé le nombre d’annuités à 43, mais ceux qui commençaient à travailler avant 20 ans ont continué à pouvoir partir à la retraite à 62 ans. C’est à cela que vous allez toucher aujourd’hui !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Bientôt 45 ans de cotisations !

Mme Monique Lubin. Si la gauche n’avait pas été au pouvoir il y a quarante ans, moment où j’ai commencé à m’intéresser à la politique, les ouvriers – j’en suis sûre – travailleraient toujours jusqu’à 65 ans, voire un peu plus. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous nous assurez que vous ne voulez pas que vos enfants travaillent jusqu’à 65 ans… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue.

Mme Monique Lubin. Ne vous inquiétez pas, vous aurez la suite au prochain numéro ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Victorin Lurel. En général, notre rapporteur est un homme pondéré, je dirais même raisonnable. S’il est vrai que sa tonalité n’est pas agressive, il laisse toutefois échapper quelques perles, que nous ne pouvons laisser sans réponse.

En tant que socialiste, personnellement, je n’éprouve ni regret ni honte au sujet de la loi Touraine. (M. Laurent Duplomb sexclame.) Nous l’assumons. Cette réforme des retraites devait d’ailleurs être la dernière.

Pour élargir le périmètre des recettes, vous vous cantonnez dans le système qui est le vôtre : faire payer les autres. Seuls les salariés, selon vous, devraient cotiser pour eux-mêmes. De mon côté, dans une conception de la répartition qui n’est pas extensive, j’estime que d’autres que les salariés doivent payer, à savoir le capital et les dividendes. De la même façon, la CSG peut être partagée.

Je rappelle que les socialistes ont augmenté les pensions agricoles pour leur faire atteindre au moins 75 % du Smic, plancher que nos amis communistes ont porté à 85 %. Je rappelle également que, depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dite Fillon, les 1 200 euros de pension correspondant à 85 % du Smic net auraient déjà dû être réalité.

Comme la sœur Anne du conte de Perrault, nous attendons toujours…

M. Jean-François Husson. Il s’est passé tout de même des choses entre-temps !

M. Victorin Lurel. Étaient également prévues l’amélioration de la retraite complémentaire des conjoints collaborateurs, la création du compte personnel de pénibilité ou la comptabilisation des périodes de maternité dans le décompte des trimestres.

La réforme Touraine a allongé d’un trimestre tous les trois ans, de 2020 à 2035, la durée de cotisation pour atteindre la cible de 172 trimestres. Vous allez accélérer tout cela. Elle comprend aussi la revalorisation du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) – je pourrais être très long sur le sujet –, mais vous ne retenez que l’allongement de la durée de cotisation. Vous condamnez le système à une dégradation relevant de la physique, de l’entropie. Vous voulez nous inoculer un complexe d’infériorité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Soyons lucides et sérieux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)