M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Cet article 17 entérine les choix décidés lors du PLFSS 2023 pour la branche famille, avec le transfert de 2 milliards d’euros des indemnités journalières de la branche assurance maladie vers la branche famille.

Alors que les besoins sont urgents, notamment pour la création d’un grand service public de la petite enfance, ces 2 milliards d’euros manqueront, en particulier pour les femmes, qui subissent lourdement les conséquences sur leur vie professionnelle de leurs choix familiaux.

Je ne peux que regretter et critiquer fortement l’inaction du Gouvernement en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Je suis en colère devant la passivité des pouvoirs publics, qui consiste à accepter d’année en année que les entreprises demeurent dans l’illégalité. À croire que, en matière de droits des femmes, le respect de la légalité est beaucoup moins important que dans d’autres domaines.

Je pense à ces femmes qui, après l’adoption de cette réforme, devront travailler deux ans de plus, et même au-delà, pour ne pas subir la décote qui frappe lourdement le montant des pensions de retraite.

Au lieu de fixer la durée de travail à 43 ans et l’âge légal à 64 ans, si vous aviez mis en place les mécanismes pour garantir l’égalité salariale, notre système de retraite serait à l’équilibre avec les cotisations supplémentaires, et les pensions des femmes seraient bien supérieures.

Permettez-moi de citer Grand Corps Malade : « Face au profond machisme de nos coutumes, de nos cultures, dans le grand livre des humains, place au chapitre de la rupture ».

Monsieur le ministre, mes chers collègues, rompons avec les discriminations et les inégalités salariales et professionnelles subies par les femmes. Malheureusement, cette réforme contribuera à les aggraver et à les accentuer.

Six manifestations historiques, 90 % des actifs opposés à la retraite à 64 ans, et votre seule réponse est le mépris : mépris envers l’opposition sénatoriale, et surtout mépris du Président de la République envers les syndicats, qu’il refuse de recevoir, mépris envers les salariés et les Français. Votre projet n’est pas légitime ; retirez-le ! Il y aura encore de grosses manifestations la semaine prochaine, et notamment le 15 mars. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Amendements identiques de suppression de l’article

M. le président. Je suis saisi de cinquante amendements identiques.

L’amendement n° 305 est présenté par M. Féraud.

L’amendement n° 337 est présenté par M. Pla.

L’amendement n° 391 est présenté par Mme Féret.

L’amendement n° 474 est présenté par M. Fichet.

L’amendement n° 543 est présenté par M. Gillé.

L’amendement n° 562 est présenté par Mme Van Heghe.

L’amendement n° 604 est présenté par M. Redon-Sarrazy.

L’amendement n° 633 est présenté par M. Devinaz.

L’amendement n° 661 est présenté par M. Chantrel.

L’amendement n° 691 est présenté par Mme Le Houerou.

L’amendement n° 720 est présenté par Mme Blatrix Contat.

L’amendement n° 751 est présenté par M. M. Vallet.

L’amendement n° 801 est présenté par Mme de La Gontrie.

L’amendement n° 856 est présenté par M. Jacquin.

L’amendement n° 886 est présenté par M. Durain.

L’amendement n° 923 est présenté par M. Lurel.

L’amendement n° 966 est présenté par M. Cardon.

L’amendement n° 1003 est présenté par M. Raynal.

L’amendement n° 1050 est présenté par Mme G. Jourda.

L’amendement n° 1121 est présenté par M. Éblé.

L’amendement n° 1164 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.

L’amendement n° 1197 est présenté par Mme S. Robert.

L’amendement n° 1230 est présenté par M. Serge Mérillou.

L’amendement n° 1236 est présenté par M. Houllegatte.

L’amendement n° 1298 est présenté par M. Montaugé.

L’amendement n° 1333 est présenté par Mme Préville.

L’amendement n° 1396 est présenté par M. Bourgi.

L’amendement n° 1429 est présenté par M. Sueur.

L’amendement n° 1459 est présenté par M. Kerrouche.

L’amendement n° 1490 est présenté par Mme Conway-Mouret.

L’amendement n° 1527 est présenté par Mme M. Filleul.

L’amendement n° 1533 est présenté par M. Stanzione.

L’amendement n° 1563 est présenté par Mme Monier.

L’amendement n° 1615 est présenté par M. J. Bigot.

L’amendement n° 1645 est présenté par Mme Poumirol.

L’amendement n° 1684 est présenté par Mme Bonnefoy.

L’amendement n° 1718 est présenté par M. Bouad.

L’amendement n° 1739 est présenté par M. Leconte.

L’amendement n° 1772 est présenté par Mme Meunier.

L’amendement n° 1785 est présenté par M. Todeschini.

L’amendement n° 1812 est présenté par M. Jomier.

L’amendement n° 1842 est présenté par M. Kanner.

L’amendement n° 1864 est présenté par M. Assouline.

L’amendement n° 1930 est présenté par M. P. Joly.

L’amendement n° 2010 est présenté par Mme Rossignol.

L’amendement n° 2092 est présenté par M. Jeansannetas.

L’amendement n° 2282 est présenté par Mme Espagnac.

L’amendement n° 2291 est présenté par M. Tissot.

L’amendement n° 3209 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

L’amendement n° 4062 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.

Ces 50 amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 305.

M. Rémi Féraud. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 17. Vous m’objecterez qu’il n’y a rien dedans, dans la mesure où le budget de la branche famille reste identique. Il ne figure dans ce texte qu’en vertu d’une obligation légale de pure forme.

La majorité sénatoriale évoque souvent la nécessité démographique de cette réforme des retraites. Or, que voyons-nous ? Comme sur les autres sujets, aucune mesure de politique familiale n’accompagne véritablement cette réforme, pour changer l’équation de départ.

Ainsi, on entérine une situation de manière comptable sans chercher aucune ressource nouvelle, sans prendre en compte les nouveaux rapports au travail, sans avoir une politique familiale permettant d’améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes et de donner à notre démographie le coup de pouce dont elle a aujourd’hui besoin.

On le voit bien, vous mettez la charrue avant les bœufs, quoi qu’on puisse penser sur le fond de cette réforme des retraites. C’est ce que les Français vous disent en vous demandant de retirer ce texte, c’est aussi ce que les organisations syndicales disent en demandant de négocier.

Vous avez affirmé, monsieur le ministre, vouloir discuter d’une loi Travail après cette réforme des retraites. Peut-être nous direz-vous la même chose pour ce qui concerne la famille. Faites donc les choses dans l’ordre et retirez cette réforme des retraites.

M. le président. L’amendement n° 337 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 391.

Mme Corinne Féret. Nous proposons la suppression de l’article 17.

Selon nous, cet article, qui tend à confirmer l’objectif de dépenses de la branche famille, atteste que ce budget est insuffisant.

Les besoins non financés ont été rappelés. Je pense notamment au grand service public de la petite enfance pour lequel aucun financement n’est prévu. Or il faudra des moyens humains, afin d’assurer de meilleures conditions de travail à toutes celles et à tous ceux qui accueillent les enfants.

Je pense aussi à toutes les femmes, qui seront les premières touchées par votre réforme qui demande à tous de travailler plus. Ainsi, les femmes précaires vivant des situations difficiles, parce qu’elles ont les plus bas salaires, notamment en raison de l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, et parce que leur carrière est hachée, auront les pensions les plus faibles ou devront travailler encore plus.

Pour toutes ces raisons, nous rejetons cet article et vous demandons de retirer votre réforme.

M. le président. L’amendement n° 474 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 543.

M. Hervé Gillé. Le plafonnement des dépenses de la branche famille est à mettre en regard de la situation des femmes, directement atteintes par votre réforme. Vous le savez, ce sont elles qui subiront les plus grands dégâts.

Cette réforme est datée de la fin du XXe siècle. Elle ne correspond absolument pas à l’évolution des parcours personnels et professionnels, qui sont aujourd’hui intimement liés, dans le cadre du choix d’un parcours de vie.

En ce qui concerne les dépenses nécessaires pour accompagner les familles, notre société doit répondre au mieux à tous les aspects de la vie personnelle et professionnelle. Or les mesures que vous proposez ne correspondent ni aux évolutions de notre société ni aux aspirations des familles. Elles ne permettent pas de se projeter véritablement dans la société du XXIe siècle, que nous souhaiterions plus éclairée, notamment pour ce qui concerne la qualité de vie au travail.

On évoque toujours la future loi Famille, que nous attendons avec impatience. En tout état de cause, l’article 17 ne correspond pas à grand-chose dans la mesure où cette réforme n’apporte aucune solution aux problématiques posées.

Il convient donc de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour présenter l’amendement n° 562.

Mme Sabine Van Heghe. L’article 17 révèle les inégalités criantes relevant de la branche famille de la sécurité sociale, notamment celles qui sont relatives aux femmes. Une telle situation étant d’un autre temps, nous demandons la suppression de cet article.

Monsieur le ministre, votre projet de réforme des retraites est délétère et ne fera qu’accroître les difficultés engendrées par la politique familiale menée actuellement.

Sur un sujet comme celui-ci, comme sur tout ce qui touche de près nos concitoyens, nous devions débattre. Nous avions beaucoup travaillé pour proposer une alternative à vos projets. Nous regrettons d’avoir été bridés, tandis que les Français se sentent privés de la défense de leurs intérêts, ce qui est extrêmement dommageable.

M. le président. Les amendements nos 604 et 633 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 661.

M. Yan Chantrel. Lors de nos longues discussions, on nous a d’abord dit que cette réforme était sociale. Il s’agissait de « sauvegarder le système par répartition ». L’argument du déficit du système des retraites est une mise en scène, dont personne n’est plus dupe désormais.

Cette semaine, on a entendu la droite de cet hémicycle rêver de capitalisation. Puis le ministre, qui a manqué une carrière de comique troupier, nous a annoncé dimanche, en grande pompe, qu’il s’agissait d’une réforme de gauche.

La vérité, c’est que ce recul de l’âge légal de départ à la retraite répond à un dogme libéral. On l’a beaucoup dit, il s’agit d’abord de faire des économies. Or repousser l’âge de départ à 64 ans permet de faire, rapidement, une quinzaine de milliards d’euros d’économies, comme l’a parfaitement démontré l’économiste Michaël Zemmour que vous aimez tant, afin de compenser les baisses d’impôts pour les riches et les entreprises et la baisse des dépenses publiques, qui dégradent nos services publics, pour mieux nous vendre l’efficacité du secteur privé.

On l’a moins dit, mais reculer l’âge légal de départ à la retraite, ça sert aussi, en tout cas sur le papier, à garder le marché de l’emploi sous tension. En effet, si on décale l’âge de départ à la retraite, il y aura mécaniquement plus de personnes qui seront contraintes de rester en emploi plus longtemps. C’est la fameuse « réserve » du capital. Si ces personnes restent dans l’emploi, moins de postes se libéreront. La droite sénatoriale veut même organiser la concurrence vers le bas avec les jeunes entrants. Cela soulage le patronat, qui craint une pénurie de main-d’œuvre et, surtout, l’augmentation des salaires.

Telle est la logique libérale qui sous-tend cette réforme. Nous n’en voulons pas ! C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de la retirer.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 691.

Mme Annie Le Houerou. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 17, qui tend à maintenir un niveau de dépenses insuffisant pour la branche famille de la sécurité sociale. Les familles étaient d’ailleurs nombreuses à participer aux six manifestations historiques.

Alors que 90 % des actifs sont opposés à la retraite à 64 ans, ils n’obtiennent pour seule réponse que le mépris. Mépris envers l’opposition sénatoriale. Mépris du Président de la République envers les syndicats, qu’il refuse de recevoir. Mépris envers les salariés et les Français. Monsieur le ministre, votre projet n’est pas légitime, retirez-le !

À l’automne dernier, lors de l’examen du PLFSS pour 2023, nous vous avions déjà alerté sur l’urgence de mettre fin à une politique d’économie sur les plus fragiles et de revaloriser les prestations de la branche famille.

Cette dernière, qui est en excédent, n’a pas à combler le déficit causé par la crise du covid-19. Cet excédent a été obtenu par des économies massives réalisées au détriment des familles. Il pourrait permettre à la branche de mettre en œuvre une politique ambitieuse d’accompagnement. Je pense notamment aux familles monoparentales, principalement constituées de femmes seules avec enfants et travaillant souvent à temps partiel, particulièrement exposées aux situations de précarité. Ces femmes ont un risque de chômage plus élevé et leurs retraites, demain, seront très faibles.

La création d’un vrai service public de la petite enfance est une réponse attendue pour les aider à faire grandir leurs enfants dans de meilleures conditions. Les professionnels du secteur des métiers de l’enfance et de la protection de l’enfance dénoncent à juste titre un secteur sinistré. L’augmentation du niveau des dépenses de la branche famille pourrait également permettre l’ouverture de places en crèche, le financement d’une vraie réforme du congé parental ou encore la revalorisation des prestations familiales.

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 720.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement a pour objet de rejeter la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche famille telle qu’elle est proposée par le Gouvernement à l’article 17.

Emmanuel Macron avait promis de créer un service public de la petite enfance – c’est bien entendu essentiel. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous avons pu souligner combien l’inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes était liée à la maternité et à l’insuffisance d’une politique publique de la petite enfance. Nous avons d’ailleurs dit que les retraites des femmes étaient inférieures de près de 40 % à celles des hommes, et ce ne sont pas les quelques mesurettes que nous avons prises qui y remédieront.

Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge vient de rendre deux rapports sur l’accueil des enfants de moins de trois ans. Il en ressort que 56 % des parents gardent eux-mêmes leur bébé, faute d’avoir obtenu une place en crèche ou chez une assistante maternelle, alors qu’ils ne sont que 36 % à souhaiter le faire. Deux enfants sur dix sont gardés par leur proche famille, souvent des grands-parents ; cela, d’ailleurs, ne sera peut-être plus possible demain, car ces derniers devront travailler plus longtemps.

Pour financer cette grande politique publique, il faudra des moyens.

Par ailleurs, cela a été rappelé, la pauvreté est le quotidien de nombreuses familles. L’inflation pousse toujours plus de familles dans la précarité alimentaire. En témoigne le recours de plus en plus important aux associations de l’aide alimentaire : les antennes locales des Restos du Cœur et de la Banque alimentaire de mon département m’ont fait part d’un accroissement très important de leurs bénéficiaires ces derniers mois.

On le voit bien, le manque d’ambition et de moyens se traduit dans cet article 17. Je vous le répète – nous le ferons jusqu’à la fin de la soirée – : retirez votre injuste réforme des retraites ! (M. Yan Chantrel et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)

M. le président. Les amendements nos 751, 801 et 856 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 886.

M. Jérôme Durain. Je présente à mon tour un amendement de suppression de la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche famille telle qu’elle est proposée par le Gouvernement à l’article 17. Il est question, à cet article, d’une partie des minima sociaux, dont un certain responsable politique du pays avait dit qu’ils nous coûtaient « un pognon de dingue ».

Si l’on veut comprendre la situation politique du pays et la colère et le mépris dont nous vous parlons depuis tout à l’heure, il faut s’intéresser à ceux qui ne sont rien, les illettrés, les Gaulois réfractaires, ceux qui n’ont pas le sens de l’effort, qui n’ont pas compris que la meilleure façon de se payer un costard c’est de travailler, qui fument des clopes et roulent au diesel.

Il est en train de se réveiller quelque chose d’extrêmement puissant dans les tréfonds de la société française, qui concerne les petits, les sans-grade, ceux qui passent, aux yeux de certains bien nés, pour des beaufs ou des ploucs. Eux opposent très concrètement le « quoi qu’il en coûte », les dividendes records versés aux actionnaires, les salaires mirobolants, à ce qu’il est « impossible » de faire en matière de retraite, cette prétendue impossibilité les mettant dans l’obligation de renoncer à deux années de retraite pour continuer à travailler.

Un ancien ministre d’Emmanuel Macron a écrit un ouvrage intitulé Salauds de pauvres ! ; ce titre était évidemment une référence à un dialogue d’un film de Claude Autant-Lara. Il y a derrière ces formules et ces appréciations arrogantes et méprisantes envers le peuple un élément d’explication de la nature de la réforme dont nous avons à débattre aujourd’hui. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

M. le président. Les amendements nos 923, 966, 1003, 1050 et 1121 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1164 rectifié bis.

Mme Monique Lubin. Il est défendu.

M. le président. Les amendements nos 1197, 1230 et 1236 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 1298.

M. Franck Montaugé. La famille a toujours été, selon des formes qui ont évolué avec les époques, au cœur de notre société, l’un des fondements du pacte social qui nous lie tous.

Sur ce point majeur de notre vivre-ensemble, quelle est la vision du Gouvernement ? Quelles sont ses aspirations autres que gestionnaires ? Quid de la prise en compte des familles pauvres, des familles monoparentales, des enfants nécessitant, dans une perspective républicaine d’égalité, des soutiens adaptés et ciblés en marge et en dehors de l’école ? Ce sujet n’est pas correctement traité dans vos politiques et ne trouve pas de financement dans l’objectif de dépenses de la branche famille.

Il faut, comme certaines associations le proposent – je les salue, elles se reconnaîtront –, penser l’action publique en direction des familles et des individus à partir du concept de « pouvoir de vivre » : la vie en famille doit être considérée du point de vue des moyens, et le « pouvoir de vivre » de la famille – dans le cadre familial, celui de chacun dans sa relation à tous – doit être apprécié eu égard à l’accès aux services de base, notamment la culture et l’éducation.

Il n’y a rien de cette nature à l’article 17, dans votre objectif de dépenses de la branche famille. C’est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.

M. le président. Les amendements nos 1333, 1396, 1429 et 1459 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 1490.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, vous aviez l’occasion de marquer l’histoire de notre pays en allant dans le sens des acquis sociaux, qui font sa fierté, et en donnant de l’espoir à une jeunesse qui aimerait croire que, comme les générations précédentes, sa vie sera meilleure que celle de ses aînés. Cela, précisément, est difficile à croire dans le monde instable et fracturé où nous vivons, où les tensions et les guerres se multiplient, difficile, quand nous observons tous les jours l’impact du dérèglement climatique, difficile, dans une France qui voit ses institutions abîmées.

Vous aviez, avec cette réforme, la possibilité d’envoyer un signal très fort aux jeunes, aux femmes, à tous ceux qui ont envie de s’investir dans leur travail, de trouver du sens dans leur métier et une motivation au nom de laquelle se dépasser quotidiennement.

Au culte du travail pénible, supposé témoigner du sérieux du subordonné, s’oppose l’engagement de travailleurs considérés, heureux dans leur environnement professionnel, mieux formés, dont les perspectives d’évolution de carrière débouchent sur une dernière partie de la vie consacrée aux siens ou à l’engagement associatif ou humanitaire, car la personne est en bonne santé et, surtout, est capable de vivre dignement, malgré la baisse substantielle de ses revenus.

Votre réforme ne le permet pas ; en tout cas, elle ne le permet pas aux plus vulnérables, en dépit des espoirs que vous avez fait naître en annonçant 1 200 euros de pension minimale. En définitive, quelques petits milliers de personnes seulement les toucheront, alors qu’il aurait pu s’agir de votre mesure phare. Et je ne parle pas des femmes…

Quant aux Français de l’étranger, votre réforme les pénalise doublement : la mobilité, qu’ils ont choisie, les privera de 43 annuités en continu et leur carrière hachée les place de fait dans la catégorie « femmes ». Il y a eu là, donc, une véritable occasion ratée.

Nous quitterons toutes et tous cet hémicycle avec un sentiment d’immense déception : de notre côté, le regret de n’avoir pas pu exercer correctement notre fonction législative ; du vôtre, certainement, le remords d’avoir voté un mauvais projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 1527 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 1533.

M. Lucien Stanzione. Il s’agit là encore de supprimer l’article 17.

La réforme proposée ne correspond pas aux aspirations des familles. On nous renvoie à une future loi sur la famille, annoncée depuis longtemps, mais qui a du mal à arriver. En attendant, il n’y a dans ce projet de loi aucune disposition pour la branche famille, pour remédier aux inégalités flagrantes dont pâtissent en particulier les femmes, les enfants, les personnes âgées. En réalité, on ne veut que faire des économies ! Tel est le seul objectif de votre réforme, monsieur le ministre.

Où est la place de l’humain dans ce dispositif ? Nulle part ! Les familles vous disent une chose bien précise : en ce moment même, les Français sont nombreux à manifester. Beaucoup sont contre la réforme des retraites et le report de l’âge légal à 64 ans. Votre seule réponse consiste à refuser de prendre en considération ces mouvements sociaux, comme vous refusez de prendre en considération l’opposition sénatoriale. Le Président de la République, en particulier, ignore les syndicats, qu’il refuse de recevoir ; vous le savez : nous vous le disons depuis le début de l’après-midi.

Une seule réponse de votre part, donc : mépris envers les salariés, mépris envers les Français.

Votre projet n’est pas légitime. Retirez-le – à tout le moins, retirez l’article 17 !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 1563.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à rejeter la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche famille telle qu’elle est proposée par le Gouvernement à l’article 17.

Pour l’année 2023, les objectifs de dépenses de la branche famille de la sécurité sociale sont fixés à 55,3 milliards d’euros, chiffre identique à celui qui figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. La régression que constitue pour les mères de famille ce projet de réforme a été l’un des fils rouges de nos discussions tout au long de ces derniers jours. Cette régression n’est pas compensée par le dispositif introduit ici même, lors de l’examen du texte par notre assemblée, d’ouverture de la surcote un an avant l’âge légal pour les assurés justifiant de la durée d’assurance requise et bénéficiant des trimestres validés au titre de la maternité.

Ce recul, au-delà d’un nouveau coup porté à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, symbolise le manque d’ambition du Gouvernement en matière de politique familiale. Celui-ci a à plusieurs reprises raboté les prestations de la branche famille – je pense, par exemple, à l’économie de 9 milliards d’euros réalisée sur les aides personnalisées au logement (APL).

Il y a pourtant fort à faire en la matière – meilleur accompagnement des familles monoparentales, qui, dans 80 % des cas, sont des mères, création d’un service public de la petite enfance, mesure essentielle à l’heure où plus de 200 000 places de crèche seraient nécessaires pour accueillir nos enfants –, cela sans compter, bien sûr, les difficultés supplémentaires qui seront occasionnées par le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Aujourd’hui, 23 millions d’heures de garde hebdomadaires sont assurées par les grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants, soit l’équivalent de 650 000 emplois à temps plein.

Au regard de ces carences, on ne peut que désapprouver les objectifs de dépenses de la branche famille ici présentés, qui sont insuffisants.

Voilà un argument de plus pour retirer cette réforme.

M. le président. L’amendement n° 1615 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 1645.

Mme Émilienne Poumirol. Nous demandons la suppression de cet article, puisque aucune recette nouvelle n’y est prévue.

Depuis le début de notre discussion et même, pour ce qui concerne le groupe Les Républicains, depuis des années, vous arguez du problème démographique pour justifier cette réforme injuste – c’est un leitmotiv. Certes, vous avez introduit dans ce projet de loi quelques petites mesures de compensation, mais uniquement à destination des mères de famille, comme si les femmes n’étaient que des mères et ne méritaient le respect qu’à cet égard. (Mme Sophie Primas sexclame.)

Pourtant, si vous résolviez le problème de l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes, il n’y aurait plus de déficit du système de retraite : les recettes seraient au rendez-vous. Or ce sont les femmes qui supporteront les deux tiers des économies que vous comptez faire en mettant en œuvre ce projet injuste.

Une véritable politique familiale, en lieu et place de cette réforme, aurait permis de créer un grand service public de la petite enfance et de résoudre les difficultés de garde que rencontrent actuellement les jeunes couples. Il est temps d’y pourvoir pour que les femmes puissent enfin choisir leur travail librement au lieu de vivre sous la contrainte, comme elles le font le plus souvent.