M. le président. Les amendements nos 1332, 1395, 1402 et 1428 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 1458.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, nous proposons un amendement de suppression parce que les sommes inscrites dans cet article ne répondent pas aux enjeux de la branche AT-MP, pas plus que les sommes figurant dans l’article précédent aux besoins de l’Ondam ni les 100 millions d’euros de l’article 14 aux nécessités afférentes.

Avec ce gouvernement, nous effectuons, de manière particulière, un retour dans le temps. La légende urbaine – vous la connaissez – veut que Bismarck, répondant aux demandes de ceux qui souhaitaient établir l’âge de la retraite de manière à n’avoir jamais à verser de pensions, ait choisi 70 ans, parce que bien peu en Prusse, en 1883, atteignaient cet âge.

Vous connaissez également ce slogan du début du XXsiècle : « Non à la retraite pour les morts », cri de la CGT pour s’opposer à l’adoption d’une loi sur les retraites ouvrières et paysannes quand l’âge de la retraite était établi à 65 ans pour une espérance de vie des Français de 45 ans à l’époque.

Avec ce gouvernement, il nous était promis un « retour vers le futur », encore qu’Emmanuel Macron ressemble assez peu à Marty McFly. Finalement, il s’agit plutôt d’un retour vers le passé ! Les Français le comprennent très bien. Je parle de retour vers le passé parce qu’il est question de régression sociale au travers de ce décalage de deux ans de l’âge de la retraite dans le mauvais sens.

Madame la rapporteure générale, il est certes possible d’en appeler à la raison, nous pouvons le comprendre, mais encore faut-il que cet appel ne se fasse pas au détriment de la justice sociale. Or c’est exactement l’histoire de cette réforme.

Pour conclure, permettez-moi de détourner le proverbe irlandais selon lequel une bonne retraite est meilleure qu’une mauvaise résistance. Nous croyons, de notre côté, qu’une mauvaise retraite vaut bien une bonne résistance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 1489.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, mon propos s’inscrira dans la droite lignée de cette citation irlandaise.

Le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans en 1983, une revendication de l’union de la gauche depuis les années 1970, était la réponse politique, juridique et ouvrière à la pénibilité du travail. Par cette réforme emblématique, la France se distinguait de ses voisins européens. Le sujet de la pénibilité était désormais pris en compte dans notre pays.

Depuis, de nombreux progrès ont été réalisés en matière de sécurité au travail, mais le nombre de morts dus aux accidents demeure trop élevé en France par rapport à nos voisins, ce qui démontre que nous avons encore à faire. Il en est de même pour la pénibilité et la souffrance au travail. Nos amendements visaient à corriger la situation. Nous aurions aimé pouvoir en débattre et vous convaincre, ce dont nous ne doutons pas, de les adopter.

Beaucoup n’ont pas la chance de travailler dans une entreprise où rivalisent les ressorts de la qualité de vie au travail, un concept qui reste totalement étranger à des pans entiers de notre économie et de nos salariés. Ce terrain doit continuer à être investi. Nous nous étions préparés en ce sens ; vous nous en avez privés, puisque nous savons que tout ce que nous suggérons sera rejeté.

Nous demandons toutefois la suppression de cet article, parce que les travailleuses et les travailleurs en France méritent beaucoup mieux que ce que vous proposez.

M. le président. L’amendement n° 1526 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 1532.

M. Lucien Stanzione. Je parlerai également des accidents du travail et maladies professionnelles. Une dimension du problème n’est pas abordée, celle du surcoût non pris en compte dans le financement de la branche AT-MP des affections psychiques en lien avec le travail, touchant en premier lieu les cadres.

Le rapport de 2021 établi par la commission déjà mentionnée contient pour la première fois une tentative d’estimation de la sous-déclaration des pathologies psychiques liées au travail, sans toutefois intégrer le coût de celles-ci au montant total des sous-déclarations.

Le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans augmentera nécessairement les risques d’accidents du travail et maladies professionnelles. Les accidents font 780 morts par an tandis que la santé mentale des travailleurs se dégrade et que la pénibilité demeure bien présente, malgré la suppression des régimes spéciaux.

Pourtant, le Gouvernement maintient dans cet article un budget pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles stable par rapport à 2022. Cela prouve bien son manque d’ambition dans ce domaine. Nous nous y opposons.

Je rappelle à mes collègues que des manifestations historiques ont lieu, pas encore tout à fait « historiques », peut-être, puisqu’elles se déroulent en ce moment même. Énormément de Français refusent cette réforme ; le Gouvernement et nos collègues des travées de droite ne leur apportent comme seule réponse qu’une espèce de mépris. Ce projet n’est pas légitime, retirez-le !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 1562.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à rejeter la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles telle qu’elle a été proposée par le Gouvernement dans cet article.

Cet objectif intègre les effets pour 2023 du présent projet de loi, notamment du financement du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle dont nous avons déjà souligné à plusieurs reprises les carences.

Sur la forme, un glissement sémantique s’est opéré en ce qui concerne l’intitulé : il n’y est plus question de « pénibilité », mais de « prévention de l’usure », soulignant une volonté idéologique de minorer les difficultés réelles que peut entraîner le travail.

Sur le fond, ce fonds financera uniquement des actions menées par les employeurs et ne sera pas doté de ressources à la hauteur. Le Fipu est donc loin d’apporter une réponse aux enjeux liés à la prise en compte de la pénibilité.

Dès lors, que fallait-il faire ? Réinstaurer les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017, qui représentent à eux seuls 90 % des maladies professionnelles ! Rappelons que les seniors sont tout particulièrement exposés aux accidents du travail : 58 % des morts concernent les plus de 50 ans. Par ailleurs, les seniors ont en moyenne des arrêts maladie plus longs – 76 jours par an pour les plus de 60 ans contre 18 jours pour les moins de 18 ans. Ce phénomène sera mécaniquement amené à augmenter avec le recul de l’âge de départ.

Il est donc évident que la branche accidents du travail et maladies professionnelles mériterait davantage de volontarisme de la part du Gouvernement. Dans le contexte actuel de pénurie de praticiens dans cette branche, la médecine du travail a ainsi perdu 1 126 professionnels entre 2010 et 2022 selon l’ordre des médecins, malgré la recrudescence des risques psycho-sociaux. Voilà encore un sujet pour lequel les choses ne vont pas du tout dans le bon sens : retirez votre réforme, monsieur le ministre !

M. le président. Les amendements nos 1614, 1644, 1683, 1717 et 1738 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 1771.

Mme Michelle Meunier. En début de semaine, notre collègue Olivier Henno nous parlait d’épanouissement au travail en exhumant deux citations du XIXe siècle. Selon la première, le travail pense, la paresse songe ; selon la seconde, « la vie fleurit par le travail ».

Le travail épanouit-il ? Oui, mais pas seulement ! Il éprouve les organismes, les corps et la santé mentale, comme cela a été dit et répété.

Exhumer des citations de ce type pour illustrer les conséquences du travail est assez révélateur de la façon de penser sur les travées de droite de cet hémicycle. L’épanouissement par le travail était à l’époque un leurre ; il l’est encore. Le seul horizon, finalement, que vous offrez aux hommes et aux femmes de notre pays, n’est-il pas celui de travailler plus et plus longtemps ?

En 2023, le travail continue d’user les organismes. Je donnerai un seul exemple : dans le secteur des soins aux personnes âgées, retourner une personne alitée pour réaliser une toilette, à domicile ou en Ehpad, est fatigant au quotidien. Cette pénibilité n’est pas reconnue. Elle est parfois handicapante à la longue et très rarement indemnisée. Cela conduit à des arrêts de travail, à des carrières hachées et à des pensions minimes.

Dans les manifestations auxquelles je me rends depuis deux mois maintenant, une pancarte m’a toujours fait tristement sourire : « La retraite avant l’arthrite ».

M. le président. Les amendements nos 1784 et 1811 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1841.

M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, après Fort Alamo, au Texas, je pourrais vous parler d’un village d’Armorique bien connu, peuplé d’irréductibles Gaulois. Malheureusement, je n’ai pas de potion magique parlementaire qui me permettrait d’empêcher l’adoption de cette loi. Néanmoins, nous essaierons tout de même de supprimer l’article 16 au travers de cet amendement.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles regroupe la prévention à la réduction des risques professionnels, la reconnaissance des sinistres, l’indemnisation des victimes, etc. Elle est donc très importante. L’impératif d’équilibre financier, que vous nous avez confirmé, monsieur le ministre, soit 0,12 % de cotisations patronales en plus pour la Cnav, mais 0,12 % de cotisations en moins pour la branche AT-MP, est totalement dommageable. Je le regrette.

Comme nous vous l’avions proposé, des financements de substitution provenant de cotisations auraient pu être imaginés. Vous avez été dogmatique en assurant qu’il fallait trouver 12 milliards à 14 milliards d’euros en faisant travailler les Français deux ans de plus.

Il s’agit d’une mauvaise manœuvre pour les millions de Français qui seront ainsi amenés, à partir de septembre, si votre loi devait être adoptée, à envisager deux ans de plus au travail dans leur vie. Nous souhaitons donc la suppression de l’article 16, qui fixe des objectifs que nous considérons comme injustes.

Voilà la réalité des faits. Après ces nombreuses manifestations, nous considérons encore que le mépris agite votre politique en matière sociale, notamment à l’égard du monde syndical.

M. le président. L’amendement n° 1863 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 1929.

M. Patrice Joly. Cet article définit un objectif de dépenses de la branche AT-MP en baisse en valeur réelle, alors même que les besoins sont importants.

La dernière année avant le confinement, et en l’absence de données pour 2022, quelque 650 000 accidents du travail et maladies professionnelles ont été dénombrés, avec une augmentation significative de 110 % de 2001 à 2019 dans les métiers exercés par des femmes.

Des moyens sont donc nécessaires afin de mettre en place une véritable politique de prévention des addictions, sans négliger les maladies quelque peu orphelines, pour ainsi dire, c’est-à-dire celles qui sont délaissées, comme les maladies mentales liées au travail, par exemple, qui sont un fléau en expansion.

Monsieur le ministre affirmait voilà quelques instants que la question de l’âge du départ à la retraite n’était pas centrale pour les salariés les plus modestes, qui sont d’ailleurs les plus sujets aux accidents du travail. La vraie question serait celle du revenu. Eh bien, parlons-en ! Ces salariés ne réclament ni primes ni bouclier tarifaire, mais des salaires décents, qui présentent l’avantage de n’être pas exonérés de cotisations, participant ainsi à l’équilibre financier de notre sécurité sociale.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 2009.

Mme Laurence Rossignol. Cet article, que nous proposons de supprimer, nous donne l’occasion de parler des accidents du travail spécifiques aux professions féminisées que mon collègue Patrice Joly vient à l’instant d’évoquer.

J’apporterai simplement quelques éléments supplémentaires pour attirer l’attention de tous nos collègues, et surtout celle du ministre, sur la fréquence et le taux d’accidents du travail dans les services à la personne.

D’abord, je rappelle que plus de 90 % des salariés de ces services sont des femmes. Un quart d’entre elles ayant plus de 55 ans, comme tout le monde l’aura compris, leur niveau d’exposition au risque est plus élevé. Beaucoup ont logiquement des carrières trouées et de très faibles niveaux de ressources, ce qui contribue par la suite à un faible niveau de pension.

Pour ces femmes, le passage de 62 ans à 64 ans représente déjà une catastrophe sanitaire.

J’évoquais, voilà un instant, une hausse continue des accidents du travail dans les métiers des services à la personne. Permettez-moi de vous donner des éléments quelque peu contre-intuitifs : il y a deux fois plus d’accidents du travail dans les services à la personne que dans le BTP, alors que l’on considère que les métiers du BTP sont les plus exposés, et les arrêts de maladie des femmes des services à la personne sont deux à trois fois plus longs que les arrêts maladie des salariés du BTP. Il y a donc là un sujet spécifique, si l’on veut réellement réorienter les politiques de prévention des accidents du travail.

M. le ministre a déjà beaucoup évoqué la prévention. J’ai envie de lui répondre : pourquoi, au moment de l’adoption du report de l’âge de la retraite, évoque-t-on un fonds de prévention, ses excédents, et l’insuffisance des politiques de prévention ? La réforme enclenchera-t-elle quelque chose de nouveau ? Je suis perplexe.

M. le président. Les amendements nos 2091, 2281 et 2290 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 3198.

M. Ronan Dantec. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur l’aberration de cette trajectoire financière, alors que le nombre d’accidents du travail augmente et que la situation se dégrade pour les ouvriers et les travailleurs modestes. À partir du moment où l’on repousse l’âge de la retraite, on augmente le nombre d’accidents et de morts au travail.

Dans la mesure où j’interviens pour la dernière fois dans ce débat, je voudrais reprendre les propos de Laurence Rossignol. Nous avons été plusieurs à citer Albert Camus. Le mépris qui nous est systématiquement opposé est extrêmement grave.

Depuis la première élection d’Emmanuel Macron, plusieurs épisodes sont intervenus. Tout d’abord, je pense aux « gilets jaunes », c’est-à-dire la révolte, notamment des salariés modestes qui n’y arrivent plus. Le message n’a pas été entendu et n’a pas été suivi d’un changement de politique. Ensuite, le score de l’extrême droite lors de l’élection présidentielle qui a suivi révèle à quel point notre pays a besoin d’autres réponses.

De manière extrêmement responsable, nous avons très majoritairement, dans les rangs de la gauche, voté pour Emmanuel Macron contre l’extrême droite, dans l’attente d’une réponse sociale à ce qui s’était exprimé politiquement. Aujourd’hui, pour la troisième fois, nous sommes face à une mobilisation très forte, comme jamais dans ce pays, contre une réforme profondément injuste. De nouveau, vous ne l’entendez pas. Vous jouez avec le feu, c’est extrêmement grave. Cette réforme n’est pas légitime, retirez-la !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 4061 rectifié.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je veux répondre à l’argument que vous avez invoqué sur les 25 % des plus pauvres morts à l’âge de 62 ans.

Selon moi, vous faites une erreur, la même que celle qui figure sur un graphique de Libération qui a été beaucoup commenté et la même que celle de Patrick Cohen, célèbre éditorialiste, qui dit exactement la même chose que vous, à savoir que les gens bénéficiant des minima sociaux ne sont pas des travailleurs.

Pour notre part, nous ne connaissons que des travailleurs : il y a des travailleurs en activité, des travailleurs en formation et des travailleurs privés d’emploi. Même si ces travailleurs privés d’emploi le sont depuis une très longue durée, ils n’ont pas choisi cette situation ! C’est le système capitaliste qui les prive d’emploi.

Par conséquent, la question de la retraite se pose également pour celles et ceux qui sont privés d’emploi.

En ce qui concerne les accidents du travail – plus de 600 000 chaque année – et des maladies professionnelles – plus de 46 000 en 2021 –, il convient de travailler dans deux directions.

La première est celle de la prévention. Toutefois, comme nous l’avons dit hier, la médecine du travail ne dispose pas des moyens suffisants.

La seconde est celle de l’inspection du travail. On recense en effet entre 600 et 800 accidents mortels par an. L’un de ces accidents a eu lieu la semaine dernière, en Seine-Saint-Denis, sur l’un des gros chantiers du département. Je pense notamment aux infrastructures pour les jeux Olympiques de Paris et au Grand Paris Express. Les syndicats demandent avec force beaucoup plus d’inspecteurs du travail sur le terrain.

Bien évidemment, le fait d’allonger de deux ans la vie au travail conduira à l’augmentation des accidents du travail et des maladies professionnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet article concerne l’objectif de dépenses de la branche AT-MP.

La dépense prévue est la même que celle que nous avons votée dans le cadre du dernier PLFSS. Nous pourrions donc nous demander les raisons pour lesquelles ce texte fait apparaître ces dépenses.

Au sein des mesures présentées au cours de ces derniers jours, certains éléments, notamment l’annexe, comportant la trajectoire de dépenses, nous laissent à penser qu’il y aura des dépenses supplémentaires inscrites dans le budget de la branche AT-MP.

Toutefois, pour l’année 2023, cette évolution n’est pas perceptible, puisque seulement 52 millions d’euros supplémentaires – c’est déjà ça ! – sont prévus.

En effet, à l’article 9, un certain nombre de mesures ont été annoncées, dont le fameux fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle. Il s’agit d’une petite montée en charge, qui se poursuivra les années suivantes, puisque 1 milliard d’euros est annoncé pour l’ensemble de la période.

Je pense également à la retraite pour incapacité permanente. Mon collègue René-Paul Savary vous a fait part de notre ambition, à savoir le maintien de l’âge de 60 ans pour faire valoir ses droits à la retraite.

L’examen des recettes de cette branche nous conduit à penser que nous avons la capacité de faire face à une telle dépense, un peu plus lourde que celle proposée par M. le ministre. Nous nous en sommes d’ailleurs entretenus avec la rapporteur de la branche, notre collègue Pascale Gruny, laquelle nous a indiqué que, dès 2026, nous atteindrions, dans le cadre de cette branche, un niveau de moyens suffisant pour absorber cette demande de la commission des affaires sociales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements, dans la mesure où cet article est indispensable à la construction d’un PLFSS.

Monsieur Gay, vous me faites un mauvais procès. Au-delà de la sémantique, « travailleur », « travailleur privé d’emploi », « grand précaire », nous pouvons nous retrouver pour dire que, quelle que soit la manière dont nous qualifions ou considérons ces personnes, nous pouvons avoir le même objectif de retour à l’emploi et de réinsertion, en considérant qu’il s’agit de personnes vivant dans une grande précarité. « Avec un emploi », « privé d’emploi », quels que soient les mots utilisés, on peut considérer que, à moins de 500 euros par mois à l’échelle d’une vie, nous parlons de grande précarité.

Nous serons également tous deux d’accord, je pense, pour dire que l’enjeu est d’aider le plus grand nombre de personnes à sortir d’une telle situation.

J’évoquerai également le financement du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Nous prévoyons d’abonder ce fonds à hauteur de 1 milliard d’euros à l’échelle du quinquennat, avec 100 millions cette année et une montée en puissance à hauteur de 200 millions à 250 millions d’euros par an.

Un tel abondement serait, selon certains, insuffisant. Aujourd’hui, la branche AT-MP consacre 40 millions d’euros par an à la prévention de l’usure professionnelle et à l’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Nous proposons donc un vrai changement d’échelle, puisque nous passons de 40 millions d’euros à 200 millions ou 250 millions d’euros pour accompagner la négociation et la signature d’accords de prévention, par branches, pour les métiers les plus exposés aux troubles musculo-squelettiques.

Mme Annie Le Houerou s’est notamment inquiétée de l’équilibre budgétaire et financier de la branche AT-MP. Selon nos prévisions, en 2025, l’excédent estimé atteindra 3,3 milliards d’euros, ce qui représente à peu près 20 % du total des recettes. Ce chiffre tient compte de ce que vous avez qualifié à juste titre de sous-déclarations, puisque, chaque année, à l’occasion du PLFSS, est proposé, de mémoire, un transfert de la branche AT-MP vers la branche Cnam, à hauteur de 1,1 milliard d’euros à 1,2 milliard d’euros selon les années.

Nous intégrons ce transfert dans la prévision. Malgré cela, l’excédent restera de 3,3 milliards d’euros en 2025. Le swap – veuillez excuser cet anglicisme – de taux entre l’AT-MP et la Cnam porte sur un peu plus de 1 milliard d’euros, ce qui signifie qu’il restera 2 milliards d’euros d’excédents en 2025. Sur cette somme, nous pouvons convenir qu’il est possible de financer la prévention à hauteur de 200 millions à 250 millions d’euros, sans mettre en péril l’équilibre financier de la branche AT-MP.

Tout compris, baisse des taux et sous-déclarations, il restera 2 milliards d’euros d’excédents en 2025. Donc, 200 millions d’euros, ça passe, même si cela reste de la dépense publique.

Enfin, j’ajouterai un dernier mot sur la question des accidents du travail, évoquée par Mme Laurence Rossignol dans le cadre de la discussion des tout premiers articles. Les chiffres sont parfois difficiles à exploiter, parce que nous ne parlons pas toujours de la même chose. Il y a une stabilité du nombre d’accidents graves et mortels – permettez-moi de m’en expliquer en quelques mots.

Chaque année, 650 accidents mortels se produisent sur le lieu de travail, auxquels il faut ajouter les morts sur accidents de parcours, ainsi que les personnes qui décèdent à la suite d’une maladie professionnelle, mais ne décèdent pas, la plupart du temps, sur leur lieu de travail.

Quelle est la prévalence de tout cela ? Nous observons, depuis 20019, une augmentation de ce chiffre, la jurisprudence intégrant désormais les décès par malaise comme les décès avec présomption de cause professionnelle.

Quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que les plus de 50 ans sont plus nombreux à mourir sur leur lieu de travail, essentiellement du fait de malaises. En revanche, hors malaises, les travailleurs les plus exposés à des accidents mortels sur le lieu de travail sont les jeunes, les intérimaires, les travailleurs détachés et les nouveaux embauchés. Ces quatre catégories ont pour caractéristique d’être présentes sur le lieu de travail depuis peu de temps. Elles manquent très certainement de formation, d’information et de prévention.

Telle est la typologie des décès. Dans ce décompte un peu macabre, il faut ajouter les décès, notamment dans le secteur des travaux publics et de l’agriculture, de personnes travaillant de manière isolée, qui peuvent être victimes d’un malaise ou subir un accident, par exemple une chute, et décéder faute de secours.

Dans le cadre du quatrième plan Santé au travail (PST 4), la partie « accidents du travail mortels et graves » constitue une priorité. J’aurai l’occasion, dans la loi Travail que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises, de proposer au Parlement des mesures qui permettront d’aller plus loin pour prévenir les accidents graves et mortels.

Je le rappelle, nous parlons de 650 morts sur leur lieu de travail et de 1 000 morts au total avec les accidents de trajet et les maladies professionnelles. Mais n’oublions pas qu’il y a 9 600 personnes par an qui sont victimes d’un accident du travail les laissant avec un taux d’incapacité supérieure à 10 % et entraînant des séquelles à vie, sinon extrêmement durables.

Il s’agit donc d’un vrai chantier à mettre en œuvre. Les chiffres que j’ai donnés pour la branche AT-MP nous permettront d’y faire face.

M. le président. Le vote est réservé.

Article 16
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 17

Article 16 (suite)

L’amendement n° 2184, présenté par Mme Doineau et M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par le mot :

sociale

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Favorable.

M. le président. Le vote est réservé.

Le vote sur l’article 16 est également réservé.

Article 16 (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 18

Article 17

Pour l’année 2023, les objectifs de dépenses de la branche Famille de la sécurité sociale sont fixés à 55,3 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 17 concerne la branche famille.

Au fil des débats, nous avons entendu la droite sénatoriale décrire sa vision de la famille. Je ne veux pas être péjorative, mais cette vision me semble tout de même intangible, unique et éternelle. À nos yeux, il s’agit d’une construction sociale, laquelle, au contraire, est en éternel mouvement.

La famille constitue un champ d’observation fécond pour l’étude des inégalités sociales. Les inégalités entre les enfants sont criantes. Rappelons-le, en France, un enfant sur cinq, soit près de trois millions, est pauvre. C’est un scandale, comme le dit d’ailleurs le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales à la tête de la branche famille de la sécurité sociale.

Selon moi, le scandale, c’est que cette branche soit en excédent – ce qui vous permet de la ponctionner. C’est un peu comme pour l’AT-MP, qui est excédentaire, malgré un nombre d’accidents du travail qui constitue une véritable honte par rapport à la situation européenne ! En la matière, je vous répondrai plus précisément, monsieur le ministre, dans le cadre de la loi Famille.

Selon l’Insee, les inégalités sociales de santé apparaissent avant la naissance et se creusent durant l’enfance. Selon une étude de l’Unicef datant de 2016 au regard de plusieurs critères d’inégalités, la France occupe le vingt-huitième rang sur trente-cinq pays européens. Il serait bon, parfois, de regarder ces vingt-sept pays qui nous précèdent, plutôt que de se concentrer uniquement sur la compétitivité.

L’Unicef dénonce un déploiement inégal des services et des ressources, au détriment des enfants les plus vulnérables, ayant pour conséquence une accumulation des difficultés.