M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4347 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 91
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 4349 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le taux net des cotisations définies à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, applicable aux entreprises dont l’effectif est au moins égal à 50 salariés et soumises à la tarification individuelle ou mixte, fait l’objet de majorations spécifiques, lorsque ces entreprises ont pratiqué lors de l’exercice précédent des licenciements économiques alors qu’elles sont bénéficiaires ou distribuent des dividendes. Les conditions d’application de la mesure sont fixées par décret.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Permettez-moi quelques brefs rappels.

Sanofi, c’est près de 1 700 suppressions de postes en 2020 et une distribution de dividendes de plus de 4 milliards d’euros.

BNP Paribas, première banque française, entend supprimer 921 postes en France, alors même que la maison mère a affiché en 2022 un bénéfice net record de plus de 10 milliards d’euros.

Novartis risque de supprimer près de 400 emplois en France, alors que l’entreprise a affiché en 2021 52 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Microsoft, c’est près de 206 salariés sur la sellette, soit 10 % des effectifs, alors même que la filiale française connaît une forte croissance.

Ces exemples viennent s’ajouter à une liste toujours plus importante d’entreprises qui ont bénéficié et bénéficient encore largement des 200 aides publiques recensées, d’exonérations en tous genres et de la baisse massive de la fiscalité du capital. À cet égard, je citerai notamment Renault, Airbus, Valeo et Vallourec. Cette liste est loin d’être exhaustive.

Le chômage est un véritable fléau pour la société, comme pour les individus. La mortalité des chômeurs est trois fois supérieure à celle des personnes en emploi. Le nombre de morts par an, parmi les chômeurs, est estimé à plus de 14 000, notamment à cause des suicides.

Nous vous l’avons dit et répété, cette réforme est une machine à fabriquer de la précarité et du chômage, en particulier pour les femmes et les personnes en fin de carrière.

La mise en concurrence des seniors et d’autres actifs dégradera l’accès à l’emploi d’autres catégories, en particulier les jeunes, les femmes et les personnes au chômage, ainsi que les conditions générales de travail des actifs.

C’est pourquoi cet amendement vise à faire davantage contribuer les entreprises de plus de 50 salariés qui pratiquent des licenciements économiques, à notre sens injustifiés, car n’ayant comme seul objectif que d’améliorer les bénéfices, afin de se conformer aux exigences du marché.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Cet amendement est important.

La question posée n’est pas de savoir s’il faut prendre les deux plus belles années de la retraite à des millions de travailleurs et travailleuses. La seule question qui devrait nous animer cet après-midi et les prochaines semaines, c’est de gagner la bataille de l’emploi !

On ne cesse de nous répéter que le pays est en train de se réindustrialiser après la crise du covid-19. Pourtant, partout, on s’aperçoit que c’est faux. Je pense notamment aux grandes entreprises et aux sous-traitants dans le domaine de l’aérien. Très bientôt, il n’y aura plus une seule fonderie en France. Les pièces détachées des véhicules Renault, notamment, seront fabriquées demain en Espagne, en Allemagne ou de l’autre côté de la planète. Voilà la réalité !

La véritable bataille, celle qui devrait nous animer, c’est la bataille pour l’emploi ! Nous ne cessons de vous le dire, un million de travailleurs et de travailleuses de plus en activité, c’est moins d’allocations chômage, mais c’est surtout 10 milliards d’euros de plus de cotisations !

En remettant en activité un million de travailleurs et de travailleuses, le déficit de notre système de retraite, que l’on évalue à 10 milliards d’euros dans vingt ans, disparaît !

Je trouve dommage que nous n’engagions pas le débat, à l’occasion de l’examen de cet amendement, sur la manière de réindustrialiser réellement le pays. Vos déclarations d’intention ne sont en réalité que de la communication politique.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4349 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2881 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le taux de cotisations patronales versé au titre du financement de l’assurance vieillesse est augmenté de 1 point.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à augmenter d’un point le taux de cotisation d’assurance vieillesse, comme le préconise le Conseil d’orientation des retraites.

Le montant total des cotisations versées au régime des retraites s’élevait en 2021 à 227 milliards d’euros. D’après le Haut-Commissariat au plan, une hausse de l’ordre d’un point des cotisations patronales pour les retraites augmenterait ces dernières de quelque 7,5 milliards d’euros, soit environ 15 % du besoin de financement annuel moyen calculé d’ici à 2047.

Une telle hausse requerrait de faire passer le taux des cotisations retraite employeurs à 17,5 % du salaire brut, contre 16,5 % actuellement. Cette recette supplémentaire permettrait donc d’améliorer significativement le financement de la branche retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous l’avons dit, nous ne voulons pas augmenter les charges de l’entreprise.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Selon une évaluation de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), un point d’augmentation des cotisations patronales, comme vous le proposez par cet amendement, représenterait 60 000 emplois détruits.

En augmentant d’un peu plus de 4 points les cotisations patronales, vous pourriez également fixer des objectifs par centaines de milliers d’emplois détruits. Pour notre part, nous souhaitons que les gens puissent travailler et vivre de leur travail.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, votre analyse n’est pas attestée économétriquement ni même en théorie économique.

Vous prétendez qu’il y aurait une sorte d’élasticité entre le niveau d’imposition et le nombre d’emplois créés, ce qui n’est pas prouvé. Vous nous assénez là un magister dixit !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Comme vient de le dire Victorin Lurel, l’argument est éculé.

Puisque l’on sait désormais que les exonérations de cotisations ne créent pas un seul emploi, pourquoi les augmentations en feraient-elles disparaître ?

C’est tant mieux si le débat s’ouvre sur cette question, argument contre argument et chiffres contre chiffres.

Madame la rapporteure générale, vous répétez sans cesse que les cotisations sociales sont des charges supplémentaires pour les entreprises.

Dans nos circonscriptions, nous rencontrons de nombreux chefs d’entreprise, commerçants et artisans. Depuis plusieurs semaines et plusieurs mois, pas un seul ne m’a dit que les cotisations sociales étaient insupportables et constituaient son problème numéro un. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pas un seul ! Nous ne devons pas rencontrer les mêmes !

Par exemple, que nous disent les boulangers ? Qu’évoquent-ils en premier : les cotisations sociales ou le prix de l’électricité ?

M. Michel Canévet. Les charges !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les deux !

M. Fabien Gay. Ils parlent du prix de l’électricité !

Pourtant, quand nous vous avons proposé de sortir du marché européen de l’énergie, vous avez voté contre. Quand nous vous avons proposé le retour aux tarifs réglementés, vous avez voté contre. Tout cela s’est déroulé voilà quelques semaines et non pas voilà quelques années !

Ayons un débat ancré dans le réel !

Aujourd’hui, pas un seul chef d’entreprise ne dit que les cotisations sociales représentent une charge insupportable. En revanche, l’inflation des produits alimentaires, des produits de première nécessité et du coût de l’énergie lui pose un réel problème. Par conséquent, si nous voulons régler les vrais problèmes, prenons-les dans l’ordre et débattons-en ! Acceptez alors, mes chers collègues, de voter nos propositions pragmatiques et de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Ce que je m’apprête à dire pourrait s’insérer à n’importe quel moment du débat.

Nous avons pu le vérifier, le niveau des recettes fiscales et sociales, qui pèsent directement sur les salaires et les employeurs, est le plus élevé de l’Union européenne. Nous avons moins d’impôts directs sur les revenus des individus, mais le taux de prélèvement sur les salaires versés est maximal.

Très franchement, je veux bien faire un concours d’économétrie avec M. Lurel ! Il est aisément démontrable que les cotisations ont un lien avec notre difficulté à retrouver de la compétitivité à l’extérieur de notre pays. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – MM. Fabien Gay et M. Victorin Lurel sexclament.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il est très étonnant que vous découvriez subitement une élasticité entre les cotisations et l’emploi, alors que nous ne l’avons jamais constatée quand les premières baissaient. D’après vous, en augmentant d’un point les cotisations patronales, on détruirait 60 000 emplois.

La part des salaires dans la valeur ajoutée par rapport aux consommations intermédiaires est devenue congrue. Par conséquent, la moindre évolution des consommations intermédiaires, contre laquelle vous ne faites rien – les coûts énergétiques augmentent aujourd’hui à la suite de la spéculation et non pas simplement en raison d’un problème géopolitique –, détruit plus d’emplois qu’une éventuelle évolution du point de cotisation !

La cotisation est-elle une charge ? Non, la cotisation est un salaire socialisé. Par conséquent, si la cotisation est pour vous une charge, alors le salaire l’est aussi. Or c’est le salaire qui crée la valeur ajoutée et la richesse.

À mes yeux, le salaire est non pas une charge, mais un coût. Qui plus est, le salaire socialisé est une composante du salaire.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Depuis deux jours et demi, je me retiens de parler ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.) Toutefois, en la matière, il me semble qu’il faut intervenir.

D’autres l’ont dit, on a l’impression que le travail, dans notre pays, est devenu une valeur n’ayant plus aucune valeur ! Il faudrait donc qu’il soit le plus court et le moins pénible possible. (Oui ! sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Selon moi, dans notre pays, l’émancipation se fait par le travail.

Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi la réflexion ne se fait que sous un seul prisme. Voilà quelques semaines, nous avons eu à traiter, dans notre hémicycle, du problème du chômage. Nous avions proposé que, après un CDD ou une période d’intérim, une personne à qui il est proposé un CDI puisse avoir le choix de le refuser, certes, mais sans percevoir le chômage. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)

Ceux qui nous expliquent qu’il faut trouver des financements pour notre système de retraite étaient contre cette proposition. Pourtant, le chômage, qui repose sur la solidarité, vise à aider ceux qui perdent leur travail. Il ne s’agit pas de laisser la possibilité à celui qui n’a plus envie de travailler de percevoir un revenu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées UC.)

Vous n’avez pas voté cette proposition ! Et le Gouvernement a fini par plier en commission mixte paritaire, en édulcorant notre position. Alors que nous avions prévu que, après un intérim ou un CDD, on ne puisse continuer à percevoir le chômage en cas de refus d’un CDI, le Gouvernement a fixé à deux refus le déclenchement du mécanisme. C’est inadmissible !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Laurent Duplomb. Si l’on retenait notre position, je vous le garantis, on trouverait des milliards d’euros ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Nous entamons un débat intéressant, susceptible de relever quelque peu le niveau.

Laissez-moi vous rassurer, monsieur Duplomb : nous ne dirons pas à Bruno Retailleau que vous avez brisé la loi du silence. Cela restera entre nous ! (Sourires.)

J’imagine qu’il y a sur ces travées des parlementaires, y compris à gauche, qui considèrent que le travail peut être quelque chose de sain, de fécond et même de généreux.

M. Laurent Duplomb. C’est pour cela que je rêve de travailler jusqu’à 80 ans !

M. Mickaël Vallet. Puisque nous nous occupons ici du Sénat et pas de l’Assemblée nationale, comme je l’ai entendu à plusieurs reprises, la vision « du vrai travail sain, fécond, généreux, qui fait le peuple libre et qui rend l’homme heureux » – vous y souscrivez probablement – était celle de notre émérite prédécesseur Victor Hugo.

Pour lui, il s’agissait de dénoncer ce qu’il appelait le contraire du « vrai » travail, à savoir l’exploitation. Je suis ravi d’avoir entendu un collègue affirmer tout à l’heure que nous n’étions pas au XIXe siècle. Sans démagogie aucune, il viendra expliquer cela aux aides à domicile, que nous avons tous eu à gérer dans nos collectivités – je vous le dis avec émotion – et qui sont confrontées à une pénibilité qui n’est pas prise en compte, d’autant moins que, dans ces métiers, il est leur difficile de se syndiquer, de se faire représenter et de faire entendre leur voix.

Fort heureusement, nous ne sommes plus au XIXe siècle – nous ne pourrions sinon débattre de manière aussi démocratique. Toutefois, on ne peut pas le nier, il existe aujourd’hui, à côté du travail que tout le monde souhaite pour pouvoir s’épanouir – le « vrai travail sain, fécond, généreux, qui fait le peuple libre et qui rend l’homme heureux » –, des modalités de travail pour lesquelles il convient de prendre en compte la pénibilité.

Les gens qui n’ont pas envie de bosser, de prendre un boulot ou de participer, il en existe peut-être : ils s’appellent les rentiers ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Je n’ai pas l’impression d’être un sénateur particulier, mais je n’ai pas non plus l’impression d’être hors du temps. Pour reprendre le propos de l’un de nos collègues tout à l’heure, je veux bien être le sénateur représentant les plus grandes feignasses que la terre ou que notre pays porte !

Il s’agit de savoir non pas si l’on veut continuer de travailler, mais si l’on peut continuer de le faire après 62 ans. Ne dites pas de bêtises : quand vous avez commencé de travailler tôt ou que vous avez travaillé pendant 20 ans, 30 ans, 35 ans dans le froid, à subir les intempéries, que vous avez porté des charges lourdes, à partir de 60 ans ou de 62 ans vous êtes éreinté, fatigué, laminé, vous n’existez plus physiquement ! Comment pouvez-vous affirmer qu’il est encore possible de continuer de travailler deux ans supplémentaires ?

J’ai regardé la page Wikipédia de notre collègue, je n’ai pas réussi à trouver sa profession (Mme Victoire Jasmin rit.), mais je ne pense pas qu’il ait travaillé avec ses mains pendant 40 ans pour avoir un tel avis !

Pensez aux personnes que vous applaudissiez tous à vingt heures il y a deux ans (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.) : les soignants, les infirmières, les médecins, les aides-soignantes, les assistants de service social (ASH) ! Comment oserez-vous encore les regarder ?

Vous, mesdames, messieurs les médecins, quand vous les recevrez dans votre cabinet, que direz-vous aux aides-soignantes de 62 ans qui n’arriveront plus à transférer les personnes âgées du brancard au lit parce qu’elles ont le dos, les bras, les épaules cassés ? Allez-vous leur répondre : eh bien, faites tout de même deux ans supplémentaires ?

Comment pouvez-vous tenir de tels propos ? Comment pouvez-vous ne pas être d’accord avec nous quand nous disons, pas pour tout le monde, mais pour une certaine catégorie de travailleurs, qu’une telle réforme n’est pas possible ? Personnellement, je peux tout à fait envisager de travailler jusqu’à 64 ans ou jusqu’à 65 ans. Rassurez-vous, c’est bien moins pénible d’être ici, même jusqu’à deux, trois ou quatre heures du matin que d’être paysan ou travailleur du bâtiment ! J’ai fait tous ces métiers : Laurent Duplomb et d’autres hochent de la tête, mais ils savent très bien que j’ai raison et que mon propos est vrai ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Certes, le débat est passionné, ce qui est normal au vu des sujets dont nous discutons, mais à quoi bon nous livrer à des attaques ad hominem sur les fiches des uns et des autres ?

Nous parlons beaucoup de pénibilité. Si nous voulons avancer jusqu’à l’article qui y est consacré, il faudrait peut-être resserrer les temps de parole. Nous voulons examiner l’article 7 demain après-midi, dont acte, mais, au rythme où nous allons, cela semble impossible.

Quand on prend des engagements, mes chers collègues, il faut les respecter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2881 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3166, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Il est instauré un malus, fixé par voie réglementaire, sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises enregistrant un taux de rupture de contrat de salariés âgés de plus de 55 ans anormalement élevé par rapport à la branche d’appartenance.

« Les efforts de l’employeur en matière d’emploi et du maintien en emploi des seniors s’apprécient sur la base de critères définis par décret en Conseil d’État à partir du bilan social de l’entreprise, défini aux articles L. 2312-28 à L. 2312-33 du code du travail.

« Le montant du malus ainsi que les modalités de définition du taux de rupture de contrat sont définis par décret en Conseil d’État.

« Le produit de cette contribution additionnelle est affecté à la caisse mentionnée à l’article L. 222-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Lors de la présentation du projet de réforme, le 10 janvier dernier, la Première ministre Élisabeth Borne a elle-même admis que de nombreuses entreprises avaient recours à une pratique « abusive », voire « discriminatoire », consistant à « faire partir les salariés quelques années avant la retraite ». Ce constat est resté lettre morte, excepté l’index seniors…

C’est un aveu d’impuissance de l’État devant un tel phénomène. Les moyens de contrôle de l’inspection du travail sur des pratiques abusives, voire discriminatoires, étant ce qu’ils sont, pourquoi en irait-il autrement ?

Nous pensons qu’il faut contrôler et sanctionner les entreprises qui se débarrassent des salariés quelques années avant la retraite.

La contribution Delalande avait cette ambition, mais le dispositif n’a pas fonctionné, car les entreprises ont licencié un an avant la limite d’âge. On voit bien comment les entreprises se comportent… C’est la preuve, selon vous, qu’il est inutile de prévoir des pénalités. Vous proposez alors d’instaurer une prime ou une exonération pour les empêcher de licencier, naviguant entre impuissance face à un comportement condamnable et effets d’aubaine !

Les entreprises ont une grande responsabilité dans le maintien en emploi des seniors, dans un contexte où beaucoup considèrent ces derniers comme des salariés moins productifs ou trop coûteux. Il importe donc de prévoir des pénalités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3166.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2515, présenté par M. Gontard, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est instauré un malus, fixé par voie réglementaire, sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises enregistrant un taux de licenciement anormalement élevé.

« La détermination de l’effort de l’employeur en matière de prévention à destination des inaptitudes se fait sur la base de critères définis par voie réglementaire à partir du bilan social de l’entreprise, défini aux articles L. 2312-28 à L. 2312-33 du code du travail. »

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Cet amendement, inspiré par notre ancienne collègue Sophie Taillé-Polian et les députés écologistes, vise à instaurer un malus sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles uniquement pour les entreprises qui présentent une tendance élevée au licenciement de travailleurs pour inaptitude.

L’objectif est multiple : inciter les entreprises à s’engager sur des politiques opérantes de prévention des accidents et maladies professionnelles et éviter au maximum les déclarations d’inaptitude ; s’assurer que les hypothèses de reclassement sont bel et bien étudiées et au maximum respectées, et ainsi limiter au maximum les licenciements pour inaptitude ; faire contribuer davantage au financement de la branche AT-MP les entreprises peu responsables qui licencient pour inaptitude des salariés qui seront ensuite pris en charge par la sécurité sociale.

D’après l’enquête Emploi 2012, en cinq ans, le taux de licenciement pour inaptitude a fortement augmenté, passant de quatre à six licenciements pour 1 000 emplois en CDI, soit une hausse de 50 %.

Si le chiffre de 100 000 salariés déclarés inaptes à leur poste est régulièrement avancé de façon parcellaire, il n’existe aucun chiffre à l’échelle nationale qui consolide ce phénomène.

Ce dispositif permettrait en outre d’avoir une vision globale et des données sur le nombre d’entreprises qui ont recours à des licenciements pour inaptitude.

Il est prévu de renvoyer à une définition réglementaire la précision du « taux anormalement élevé de licenciement ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Il est question, dans l’exposé des motifs, de l’inaptitude au travail, qui est bien une préoccupation majeure. Toutefois, l’amendement vise à prévoir des pénalités sur la branche AT-MP.

Or l’inaptitude au travail n’est pas prise en compte de la même manière que l’incapacité permanente, laquelle relève de la branche AT-MP et concerne la pénibilité quand les salariés sont exposés à une usure due au travail en raison des facteurs de pénibilité, qu’ils soient pris en compte sur le compte professionnel de prévention (C2P), qu’ils soient ergonomiques ou qu’ils soient liés à des agents chimiques.

L’inaptitude au travail peut, quant à elle, être liée à une maladie. Elle est donc prise en charge par d’autres dispositifs et non par la branche AT-MP. Il faut bien faire la différence parce que les prises en charge ne sont pas les mêmes.

La branche AT-MP n’étant pas concernée par les problèmes d’inaptitude, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.