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Salut en séance aux auditeurs de l’Institut du Sénat

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans nos tribunes des auditrices et des auditeurs de la sixième promotion de l’Institut du Sénat. (Applaudissements.)

Sur l’initiative de notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont, le bureau du Sénat avait décidé, en 2015, de mettre en œuvre ce programme de formation en vue de mieux faire connaître les modalités de fonctionnement et les enjeux de notre démocratie parlementaire à des personnalités d’horizons géographiques et professionnels très divers.

Les dix-huit auditeurs de cette sixième promotion, issus d’une dizaine de départements différents, représentent en effet toutes les sphères d’activité professionnelle : publique, économique, agricole, sportive, éducative, universitaire ou encore scientifique.

Tout au long de leurs travaux, qui ont commencé ce matin et s’achèveront à la fin du mois de juin, ils rencontreront plusieurs de nos collègues sénateurs et des fonctionnaires du Sénat.

En votre nom à tous, je leur souhaite une excellente session au Sénat, et je suis certain que, à l’issue de ces trois mois, ils pourront être les témoins privilégiés de la place essentielle de notre institution au sein de la Ve République et de la qualité du travail parlementaire. (Nouveaux applaudissements.)

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Article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 7 (suite) (début)

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (projet n° 368, rapport n° 375, avis n° 373).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Laurent. Mon rappel au règlement s’appuie sur l’article 44 bis de notre règlement.

Parmi les mesures déclenchées cette nuit pour accélérer la clôture autoritaire des débats sur l’article 7 et sur le projet de loi relatif aux retraites, la commission des affaires sociales a invoqué l’article 44 bis du règlement pour déclarer irrecevables plusieurs centaines de sous-amendements qui ont été déposés après la réécriture de l’article 7, et qui sont devenus subitement irrecevables alors que les amendements qu’ils reproduisaient avaient, eux, été déclarés recevables par la même commission. La présidente Deroche – cela figure au compte rendu – a d’ailleurs reconnu qu’il s’agissait des mêmes amendements !

Mais le vice-président Karoutchi nous a en quelque sorte livré l’explication de texte : à partir du moment où l’article réécrit devenait un amendement, cela rendrait impossible de le sous-amender en en contestant le sens. Et, en effet, l’article 44 bis du règlement rend impossible le dépôt d’un sous-amendement contraire à l’amendement auquel il s’applique.

Reste qu’il y a là un détournement du sens de notre règlement ! Si nous acceptons cette interprétation, en effet, alors il suffit de transformer un article entier – c’est ainsi que les choses se sont passées cette nuit – en un amendement de réécriture pour le rendre inamendable ! En d’autres termes, l’article, qui est en lui-même constitutionnellement amendable et contestable, devient, par le jeu d’une réécriture, un amendement, en tant que tel inamendable.

Il y va donc bien d’une atteinte de fait au droit constitutionnel d’amendement des parlementaires.

M. David Assouline. C’est grave ! Très grave, même !

M. Pierre Laurent. Il nous faut donc être extrêmement vigilants, mes chers collègues, quant à ce précédent – car c’est un précédent qui a été créé –, qui ouvre la porte à toutes les manipulations contre le droit d’amendement.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Laurent. Et je dis à nos collègues du groupe Les Républicains : si vous voulez assumer le vote de ce projet de loi, faites-le (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. le président. Votre temps de parole est écoulé.

M. Pierre Laurent. … mais ne manipulez pas le règlement du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour un rappel au règlement.

Mme Céline Brulin. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. »

Cette nuit, en effet, des sous-amendements ont été déclarés irrecevables sans même avoir été examinés par la commission, de l’aveu même de sa présidente ! Nombre des nôtres avaient trait à des demandes de précision technique manifestement parfaitement recevables.

Ce droit inaliénable d’amendement a été utilisé par la commission pour reformuler l’article 7 dans une version quasi identique au texte originel, dans le seul but de faire disparaître les amendements des groupes de gauche, qui relaient dans cette enceinte les préoccupations de nos concitoyens, hier encore mobilisés très massivement.

Ces amendements portaient par exemple sur l’allongement de la durée de cotisation ou sur le report de l’âge légal de départ à la retraite, ces sujets sur lesquels vous nous disiez vouloir débattre !

Que n’a-t-on entendu ici sur l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale ? Mais ce qui se passe au Sénat est l’autre face d’une même pièce : il s’agit toujours d’empêcher le travail parlementaire sur ce texte ; et cela n’honore pas le Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Où est passée la « sagesse » que vous convoquez régulièrement, mes chers collègues ? Où est la rigueur légendaire du Sénat ? Disparue dans de basses manœuvres, qui n’effaceront pas, mes chers collègues, la détermination du peuple français à rejeter cette très mauvaise réforme ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour un rappel au règlement.

M. Fabien Gay. Mon rappel au règlement se fonde sur le même article de la Constitution.

Je m’exprime devant vous avec solennité, mes chers collègues, et animé d’une colère froide. Nos débats sont très suivis à l’extérieur. Beaucoup nous ont dit qu’ils comptaient sur nous toutes et nous tous pour échanger et avoir un débat de fond sur ce texte ainsi que, pour ce qui concerne les élus de gauche, pour nous y opposer et y faire échec, car nous sommes dans l’opposition.

Depuis jeudi, nous faisons de la politique, pensons-nous, en menant un débat argumenté, précis et documenté ; c’est bien le rôle du Parlement. Tant que nous ne sommes pas passés à la VIe République, tant que nous n’avons pas changé de Constitution, chaque parlementaire a le droit de déposer un amendement et de le défendre. (M. Didier Mandelli sexclame.)

Même si la droite accusait la gauche de pratiquer une obstruction « cordiale » et qu’en réponse nous vous reprochions votre obstruction « silencieuse », nous avancions dans le débat. Celui que nous avons eu ce dimanche, projet contre projet, répartition contre capitalisation, a été utile, je le pense. Qui peut dire ici que nous avons perdu du temps ?

C’est pourquoi, hier, nous avons été très surpris (Sourires ironiques au banc des commissions.) qu’au moment d’arriver au cœur du projet vous déclenchiez la mise en œuvre d’une série d’articles du règlement : pour la première fois, l’article 38 restreignant la parole, puis l’article 44 bis, la réécriture de l’article 7 du projet de loi le rendant inamendable. Enfin, et sans pouvoir nous l’expliquer, vous avez déclaré nos amendements – devenus sous-amendements – anticonstitutionnels au nom du principe d’égalité devant la loi, alors qu’une demi-heure auparavant ils ne l’étaient pas…

Si l’on ajoute à ce tableau les décisions prises ce matin, de nouvelles dispositions étant mobilisées pour réduire encore le temps de parole, cela devient un véritable coup de force. Ce coup de force, certes, est permis par le règlement. Mais le règlement n’est là que pour organiser notre vie commune ! Lorsqu’on l’utilise pour régler une question politique, c’est que l’on est au bord d’une crise démocratique.

En réalité, l’utilisation de toutes ces règles prouve votre fébrilité et montre que vous avez besoin d’autoritarisme pour établir votre autorité politique, que vous avez perdue – vous le savez, vous êtes minoritaires.

Que chacun se rassure parmi celles et ceux qui luttent hors de cette enceinte : nous restons utiles et déterminés, aujourd’hui comme samedi prochain, pour le retrait de ce projet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Savoldelli. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis de notre règlement.

Le recours exceptionnel à l’article 38 du règlement du Sénat, et cela en pleine nuit, le jour même d’une mobilisation historique de grande ampleur contre cette réforme des retraites, recours décidé main dans la main avec le Gouvernement, nous semble constituer une attaque en règle, particulièrement grave, contre notre démocratie parlementaire.

L’utilisation de cet article clôture en effet un débat parlementaire d’une façon qui n’honore pas notre institution.

J’ai bien entendu Mme la Première ministre invoquer tout à l’heure la séparation des pouvoirs. Pourtant, nous ne pouvons que constater la constitution, ou du moins le renforcement, du bloc de droite libérale, comme une sorte de remaniement ministériel qui annoncerait de futurs changements institutionnels.

Mais dans quel régime politique nous trouvons-nous ? Ces pratiques sont honteuses ! Si vous êtes en train de préparer – en douce, encore une fois ! – un changement institutionnel synonyme d’un nouveau régime politique, dites-le-nous !

Vous ignorez avec arrogance, pour la déconsidérer, la colère des Françaises et des Français. Il est pourtant difficile de ne pas voir que personne ne veut perdre ses deux plus belles années de retraite pour les échanger contre les deux années de travail les plus difficiles !

Le jour même de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, vous vous apprêtez à faire passer en force, par un coup de force institutionnel, un article, l’article 7, qui pénalisera en premier lieu les femmes, vous le savez !

Je veux m’adresser à M. le président du Sénat, Gérard Larcher – je le prie de m’écouter. Monsieur le président Gérard Larcher, dans la nuit d’hier à aujourd’hui, vous avez été davantage le président du groupe Les Républicains que le président du Sénat en vous soumettant à l’agenda du Gouvernement (Protestations scandalisées sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) via l’article 38, dont l’utilisation fut réclamée par le président Retailleau et applaudie par les centristes !

Monsieur le président Larcher, vous décrédibilisez notre institution… (Nouvelles protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Max Brisson. Pas de menace !

M. Pascal Savoldelli. … et le travail parlementaire !

Je m’adresse donc à ce nouveau bloc de droite :…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. … soyez raisonnables, retirez cette réforme ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Roger Karoutchi. Le règlement impose de sanctionner quiconque interpelle ainsi le président de séance !

M. Olivier Paccaud. La règle, ce n’est pas uniquement quand ça vous arrange !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Gontard. Je fais ce rappel au règlement sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2015 sur le caractère effectif de l’exercice du droit d’amendement et les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

Cela vient d’être rappelé, la dernière séance de notre assemblée, pendant laquelle a régné – c’est le moins que l’on puisse dire – une très grande confusion, s’est révélée à plusieurs égards particulièrement problématique.

La liste des irrégularités qui ont pu y être constatées est longue ; mes collègues la compléteront.

La commission, notamment, et de l’aveu même de la présidente de la commission des affaires sociales, n’a pas réellement examiné les sous-amendements déposés. Cette dernière a déclaré ne pas avoir examiné certains sous-amendements, comme l’atteste le compte rendu analytique de la séance, page 69, mais a ensuite déclaré irrecevables ces mêmes sous-amendements, pour ensuite déclarer les avoir examinés, ce qui est matériellement impossible !

C’est sur un mauvais fondement que la commission a déclaré les sous-amendements irrecevables en raison de leur soi-disant contradiction avec l’amendement de réécriture : c’est l’article 44 bis, alinéa 3 qui seul a été cité alors qu’aurait dû être invoqué l’article 44 bis, alinéa 9 pour soulever une exception d’irrecevabilité fondée sur les motifs prévus à l’article 44 bis, alinéa 4.

La présidente de la commission des affaires sociales a omis des informations. Elle n’a cité aucun article du règlement pour déclarer irrecevables les sous-amendements visant à introduire des exceptions pour différents métiers, alors qu’elle aurait dû clairement énoncer qu’elle se fondait pour ce faire sur l’article 44 bis, alinéa 10.

Elle a également anticipé la décision du Sénat en déclarant irrecevables ces amendements alors qu’elle n’était fondée qu’à demander que le Sénat se prononce sur leur seule irrecevabilité.

La présidence de séance n’a pas éclairci la procédure ni garanti la clarté et la sincérité des débats. La distinction entre les deux formes d’irrégularité ainsi que leurs fondements réglementaires respectifs n’ont pas non plus été spécifiés par la présidence. Il aurait été souhaitable que soient précisés les différents fondements et énumérés les amendements concernés.

Enfin, certains sous-amendements ont finalement été discutés en séance sans que les sénateurs puissent s’en saisir, puisqu’ils n’ont pas été distribués. Ils ont été rejetés par le Sénat avant d’être déclarés irrecevables a posteriori.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue. (« Ça suffit ! » sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Gontard. Tel est le cas du sous-amendement n° 4765 de Raymonde Poncet Monge.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement. (Et allez !… sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Thomas Dossus. Je fonde mon intervention sur la même décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2015 relative aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

L’organisation de la séance de la nuit dernière, qui s’est déroulée dans la confusion absolue, a perturbé la clarté des débats : les droits ouverts aux sénateurs par le règlement de notre assemblée n’ont pas été respectés.

La séance a refusé des rappels au règlement en parfaite contradiction avec l’article 36, alinéa 3, du règlement, qui dispose que « la parole est accordée sur-le-champ à tout sénateur qui la demande pour un rappel au règlement ».

De surcroît, les sénateurs ont dû voter dans la précipitation et la confusion sur une motion dont ils n’avaient pas le texte sous les yeux : la version papier de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité n’a pas été distribuée aux sénateurs avant le vote. La volonté de passer en force n’excuse pas tout ; il faut en tenir compte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour un rappel au règlement.

Mme Monique de Marco. À mon tour de formuler un rappel au règlement sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2015.

Sur le fond, les irrecevabilités sont contestables pour plusieurs raisons. Une partie de nos sous-amendements ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils contrediraient l’article 7. Cela est très contestable : nos sous-amendements ne contredisent pas l’amendement ; ils se contentent d’en limiter la portée. Nous contestons une interprétation très extensive du mot « contredire ».

Par ailleurs, bien que cela ne relève pas à proprement parler du règlement, une seconde partie de nos sous-amendements, qui visaient à exempter certains métiers du report de l’âge légal, ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi.

Là aussi, cela est parfaitement contestable : nous connaissons la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui autorise que le législateur règle de façon différente des situations différentes ou qu’il déroge au principe d’égalité pour des raisons d’intérêt général. Le principe d’égalité n’est en aucun cas un principe absolu, et vous ne sauriez affirmer avec certitude que ces amendements étaient inconstitutionnels : seul le Conseil constitutionnel aurait pu le faire !

Nous nous demandons également pourquoi ce motif n’a pas été invoqué pour déclarer l’irrecevabilité de nos amendements dont les dispositifs sont similaires…

Monsieur le président, quand on se livre à un coup de force réglementaire comme celui d’hier, il est préférable de se montrer d’une incontestable rigueur ! Pour reprendre sereinement l’examen de ce projet de loi, le Sénat s’honorerait à annuler toutes les opérations de vote qui ont eu lieu après la reprise de deux heures quarante-cinq. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

M. David Assouline. Mon rappel au règlement se fonde aussi sur la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2015.

Ce que l’on a vu cette nuit n’est pas anodin ; cela restera un moment historique pour cette assemblée. Même ceux qui y siègent depuis un certain temps n’ont jamais vu ça,…

M. Roger Karoutchi. On n’a jamais vu une telle obstruction, en même temps…

M. David Assouline. … et ils le disent.

Il y a eu des moments de tension, des moments de combat, des successions de rappels au règlement, des batailles de procédure : c’est la vie des assemblées. Par contre, l’arbitraire, qui tombe d’un coup, avec cette violence, au milieu de la nuit, pour faire disparaître des milliers d’amendements, puis des milliers de sous-amendements, en moins de trois quarts d’heure, c’est autre chose ! Je demanderai des vérifications : était-ce matériellement possible ? S’il faut une enquête pour vérifier que ces 2 000 sous-amendements étaient bel et bien irrecevables, nous pouvons la faire !

Attention, ce faisant, vous ne rendez peut-être pas un service au Gouvernement. En effet, ce qui a frappé et mobilisé l’opinion, c’est que, à l’Assemblée nationale, cet article central, qui est la loi – c’est toute la loi : tout le reste n’existe pas s’il n’y a pas cette mesure qui instaure un impôt de deux ans sur la vie des Français ! –, n’a pas été discuté ; tout le monde attendait que la discussion ait lieu ici. Et c’est précisément sur cet article, pas sur les autres, qu’il s’est passé ce qui s’est passé. Il y a eu, ici, près de cinquante heures de discussions tranquilles sur tous les autres articles. (M. Didier Mandelli sexclame.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. « Tranquilles », c’est ça…

M. David Assouline. Et c’est sur cet article-là, à propos duquel la France attendait un débat, que le couperet est tombé ! (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Conseil constitutionnel pourra apprécier la sincérité des débats parlementaires s’il s’avère qu’aucune des deux assemblées n’a pu discuter sérieusement et sur le fond de l’article 7 ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 44 bis du règlement du Sénat.

Le Conseil constitutionnel a deux exigences à l’égard de nos travaux : la clarté et la sincérité. Je vais examiner ce qui s’est passé hier à l’aune de ces deux conditions.

En ce qui concerne la sincérité de l’amendement déposé par M. Savary hier soir, nous avons longuement discuté en commission. M. Savary a longuement développé son soutien à l’article 7 ; jamais – jamais ! – il n’a été question d’un amendement du rapporteur réécrivant une partie de cet article 7.

M. Bernard Jomier. C’est vrai.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement est sorti hier soir à deux heures trente du matin au seul motif de priver le Sénat du débat qui l’attendait sur l’article 7 !

Mme Laurence Rossignol. Je commence donc par dire que le débat d’hier était insincère : c’est une manœuvre qui a eu lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

En ce qui concerne la clarté, si, cette nuit, le Sénat a voté cet amendement – ou, plutôt, si des sénateurs l’ont voté –, c’est dans la plus grande confusion, entre deux suspensions de séance, au moment où nous cherchions encore à déterminer quelles seraient les conséquences de son adoption éventuelle sur les amendements que nous avions précédemment déposés, et au moment où l’on nous informait que les sous-amendements que nous étions en train de déposer étaient « contraires » à l’amendement déposé par M. Savary.

« Contraires », vraiment ? Changer une date, c’est « contraire » ? Depuis quand ? Depuis quand modifier une date dans un amendement est-il contraire au sens de cet amendement ? Tel était l’objet de certains de nos sous-amendements… (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Hier soir, donc, mes chers collègues, vous avez voté un amendement dans des conditions qui ne respectent ni l’exigence de sincérité ni l’exigence de clarté que le Conseil constitutionnel nous demande de respecter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis, alinéa 4 : les sous-amendements ne sont recevables qu’à la condition de n’avoir « pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils se rapportent ». (Voilà ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Or, parmi les sous-amendements qui ont été déposés, il en est un grand nombre qui ne contredisent pas l’amendement auquel ils se rapportent. Il est parfaitement légitime de déposer des sous-amendements tendant à limiter l’effet de l’amendement, à en réduire la portée, à en restreindre les conséquences ou à en compléter les dispositions. Tout cela est légitime, puisqu’il n’y a là nulle « contradiction » !

Monsieur le président, j’ai donc l’honneur de vous demander qu’il soit procédé à un examen de l’ensemble des sous-amendements,…

M. Fabien Gay. Il a raison.

M. Jean-Pierre Sueur. … afin que l’on puisse déterminer, sous-amendement par sous-amendement, s’il y a bien contradiction – car la commission a été, en trois quarts d’heure, dans l’impossibilité de le faire –, de telle manière que tous les sous-amendements qui ne sont pas contraires à l’amendement viennent en débat en séance publique. À défaut, c’est à un véritable déni du droit fondamental d’amendement et de sous-amendement qui est le nôtre que nous assisterions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. À mon tour, sur le fondement de l’ensemble des alinéas de l’article 44 bis, de prendre la parole pour un rappel au règlement.

Ce qui s’est passé hier soir est particulièrement inédit au sein du Sénat. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés par mes collègues voilà un instant. Mais les événements de cette nuit s’inscrivent dans un contexte ; et ce contexte a été aggravé ce matin par la conférence des présidents.

Le déclenchement de l’article 38 de notre règlement ne relève pas de l’autorité de la conférence des présidents : la décision de demander la priorité pour l’examen d’un amendement non plus. En revanche, l’article 42 peut être déclenché sur la base d’une décision de la conférence des présidents ; malgré notre opposition, il en a été ainsi décidé.

Cela veut dire, monsieur le président, que le droit d’amendement et de sous-amendement, pour ce qui reste de notre débat, va être encadré comme jamais au Sénat par la décision qui a été prise et par la capacité dont s’est dotée la majorité sénatoriale de « plier » les arguments de l’opposition qu’ici nous représentons. Je le regrette : c’est une bien mauvaise image qui a été donnée hier soir.

Tous les arguments développés par Mme Rossignol feront naturellement l’objet d’une réflexion en vue d’un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel.

Je ne sais pas si je peux vous dire de vous ressaisir…

M. Vincent Segouin. Nous « ressaisir », vraiment ?

M. Patrick Kanner. … pour que le débat puisse aller jusqu’au bout dans les meilleures conditions. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

Oui, vous ressaisir !

Tous ces rappels au règlement n’ont qu’un objectif, mes chers collègues : faire que le Sénat puisse travailler dans de bonnes conditions un texte aussi important pour nos concitoyens. Telle est la volonté qui est la nôtre ; je ne suis pas sûr qu’elle soit partagée par vous tous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE. – Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. C’est vous qui avez bloqué ! Pourquoi avoir déposé tant d’amendements ?

M. David Assouline. Continuez à vous asseoir sur la démocratie !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tous ceux qui ont participé à la dernière séance de nuit – nous étions nombreux – ont pu constater l’extrême désordre dans lequel le Sénat a tenté de travailler.